CHAPITRE 10 : Chez le marchand Fedormalba à Yuchekha. (Oui je sais, cela fait un peu paternaliste, avec beaucoup de misogynie, mais j'adore.)

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Après-midi du vingt-et-unièmes jour du cinquième mois.
Ce devait être la deuxième du troisième carré*.

Que faire de tout ce temps ? Encore un peu plus d’un mois à me morfondre ici avant de pouvoir embarquer sur un mégadromon et de poursuivre ma route.
Bon dieu qu’il faisait chaud et moite dans cette région.
Quelques marchands m’avaient approché, me proposant des contrats pour éliminer des concurrents un peu trop gênants. Mais ce n’était pas parce que j’appartenais à la caste des Hors-Loi que je devais nécessairement être un assassin, du moins pas comme ils l’entendaient.
D’autant que dans la plupart des cas, je trouvais que l’on ne payait pas assez cher ni mon talent, ni ma discrétion, quoique...
En tout et pour tout, depuis plus de deux mois que j'étais là, je n’avais rempli qu’un contrat. Une tête à couper pour la Guilde et la Ligne. Je devais passer un message à la Civitas et ce fut le cas. Disons que cela avait été assez impressionnant pour la foule de badauds. Ce n'est pas tous les jours que l'on voit un homme se faire égorger puis décapiter.
Je n’avais pas perdu la main, tandis que ma victime avait perdu sa tête.
J’avais agi au milieu de la foule malgré ses gardes du corps, malgré sa famille présente et en pleurs. J’étais reparti avec mon trophée, sa tête qui ornerait la porte principale de la Gare de la Guilde. J’avais été grassement payé pour cela.
Le Chef de Gare m’avait demandé de lui rendre un autre service, une mission secondaire de rien du tout dont je devais m’acquitter avant de quitter cette cité on ne peut plus étouffante. Punaise savait satisfaire tous mes désirs, j’étais sexuellement repu. Elle avait bien mérité de m’accompagner dans mes flâneries citadines, au moins elle ne serait pas enchaînée au pied de mon lit comme le voulait le règlement de l’auberge.
J’en avais assez de l’entendre me dire à chaque fois que j’entrais :

  • Bienvenue dans ta chambre, Seigneur Reg Teixó. Si tu déverrouilles les chaînes de ton esclave, cette fille indigne pourra danser pour toi ou te donner un peu de plaisir.
  • Eh bien, je vais les laisser verrouillée, je pense que cette fille devrait rester muette, je tiens à me reposer… Et mon fouet te fera danser plus tard. Tu n'as qu'à attendre en silence et rester à genoux.

Bien évidemment, je ne faisais rien de ce que j’avais dit et je la libérai rapidement, c’était un petit jeu entre elle et moi. Mais à la longue cela devenait une sorte de rituel qui me rappelait « un amour de Swann », quand les deux personnages parlent de faire cattleya.
Je m’étais bien vite habitué à Punaise. Souvent, avec What, nous allions sur l’île du Lazaret. Cette course entretenait mon roojas qui sinon s’ennuyait ferme dans son enclos.
Punaise adorait que je la prenne en croupe. Je sentais sa petite poitrine se presser contre mon dos, son souffle sur ma nuque, de toute façon elle était prête à n’importe quoi à la condition de quitter son bordel.
Elle aimait aussi m’accompagner en ville, bien qu’elle dût porter mes achats. Ce n’était qu’une esclave après tout dont l’unique tâche était de satisfaire son client, moi en l’occurrence. Souvent, c’étaient les bras chargés de toutes sortes d’objets qu’elle me suivait, toujours souriante, toujours gracieuse. Elle me rappelait ces chiens abandonnés qui vous suivent dans la rue en faisant toutes sortes de cabrioles histoire d’être adoptés. En tout cas, elle m'était bien utile pour faire de petites emplettes. Mais il y avait aussi une autre raison qui bien souvent m’avait sauvé la vie, j’avais ainsi toujours les mains libres, je pouvais en un instant saisir les armes qui jamais ne me quittaient.
Et après tout, il fallait bien sortir son esclave de temps en temps, je ne pouvais tout de même pas la laisser enchaînée en permanence au pied de mon lit, même si je l’avoue, je trouvais fort excitant de la savoir entravée, à se morfondre comme une petite âme en peine.
Je n’avais pas toujours été ce mercenaire sanguinaire, ce faiseur de veuves qui parfois les violais, car c'est bien le diable si au cours de toutes mes vies cela ne m'était pas arrivé et soyons un peu lucide : utiliser une esclave ou même une putain affranchie n'était-ce pas dans un certain sens une sorte de viol ? Camus disait « un HOMME ça s’empêche » Mais en étais je encore un ? Quoi qu'il en soit, je ne considérais pas Punaise uniquement comme mon jouet sexuel.
Dans d’autres lieux et d’autres temps, j’avais reçu une éducation plus policée. Mais ça, c’était avant… Avant la guerre du Blob, avant la grande mutinerie, avant la chute des Arches. Mais comme nous l'a appris l'histoire, on peut jouer du Schubert et exterminer ses semblables.
Sans le savoir la Guilde m'avait fait le plus grand des cadeaux et je ne serai pas long à le vérifier.
Punaise savait très bien lire et écrire ce qui, chez les femmes, était rare et encore plus chez les esclaves de deuxième catégorie.
Alors entre deux joutes amoureuses, je lui avais demandé de remettre de l’ordre dans mes livres de comptes et d’écrire plusieurs missives.
Dans les domaines précités, elle m’était bien supérieure.
Soit, c’était une avaleuse de foutre, une petite pute de taverne, mais elle s'était montrée à mon égard, être une catin de haute volée, bien sous estimée par son maître et cela aussi était une bonne nouvelle pour moi. C'était une excellente comptable, une scribe parfaite. Je jugeai et je n’étais pas le seul à le penser, que sa place n’était pas dans un bordel mais plutôt derrière et non sous un bureau. Il faisait chaud, j’avais soif.
Nous nous dirigions vers le quartier des marchands.
La semaine d’avant j’avais fait un saut à la foire aux esclaves sans trouver ce que je cherchais.
Mon idée était d’acquérir deux esclaves pas trop chères pouvant être sacrifiées, mais pas trop connes non plus, pour pouvoir répondre à des ordres assez simples.
Je n’avais pas déniché ce que je voulais. J’avais aussi raté la foire aux rebuts à cause des journées passées à la Guilde ou entre les cuisses de Punaise qui aurait tout aussi pu s’appeler Morbac tant elle me pompait le vit.
En désespoir de cause, il ne me restait que le secteur des cages, du Dépotoir ou celui des équarrisseurs.
Bref, j’étais ennuyé de cette déconvenue, surtout dans la capitale du négoce d’esclaves… Toujours pas d’esclaves… C’était comme aller au Sénat sans trouver un seul sénateur corrompu.

