CHAPITRE 11 : Antje rencontre Chiendri. (C'est là que je suis heureux de ne pas être lu.)

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Dans cette nouvelle version je voulais voir si j'étais capable de faire dans l'érotisme pour @Marie Malefoy-Greengrass@. Bon je pense que je me suis loupé.

Pervers pépère un jour, pervers pépère toujours. Si j'avais des lecteurs... après ce chapitre il risque de ne plus m'en rester.

« J’en ai marre qu’ils m’attrapent par la chaîne de mes poignets ou, pire, par celle qui me relie au cou de Chiendri, » pensa Antje, « c’est ma première journée ici et je sais déjà que c'est pire que de casser des cailloux ou de faire tourner la meule dans un coin de la cour de la Civitas*. Là-bas, on était traitées au-moins comme des bêtes, quand ils arrêtaient de nous faire trimer, on nous enchaînait simplement au mur de l'abri à cochons. Dans l’appentis on avait au moins un toit sur la tête. Il y avait de la paille et même beaucoup, de la bonne paille destinée aux kurts, aux ânes et à quelque chevaux. D'accord, on la partageait avec les porcs, comme on partageait la même auge, la même bouffe et la même eau, mais eux ils étaient mieux nourris … Ici, au Dépotoir, à peine on vient de finir cette journée harassante qu'on vous pousse à coups de triques devant des chariots. C'est tout juste si les gardiens retiennent leurs molosses. Ils nous forcent à monter sur les charrettes où sont posées ces maudites cages. Pour y entrer, vous devez vous faufiler à quatre pattes par un putain de petit guichet.
Vous êtes dix à l'intérieur de ce minuscule clapier, qui n’a pour toit, que des barreaux faits de madriers et de lattes de bronze donnant sur le ciel.
Et je suis là, à quatre pattes sur un plancher noir de crasse comme une chienne qui découvre son chenil. Il n'y a pas grand-chose à part un peu de mauvaise paille toute moisie, un seau de bois grouillant de mouches pour nos besoins, à le voir si repu, il ne doit pas être tous les jours vidé. J'oubliais la baille remplie de l'eau trouble du fleuve pour étancher notre soif et une dizaine de récipients culottés d'un brun poisseux qui ressemblent vaguement à des écuelles.
Le plafond n'est pas assez haut pour qu'on puisse se tenir debout, on est serrées les unes contre les autres. Pas d'espace pour s'isoler, on ne peut être qu'accroupies ou assises côte à côte sur cette paille humide qui sent la pisse, c’est à peine si on peut s’allonger sans déranger sa voisine.
Et comme nous sommes les dernières à être entrées dans la cage, c’est à nous de nous coucher contre le seau à merde. Il n'y a plus qu'à espérer qu'il ne se renverse pas cette nuit et qu'on ne soit pas réveillées à tout bout de champ.
Depuis la Civitas, on ne m'a plus retiré les chaînes. Chiendri dit que c'est comme ça, que c'est normal et qu'on mourra avec. Elle me dit aussi qu'on sera toujours nues, que pour elle, du plus loin que remonte sa mémoire, elle n'a jamais porté le moindre bout de tissu. Que les iŭga ne reçoivent jamais de vêtements, quel que soit leur comportement ou leur maître. Que si jamais on en surprend une avec le moindre haillon, elle est immédiatement écorchée vive. Qu'elles peuvent être fouettées pour n'importe quelle raison ou sans raison et que tous les gardiens sont encouragés à les traiter durement. Tu parles d'une vie.
Quant à la bouffe… Je préfère même pas y penser ! C’est pire que d’où je viens, pire que dans le cachot de la Civitas avec les asticots dans ma pitance. Cette merde qu'on nous sert, même les chiens, même les porcs n'en voudraient pas.
Ce soir, un gardien est passé devant notre cage, avec une louche dans une main, sa trique dans l’autre, deux esclaves tenaient un chaudron par l’anse.
Presque, en même temps, dix bras passent à travers les barreaux, avec dans leurs mains cette chose qui ressemble à un bol.
Même moi, j’ai tendu le bras et ce que j’obtiens, c'est une ration de cycéon* d’iŭgum. Le cycéon d'esclave c’est quelque chose que je ne connaissais que trop bien. Mais ici, ce rata, sent vraiment mauvais, bien pire que celui, que je mangeais dans ma cellule ou sous l’appentis.
J'ai vu le gardien mettre sa trique à la ceinture pour se boucher le nez avant de nous servir. Il avait un sourire sadique, une mine dégoûtée, je pouvais le lire dans ses yeux, qu’il nous faisait bouffer sûrement sa merde… Je me souviens, j'avais ce sourire, cette mine dégoûtée, quand parfois je croisais une de nos bonnes récurer nos toilettes à mains nues... mon Dieu ? Si elle me voyait...
Et puis cette bouffe, parlons-en, elle est infecte, d’accord, mais à voir mes voisines, elles semblent être en forme, pourtant elles sont ici depuis bien plus longtemps que moi. Elles devraient être maigres, mais non. Dans mon écuelle, il y a moins de larves mais plus d'insectes ressemblant à des cafards… Je commençais à apprécier les larves… Elles avaient un petit goût sucré que j’aimais bien, peut être que même elles détestent notre cycéon.
J’ai l’impression que c’est comme un médicament, éminemment abject, mais un médicament tout de même.
C’est peut-être même une drogue, car il faut voir les femmes se jeter dessus, lécher leurs bols comme des chiennes avides. La faim n’explique pas tout.
Parce que oui, c’est vrai, la fringale ne nous quitte pas. Pourtant nous ne sommes pas maigres, je suis affamée, mais en pleine forme, je n’y comprends rien.
Nous sommes toujours en sueur, jamais lavées, en tout cas, mes derniers souvenirs de toilette remontent à ma cellule, quand je pouvais utiliser l’eau de la vasque.
Depuis, je ne connais que la moiteur, la transpiration et la saleté, on a les aisselles humides, le sexe luisant, mes seins se sont arrondis et alourdis. Chiendri a beau me dire que c’est normal, que c’est le cycéon d'iŭga, j’ai quand même du mal à la croire.
Ce qui est surprenant, c’est que je sois toujours en vie.
Je devrai être morte depuis longtemps, une leucémie, sans traitement cela ne pardonne pas. Pourtant, je suis toujours là, apparemment guérie ou alors je suis morte et je suis en enfer… Peut-être pas tout à fait l’enfer, ou alors pas encore… Mais le purgatoire ça, c’est possible, oui, je dois être dans une sorte de purgatoire. Malade, je sais ce que c’est, je m'en rappelle… bon sang ! Ce n’est pas si loin dans mes souvenirs… Les bleus aux jambes, les saignements de nez, le mal aux dents, aux gencives, des maux de tête à préférer la mort.
Je me souviens du professeur Van Mullen qui me disait :
« Mademoiselle, il vous faut prendre toutes vos dispositions, je ne suis pas optimiste, vos analyses sont mauvaises, très mauvaises. » Maudit docteur, il n’y était pas allé par quatre chemins, je m’en souviens. J’avais quitté son cabinet dans un état second. En bas sur l’avenue… Je me suis attablée à la terrasse d’un café, quelqu’un avait dû mettre une pièce dans le juke-box, car une chanson de Sixto Rodriguez en sortait. La chanson était, je crois, Crucify Your Mind … C’était un de mes chanteurs préférés. J’étais accablée, anéantie par le diagnostic, par le résultat sans appel des analyses.
Pourtant, il faisait beau, je voyais la plage, la mer et j’allais mourir, quitter tout ça !
Même ce con de négro, de kaffer* qui ramassait les poubelles vivrait, même cette putain de métisse qui m’apportait mon café baiserait et se ferait baiser bien après ma mort très prochaine.
J’aurai tout donné et j’en avais des choses à donner pour être à leurs places, j’étais blanche, riche, belle, jeune, intelligente, on était en 1979 et je n’aurai jamais 20 ans… Voilà, j’ai bu mon café, j’ai fumé une cigarette. Maintenant, je sais que c’était la dernière, une marque française, une Gitane et je suis allée me baigner dans cette mer si bleue, sous ce ciel si bleu, comme le ciel de Provence d’une chanson française.
Et je me suis réveillée apparemment guérie, mais dans la peau d’une putain d’esclave.
Depuis, on m’a tatouée, marquée au fer rouge, posé un grand anneau à mon nez, bagué mes mamelons. Les grandes lèvres de mon sexe glabre sont percées par une manille, j’ai des bracelets soudés aux poignets, aux chevilles et comme à un chien, on m’a mis un collier... et comble de l’ironie… C’est une esclave noire qui a été chargée de me dresser à coup de trique et de morsures. Moi la descendante d’une vieille famille Afrikaners, j’ai plié sous le joug d’une jeune négresse à peine nubile qui m’a humiliée, battue comme plâtre, à qui j’ai dû ainsi qu'au garde, lécher les pieds et comme si cela ne suffisait pas… On a soudé à mon collier une chaîne d’à peine deux mètres qui me relira à vie à une autre négresse du nom de Chiendri. Dire que je ne supportais pas l’odeur des noirs… J’ai assez souffert pour me rendre compte que ce n’était pas un cauchemar, mais la réalité, ou plutôt un cauchemar devenu ma réalité. »

***

( A_ : c'est pour Antje. C_ : c'est pour Chiendri. M_ : c'est pour Malda V_ : c'est pour Vic. )

  • A_ T’en veux ? demanda Antje en ne levant pas les yeux.

Son écuelle était posée sur le plancher calé par un peu de paille. Elle massait consciencieusement ses pieds nus après leur dure journée de travail.

  • A_ Chiendri, t’en veux ?

La noire aux cheveux raides, dont la carnation de couleur de peau plus claire, semblait moins noire que les négresses qu’elle avait connues dans sa ville du Cap, finissait de manger. Elle en était à lécher ses doigts.

***

Antje l’avait connue le jour où on les avait enchaînées ensemble pour faire tourner une meule.
C’était son deuxième emploi après l’épreuve de son marquage en tant qu'iŭgum, de la pause de tous ses anneaux de servitude et avant son transfert de la Civitas au Dépotoir. Car c'était comme cela qu’on appelait ce lieu maudit.
Ce matin-là, on lui avait retiré la massette qu'elle avait en main. Sa corbeille n'était pas même remplie au cinquième. Elle n’avait eu droit qu’à ce qu’elle savait être :

  • Debout ! Vite.

Aucune explication… Pour ses gardes, tout semblait normal. De toute façon, un animal n'a droit à aucune justification.
Elle en avait conclu qu’on avait dû la vendre, ou qu’on la transférait vers un autre enfer.

Tout ce qu’elle savait, c’est que ses geôliers l'avaient encore conduite à cette maudite forge pour l’accoupler avec une autre fille, une noire… Décidément, pensa Antje, même en enfer, j’ai droit à ma punition personnelle. La chaîne de leur collier fut soudée au même anneau central. C'est ainsi que Chiendri devint sa sœur de misère.

Un gardien passa un long lacet dans la boucle nasale d'Antje, cette douloureuse humiliation était devenue monnaie courante pour elle, alors toutes les deux suivirent l'homme jusqu'à un lieu qu'on appelait « ranquet ». C’était un gros rocher à l’extrême nord de la place sur lequel étaient bâtis deux énormes moulins, on y accédait soit par des galeries ouvertes à sa base, soit par un escalier pour les moulins.
Ce fut dans un local situé au plus profond du rocher, un endroit encore plus humide et bien plus pestilentiel que son ancienne cellule qu’elles aboutirent.
Une odeur âcre d'urine et de transpiration saisit Antje à la gorge.
Dans la sombre pièce circulaire éclairée par quelques lampes à huile, une énorme poutre centrale plantée à la verticale comme un moyeu géant traversait un sol glaiseux presque fangeux ainsi qu’un plafond aux briques suintant et moisies.
Quatre timons en rayonnaient à l'horizontale à hauteur d'épaule.
Deux filles nues, moites, ruisselantes de sueur, corps tendus et crânes rasés étaient enchaînées par le cou comme des animaux à un des timons.
Elles faisaient difficilement tourner ce mat aux lugubres grincements.
Elles chantaient une mélopée que bientôt Antje connaîtrait par cœur.
Une femme d'âge mûr, à la lourde poitrine, vêtue d'un long pagne étroit portant des sandales dont les lacets de cuir montaient jusque sous ses genoux, tenait dans ses mains un fouet et une courte chaîne dont le dernier maillon était une grande boucle ronde.
Elle les attendait devant la grille ouverte.
Couvrant le chant, la femme cria :

  • Oh !

Les deux jeunes filles s'arrêtèrent, soupirant de soulagement.
Un de ses gardiens donna à la matrone le lacet attaché au nez de Antje.
Ils profitèrent de cet arrêt pour foutre les deux prisonnières qui passivement reprenaient leur souffle accoudées aux bastaings.
Leurs lèvres gonflées attendaient avec impatience le jet de sperme et d'urine qui calmerait un peu leur soif inextinguible.
La surveillante enchaîna Antje et sa compagne à un des timons encore libres.
Elle lui passa vicieusement le manche de son fouet entre les fesses.
Elle attendit patiemment que les deux hommes se soient vidé les couilles et la vessie et que les deux esclaves remercient leurs bienfaiteurs.

  • Hep ! Les gars y a encore la place pour deux z'ot chaînes, si vous voulez qu’ça tourne plus vite.
  • La mère, nous, on fait s'qu'on nous ditc'est les ordres, faut voir si elles peuvent faire tourner le timon ou la meule sans crever... Tu sais que le Dépotoir y prend que des iŭga qui ont passé le mois et y'a qu'cette chaîne pour le ranquet, rien de plus. Si t’es pas contente… t’as qu’à t’mettre à un des timons de libre. Et pis, dans six jours, pour elles, c'est plus le ranquet mais la meule, le ranquet c'est pas assez dure.
  • Bof c'que j'en dis... en fait j'm'en fous. Mais les gars j'ai une question... Pourquoi à chaque fois que vous vnez, vous baisez les filles du timon et pas celles qu'vous escortez ?
  • C'est c'qu'on est charitable la mère, tes iŭga sont trop en joie de nous pomper. Pardi quand on peut faire plaisir, c'est d'bon cœur. P't-ête que si tu leur donnais à boire plus souvent elles s'jettraient pas sur nos queues.

Dès qu'ils sortirent, elle referma la grille qui grinça dans ses gonds, ce son qui emplissait l'espace poursuivit les gardiens qui s'éloignaient dans l'obscurité de l'étroite galerie.
Elle saisit le bas de son pagne pour s'essuyer la figure et le cou.
Elle cria :

  • Hue bétail ! Hue !

Les filles reprirent leur lente ronde infernale.

  • Pourriture ! Qu'attendez-vous pour chanter ? Le fouet ?

Alors en cœur, elles reprirent leur prière.

__ Ô grande et belle Ishtar.
Déesse de la volupté et du combat.
Pour toi, nous sommes nectar.
Ô, nous prions pour toi, nous qui sommes que des abats.
Pour toi, nous, qui sommes que, la lie.
Nous ne sommes pas tes servantes.
Nous sommes la nourriture, ta nourriture.
Que ton couteau s’abreuve
Ô, très Sainte et très honorée Ishtar.

Antje fut vite couverte de sueur et de mouches. Les remugles lui donnaient envie de vomir. L'effort et son repas du matin lui nouaient les tripes. Elle aurait voulu se soulager. Elle ne devait pas être la seule... D'accord elle s'était branlée, elle avait même pissé devant son gardien, mais avec lui, il y avait comme un lien d'intimité vu qu'elle l'avait sucé plus d'une fois. Même que souvent, il jouait avec sa chatte. Mais ici, elle avait envie de faire plus que pisser. Ses maux de ventre devenaient intolérables.
Devant, une compagne d'infortune se laissa aller et tout en poussant elle déféqua. Elle le fit avec le même naturel qu'une jument, cela semblait ici tout à fait normal.
Antje marcha dans cette merde, elle n'eut pas à se forcer, elle se chia dessous et une diarrhée collante lui coula le long des jambes.
Les maillons de ses entraves qui traînaient sur le sol se chargeaient d'excréments et de terre, ils étaient plus lourds à chaque tour et les mouches folles de joie lui faisaient un cortège assidu.
Les heures passèrent, sans trêve ni repos.
La cadence était dictée par les claquements secs du fouet.
En psalmodiant, la bouche sèche, elle tournait et regardait le sol. Elle en venait à envier les deux filles qui avaient eu la chance de pomper les gardes. « Je veux me doucher, j'ai faim ! Je voudrai un hamburger, les sosaties* que me faisait notre cuisinier, une pizza, un steak avec des frites. » C'était les seules pensées qui tournaient dans sa tête au même rythme que les timons du cabestan. Il ne lui restait plus de larmes pour pleurer sur son sort. Jamais de sa vie elle n'avait été aussi sale, aussi repoussante mais cette pensée fut chassée par une autre plus terre à terre. Elle avait terriblement soif.
Le sourd grincement, le craquement du mécanisme de bois, le bourdonnement incessant des myriades de mouches accaparées l'espace.
L'odeur nauséabonde et les insectes qui les assaillaient ajoutaient à leurs tourments.
Enfin, leur gardienne leur cria.

  • Ho !

Elles restèrent debout étourdies, appuyées à leurs traverses de bois, ferrées comme des galériens, qui accrochés à leurs avirons attendent le fouet.
La grille crissa et quatre iŭga, tête basse, entrèrent escortée de leur gardienne, c'était la relève tant attendue.
Leur geôlière les libéra des barres.
Elle les fit se mettre à la queue leu leu.
Leurs chaînes furent fixées au collier de leur devancière, la première était tenue en laisse par la surveillante.
Elles sortirent muettes, suivant la femme au fouet.
Déjà, elles entendaient leurs remplaçantes chanter et ce refrain les poursuivait comme une persécution invisible.
Leur guide les mena dans l’obscur dédale des galeries.
Les prisonnières, jeunes pénitentes sans espoir, dociles, ivres de fatigue, presque titubantes n'avaient pour compagnie que les mouches qui les chaperonnaient, que les araignées et les cafards qui couraient sur les murs et la voûte, que le son de leur respiration, le cliquetis des chaînes et le frottement de leurs entraves qui résonnaient comme pour les annoncer. Antje avait toujours peur, le fouet l'effrayait, alors elle se hâtait d'obéir. Avant, quand elle était seule dans sa cellule, elle comprenait peu leur langue. Maintenant, après avoir senti la morsure acérée et méchante des lanières de cuir sur sa peau tendre, après être passée entre les mains de la jeune négresse, elle en savait beaucoup plus et si c'était une obéissance totale et instantanée qu'ils lui demandaient elle ne résisterait pas.