Punaise me collait comme une ombre silencieuse.
Je me hâtais, à la recherche d’un comptoir de rue, un de ces lieux où l’on sert une bière pas trop tiède, du fromage pas trop rance et des soupes pas trop froides.
Nous quittions les rues dallées du Premier Hémicycle de la Haute Ville avec son forum encombré de kagos* et de riches palanquins, sa foule habituelle de gens richement vêtus devisant de choses importantes, encore quelques pas et jouxtant la Civitas on atteignit le plancher en teck des rues de la ville basse appelée Second Hémicycle ou plus communément « Deuz ». C’était une zone résidentielle assez banale, presque sans commerces ni troquets, qui reposaient sur des pilotis. Mais ici aussi il y avait affluence et il fallait presque jouer des coudes pour avancer. Je crus même voir quelques tatous écailleux égarés.
Enfin, nous arrivâmes au Troisième Hémicycle, le « Troiz » celui de la débauche, des fabriques, des portes du port, ainsi que de l’entrée principale .
Le Troisième Hémicycle ne reposait pas sur des pieux comme pour son prédécesseur, mais sur une forêt d’arbres ressemblant à de très grands albizia aux troncs lisses, longs et rectilignes, ils portaient des feuilles mordorées, on les appelait tout simplement arbres-pilotis.
La ville et sa chaussée en teck étaient bien à huit ou dix mètres au-dessus des marais, les troncs servaient aussi bien de colonnes que de parasols à cette étrange cité de bois et de métal. Le Grand Bazar m’appelait, comme il était au Troiz il était sous le couvert des bienveillants arbres-pilotis.
Le marché était peuplé de petites échoppes multicolores qui proposaient tous les biens imaginables, du nécessaire au superflu en passant par l’inattendu.
L'air était rempli du parfum des épices qui se mélangeaient aux odeurs alléchantes des rôtisseries qui grillaient toutes sortes de viandes et de poissons.
À cette heure et pour longtemps encore, le bazar serait bondé.
On distinguait aisément les citoyennes Yuchekha à leurs áodàixẻtà* de satin chatoyant, à la chaîne d’or qu’elles portaient à la taille où pendait un trousseau de clefs, une escarcelle et la médaille d'argent de sa qualité de matrone.
En aucun cas, on ne pouvait confondre l’esclave de sa maîtresse.
Comme il était de coutume dans cette partie-ci du monde, mon esclave d’auberge n’avait droit qu’à trois types de vêtements, l’exomide*, le rhombe*, ou l'écharpe* que l'on pouvait nouer à la taille ou simplement laissait pendre sur l'épaule gauche, dans ce cas elle passait entre les seins et masquait le sexe et la raie des fesses.
En ville, la nudité des esclaves était souvent de mise, elle dépendait du bon vouloir de leurs maîtresses ou de leurs maîtres. Si elles devaient être vêtues, c'était toujours avec des tissus de piètre qualité, dans le cas contraire on devait s’acquitter d'une forte taxe. Les esclaves mâles adultes étaient peu nombreux, en ville toujours nus, ils portaient en permanence un lourd collier et des fers aux pieds. La majorité d’entre eux était soient destinés aux mines soient à l’exportation.
J’avais laissé à Punaise le choix de son vêtement.
Il va sans dire qu’elle préféra porter l'écharpe, ce qui était sans contexte la plus provocante des tenues, car il laissait embrasser du regard sa peau mate et la jeunesse de ses formes. Ses cheveux longs coulaient libres sur ses épaules. Les petits anneaux de bronze dorés qu'elle portait aux tétons brillaient au soleil.
Dans le coin le plus éloigné de ce singulier marché, se trouvaient les hôtels de vente aux enchères privées, là où mes pas devaient me diriger. Sur la route j’avais enfin trouvé un comptoir où je pourrais étancher ma soif et même grignoter.
Ce caupona*, offrait différents breuvages, on pouvait boire au comptoir ou emportés ce qu’on achetait.
De plus certain cauponae mettaient à la disposition de leurs clients une arrière-salle ou un jardin où se produisaient des danseuses, souvent des tables de jeu accaparaient les consommateurs. Car à Yuchekha, tout le monde jouait. Il y avait même des chambres à louer et pas forcement dans les plus luxueux.
Mais ici rien de tout cela, juste à boire et à manger sur le bord d’un comptoir fait de planches posées sur des demi tonneaux.
Pas de tables, tout juste de hauts tabourets alignés dans une rue bondée. Encore heureux, il y avait des places de libres.

Punaise, comme toute bonne esclave, s’était agenouillée à mes pieds et attendait en silence.
Ce qu’il y avait de bien avec ces créatures, c’est le silence. Autant une femme libre peut vous saouler de propos oiseux, autant une esclave sur un signe reste silencieuse de longues heures… J’en était là de mes pensées quand je fus interrompu par le caupo* qui me demanda ce que je voulais.
Je commandais deux chopines de bière, des brochettes de poulet marinées ainsi que du riz bleu à la sauce piquante. Je dis à Punaise de s’asseoir à mes côtés pour partager le boire et le manger.
Ce que je permettais à What, je pouvais le permettre à mon esclave de location.
Je sentais que le caupo allait faire une remarque. Car à Yuchekha il n'est pas bien vu qu'une esclave soit assise à la même table que des citoyens, il y avait même des lois pour éviter cela.
Je posais mon bras gauche sur le comptoir. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir l’Oracle autour de mon poignet.
Cela valait tous les discours du monde, c’est sûr, il nous ficherait la paix. Les brochettes étaient délicieuses avec ce petit goût aigre-doux que j'apprécie tant. Quant aux riz, les bols chauds et fumants laissaient présager qu’après les avoir goûtés ils laisseraient nos visages en sueur. À d'aucun qui vous dirait que manger chaud et épicé sous les tropiques est une hérésie moi je répondrai que c'est une assurance contre la colique.
J’avais à parler sérieusement avec Punaise, il fallait que je la teste et j'avais peur que ma chambre soit sur écoute. Ici je pouvais contrôler mon entourage et j'étais certain de n'avoir pas été suivi. Par précaution je parlais à Punaise en Haut-Valdhorien une langue peu connue mais qui à mon avis devait être connue de mon esclave.