Depuis, Chiendri lui avait parlé des tortures et tous les jours, elles passaient devant des rangées de croix où des filles plus jeunes qu'elles étaient clouées au patibulum* étaient encore secouées de sanglots, haletantes, gémissantes de douleur, pourtant toujours vivantes au troisième jour. Souvent il fallait que le bourreau leur casse les os des jambes puis des bras pour que la mort vienne. Qu’avaient-elles fait pour mériter cela. Sûrement pas grand-chose, les misérables.

Six jours plus tard, elles furent conduites aux moulins qui sont au-dessus du Ranquet.
Travailler aux moulins était considéré comme une tâche indigne pour les esclaves de la Civitas, mais elles n'étaient plus que des iŭga, des choses moins coûteuses qu'un animal.
On leur avait assigné cette besogne depuis un certain temps, pourquoi un certain temps ?
Et bien simplement parce qu’Antje ne comptait plus les jours, à quoi bon ? Elle n’avait de prise sur rien, elle ne savait même pas ni pourquoi, ni où elle était.
On lui aurait dit : "tu travailleras à la meule pour un mois plein," (ce qui était le cas) la belle affaire.
D’abord, elle ne comprenait pas encore bien la langue et après, il y aurait d’autre corvées toutes aussi humiliantes, toutes aussi harassantes.
Déplacer la pierre du moulin était éreintant pour les deux couples de filles qui en avaient la charge, le poids de leurs chaînes rendait la corvée encore plus exténuante.
Les deux timons utilisés pour pousser la pierre venaient d'être changés et personne n’avaient pris la peine de les raboter.
Ils avaient été fabriqués à partir d'un arbre dont l’écorce était des plus rugueuses et des plus abrasive, l’avoir en mains pendant douze longues heures était une véritable torture.
Beaucoup de choses étaient semblables au Ranquet, mais c’est là que pour la première fois, on ne lui mit pas un bâillon, mais un mors comme à une jument, de toute façon plus rien dans cet enfer ne la surprenait. On le leur avait posé pour qu’elles ne mangent pas de la farine ou du grain. Au moulin, l'air surchauffé était encore plus malsain, le local était saturé d'une poussière blanche qui faisait comme une brume sèche. La chaleur accablante oignait encore plus rapidement les corps d'une sueur qui attiraient de plus importants nuages de mouches, moustiques et autres taons qu'au sous-sol.
Quant à l’odeur… On était loin des riches parfums qu’Antje connaissait.
Mais le sol était meuble et doux, même si pendant ces douze heures de calvaire, elle aurait à marcher, comme au sous-sol du Ranquet, plus d’une fois dans ses excréments ou ceux de ses compagnes. Pendant les courtes pauses qu’on leur accordait, il n’était pas question de les libérer de la meule, elles n’avaient même pas assez de longueur de chaîne pour s’asseoir.
Une fois la journée finie, on les amenait sous l'abri à cochons. En tant qu'iŭgum, elle n'avait plus droit à une cellule, c'est bien connu on ne met pas un animal en prison. On le met en cage ou on l'attache à un piquet. Et pour elles deux, c'était presque le cas.
Au mur, il y avait des chaînes scellées au-dessus de la mangeoire, on en prenait une et on la cadenassait à leur chaîne commune, puis on les nourrissait en même temps que les cochons et on recommençait le jour suivant.
Mais c’est là qu'Antje commença à apprendre la langue commune, elle eut Chiendri comme professeur, une négresse, une kaffer*. Antje se savait douée pour les langues, mais elle fut surprise de la vitesse à laquelle elle assimilait ce nouveau langage, tout comme sa facilité à récupérer des fatigues et des mauvais traitements. Elle n'était plus à une étrangeté près. Il y avait tellement de choses surprenante, sa seule présence tenait lieu pour elle d'un mystère insondable.
Le destin était décidément farceur, Antje dont la fortune de sa famille venait de l’exploitation des noirs, devrait sa survie et la compréhension de ce nouveau monde au bon vouloir d’une jeune négresse.
Sa vie maintenant était une sorte de routine.
La fatigue cédait souvent à l'ennui, l’ennui à la peur viscérale sur son devenir et quel qu’il soit, il semblait bien sombre.
Ces questions remplissaient la plus grande partie de ses préoccupations.
Le soir, elles parlaient toutes deux doucement, à voix basse.
Antje se perfectionnait dans cette nouvelle langue qui serait la sienne.
Au fil des jours et des nuits, leurs conversations progressaient au-delà des noms propres pour atteindre un stade plus complexe, mais elles devaient faire attention à rester discrètes.
Oreilles aux aguets à l’écoute des bruits extérieurs de l’appentis, elles devaient être sur leurs gardes.
Le bruit des pas dictait leurs attitudes. Le son doux et feutré des pieds nus annonçait le pas d’une esclave qui apportait l'eau et la nourriture du matin et du soir ; dans ce cas, il fallait simplement être en position à genoux ou à quatre pattes, mais elles pouvaient la regarder, parfois certaines les gratifiaient d’un petit sourire ou d’un peu plus de nourriture, elles eurent même souvent droit à des restes normalement réservés qu'aux porcs, une fois, il y eut même des fruits ressemblant à des poires blettes qu'une jeune esclave jeta par terre devant elles.
Si elles entendaient un pas lourd, c’était différent. Cela signifiait la venue d'un gardien, cela signifiait aussi qu’elles devaient être à genoux, que ceux-ci devaient être écartés pour exposer la manille de leur sexe, vu que leur condition excluait toute forme de pudeur.
Jamais elles ne devaient regarder leur gardien, elles devaient avoir toujours en sa présence la tête et les yeux baissés, elles attendaient dans le silence le plus complet le bon vouloir de leur maître.
Souvent, on venait simplement pour les regarder ou pour se défouler sur leur chair avec une badine, il n'y avait pas besoin de raison.
Mais rarement, on les utilisait à des fins plus sexuelles. Et presque toujours c'était quand elles étaient enchaînées à un timon de la meule. La première fois, ce fut sans surprise qu'elles virent les gardes relever leurs pagnes, il leur arriva la même chose que ce qu'elles avaient vue au Ranquet. Un des hommes lui claqua les fesses avant de les prendre en mains. La minute suivante, il était entré en elle. Un choc avait traversé son corps et son esprit quand elle s'était une fois de plus sentie impuissante, il y avait de quoi devenir folle. Pourtant sa raison s'accrochait à de menus détails. Antje continuait à regarder le timon mal équarri, la paume de ses mains écorchée, le sol aux dalles humides, non elle ne rêvait pas, elle était lucide, son cauchemar était tout ce qu'il y a de bien réel. Alors qu'avec de brusques secousses, il avait commencé ses va-et-vient elle mordit plus fort le mors qu'elle avait toujours en bouche.

  • Gentille iŭgum. Eh tu es vachement serré du con ! C'est vrai qu'avec la manille ça aide pas. On va voir si pour ton trou à merde c'est pareil ?... Avait-il dit en reniflant et en lui crachant dans l'anus. Et ... Et puis d'un coup, soudainement il était dans son cul.

C'était si dégoûtant et écœurant qu'elle eut envie de vomir. Son violeur avait une trique dans les mains. Il continuait à la baiser tout en lui cravachant le dos, lui provoquant des sensations complètement nouvelles et inconnues de douleur et de plaisir. Cependant, la douleur était encore trop forte. Mais progressivement, elle s'était atténuée pendant que l'excitation avait commencé à croître. Elle mordit son mors encore un peu plus. Ses lèvres s'étaient tordues en un rictus indéfinissable et elle commençait difficilement à retenir ses gémissements. C'était devenu pour elle très embarrassant, dégoûtant voir insultant. Elle se sentait méprisable. Elle avait l'impression de trouver du plaisir dans son avilissement. « Je suis qu'une sale pute ! Ils ont fait de moi un animal obéissant et docile. » pensa-t-elle et cette seule évocation déclencha le premier orgasme de sa jeune existence. « Je jouis... Arggg ! C'est fort... Ils m'ont bien dressée, je bouge mon cul comme une salope. » pensa-t-elle encore.

  • Putain d'iŭgum imbécile ! C'est presque ennuyeux de te battre si tu aimes ça. Une bête qui jouit avant ses maîtres et sans demander l'autorisation, c'est normal, ça ?

Ses coups de reins devinrent frénétiques, ses poussées de plus en plus profondes. « Ohhh, ouchh ! Est-il fâché ? Non, heureusement, » Le garde grogna un peu derrière elle, ... Oui, mais... elle n'en pouvait plus, elle jouit à nouveau essayant que cela ne se voie pas, mais l'homme dut sentir les spasmes de son anus autour de son sexe, car il cria à son voisin :

  • Elle jouit encore, la petite pute... et moi aussi... aaahhhhhh, ouiiiiii...

Alors qu'il lui tirait la tête en arrière, empoignant ses cheveux, giflant son cul, ses seins et son visage. Il projeta son sperme au plus profond d'elle. Ce faisant, il attrapa son cul et l'attira à lui. Tenant encore un temps son membre violent dans ce fourreau humide et chaud.

***

Tous les soirs avant de dormir, blotties l'une contre l'autre, elles parlaient de leurs vies d'avant. Antje mentait parce qu'elle savait que toute vérité n'est pas bonne à dire. Chiendri n'avait rien à cacher ni de sa vie ni des règles de ce monde.

  • C_ Les salauds, ils nous ont bien baisées au moins trois fois aujourd'hui. Depuis le temps que j'attendais ça. Tu sais, va falloir que t’apprennes à jouir sans que ça se voit. Une des nombreuses leçons qu'une esclave doit connaître, c'est l'autodiscipline et la patience ... Et aussi comprendre qu'en tant qu'esclave, tu n'as pas trop le choix … En plus, on est des iŭga, on a plus le droit de parler, plus le droit d'être debout même devant une esclave à moins que l'on nous l'autorise.

Antje poussa sans ménagement un porc qu'elle appelait Jambon afin de prendre sa place, elle était maintenant à quatre pattes la tête dans l'auge à cochon.

  • A_ Putain, qu'est-ce que j'ai faim ! Y m'ont cassé le cul, ces cons là. T'as vu y'a des têtes de poissons et des morceaux de pattes de poulets dans la bouffe, c'est trop bon.
  • C_ C'est pas du poulet, c'est des morceaux de queues de ragondins. Profite, tu verras au Dépotoir la bouffe, c'est l’horreur... Pour toi c'était ta première fois ?
  • A_ Ragondins ou pas, ça se mange. Pour la première fois, tu veux dire dans le cul ?
  • C_ Non, je parlais en général.
  • A_ Non, mais dans le cul, je l'ai pas fait souvent. Mais faire l'amour oui, dans mon pays j'avais un amoureux.
  • C_ Un amoureux ?
  • A_ Oui, je crois qu'on dit comme ça, une personne avec qui on pense fonder une famille.
  • C_ Oui... Peut-être qu'on dit comme ça, mais pour nous c'est impossible, on est des iŭga, même pas des esclaves.

Antje avait sorti la tête de l'auge, elle s'était retournée vers Chiendri, la figure toute barbouillée.

  • A_ Ma pauvre, t'as jamais eu de copain ?
  • C_ Non je sais pas ce que c'est. Jusqu'à mon arrivée à la Civitas, j'étais l'esclave d'un colporteur, je portais une grande hotte remplie de marchandises. Il me baisait souvent et ses clients aussi. Allez ma chérie, viens que j'te lèche la figure. T'es trop mignonne.

Antje à quatre pattes prit des airs de petite chienne. Pour la première fois elle regardait vraiment Chiendri. Cela allez faire plus d'une semaine qu'elles étaient enchaînées l'une à l'autre et en plus de leurs liens, une solidarité réciproque était née.

Elles trimaient, mangeaient, dormaient ensemble. Tout ce temps Chiendri l'avait consacré à lui enseigner le parler et les lois de la dure vie d'esclave.

Comme elle eut honte du plaisir qu'elle avait retiré de son viol. Elle eut honte de la façon dont elle avait au début considérée sa compagne. Ce sentiment incongru de supériorité qu'elle avait à l'égard de Chiendri, alors que pour celle-ci, elle n'était qu'un boulet supplémentaire. Elle venait juste de prendre pleinement conscience qu'elle n'était qu'une iŭgum dont le seul soutien serait Chiendri. Ce fut pour elle comme une évidence biblique... Elle la trouva belle, désirable, elle était musclée avec de beaux seins fermes et des fesses bombées.

Chiendri qui avait deviné ses pensées lui demanda :
C_ Je te plais ? Tu sais, on est dans la même chaîne.

  • A_ On peut être amies, Chiendri.
  • C_ Si tu m'obéis, on pourra être amies.

Elle avait tellement besoin d'être sécurisée, qu'elle lui prit la main en disant :

  • A_ Je ferai tout ce que tu m’ordonnes, tu sais, je me sens beaucoup plus rassurée près de toi.

Elles étaient dans le fond de l’appentis au milieu du foin et tout près des mangeoires, un coin discret où on avait l'habitude de les enchaîner. Les cochons étaient partis divaguer dans les fossés cernant les murs de la cour de la Civitas.

  • C_ Tu sais, si on veut survivre, il faut qu'on soit des amies vraiment dévouées l'une à l'autre. Tu es prête à m'obéir ?

Antje, étrangement exaltée, lui répondit :

A_ Oui ! Je ferai tout ce que tu me demandes. Tu es très belle. Ce n'est pas juste que tu sois une iŭgum, pourquoi on t'a déclassée ?

Chiendri tenta de l'embrasser sur la bouche... Elles commencèrent une bataille de langues, faite de feintes et d'esquives. C'était un peu écœurant et excitant à la fois. Cela se termina par un vrai baiser passionné.

La noire s'étira, agita ses chaînes et bâilla, allongée au milieu de la paille. De profil, elle avait un nez fin et assez court « Elle a plus de chance que moi » songea Antje « son anneau est plus petit que le mien, je ne l'ai presque pas senti sur ma langue, alors que le mien il descend presque sur mon menton. » Chiendri avait des lèvres pulpeuses, une belle bouche dépassant légèrement le bout de son nez et des pommettes saillantes. Son corps superbe se prélassait dans le foin...
C_ Ha ça ? On m'a accusée d'avoir empoisonné mon maître. Bon... Alors, viens que je te débarbouille, après si tu veux me faire plaisir, tu me lécheras où ça fait du bien, petite sœur, il doit rester de la crème d'homme.

Antje les yeux fermés se laissa faire, elle sentit sur son visage la langue agile de sa compagne. Quelques minutes s'écoulèrent.

Puis la noire fronça un peu des sourcils. Sa compagne comprit très bien ce que cela voulait dire ! Elle se mit à genoux et lui embrassa les pieds en disant :

  • A_ Pardon Chiendri, mille fois pardon.

Elle remonta en embrassant ses mollets et ses cuisses. Elle était glabre comme toutes les esclaves de la Civitas.

Antje se glissa entre ses cuisses, malgré ses chaînes, elle les avait bien écartées en mettant une jambe sur le bord de l'auge.

Tout en se caressant la fente, Antje à genoux posait pour la première fois sa bouche sur le sexe de Chiendri. Elle se surprit à n'avoir ni dégoût ni réticence, en d'autres lieux elle aurait trouvé cela... elle n'aurait pas même pu imaginer pareille situation. Mais ici, dans cet autre monde, l’apartheid n'existait pas. Elle commença à jouer de la langue. L'anneau de son nez battait la manille-lyre de son amie avec un petit bruit de clochettes « Heureusement que les axes et les étriers sont grands Oh ! Qu'est-ce qu'elle mouille ! Ça lui plaît vraiment ».

Plusieurs autres pensées saugrenues lui passèrent par la tête comme : « Si mes parents me voyaient, sûr qu'ils me déshériteraient. Putain dans la même journée on me viole, je broute le minou d'une black et j'aime ça putain, j'aime ça. Tu ne dois pas être normale ma pauvre fille ». Ou encore, « Elle aurait pris une douche, ce ne serait pas mieux. » En même temps, qu'elle léchait consciencieusement la chatte de sa copine. Elle se familiarisait à son odeur et à son goût un peu fort. Elle avait encore du foutre plein la chatte, mais sa langue fut aussi efficace que celle de Chiendri lorsqu'elle lui avait nettoyé la figure.

  • C_ Tu as un beau cul pour une Blanche.
  • A_ Merci. Et toi tu mouilles comme une fontaine.
  • C_ Mets deux doigts dans mon con. Si tu vois que tu peux y mettre la main… fais-le et lèche plus vite...

C’était un merveilleux moment, elle la baisa avec les doigts puis la main tout en léchant à toute allure du bout de la langue la petite perle rose qui suintait de désir. Enfin, elle jouit et trempa le visage de Antje qui s'en lécha les babines et les mains.

  • A_ Et c'est vrai tu l'as fait ?
  • C_ Fais quoi ?
  • A_ Empoisonné ton maître ?
  • C_ Pour sûr ! Même que si c'était à refaire, j’hésiterai pas.
  • A_ Pourquoi ?
  • C_ Il a tué ma mère.
  • A_ C'est pas toi qui me disais que c'est normal qu'on souffre, que les maîtres peuvent faire ce qu'ils veulent de nous ?
  • C_ Oui mais mon maître avait cloué ma mère sur le mangeur d'âmes*.
  • A_ C'est quoi ça ?
  • C_ Comment, tu ne connais pas le mangeur d'âmes ? Tu es vraiment une étrangère.
  • A_ Je te l'ai déjà dit, mon pays est très différent du tien.
  • C_ Le mangeur d'âmes... C'est un arbre qui peut se nourrir de chair humaine. Il ressemble à un baobab, mais l'écorce de son tronc est hérissée d'aiguilles venimeuses comme les cactus du Moggave*. Tu sais, être clouée c'est déjà horrible mais les épines qui pénètrent la peau sucent ta vie. Cela peut durer 15 à 20 jours et des fois plus. Imagine 15 jours avec la même douleur que quand on t'a marquée au fer rouge.
  • A_ 15 jours ? Même moins, c'est pas possible, on meurt de soif avant.
  • C_ Ce que tu ne sais pas c'est que l'arbre nourrit son hôte, il échange le sang contre de la sève, à la fin il absorbe tout et comme j'te l'ai dit ça peut mettre du temps, ma mère a vécu cet enfer pendant cinq jours avant que je puisse lui planter un clou au milieu du front.
  • A_ Et tu n'as pas été condamnée à mort ?
  • C_ Si, devenir une iŭgum c'est être condamnée à mort.
  • A_ Mais les filles crucifiées devant lesquelles on passe matin et soir ?
  • C_ C'est différent, ce sont leurs propriétaires qui ont payé la Civitas pour les exécuter. Tu sais pour toutes les exécutions, il n'y a que la Civitas et la Guilde Souveraine qui ont droit de le faire. Si leurs maîtres l'avaient fait par eux-mêmes ils auraient dû payer une taxe du centuple de ce que facture la Civitas. Dans mon cas, mon maître n'avait pas d'héritier et personne pour prendre en charge mon exécution. Dans ce cas, la loi requière la condamnation à être une iŭgum au Dépotoir en tant que paire. C'est le régime le plus sévère.