  • Si je te dis Blob à quoi, penses-tu ?
  • À rien, maître, c’est la première fois que j’entends ce mot.
  • Je réitère ma question, si je te dis Blob 1 + 1 égale combien. Réponds sans réfléchir.
  • 1 maître… 1+1 = 1 maître, je sais ce n’est pas logique, mais c’est ce qui me vient.
  • Si je te dis Blob 1+1+1+1 = ?
  • Toujours 1, maître.
  • C’est bien ma fille. Si je te dis Blob 1-1 = ?
  • 2, maître.
  • C’est très bien, la Guilde Souveraine ne s’était pas trompée.

Je me doutais bien que leurs fiches étaient à jour ou presque, car j'avais de plus importantes informations qu'elle ne pouvait connaître.
J’en avais fini avec le test et j’allais parler à Punaise de son avenir prochain, quand des criailleries couvrirent le brouhaha ambiant interrompant notre conversation.
Yuchekha était un grand port fluvial avec, comme toute grande ville, son lot de fâcheux, parmi lesquels on pouvait citer en tête de peloton les enfants et la maréchaussée et présentement tous les deux s’étaient ligués pour pourrir mon déjeuner, les premiers par leurs cris et leurs gesticulations, les seconds par leur simple présence trop souvent annonciatrice de tracas.
Je me tournai vers le caupo.

  • C’est quoi ce bordel ?
  • Ce n’est rien Regparres*. Ce n'est que des mômes qui embêtent une chaîne d'iŭga. Ils s’amusent avec elles pendant que les gardes les transfèrent de la Civitas au Dépotoir. C’est même plus des esclaves de rebut de troisième catégorie, c'est des sous-merdes.
  • Sous merde ou pas, j’ai droit à un peu de tranquillité, bordel de dieux ! La paix, ou je les égorge séance tenante !

Je n’avais jamais aimé les marmots. Quand j’étais sur terre, je ne comprenais pas les gens qui s’indignaient de la mort d’un enfant. Pour moi enfant ou pas, un nuisible restait un nuisible et tant qu’à les éliminer… Le plus tôt était le mieux. Le mal, il faut le prendre à la racine. Cela dit, je n’en ai jamais tué ou frappé… Même si parfois, ce n’était pas l’envie qui me manquait… Mais, j’étais Teixó le Hors-Loi, donc si je voulais… Je pouvais, mais le voulais-je vraiment ? Je crois que oui.
Un des trois doryphores qui encadraient les esclaves s’exclama :

  • Et bien Resparres, ça te coûterait pas moins de cent anneaux d’argent… Ou encore un anneau d’or. C’est tout ce que ça vaut.
  • C’est tout ! Un anneau d’or et je peux égorger tous ces marmots ? À qui je le donne ?
  • Non ! Non ! Pas les enfants, je croyais que tu voulais liquider les esclaves.
  • J’en ai rien à branler des esclaves… Moi, c'est les gosses qui m’font chier.

Ces fichus enfants, ils devaient être une demi-douzaine à danser autour des esclaves en riant, en criant, déjà qu’ils m’emmerdaient, ils devaient rendre folles ces pauvres filles.
Les garçons les plus âgés avaient des baguettes de bambous avec lesquels ils frappaient les esclaves sur les fesses et sur les seins.
La petite colonne marqua le pas à l’approche du caupona, les garnements commencèrent à s’exciter un peu plus.
Bien évidemment, il n’y avait que des garçons. Faut dire que la bêtise est bien mal distribuée. Les hommes ont souvent droit à ce petit plus qui ne les grandit pas mais qui fait leur charme.
Le centre d'attention de la petite bande était une grande blonde repoussante de crasse.
Ils lui pinçaient les cuisses, lui tiraient les cheveux qu’elle avait fort long, lui palpaient les seins. Certains mêmes, les plus grands avec leurs baguettes tapaient sur un endroit encore plus sensible.
Si on avait pu rassembler en un seul endroit la misère, l’humiliation, la bêtise et l’indifférence, cela aurait été ici.
Les enfants qui ne la taquinaient pas, dansaient autour d’elle en chantant une quelconque chanson vulgaire.
J’avais deux façons de résoudre mon problème. La manière forte ; tailler dans le tas, sur le moment cela aurait été jouissif, mais après que d’emmerdes…
La façon diplomatique, qui pouvait aussi fournir son lot de satisfactions, c’est celle que je privilégiai.
Je sens que je vais devoir m’expliquer. En fait, c’est simple, je vous ai déjà parlé de mon bracelet, l’Oracle, et bien souvent, j’écoute ce qu’il me dit de faire. J’ai une petite voix dans la tête qui me dit : « tu fais cela… Tu as tant de chance de réussite. » bref mes choix me sont parfois dictés par des statistiques prédictives, mais j’ai mon libre-arbitre. Pour ceux aussi qui se demanderaient pourquoi les gens ont peur de l’Oracle et bien, c’est également une arme offensive et défensive très puissante qui n’est au poignet que de certains Régénérés comme moi et cela, les habitants d’Exo ne le savaient que trop bien. Quand elle est activée, elle génère un courant électrique qui agit sur ma cotte de mailles en cimarium* pur, elle a donc le pouvoir de repousser tout objet métallique. Mais ce qu'ils ne savaient pas c'est que depuis bien longtemps la mienne ne fonctionnait qu'7% de ses capacités.

  • Arrêtez ! Bande de morues, faut qu’on boive.
  • Pourquoi ces filles sont-elles ainsi enchaînées ? Demandais-je.
  • C’est la coutume, c’est comme ça… Moins l’esclave est chère, plus elle a de chaînes, c’est à un point où ses chaînes coûtent plus chère qu’elle. Me répondit l’aubergiste. Puis il ajouta : et en plus c'est des iŭga alors...

Les trois doryphores* qui accompagnaient la colonne d’esclaves s’attablèrent au comptoir.
Je pris une poignée de pétales de cuivre dans ma bourse et j'interpellai les gosses.

  • Hep ! Les gamins, six pétales de cuivre si vous allez jouer plus loin.

L’effet fut immédiat, je jetai la monnaie, ils s'en emparèrent et s’aiguayèrent dans les ruelles adjacentes.
Les gardes posèrent leurs casques dorés sur le comptoir, leurs lances aux pointes dorées et leurs boucliers contre les tonneaux qui en formaient la base.