Antje était allongée dans la paille, la tête appuyée sur le ventre de son amante. Elle réfléchissait, elle essayait de faire le point sur son état d'iŭgum. Tout ce qu'il en résultait c'était qu'en fin de compte, elle avait cédé et ravalé toute fierté, glissant chaque jour un peu plus vers l’animalité. Tout avait été planifié afin qu'elle agisse comme la bête qu'ils voulaient qu'elle soit. Elle repensait avec quelle facilité elle avait pu chier au Ranquet. C'est vrai que dans sa cellule, elle acceptait de faire ses besoins devant le garde et la jeune négresse mais qu'au-dessus de son seau. Là aussi, le dressage avait fait son œuvre, d'abord, on lui avait interdit de s'accroupir sous peine du fouet. Puis on lui avait retiré définitivement le seau, mais cela restait à l'abri des murs. Alors depuis l'épisode du Ranquet, elle savait qu'à l'extérieur elle devait pisser et chier debout sans marquer d’arrêt. La puanteur ne la dérangeait plus, c'est à peine si parfois elle remarquait quand elle marchait dans des déjections, d'ailleurs Chiendri lui avait dit qu'il valait mieux essayer de se soulager dehors avant de retourner à l’appentis pour qu'ainsi leurs excréments ne se mélangent pas à leur litière. L'une des pires choses qu'elle avait appris à surmonter, c'était cette gêne à se soulager en public pendant la journée. Mais à chaque fois que cela arrivait, l'idée d'être une iŭgum la réconfortait, c'était comme si elle jouait un rôle.

  • C_ Toi aussi tu es belle, tu m'excites Antje, mais c'est ta langue qui a gagné mon cœur. C'est ta langue qui attise la passion dans mes reins. C'est ta langue qui me pousse à l'extase et me rend heureuse d'être en vie.

Antje cala sa tête entre les seins de Chiendri, elle utilisa sa langue pour attraper l'anneau d'un des mamelons de son amie qu'elle mena à sa bouche, puis elle saisit le téton entre ses lèvres. Et elle murmura les dents serrées.

  • A_ Alors seulement ma langue ?
  • C_ J'en ai bien peur, amour.

Antje tira doucement sur l'anneau et ses doigts commencèrent à jouer avec la manille du sexe de sa victime.

  • A_ Je n'ai pas d'autres intérêts ?
  • C_ Je t'ai pas dit que tu étais belle ?
    Antje tira plus fort sur la manille et mordilla le téton.
  • C_ Ouuuh ! Euh… ta chatte a bon goût.
  • A_ Comment le sais-tu ? Tu ne l'as pas encore goûtée.
  • C_ Mais je ne demande que ça ma chérie.
  • A_ Alors qu'est-ce que tu attends, petite salope ? Antje tira cette fois assez fort sur la bague du mamelon.
  • C_ Ahhh ! Arrête ça !
    Antje tira plus fort encore.
  • C_ Aie ! Oh… toi aussi tu as des seins superbes ! J'aime leur couleur blanche et tes veines bleues. Oh, je ne sais pas, ma belle bête. Viens ici et embrasse-moi. N'as-tu pas promis de m’obéir ?
  • A_ Bien maîtresse, tu continues à me taquiner... au lieu de prendre ta si belle bouche, je peux présenter à ta chatte d'ébène mes dents blanches, maintenant je connais le chemin.
  • C_ D'accord, je veux bien l'admettre. C'est l'anneau de ton nez. La façon dont tu le fais glisser sur mon clito…

Chiendri poussa un cri vite étouffé par ses rires alors que Antje descendait entre ses cuisses, seulement pour se livrer à des chatouilles au lieu de morsures.
L'attaque terminée, les deux amantes se couchèrent dans la paille. Elles entremêlèrent leurs pieds et leurs chaînes.

  • C_ Alors ?
  • A_ C'est la première fois que je suis vraiment heureuse. Ouais, maintenant je le suis... j'ai chaud, j'ai le ventre plein, j'ai même joui quand le garde m'a baisée, je n'ai pas mal. Je suis dans tes bras, je sens ton souffle sur ma nuque, ta poitrine contre mon dos et ta main dans ma chatte. Oui, aujourd'hui, c'est tout bon.
  • C_ Bon alors, je te promets, je ne te quitterai jamais, ni toi, ni ta langue.
  • A_ Chienne !
  • C_ Non, iŭgum... Nous sommes des iŭga, tu t'en souviens ?
  • A_ Alors, maintenant chut, nous devrions dormir, demain il faudra encore faire tourner la meule.

***

Heureusement ou malheureusement, le mois était passé et on devait les transférer. Elles savaient que la chaîne qui reliait leurs cous ne serait plus jamais retirée.

Pour leurs gardiens, elles formaient une paire ou une chaîne, une paire parmi des milliers d’autres, une paire qui s’épuiserait, qui serait punie et qui mourrait ensemble.

  • Allez, du nerf, ne ralentissez pas !

Les mots du doryphore ne précédaient que de quelques secondes la morsure du fouet, rappelant à Antje qu'elle n'était plus qu'une iŭgum sans pudeur, ni volonté, une bête de somme en route pour le Dépotoir …

On l’avait placée en tête d’une colonne d’iŭga.
Les bras enchaînés dans le dos, on lui avait remis le mors.
Un garde la tenait en laisse et elle était à la tête d’une file de huit filles toutes reliées les unes aux autres par une chaîne qui allait de collier en collier. Apparemment cela ne suffisait pas, car une autre plus lourde était boulonnée au maillon central des entraves de leurs chevilles et c’est avec effort qu’elles la traînaient par terre.
Elles devaient la tirer jusqu’au Dépotoir leur point de chute, pouvait-on tomber plus bas ?

La ville portuaire qu’elle traversait, elle ne la connaissait pas.
Il lui semblait être au milieu d’un décor de péplum imaginé par un décorateur dément, un mélange d’architecture néo babylonien avec une débauche de bois exotiques, de tôles ? Oui de tôles ! Et de stucs multicolores.
Mais elle n’était pas une touriste, elle était une marchandise, nue, entravée. Les chaînes qu’elle avait aux pieds lui faisaient mal aux chevilles.
Presque toute la journée, elles cheminèrent de la ville haute, c'est à dire de la Civitas au port, puis elle passerait entre les entrepôts, longerait les quais.
Elle franchirait les Portes de la Douleur pour emprunter le ponton long qui les mènerait à la presqu’île du Dépotoir.

Rapidement, des enfants cruels armés de badines les entourèrent.
Pour Antje, c'était humiliant de marcher nue, enchaînée, de par les rues de cette ville inconnue grouillante de vie.
Dans sa cellule ou dans la cour de la Civitas, elle était seulement une iŭgum parmi beaucoup d'autres.
Mais ici, elles étaient les seules parmi beaucoup de quidams bien habillées, mêmes ceux qu'elle pensait être des esclaves avec leurs collier de bronze avaient un vêtement qui ménageait un tant soit peu leur pudeur.
Passé les portes de la Civitas, elles devaient constamment soutenir, impuissantes, les crachats, les coups de trique, les remarques et les moqueries sur leur nudité, sur leur crasse et sur leurs anneaux de servitude.
Dommage que le parcours soit si long, dommage qu’elles avancent si lentement.
Elle n’eurent droit qu’à un seul arrêt, lorsque les gardes s’arrêtèrent pour se désaltérer.
Et ce qui ne devait durer qu’une minute devint une longue pause car leurs gardes avaient bu plusieurs tournées et même fumé chacun un gros cigare allumé par ce qu'elle pensait être un Zippo.
Une jeune fille, une esclave sans doute, petite à la peau mate, leur retira même leurs mors pour les faire boire.

Antje lui demanda si elle pouvait parler à l'homme au Zippo. Elle n'eut droit qu'à de sévères remontrances et la remise de son bâillon.
Ce fut presque pour Antje le seul petit miracle auquel elle eut droit au cours de cette journée de cauchemar.

Elles arrivèrent aux Portes de la Douleur qui méritaient bien leur nom, là les attendait un brasero pour le dernier marquage celui du Dépotoir. Le ponton fut péniblement franchi, elles se traînèrent jusqu'à la presqu’île. Et sans même un répit, on leur posa sur les épaules un fléau avec un seau pendant à chaque extrémité. Elles prirent alors leur place au sein d'une file qui vidangeait le bassin de décantation des égouts de la ville pour aller les vider au sommet d'une butte haute de plus de 130 pieds, le « Pourrissoir* » située à plus de sept stades*.

Sur la presqu’île, tous les chemins étaient recouverts non pas de graviers ou de sable mais des scories acérées de la fonderie.

À chaque aller-retour, elles longeaient un long talus le « verticem collis*”, où agonisaient les condamnées à la mort lente, étalage monstrueux de l'ensemble des supplices pouvant faire souffrir le plus longtemps possible. Et au Dépotoir, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne manquait pas d’imagination. L’île du Dépotoir suffisait à assurer l’opulence et la prospérité de la cité, c'était elle qui recyclait les boues noires* et grises*pour les cultures par hortillonnage, c'était elle qui fournissait des bataillons afin de déblayer les dessous de la cité ou des galériennes pour les mégadromons. C’était dans ses forges et sa fonderie que le gros des métaux étaient travaillés.

Évidemment pour que tout tourne parfaitement, il fallait une main de fer, des milliers esclaves utilisées comme des outils jetables. Aussi, le Dépotoir devait être administré de façon efficace et ses comptes devait être dûment avalisés par la Guilde elle-même.
Il faut dire que sur Exo la Guilde était plus puissante que n’importe quel empire ou royaume.
C’était elle qui fixait la parité des devises, elle était aussi impartiale que puissante, elle avait pour politique une certaine non-ingérence.
Toute nation, toute cité-état, se devait de signer sa charte, sous peine de ne pas être desservie par une de ses lignes et que sa monnaie n’ait de valeur que sur son territoire.
Parmi les puissants, chacun savait qu’elle possédait des armes dévastatrices, tous savaient que l’ordre des Hors-Loi et des Régénérés en étaient actionnaires, quant aux autres, nul ne les connaissait, mais on se doutait qu'ils étaient aussi puissants qu'invisibles, aussi une foule de mythes, de légendes couraient sur leur hypothétique existence.
Tout cela, Antje comme la majorité des petites gens et des esclaves l’ignoraient.

***

  • A_ J’peux pas bouffer cette merde, dit Antje.

La puanteur du bol qu’elle avait repris dans ses mains était affreuse. Antje trouva que la façon dont les autres femmes avaient dévoré la soupe grise gluante était incroyable.

Mais ici, il n’y avait pas de garde pour l’obliger à manger et puis pour l’instant, elle avait trop mal aux pieds.

  • C_ Antje. Veux-tu mourir de faim ?
  • A_ Est-ce une si mauvaise idée ? j’en ai marre de cette putain de vie, répondit-elle avec fureur.

Elle regardait ses chevilles écorchées à cause des fers.
Les chaînes de Chiendri firent un son strident alors qu’elle s’installa à côté d'Antje. Elle passa son bras autour d'elle.

  • C_ Nous allons rester ensemble, chérie, et tu vas manger, car sinon demain, tu seras faible et alors nous serons deux à en payer le prix. Si tu ralentis, moi aussi je serai fouettée, si tu meurs, il ne se passera pas un instant avant qu’on m’égorge, tu sais que j’mens pas. Tu as vu ce qu’ils ont fait à l’autre fille qui poussait la meule quand sa compagne est morte d'épuisement.
  • A_ Oui, j’en fais encore des cauchemars.

La jeune négresse s’était assise, à la manière d’un yogi, Antje pouvait voir la blancheur de la plante de ses pieds. À cause de sa peau sombre, elle paraissait plus propre qu'Antje.

  • A_ T’as jamais mal aux pieds ? Demanda Antje.

Chiendri lui sourit tristement.

  • C_ J’ai toujours été esclave, j’ai jamais eu de chaussures. La plante de mes pieds est comme de la corde des vigatanes*. Toi, t’as jamais marché pieds nus ?
  • A_ Non. Répondit vivement Antje. Je vivais dans un pays civilisé.

Il était étrange que le sujet soit abordé maintenant. C’était comme si à présent elle ne voyait que des orteils et des pieds nus. Dix femmes partageaient chaque cage de fer du camp et il ne semblait pas y avoir d’esclaves chaussées dans ce pays. Ce sujet sembla intéresser Chiendri.

  • C_ Pas même pendant la saison sèche ? Insista-t-elle.
  • A_ Non ! répondit Antje. Je veux dire... Je sais pas… Certains marchent pieds nus, mais c’est rare. On s'en fout bordel ! Je ne… S'il fait chaud et que je m’assois quelque part, j’enlève peut-être mes tongs. Mais je marche pas pieds nus. C'est dégoutant. Juste comme ça, merde alors.
  • C_ C’est quoi des tongs ?
  • A_ Des chaussures légères qu’on met pour aller à la plage.
  • C_ À la plage ?
  • A_ Là d’où je viens, les gens ne travaillent pas tous les jours, ils s’amusent, ils vont nager à la plage et puis merde, c'est trop compliqué à expliquer, tu veux me rendre malade ? Je fais tout pour oublier.
  • C_ Tu devrais manger.

À cet instant exact, Chiendri jeta un coup d'œil au bol dans sa main, il était vide, propre à force d’être léché, il n’était pas en terre, ni en bois, c’était une boite crânienne. Une grosse larve émergeait des feuilles mal cuites qui surnageaient dans celui de sa compagne.

  • C_ Putain ! T’en as de la chance, dit-elle, tu me la donnes ?

Antje la posa sur le rebord.

  • A_ Fais-toi plaisir, je t’en fais cadeau. Elle n’eut même pas un semblant de haut-le-cœur.
  • C_ Alors ça ! Merci… J’ai d’la chance de t’avoir pour sœur de chaîne… Un peu de viande, c’est toujours bon. Bienvenue dans la bande des va-nu-pieds. J’veux dire, tu vas être pieds nus pour le reste de ta vie. Exactement comme moi.

Antje jeta un coup d'œil à Chiendri comme si elle était sur le point de fondre en larmes.

  • C_ J’suis désolée, dit Chiendri en baissant la tête. C'était pas drôle.

"Non", pensa Antje. "C’est une vie que je vais perdre dans cette putain de décharge où on travaille dur, où le fouet règne en maître. Les pieds nus, le corps nu pour le reste de ma vie. Mes pieds ne verront probablement plus de chaussures, bon sang. Ce qui n’est peut-être pas un problème pour elles et merde, j’étais étudiante en littérature et en langues orientales, je déteste vraiment être pieds nus, ils sont sensibles mes pieds. Je devrais être dans un bar sur Beach Boulevard. Au lieu de cela, je suis assise dans une cage, enchaînée comme un animal, retirant des épines et des gravillons de la plante de mes pieds après une putain de journée de travail à porter des seaux remplis de merde. Maintenant quoi, je vais essayer de dormir ou peut-être que je vais chier une merde dans le seau en bois devant tout le monde ou me masturber et lécher la chatte d'une autre esclave ou bien encore manger ce brouet puant qu'ils appellent nourriture de la même façon que si cette merde était la plus divine des cuisines. Je me demande combien de temps, il me faudra pour leur ressembler."
Un homme frustre, velu comme un singe, avait éclaté de rire quand Antje s'était plainte de ne pas avoir de chaussures.

  • T’es qu’une vulgaire iŭgum, animal, encore une remarque et je te coupe la langue et t’auras du fouet. Il avait ri encore plus, blaguant avec d'autres gardes, montrant les pieds nus d'Antje.
  • C_ Tu verras, dit Chiendri. Nous allons sortir d'ici.
  • M_ Vous rêvez ! dit une des femmes plus âgées, assez brusquement faisant frémir Antje et Chiendri. Vous z'allez faire vot temps, vous pouvez rien y faire, vous mourrez dans vos chaînes, avec vot crâne on fera un bol pour une autre esclave, vot' chair ira dans les grandes marmites à bouillon pour nourrir les chiens, les cochons et les iŭga comme nous, les meilleurs morceaux ça s'ra pas pour nous, ce qui restera de vot carcasse ira au pourrissoir. C’est comme ça, ça toujours été comme ça et ça s'ra toujours comme ça. Continua la femme. Plus tôt vous vous habituerez à cette idée, mieux ça s'ra.

Elle était noire comme de l'ébène. Elle était un peu essoufflée car elle venait juste de se lever du seau. Elle avait pris une poignée de foin moisi sur le sol de la cage pour se torcher. Elle s’assit les jambes grandes ouvertes, exposant son sexe glabre aux lèvres roses encore humides où pendait une manille luisante de pisse.

  • M_ Le mieux, c’est de s'rendre l’temps aussi agréable que possible en étant gentil avec vous-même.

Elle caressa son sexe non sans une certaine lubricité. Ce faisant, elle tira sur la chaîne de son collier, alors sa compagne se plaça entre ses jambes pour lui lécher le minou.

Sans faire attention à cette scène, Chiendri demanda.