  • Merci Resparres, ho ! je veux dire merci Regparres, ces sales mômes commençaient à nous échauffer les oreilles et à nous faire bien chier.
  • Et vous pouviez pas les chasser avec vos fouets ?
  • C’est comme des turlutis, ils reviennent toujours vous chanter aux oreilles. Et on n’a pas le droit de les chasser. Tant qu’ils ne crèvent pas un œil, ou qu’ils ne cassent pas un membre, on peut rien faire… C’est la loi, ce sont des iŭga, il faut qu’elles soient vues par la populace et surtout par les autres esclaves. Ça, leur donne à réfléchir, comme ça elles voient la chance qu’elles ont.
  • Merci pour l’info, je ne suis que de passage. C’est la première fois que je fais un séjour dans votre bonne citée… Faut fêter ça… N’est-ce pas…. Allez, c'est ma tournée, vous prenez quoi ?
  • Merci Regparres, ce sera trois pots de résiné. Vous êtes bien aimable pour un Régénéré… Sans vouloir vous vexer, c’est jamais bon signe de vous voir quelque part. Ce serait pas vous qui aurais pris la tête d’un haut membre de la Guilde, de l'intendant du Dépotoir ?
  • Oui, mais sur ordre dûment approuvé de la Guilde elle même. Je n’aime pas gâcher mon talent gratuitement. Mais je me présente, je suis Teixó. Vous faites quoi avec ces iŭga ?
  • Moi c'est Diptorus et à ma gauche c'est Pitorus et celui qui baille c'est Vetorus. Et pour répondre à votre question, on les emmène sur l’île du Dépotoir. Pour elles, c'est fini les vacances, elles vont trimer jusqu’à en crever. Alors je suppose que si on traîne un peu, pour elles ça changera rien. un peu plus tôt, un peu plus tard, elles finiront dans la marmite. Vous êtes, le... Teixó auquel je pense ?
  • Pour dire vrai, oui, ça vous pose un problème ?
  • Nenni, je dirai que c’est un honneur de trinquer avec vous. C’est exact ce qu’on dit de vous ?
  • On raconte tellement de bêtises. Tiens je vois que tu as la chevalière du plateau.
  • Je veux parler de la reprise de Valdhore avec une simple cohorte.
  • Ah ça ! Oui, mais crois moi ça a été plus facile que ce qu’on a raconté. Tu peux me tutoyer nous sommes frères d'armes. La garnison était ivre à un point… Que même avec une escouade, on aurait fait le taf je veux dire le travail. Et puis le mal était fait… Nous n’avons repris que des ruines fumantes. Les massacres avaient déjà eu lieu. Mais toi aussi, vous vous êtes pas mal débrouillés à la bataille du Plateau de la Lune. Je crois, si mes souvenirs sont bons, qu’il y avait quatre phalanges de mercenaires doryphores sur l’aile gauche, sous les ordres de Garm tu y étais vu ta chevalière, c'est celle des brave ?
  • Exact ! Phalangiste Diptorus, première phalange, troisième rang, à tes ordres Teixó. Ça ne nous rajeunit pas. À l’époque, j’avais tous mes cheveux. Ça, c’était une belle bataille la pâtée qu'on leur a mis. Maintenant t’as vu à quoi j’en suis réduit… Escorter des putains d’esclaves tellement entravées… Que c’est miracle si elles avancent et qu'on doive pas les aider. Vous entendez les gars… Oui vous deux, les jeunes freluquets qui mériteraient d’être de simples péquins*. Tu peux leur dire que c’était une putain de vraie bataille pas une de ces escarmouches qu’on a avec les Greenheads.
  • Oui ça pour sûr foi de Teixó, c’était une bataille digne des Dieux, la reine des batailles. Même qu'avec les cadavres, on a fait une colline, qu'avec les têtes, on a fait une pyramide aussi haute que la tour de la Civitas, avec au sommet, les têtes de leurs généraux. Pour changer de propos, ça te gêne si j'ordonne à mon esclave de donner à boire à tes filles ?
  • Bah si ça t’amuse. En règle générale, c'est interdit… Plus elles souffrent, mieux c’est. Je devrai même les fouetter à chaque carrefour, mais pour moi, ce serait déshonorer mon bouclier. J’aurai juste pas gaspillé de mon eau pour ces crevures. Mais on peut rien refuser à l'Arme du Kazar, Reg Teixó. Et puis j'estime que nous employer à cette tache. C’est peu nous considérer, par les couilles du Dieu Fleuve ! Il y a des esclaves dressés pour ça ! On est des doryphores, des phalangistes d’élite, à l’armure dorée, pas des argousins.
  • Oui, je sais, souvent, on se demande ce qui se passe dans la tête de ceux qui gouvernent. Je dis ça… Mais je ne suis pas dans ton cas. Je suis mercenaire, quoique… je pourrais écrire une encyclopédie avec tous les ordres débiles qu’on a pu me donner et si je suis encore là, c’est que je ne les ai généralement pas suivis.
  • Ha ça ! J'suis d'accord, avec toi. Et pour dire le vrai j'suis pas mécontent du tout pour la tête de l’Intendant. Je dirais même que rien que pour ça... C'est moi qu'offre la prochaine tournée !
  • Allez c'est pas de refus.

D'un de mes Le'aokuu* je sorti quatre cigares et un Zippo multi-centenaire. J'en proposai à mes invités. Aucun ne se fit prier et je les leur allumai avec mon briquet qui les intrigua fort: « encore un des artefacts propres aux Régénérés pensèrent-ils sûrement. » Durant un moment l'objet passa de main en main.

Du coin de l’œil je regardais Punaise donner à boire aux esclaves, elle le faisait en silence, c'était consciencieux, sans trop de chaleur humaine. Je fus surpris du détachement qu'elle avait à l'égard de ses pauvres filles. Puis la grande blonde lui adressa la parole, elles étaient trop loin pour que j'entende, trop de bruit autour, et puis c'était des histoires entre esclaves. Tout ce que j’aperçus c'est Punaise fusillant du regard cette pauvre iŭgum, puis la gifler avant de lui remettre son bâillon.

  • C'est une esclave de loc que tu as là ? C'est étrange j'aurais pensé qu'un Reg comme toi aurait une première catégorie ?
  • Oui, je sais, tu la connais ?
  • Pour sûr c'est Punaise, une mauvaise serveuse... Mais une bonne suceuse.

On parla un peu de tout et de rien, les doryphores finirent leur vin.
Je leur offris une troisième tournée, on parla de Domina, le temps passa.
J’avais encore une tâche à accomplir et désormais plus le temps de parler sérieusement avec Punaise.
Nous n’étions pas loin du quartier des riches négociants d’esclaves.
La maison Fedormalba, que l’on reconnaissait à sa façade faite de plaques de bronze doré, commercialisait, comme tout le monde le savait, principalement des esclaves, des tapis, des épices et des fourrures.