  • C_ T’es là depuis longtemps ? Comment ça marche avec les gardes ?
  • M_ Je suis ici depuis qu’mon père m’a vendue pour payer ses dettes, ils sont durs avec nous. C’est vos premiers jours ici, alors si j’ai des conseils à vous donner, c’est d’obéir et de vous préparer l’fion.
  • C_ Pourquoi, ils nous baisent souvent ?
  • M_ Eux… Non, pas si souvent qu’ça, par contre leur tailler des pipes, ça oui ! Pendant ce temps-là, dites-vous qu’c’est une pause… Alors un conseil faites durer, c’est toujours mieux d’ète à genoux une bite dans la bouche plutôt que de monter la butte.
  • C_ Qu’est-que tu veux dire par eux non ?
  • M_ Parfois ils nous font baiser par leurs dogues… Ils font des paris… y aura du monde au spectacle. Alors quand vous aurez le nœud d’une bite de chien bloquée dans votre fion, vous penserez à moi.
  • C_ Bah ! Être baisée par un chien, j'ai connu pire. Mais attends... Tu veux dire qu’on mange nos sœurs dans leurs crânes ? avait dit Chiendri.
  • M_ Pardi, tu croyais pas qu’ils gâcheraient de la bonne viande pour nous ?
  • A_ Mais c’est dégoutant, c’est inhumain ! objecta Antje.
  • M_ Quand tu s'ras affamée, on en reparlera. Et puis t’es qu’une iŭgum, au-dessous d’nous y’a que les iotas et encore… Alors écoute ta copine et mange !
  • A_ Tu es sûr de c’que tu dis ?
  • M_ Tu pourras le vérifier quand ça s'ra ton tour de remuer les grandes marmites à bouillon. Chiendri et Antje se détournèrent, dégoûtées. Mais en fin de compte Antje avait fini son bol.
  • A _ J’étais déjà une esclave, me voilà cannibale et, en plus, je vais me faire baiser par un chien. C’est un cauchemar, se désola Antje.
  • M_ Un chien ? Tu veux rire ma mignonne, pas un, mais des chiens et ils connaissent leur boulot. Quand ils z'auront fini avec toi plus rien te choquera, pas même manger leurs merdes… C’est déjà arrivé. J’pense que demain, on va vous tondre, vous s’rez alors comme nous… Chauves avec la marque de la marmite. Ils nous tondent pour not' bien qui disent, plus de poux, plus de morpions et comme ça quand tu manges à l’auge du matin, tes cheveux risquent pas d’tremper dans la soupe. Avant ils tatouaient, mais c’était trop long. Maintenant, c’est l’fer rouge à l'entrée du Dépotoir, faut pas oublier qu’on est qu’du bétail.
  • C_ Bah ! J'ai déjà été tondue, ça aussi j’commence à avoir l’habitude… ils n’ajoutent pas de matricule ? Le ton de Chiendri se voulait ironique.
  • M_ Pas besoin. Vic, t’as fini d’me lécher ? qu’je montre aux nouvelles.
  • V_ Oui Malda.
  • M_ Regardez les filles, au milieu de not chaîne y a une médaille, c’est comme ça que les gardes nous connaissent, nous on est la chaîne débris 50. Quand y vous auront tondu, vous aurez droit à la médaille au milieu de vot' chaîne. Vous avez déjà eu droit à la marque de la Marmite en arrivant. En plus demain, c’est un jour spécial, c’est l’éclipse trimestrielle, on aura droit au badigeon.
  • A_ Et c’est quoi cette marque de la marmite ?
  • M_ Eh ben tu vois, c’est une marmite quoi… Tu travailles pour la marmite et tu finis dans la marmite.
  • A_ Et le badigeon ?
  • M_ C’est une espèce de teinture qui nous protège des moustiques et des coups de soleil. Faut pas croire… Ils prennent soin du bétail.
  • A_ Jamais on peut s’laver ?
  • M_ Non, petite Antje, en dehors de la pluie, jamais de bain en dehors de la merde qu'on transporte, Ironisa Malda.
    Un des gardes sortit soudainement de nulle part, il fit claquer son fouet. Il gueula quelque chose comme :
  • Dormez, maintenant salopes ! Vous travaillez dur, demain !
  • M_ Nous ferions mieux de faire ce qu'il dit », murmura la femme qui s’appelait Malda.

Cela prit des heures avant qu'Antje puisse dormir.
Bien qu’elle soit une négresse, elle était heureuse d’avoir le bras de Chiendri autour d’elle. D’une manière ou d’une autre, elle pensa que c’était vraiment agréable d’avoir ce corps nu contre elle. Un sentiment dont elle était sûre qu’il l’aurait fait vomir il y a seulement quelques mois. D'autant plus qu'elle considérait Chiendri comme sa maîtresse.

  • A_ Tu es une pauvre chose, lui dit-elle doucement en anglais en lui caressant la joue. Laisse-moi toucher ton anneau ici, entre les jambes, dans cette douce chaleur ! J'ai réfléchi à l’absurdité de ce qui m’arrive, puis j'ai compris qu’il n’y avait rien à comprendre. Je me suis rendu compte que dans ce monde étrange, il était tout à fait normal qu'une esclave comme moi soit traitée de cette façon, en fait pire qu'une chienne, si ce que dit la femme est vrai. C'était dans mon état d'esprit de considérer les noirs comme quelque chose de moins qu'humain, moins même que les animaux de compagnie.
    Avec un frisson, j'ai réalisé que cela devait être quelque chose comme la façon dont les esclaves étaient considérés dans mon monde, il n’y a pas si longtemps. Je paye peut-être pour mes frères blancs, pour ma famille, pour l’apartheid. Je suis peut-être dans une sorte d'univers parallèle, où l'esclavage n'aurait jamais disparu, et resterait un pilier de la vie quotidienne ? Cette pensée effrayante ne me quitte plus. C’est comme si j’étais née pour être esclave… Servir des maîtres… Procurer du plaisir quand on me l’ordonne… Être toujours gardée nue et enchaînée ... Sous le contrôle total de quelqu'un d'autre… Je me souviens que le lendemain matin de mon marquage à la Civitas, je ne me suis pas reconnue moi-même ! Au cours de la dernière journée, j'avais tellement souffert que j'avais peur d'ouvrir la bouche et de mettre le garde en colère. Ma volonté était en ruine, j'avais perdu mes dernières miettes de fierté. Même ma haine pour cet homme avait disparu quelque part, elle s'etait retirée, laissant place à la peur et à l'humilité. Mais la chose la plus étrange et la plus terrible est qu'à partir de ce matin-là, une sorte de désir extraordinaire naissait en moi.

Ce n’était plus une vérité qu'elle essayait d'ignorer. Elle se souvenait avoir vu, dans une ferme près de Upington, une jeune négresse qui, pour quelques rands, s’était fait prendre par un Boerboel, un chien de près de 80 kg. Elle semblait en avoir l’habitude, elle avait même joui sous les yeux indignés des blancs qui avaient pourtant payé pour le spectacle. Même si elle semblait révoltée par sa situation, elle ne pouvait pas arrêter l'excitation qui l'envahissait, sachant qu'elle ne pourrait pas éviter les orgasmes qui révéleraient sa véritable nature.
Pour Antje, les chaînes et l'esclavage étaient exactement ce qu'elle méritait et qu’elle avait peut-être voulues. Ce qui la surprenait le plus était à vitesse à laquelle elle avait accepté sa nudité permanente et la perte de toute pudeur, il faut dire que chier en faisant tourner une meule avait dû beaucoup aider. Même le regard des gardiens lui étaient devenus non pas indifférents, mais parfois une source d'excitation.
Son obsession, c’étaient ses pieds, pourquoi lui faisaient-ils si mal alors qu’elle avait supporté le fer rouge, mystère ?
Alors qu'elle murmurait ces phrases dans sa langue natale, ses mains erraient sur le corps de Chiendri, glissaient sur sa peau moite, caressaient ses seins, les serraient, puis taquinaient ses tétons bagués.
Au fur et à mesure que son excitation grandissait, elle leva les yeux vers le visage de Chiendri et elle vit qu'elle était réveillée, ses lèvres s’entrouvrirent, sa langue les léchait, elle savait qu'elles étaient aussi excitées l’une que l’autre.
« A quoi doit-il ressembler de vivre sa vie comme l’outil d'un autre ? Notre destin, est-il de servir, de souffrir de satisfaire nos gardiens ? Être enfermées, dépouillées de toute responsabilité, de toutes humanité, juste obligées d'obéir aux ordres ... » pensait-elle.

En réalité, son esprit était ému par leurs expériences saphiques. Pour elle cela avait été préférable de devenir un animal une iŭgum comme ils disent tous et d'accepter le plaisir d'où qu'il vienne, mais ce qui importait c’est que pour l’instant elle était toujours en vie.

***

Antje se réveilla aux cris et au claquement des fouets. Elle décida de garder les yeux fermés, probablement était-elle encore endormie en train de rêver. Elle dit quelque chose en anglais et se retourna sur le plancher de la cage.
Alors qu'elle commençait à prendre conscience, le son des chaînes résonna de plus en plus fort. Lorsque Chiendri la secoua par l'épaule, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas fait un cauchemar dans lequel elle était une esclave. C'était sa réalité.

  • C_ Debout, lui murmura Chiendri. Elle avait l'air effrayée. Je ne veux pas être la dernière à quitter la cage. J'ai l'impression que cela signifierait des problèmes.

Antje se mit à genoux et dit :

  • A_ J'ai besoin de faire pipi.
  • V_ Retiens-toi, dit Vic.
  • A_ Quoi ? demanda Antje qui n'était pas exactement une personne du matin.

Pendant une seconde, ses mains cherchèrent des chaussons par terre. Puis le bruit des piétinements des pieds nus sur le bois lui rappela qu'elle n'en trouverait pas, qu’elle n’en trouverait plus jamais.