La Guilde m'avait dit que Fedormalba avait fait au début de la semaine de très bonnes affaires en vendant divers lots de jeunes mâles et nombre de ses très belles femelles. Elle m'avait aussi dit que cette maison était fameuse pour ses esclaves sans marque et parfois sans certificats licites et c'était la raison de ma venue.
Son patron sillonnait des routes qui allaient bien au-delà des frontières, il s’aventurait souvent dans des zones mal connues, peu explorées. Il était continuellement à la recherche d’objets ou d’esclaves exotiques à proposer à ses nombreux clients.
Devant la porte principale de sa demeure étaient enchaînées deux belles esclaves nues en promotion.
Mais en plus de de mon enquête pour la Guilde j'étais en quette de deux esclaves et ce n'était pas une remise, mais plutôt un monstrueux rabais que je recherchais, car il y avait de grandes chances que durant mon périple cette marchandise périsse, soit de fatigue, soit dans une embuscade, soit pour nourrir What, ce qui je l’avoue n’était pas la perspective la plus agréable de gaspiller mon argent.
Sur une pancarte placardée au-dessus des esclaves en ventes, on pouvait lire :

Esclaves d’importation, prix sacrifiés.
Jumelles mulâtresses, peuvent être vendues séparément.
Ancien propriétaire Plantation Kourkos.
Toutes deux bonnes travailleuses, recommandées aussi pour la reproduction.
Âges : bouton et fleur. Remarques : les deux esclaves sont bagués et étiquetés conformément à la réglementation de Yuchekha.
Ces deux sœurs sont calmes, dociles, soumises et parfaitement dressées.
Ne savent ni lire ni écrire.
Exposition ici.

Ces esclaves (lot 32) sont exposés au public toute la journée cette semaine. Elles seront vendues uniquement en vente privée en fin de semaine dans la matinée à la petite halle des esclaves agricoles. Les deux femelles sont disponibles pour inspection publique, sans rendez-vous, sous réserve de discrétion et de ne pas troubler l’ordre public.
Veuillez adresser vos demandes de renseignements ici à la maison Fedormalba.

Comme je le disais ce qui m’attirait ici n’était pas les esclaves en vente, mais une demande de la Guilde Souveraine.
Ses espions et surtout une balise lui avait appris que Fedormalba avait transporté au moins un cocon, le Chef de Gare un grade très important pour la Guilde m’avait demandé d’en savoir d'avantage sur sa provenance.
En tant qu’actionnaire et Hors-Loi, je jouissais du privilège d’être enquêteur, juge et exécuteur. C’était une des raisons, entre autres, qui m’avait épargné des ennuis avec les doryphores et la Civitas.

Ce qui intriguait la Guilde, ce n’était pas tant le cocon ou la chrysalide. Mais le lieu de sa découverte ainsi que le code. Il semblait bien provenir d’une source inconnue.

Je sortis de mon aumônière une petite boite d’acajou, je l’ouvris, cela ressemblait à un nécessaire de maquillage, avec ces quatre couleurs, blanc, jaune, rouge et noir signalaient respectivement quand je les portais au front ma mission d’enquêteur, de juge, d’exécuteur ou pour le dernier, la colère et la vengeance jurée.

Avec le pouce, je m’appliquais un peu de blanc et de rouge sur le front. Ma visite devenait officielle. À partir de ce moment, je devenais l’instrument de la loi, celle de la Guilde. Une loi universellement reconnue de tous. Qu'il soit roi ou manant, qui oserait la défier serait voué à une mort certaine. Cette loi était simple et tenait en une phrase « Ne pas nuire aux intérêts de la Guilde. »

Toujours suivi de Punaise, je toquai à la porte de bronze.

Une esclave de porte m’ouvrit, elle m’introduisit en silence dans un patio, me fit asseoir et comme c'est de coutume, elle me lava les pieds. Une autre esclave arriva et se prosterna c'est à elle que je parlais car c'était l'esclave de parole.

  • Dites à Res Fedormalba que Reg Teixó désire le voir immédiatement. J’avais insisté sur Reg et sur immédiatement.
  • Bien maître.

Je n’eus pas longtemps à attendre.

  • Ah, Reg Teixó mon ami, c'était Procarios un des lieutenants de Fedormalba qui me saluait chaleureusement, j'avais fait sa connaissance au sein de la caravane. Je crois que vous avez de la chance aujourd’hui ! J'ai deux Jumelles mulâtresses à bon prix, j’ai aussi des Bactriennes et quelques-unes de pays dont je n’ai jamais entendu parler. Malheureusement tous les mâles ont été vendus.
  • Intéressant, acquiesçai-je pensivement. Mais en vérité... Mon doigt tapota mon front. Je suis ici en tant qu’enquêteur pour la Guilde, le chef de Gare et conseiller des Régénérés. Mes employeurs se méfient de la langue agile des marchands de Yuchekha. Aussi tu comprendras qu’après qu'ils aient du se séparer de l'Intendant du Dépotoir ils se méfient de la Civitas ainsi que de ses pourvoyeurs.
  • Procarios soupira.Tu me blesses. Mais comme tu le dis si bien, nous sommes effectivement un des fournisseur de la Civitas. Mais ce qu'elle faisait avec l'Intendant ne nous concernait en rien. Tout ce que je peux te dire c'est la maxime de la maison il ne faut jamais dire que la Maison Procurus Fedormalba Maximus est fière de sa vente avant une vente. Alors comment d'une autre façon puis-je t'être utile, très honoré Reg Teixó, car il n'y a ici point de complot contre la Guilde ou même la Ligne ? Nous sommes des marchands non des politiciens.

Fedormalba vint à notre rencontre alors que nous entrions dans la salle principale des banquets, son mégaron, il était vaste et haut de plafond, la porte que nous avions franchie se situait sur l'un des petits côtés. Cette pièce rectangulaire était traversée d'une colonnade d’acajou portant une énorme poutre en cèdre rouge qui soutenait le toit à double pente. Un large espace grillagé de motifs floraux entre le toit et trois des murs favorisait l'entrée de la lumière. Une cheminée monumentale occupait le côté opposé à la porte par laquelle nous étions entrés.
À le voir se frotter les mains et se racler la gorge, j’avais peu de doute sur la culpabilité du bonhomme. Maintenant, il fallait qu’il crache le morceau et vite, je n’avais pas que ça à faire.

  • Que le fleuve coule en ta faveur, Res Fedormalba, tu te doutes du motif de ma venue ?
  • Que le courant t’apporte bonheur et prospérité Reg Teixó. Je crois que tu cherches des esclaves.
  • Il se trouve que mes besoins personnels ont changé, répondis-je avec un clin d'œil. Je viens d’apprendre que tu as des Bactriennes en ventes… Tu les fais à combien ?
  • Un anneau d’or chacune.
  • Tu en as combien ?
  • J’en ai quatre, c’est de la première catégorie, du deuxième choix… De la bonne marchandise. Mais elle demande un maître exigeant, elles ne sont pas encore assez soumises.
  • Je ne suis pas là pour marchander, je prends les quatre, mais tu les affranchis et tu les conduits à la Gare. Tu diras au Chef de Gare que c’est Teixó qui les affranchit sur sa cassette et qu'il demande qu'elles soient armées et qu'on leur donne la Médaille du Libre Passage*. Il comprendra. Du reste, il m’a informé que non seulement tu es l'un des plus grands fournisseurs de chair qu'il ait jamais rencontré, mais que tu es également très ouvert à… Comment il me l’a dit ? Gruger et faire les choses pas très honnêtes ? C'est vrai ? Bon, la Guilde a fermé les yeux jusqu’à un certain point. Mais faudrait pas abuser.

Fedormalba sourit largement, révélant des dents relativement intactes mais fortement jaunies.

  • J’achète, je vends, j’échange, je transporte et je peux effectuer des transactions dans quinze devises différentes. En conséquence, je suis bien connu d'une clientèle qui compte parmi elle les dirigeants de la Civitas. Je dois pouvoir proposer des produits uniques à des acheteurs discrets et fortunés.
  • Excellent, dis-je en souriant. Dans ce cas, tu n'es pas sans savoir que la tête de l'Intendant orne une niche de l'entrée principale de la Gare ? Tu sais que quand il y a de la place pour un, il y en a pour deux ? Alors comme je suis poli je vais y mettre les formes... Alors donc, je voudrais revenir sur un point avec toi, sans possibilité de négocier.
  • Je ne comprends pas ce que tu dis.
  • Tu cherches à me la faire à l’envers ? Oublie, cette phrase qui n’a de sens que parmi les miens. Je veux dire… Tu te moques de moi, de ma fonction et de la Guilde. Fais attention, Fedormalba, car avant ce soir, la fange sous ta demeure pourrait bien t’engloutir à demi vu que comme je te l'ai dit ta tête pourrait prendre de la hauteur. Je ne plaisante plus, je crois que tu m’as vu œuvrer avec ce coquin de Théodor Argrigent. Tu sais ce dont je suis capable. Je peux être sans pitié et aucun de tes gens ne sera en mesure de me barrer la route. Alors je vais te poser une série de questions. Si tu mens, si tu me caches quoique ce soit, je le saurai, tu connais certainement les pouvoirs d'un Hors-Loi ? Sache que ce n'est rien comparé à celui d'un Régénéré possédé par l'Oracle. Et il n’y aura pas de terrier assez profond où tu pourras te cacher. Tu m’as bien compris Fedormalba ?
  • Oui, Reg Teixó, mes réponses seront aussi limpides que l’eau du lac Timis. Mais qui m’assure du sérieux de ta demande et de l’étendue de ton pouvoir ? Tout le monde peu se mettre un peu de couleur sur le front.
  • Bien, bien, bien… Tu le prends comme ça. Alors Res Fedormalba, on va faire selon les règles et cela va te coûter bien plus cher. Regarde la paume de ma main gauche, que vois-tu ?
  • Pour l’instant rien, de rien… Je crois que tu te moques. Dit-il d’un ton moqueur.
  • Regarde bien, te dis-je ! alors ?
  • Oui, maintenant, je vois ta main… Dans ta paume… Elle devient brillante, comme si c'était un fer à marquer sortant du feu. oui, je vois la flèche, le sceau des procureurs de la confrérie des Hors-Loi.
  • Tu sais ce que cela implique. Si je te touche maintenant, tu peux considérer ta vie comme finie ! Alors coopère et vite.
  • Je crois qu’il vaut mieux que j’appelle un de mes secrétaires pour pour qu’il retranscrive tes menaces.
  • Mes menaces ? Tu veux me faire rire ? Demande aux prêtres Messiens de Shalmachar... oups ! Autant pour moi, ils sont tous morts, mais s’ils étaient encore vivants, ils diraient : Coopère Res Fedormalba, coopère. Bon, on a assez tergiversé, je suis accompagné d’une esclave qui consignera tout par écrit.
  • Un greffier, il faut un greffier. Tu plaisantes, j’espère… Je vois là, qu’une putain d’esclave, même pas un premier choix.
  • Tu continues à le prendre comme ça… Alors, Punaise, par ordre de la Guilde et avec l'accord préalable de l'aubergiste Res Llamal, en vertu des droits et des devoirs de ma charge devant deux témoins, les citoyens Res Fedormalba et Res Procarios, je te déclare affranchie, employée de la Guilde et de Reg Teixó, en tant que greffière de second rang. La moitié du prix de ta liberté sera pris en charge par le prévenu, c’est-à-dire toi Fedormalba. Encore une objection et tu en paieras la totalité et tu seras inscrit dans les pages du livre noire des Hors-Loi.
  • Bon ça va, je pense que nous sommes partis sur de mauvaises bases. tu me diras ce que je dois pour l’affranchissement de cette put… Je veux dire de cette dame.
  • Te voilà enfin raisonnable, fait apporter une écritoire et le nécessaire pour écrire. Et tant que tu y es aussi une Áodàixẻtà il n'est pas convenable qu'une greffière officie à demi nue.
  • Qu’il en soit fait selon tes ordres.

Punaise à genoux ne perdait rien de notre entrevue, elle ne semblait pas tout à fait comprendre que le sens de sa vie venait d'emprunter une direction plus digne.
Fedormalba fit aussi apporter ce que j'ai demandé ainsi que deux sièges curules, il convenait que la greffière officiât debout devant son pupitre. Nous attendîmes qu'elle enfile sa robe en soie rouge.