  • A_ Qu'est-ce que tu veux dire par retiens-toi ?
  • V_ Ça veut dire qu’on n'a pas le temps d’aller au seau chacune not' tour. De toute façon le seau c'est juste pour chier, sinon il se remplit trop vite. Tu feras tes besoins en marchant ou devant l’auge où ils versent le cycéon du matin. Si c’est pour chier, tu feras ça sur le pourrissoir.
  • A_ Merci.

***

Un an s'est écoulé. Une année entière d'humiliations et de tourments continus. Toutes les cicatrices guéries ont été remplacées par d’autres. Mais pour Antje, il y avait en plus cette rage, cette conscience d’être dégradée et de parfois y trouver du plaisir. Leur peau avait viré au bleu, elle pensait que son dieu avait été clément, car elle n’avait pas pris le couleur indigo foncé presque noire des autres iŭga, non elle et Chiendri étaient devenues bleu clair, pour Antje c’était comme une petite victoire sur l’adversité. Elle avait changé, en plus de la couleur, elle avait un peu grandi et elle avait pris du muscle. Mais elle ne détestait plus sa position d’iŭga, depuis longtemps, elle n'avait plus aucun désir de résister d'une manière ou d'une autre aux ordres de ses maîtres, même lorsqu’elle était baisée par un chien, il lui arrivait d’en éprouver une sorte de jouissance. Elle pensait, qu'elle était plus silencieuse que l'eau dormant sous la glace. Cependant, il y avait des moments lumineux dans sa terrible vie. Elle était devenue amie avec Chiendri et elles s’entraidaient pour endurer cette terrible vie. Elles étaient devenues les meilleures copines, les meilleurs amantes aussi.

Depuis peu on les avait changées de poste pour être parmi les porteuses du kago* de l’Intendante du Dépotoir. Et c’était pour elles deux, comme une promotion. C’est ainsi qu’elles commencèrent à la servir Ashka.

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Civitas : La Civitas, elle se trouvait en dehors de la ville, mais accolée, quand il y en avait une. Ce territoire renfermait une citadelle avec une ferme d’une grande superficie. La place de rassemblent pouvait servir de marché aux esclaves – Ses bâtiments abritaient l’unité politique et administrative de la ville. La Civitas avait une large autonomie. Le droit local et le statut des citoyens y étaient discutés. Elle était gouvernée par une curie (à l'image du Sénat), appelée Boulè, formée des notables, des curiales ou des décurions. Cette assemblée prenait toutes les décisions utiles à la vie de la Cité. Elle élisait des magistrats qui géraient la ville. Elle était surveillée par la Guilde Souveraine, qui s'intéressait principalement au maintien de l'ordre et à la perception de l'impôt. Chaque civitas faisait l'objet d'un recensement périodique qui permettait de définir le montant de l'impôt et la curie était responsable de sa perception pour la cité et la Guilde Souveraine.

Iŭga : Les iŭga, (iŭgum au singulier) est un cheptel de bétail humain, de sous esclaves. Elles sont connues, exploitées et vendues sur le continent en dessus de la mer de Silex, ainsi que sur une mince frange du continent Sud bordant cette même mer. Elles sont en quantités plus que suffisantes et se marchandent bon marché. De sorte que leurs propriétaires permettent à leurs contremaîtres de les gérer très durement, de les nourrir au meilleur coût, de les torturer à loisir. Les vêtements sont considérés comme une dépense inutile voir interdite par les lois de soumission. En règle générale, cela coûterait plus cher de bien les traiter et de les garder pendant des décennies, plutôt que de les conduire durement, jusqu'à l'épuisement et d'acheter de nouvelles iŭga, à mesure qu'elles meurent à la tâche, ou qu'on les « déposes ». Toutes les iŭga sont régulièrement fouettées et l'idée d'intimité ou d'espace personnel est quelque chose qu'elles devront oublier. Donc sauf exception les iŭga, seront toujours tenues complètement nues et chauves., leurs bras sont toujours enchaînés quand elles ne travaillent pas. Le nez, les seins, le sexe, sont toujours annelés.

Une iŭgum peut porter des tatouages, des scarifications, des marques au fer rouge, des mutilations de toutes sorte. Son sexe n'est pas seulement épilé, mais bagué et peu avoir une médaille gravée. Elles ont toutes un tatouage sur le front qui indique leur qualité d’iŭga. Enfin, parfois, elles ont une autre chaîne autour de la taille qui peut être utilisée pour les garder sous contrôle. Le conditionnement adéquat des nouvelles iŭga, est un déterminant important de leur valeur à long terme. Garder les nouvelles acquisitions nues, enchaînées, bâillonnées, violées aussi souvent que possible est fortement recommandé. De plus, l'installation de piercings sur l'anatomie sensible facilite une correction facile et douloureuse, aidant au contrôle physique et mental des esclaves les plus récalcitrantes. Il est également obligatoire de les raser complètement. Non seulement cela empêche la propagation des parasites, mais cela aide également à déshumaniser ce nouveau bétail, tout comme le fait d’avoir de nombreux rapports zoophiles, ce qui accélère le rythme de leur dressage, car c’est bien de cela qu’il s’agit. La paresse persistante, la désobéissance et les pensées contestataires, ne doivent pas être prises à la légère. À première vue, si un conditionnement insuffisant ne semble affecter qu'une seule iŭgum, il peut en fait menacer de contaminer le cheptel entier du bétail. En tant que tel, plusieurs mesures strictes sont recommandées, comme l’isolement, la torture et l’exécution publique des plus rebelles, avant d'introduire les nouvelles esclaves dans le troupeau existant. Cela minimise le risque de contamination des autres iŭga et facilite la transformation des nouvelles esclaves en travailleuses dociles et obéissantes. De toute façon une iŭgum, ne le devient vraiment, que lorsque sa peau devient bleue. À ce niveau de transformation, son cerveau est modifié pour en faire de véritables soumises sans volonté propre. Il existe trois sortes d’iŭgum :

L’ante : celle qui n’est pas encore bleue et qu’il faut dresser durement en attendant sa mutation.

L’iŭgum commune : elle est bleue, sans volonté, presque sans mémoire, souvent incapable de s’exprimer normalement. Elle est très forte, bien plus qu’un homme en tout cas. Très endurante, elle est toujours excitée sexuellement, comme atteinte d’une nymphomanie permanente. C’est pour cette raison que souvent on l’enchaine les mains dans le dos.

La clamor : très rare, car son cerveau n’est pas modifié et qu’elle peut tuer grâce à son hurlement. Elle est très dangereuse. De plus, elle est tout de même modifiée physiquement, car elle est encore plus forte, plus agile, plus endurante, qu’une iŭgum commune. Lorsque l’on en détecte une, elle est soit éliminée, soit vendue à un Hors-Loi, seul capable de gérer ce genre d’animal.

Comment expliquer les iŭga ? Simplement par le manque de moteurs, l’absence d’un grand nombre d’animaux de trait et la découverte du cycéon d’iŭga, un ingrédient mutagène facilement cultivable.

Cycéon* d’iŭgum : Les citoyens boivent le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge allongé d'eau et additionné selon les cas d'herbes, d'aromates, de laitage et de vin. Son nom vient de la nécessité de remuer le mélange avant de l’absorber pour éviter la formation d’un dépôt de matières solides. Un philosophe en fait le symbole de l'union des contraires rendue possible par le mouvement. Le Cycéon d’iŭgum ou d’iŭga, à la particularité d’être fait à base des restes, des épluchures, des vidures c’est normalement la nourriture des cochons, mais pour le Cycéon d’iŭgum ou d’iŭga, on y ajoute des drogues qui le rendent plus dégoutants plus amer, mais qui dopent le buveur, les effets secondaires sont la prise de masse musculaire, la couleur de peau qui vire à l’indigo et surtout la dégénérescence du cerveau. Cette boisson ne peut être bu que par des femmes, car elle n’est pas assimilée par les hommes.

Kaffer* : appelés en Afrique du Sud : Kaffer (Kaffir, Keffir ou Kaf). Kaffer est en afrikaans assimilable au mot nigger aux États-Unis.

Sosaties* : Le sosatie est un plat sud-africain traditionnel à base de viande d'agneau ou de mouton.

Patibulum* : Le patibulum est la partie transversale de la croix destinée au crucifiement. Il pouvait être attaché deux ou trois pieds en dessous de l’extrémité supérieure du poteau planté verticalement mais la forme la plus commune utilisée par les romains était la crux commissa, croix de Tau, formée comme notre T. Le patibulum était dans ce cas placé dans une entaille en haut du poteau.

Les vigatanes*: sont des espadrilles typiques de Catalogne à très longs lacets, montées à la main, faites de toile de coton et d'une semelle de chanvre. Portées par les Catalans depuis la nuit des temps,

Kago* : Un kago n'était en principe utilisé que pour porter une seule personne à la fois. L'avant et l'arrière étaient en principe couverts ; les côtés, en revanche en étaient laissés ouverts, ou protégés par des volets relevables. ls étaient typiquement formés d'une plate-forme où s'installait le voyageur, suspendue à une perche au moyen d'un triangle ouvert fait de bambou à l'avant, et d'un autre à l'arrière, qui pouvait, lui, être fermé par un dossier de bambou tressé. Un toit léger recouvrait la perche et pouvait se prolonger de chaque côté par des volets relevables, formés d'une fine natte de bambou tressé.

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