  • Alors Punaise qu’attends tu pour te mettre derrière ton écritoire ? Dis-je étonné.
  • Votre ordre maître.
  • Tu n’as pas entendu ? Grâce à Res Fedormalba, tu n’es plus une esclave. désormais, tu m’appelleras Reg Teixó et non plus maître. Tu devras te choisir un vrai nom et pas un sobriquet. Punaise, c’est bon pour une esclave ce que tu n’es plus. Eh bien, on commence. Tu marques la date et l’heure, le nom des participants, le lieu. Donc dépêche-toi de te trouver un nom.
  • Fedormalba, les malversations du Dépotoir ne nous intéressent pas. On sait déjà tout ou presque. Non, ce que nous voulons c'est... Où as-tu trouvé le cocon ?
  • Dans un méandre de la rivière Loucos un des affluents du fleuve de Loom.
  • Où exactement ? À quelle hauteur sur la rivière ?
  • Je ne sais pas. Par tous les dieux, je te le jure… J’ai acheté le cocon à un des peuples du fleuve.
  • Tu m’aides pas beaucoup. Veux-tu que je t’aide à recouvrer la mémoire ?
  • Je te jure, je ne connais pas le nom de cette peuplade, tout ce que je peux t’en dire, c’est qu’ils ont des tatouages verts sur la figure. Pour la crique… Je te répète ce qu’ils m’ont dit. Ils l’ont trouvé bloqué sous des troncs d’arbre. Ils m’ont dit aussi qu’il y avait d’autres cocons cassés sur cette partie de la rivière, mais qu’ils ne pouvaient plus y aller.
  • Et, tu n’es pas allé voir ?
  • Tu es fou, je les ai rencontrés pas loin de la jonction entre la rivière et le fleuve. La rivière n’est pas sûre. C’est un nid de cannibales, de iotas et de smeurks.
  • Tu veux me faire avaler que t’as peur de cannibales et de iotas ? Tu oublies que je suis presque resté une semaine au milieu de ta caravane. Tu entretenais une petite armée. Et si j’ai bien fait attention, certains de tes esclaves portaient des marques qui ne laissaient aucun doute. Tu les as ravis de haute lutte à Théodor Argrigent. Tes gars ne sont pas des galles de Cybèle. Note bien que je me moque de la façon dont tu les as ravis. Car là n'est pas la question et tu le sais.
  • Tu oublis les smeurks*.
  • Quoi les smeurks ? Tu as peur des smeurks ? Tu te moques de moi !
  • Non, mais si je te raconte la suite, tu ne me croiras pas.
  • Allez accouche. T’inquiète, comme je te l'ai déjà dit, je saurais si tu mens ou pas.
  • C’est vrai, j'avoue, il n’y avait pas que des smeurks. Il y avait aussi Yggdrasil*, il nous a interdit de remonter plus haut, c’est presqu’un dieu, et on ne contredit pas un dieu.
  • Si tu ne mens pas, tu dois avoir une, voire deux preuves de ce que tu racontes. Alors montre-moi les !
  • Que veux-tu dires ? Qu’entends-tu par des preuves ?
  • Je veux voir les flèches.
  • Tu crois que nous avons pris le temps de faire cela ?
  • Je pense que tu es trop cupide pour laisser de telles flèches dans la nature, en tout cas, il vaut mieux pour toi que tu m’en montres au moins une. J’attends !
  • Comment sais-tu pour les flèches ?
  • Ne fais pas l'idiot, je connais comme toi les bruits qui courent à mon sujet. Tu te doutes qu'il y a du faux et vrai. Mais crois moi ! Si tu n’avais qu’une vague idée de ce que je suis réellement, tu tomberais à genoux en implorant ma clémence. Greffière, n’écris pas ma dernière remarque.
  • Bien maître, eh... bien Reg Teixó.

Fedormalba reprit la parole : Que veux-tu dire ?

  • Rien que tu ne puisses comprendre, contente-toi de me montrer les flèches, sinon n'oublie pas qu'il reste de la place pour une tête à coté de celle de l'intendant.

Fedormalba frappa dans ses mains et demanda qu’on lui rapporte les flèches.
Ce fut rapide. Une esclave accourut avec un écrin contenant deux flèches presque identiques.
Je savais que l’une d’elle m’était destinée, qu’elle contenait un message que je serai seul à déchiffrer. Par orgueil autant que par mépris pour l'esclavagiste, je fis la manipulation devant Fedormalba et Punaise qui ne perdait rien de mon entrevue.
J’examinais les flèches. La première n’était qu’une flèche d’alerte, c’était facile à deviner sa pointe était en uranium appauvri plaquée d’or. La seconde était une flèche messagère avec sa capsule encore insérée dans la hampe.

  • Je te crois. Tu as bien rencontré Yggdrasil et il était de bonne humeur. Punaise donne-moi ta main.
  • Bien maître, je veux dire…
  • Ça va, on a compris.
  • Dois-je écrire cela ?
  • Non, bien évidemment, fait preuve de jugeote, ma fille.

Sans plus de tergiversation, je lui pris fermement le poignet et j’enfonçais la pointe de la flèche messagère dans son avant bras. Je savais bien que cette fille me servirait à quelque chose. Le sang était bu par la pointe. Je retirai la pointe
Bien sûr, elle cria et bien sûr, je la giflai. Mais comme il convient de gifler une femme libre et non pas une esclave.

  • Silence tout le monde ! Criai-je.

Alors dans ce mégaron, la flèche parla une langue que j’étais seul à comprendre.

  • Salut à toi Nietzschéen. Ce message t’est adressé ainsi qu’à ceux de la Guilde. Si les Oracles ne se sont pas trompés, c’est à Teixó que je parle. Malgré nos sommations, un vaisseau a franchi le Portail, c’est un modèle VSL 3, classe Corvette de la multinationale Tesla. Comme convenu, nous avons appliqué la procédure standard. Il s’est écrasé sur les rives de la rivière Loucos à 56 parasanges de sa jonction avec le fleuve. Comme tu le sais, je suis d’une ancienne faction ennemie, donc je ne peux pas m’approcher assez près du crash pour finir le travail, les nanites de mes fluides corporels sont toujours détectables de leur bio-scanner toujours intacts. J'ai constaté à posteriori qu’une tribu Greenhead a pillé en partie un barillet à cocons, heureusement, ils n’ont pu ni approcher ni pénétrer le VSL, j’y ai mis bon ordre, mais quelques cocons ont échappé à ma vigilance. J’ai piégé les alentours du crash, la capsule de la flèche contient le plan en 3D des pièges que j’ai dû poser. Fais attention, j’ai aussi lâché un essaim de métasmeurks pour finir de sécuriser le lieu. Tu sais ce qu’il te reste à faire. Je suppose que ni vous ni nous ne désirons rouvrir des hostilités pour un vaisseau dont la société n’existe plus depuis 523 années standards. Dès que tu auras pris connaissance de ce message, tu devras appliquer en urgence le protocole nécessaires. Il conviendra aussi de punir le détenteur de ce message qui selon les Oracles n’aura pas prévenu la Guilde. C'est pourquoi j'ai pris la liberté d' implanter à son insu une micro-balise d'alerte qui dès son arrivée à Y avisera la Guilde. Selon nos prédictions il te faudra un mois pour arriver jusqu'au vaisseau, un mois pour s'en retourner et un mois supplémentaire pour en désamorcer toutes les sécurités, alors seulement je pourrai me connecter à l'interface du VSL. Tu sais comme moi que les informations sur cette période son capitale à notre base de données commune. Je reste dans les parages au cas où. Au fait demande à la Gare de te fournir un drone de combat de type caméléon, on ne sait jamais. Une dernière chose encore, tu sais à quel point ceux de ma génération sont espiègles ? La balise du marchand est piégée. Tu as à partir de maintenant cinq minutes soit pour laisser mourir Fedormalba, soit pour lui retirer sa micro-balise... C'est ton choix. Tic, tac, tic, tac. Je portai le bras Punaise à mes lèvres et je l'embrassai afin de faire disparaître le peu de sang qui gouttait.
  • Petite, arrête de geindre tu as certainement connu bien pire. Quant à toi Fedormalba mon ami Yggdrasil n’était pas de si bonne humeur que cela, il me demande de te punir, car tu n’as pas respecté ses ordres.

L’homme blêmit. Je savourais l’instant, un temps, je pensais un temps demander les deux esclaves devant la porte pour prix de ma clémence, mais je n’en fis rien.

  • Quelle était la couleur du cocon ?
  • Jaune, Reg Teixó.
  • L’occupante a survécu à l’ouverture ?
  • Oui, veux-tu que je la fasse revenir ?
  • Revenir ?
  • Je l’ai vendue à la Civitas.
  • Bof, un cocon jaune… Non pas besoin, laisse-la où elle est, elle ne me sera pas utile, elle ne sait rien faire. Pour ce qui est de ta condamnation… Tu devras prendre en charge les études de la greffière présente connue encore sous le nom de Punaise. Tu devras t’acquitter de cette dette tous les mois aux bureaux de la Gare.
  • Bien Reg Teixó, merci pour ta clémence.
  • Si la sentence te convient, tu connais la procédure, chacun d’entre nous doit poser son empreinte sanglante sur les documents. Punaise, quel est ton nom à présent ?
  • Ashka, Reg Teixó, celui qu'avaient choisi mes parents .
  • Tu as raison, c’est un bien joli nom. Dépêche-toi de recopier ce texte en trois exemplaires. Nous retournons à la Gare. Quant à toi, Res Fedormalba, si tu m’avais répondu de suite sans tergiverser, tu n’aurais rien eu à payer. Tout était pris en charge par la Guilde et par moi. Tu nous as fait économiser une somme rondelette. Nous avons prévu de faire passer tous les degrés à notre greffier. Je veux dire à Dame Ashka notre greffière. Et maintenant approche que je sauve ta misérable tête et surtout ne bouge pas.

Par habitude, je savais que la balise ressemblait à une tache de rousseur. Mon Oracle ne fut pas long pour la trouver derrière l'oreille gauche du marchand. Je la lui décollais, et je la posai sur mon siège.

  • Maintenant, regarde, homme de peu de foi ! Pour ma part je ne sais pas si je fais une bonne action en t'épargnant.

Il n'y eu pas longtemps à attendre. On attendit un léger chuintement, il y eut comme un léger brouillard autour du siège curule, en fait rien de spectaculaire, mais le résultat était là une toute petite pincée de cendre à la place du siège.

  • Venez Dame Ashka, nous n'avons plus rien à faire ici. Mais n'oublie pas ce que tu as vu et à l'avenir... enfin, bref, tu me comprends...


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La deuxième du troisième carré* : (Soit à peu près 15 heures terrestres.)

Áodàixẻtà* : c'est une robe qui peut être unie et répondre à un certain code de couleur pour les uniformes de certaines professions, mais elle peut dans les autres cas être multicolore, posséder de nombreux motifs et être faite en différentes sortes de tissu. La partie supérieure, de coupe très près du corps, est composée d'un large décolleté avec des manches courtes. La fermeture se fait discrètement sur un côté ( gauche pour une célibataire, droite pour une femme mariée.) par de petits boutons en nacre ou par un lacet ; La partie inférieure, fendue sur les côtés jusqu'au-dessus du bassin, est faite de deux pans descendants jusqu'au-dessus des chevilles, un des coté peut porter des boutons dont le nombre dépent du nombre d'enfants. L'Áodàixẻtà est essentiellement un vêtement féminin qui habille uniquement les femmes libres. Cependant, la fente de la tunique qui remonte en général, quelque 2 ou 3 centimètres plus haut que les hanches, laisse ainsi découvert de chaque côté le bassin ainsi que les jambes, cela permet souvent d'apercevoir l'entre jambe cette ouverture est surnommée le « triangle du Frisson ». bien-que les femmes de Yuchekha connaissent les sous vêtements elles sont peu à en porter.

L’exomide* : ou exomis est, une tunique courte, ( très courte pour les esclaves, pour que l'on puisse voir les marques de servitude.) servant en général de tenue de travail, utilisée par les marins, les soldats, et les ouvriers (libres ou esclaves). Elle se compose d'une seule pièce de tissu drapée autour du torse, passant autour de l'épaule gauche et laissant nue l'épaule droite. Elle peut être fixée sur l'épaule par une fibule si la personne est libre, dans le cas contraire elle est simplement nouée. Elle est resserrée autour de la taille par une ceinture. L'exomide laisse une grande liberté de mouvement, ce qui la rend particulièrement adaptée comme tenue de travail.

Rhombe*: tunique courte en forme de losange. Sa forme de base est simplement un losange (à titre indicatif : 1,2×0,60m) percé d'un orifice central était largement ouvert, pour passer la tête, ou les hanches. Cette pièce de tissu ne comporte ni ourlet ni ceinture. l’esclave pouvait soit y passer la tête, soit la taille, dans un cas, on avait une coutre robe, dans l’autre une jupe.

Écharpe*: Pièce de tissu de 1,8m de long sur 0,15m de large, ses extrémités sont lestées afin de ne pas s'envoler. Comme les esclaves ne sont pas autorisées au port d'une fibule elle passent l'écharpe dans un des anneaux de leur collier. Si le maître le permet il autorise l'esclave à mettre une ceinture.

Caupona* (plu) cauponae: Auberge dont le comptoir est ouvert sur la rue.

Caupo*: Aubergiste.

Resparres*: (C’était une formule de politesse pour désigner quelqu’un de très important dont on ne connaît pas le nom. En gros, cela voulait dire respectable parmi les respectable.)

Regparres*: même chose que plus haut mais s'applique aux régénérés.

Cimarium*: Métal supraconducteur à température ambiante.


Doryphore*: Les doryphores (porte-lances) étaient des soldats de l'armée des Tisons qui, marchaient devant le char du roi, ils formaient un corps de 15 000 hommes. À partir de la chute du royaume, ils deviennent des mercenaires. Leur nom vient de leur armure, de leur casque, de leur bouclier en bronze doré. Honorius dispose de doriphoroi, (autre nom pour les désigner.) qui composent la garde de Palais.

Le'aokuu*: sacoche de cavalier généralement en cuir qui s'attache à la ceinture et sur la cuisse.

Médaille du Libre Passage* :

péquins*: porteur de pique en général des paysans peu formés aux arts du combat.

Smeurks*


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