Épisode 37 - Premières fois

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 Tokri atterrit sans un bruit dans la fosse, ne soulevant que de fins volutes de sable. Les cibles étaient face à lui, imperceptibles pour des yeux communs. La vue intensifiée par le Chakra, le chasseur se mouva vers son objectif, aussi vif que silencieux.

 Face au nid, il relâcha l'envoûtement de ses iris. Recouvert par les amas de grains d’or, quelques soupçons de blanc trahissaient la présence des oeufs. Sans hésiter, l’Utak leva le pied au-dessus des fragiles coquilles.

 Une explosion retentit derrière lui, vibrant ses tympans. Une tempête de sable engloutit sa silhouette, l’amenant à fermer les yeux alors que l’immense gueule d’un croco-sableux se refermait sur lui en un claquement sinistre. La bête releva la tête pour broyer sa proie, décidé à l’engloutir entièrement. Ventre à découvert, elle se retrouva criblé de kunais et shurikens.

 Le Genin sourit, satisfait de la profondeur dans laquelle il venait de plonger ses projectiles. Les parchemins attachés à leurs extrémités explosèrent, infligeant de sanglantes blessures au carnassier qui chuta en soulevant de nouveaux nuages d’ocres. Ne perdant rien de sa concentration alors que la bête se redressait déjà sur ses pattes, Tokri leva les bras, doigts à demi-repliés, ignorant les fragments de roche qui glissèrent le long des dents acérées, promesse d’une mise à mort aussi sauvage que sanguinaire.

 Lorsque le reptile plongea dans le sable, l’osmose du shinobi avec son environnement était absolu. Il bondit en arrière avec le sentiment de se fondre à l’air chaud de la mer qui l’avait vu naître.

 En un nouveau fracas tumultueux, le crocodile réapparut en ligne droite à l’endroit où il se trouvait peu de temps auparavant. Encore en l’air, le monstre se retrouva éjecté sur le côté. Quelques écailles s’arrachèrent en une giclée de sang, arrachant un discret sourire carnassier chez l’adolescent.

 Le croco-sableux s’écrasa lourdement au sol, au moment même où une boule de feu réduisit le nid en charpie. Un blondinet atterrit avec souplesse à bonne distance de la mère, ses mèches voletant au vent et se confondant avec les dunes d’or qui les entouraient :

— Une omelette de servie !

 Furieuse, la créature tenta de fondre sur sa nouvelle proie, mais chuta pitoyablement à plat ventre, deux de ses pattes ficelées par des liens bleutés.

— Ce n’est pas le moment de frimer, bon sang ! tempête la voix de la marionnettiste.

 Tokri leva les mains en l’air avant de les rabattre. Le vent dont il était maître acheva de maintenir fermement le monstre à terre en une écrasante rafale. Incapable de plonger à nouveau, seule sa gueule resta grande ouverte face à Kiame, dont un vagissement d’outre-tombe arracha un frisson à l’Utak malgré la chaleur accablante du désert.

— Quand tu veux ! hurla Tokri à l’adresse du Katonien, non sans une pointe d’agacement.

 Sourire narquois aux lèvres, le Myô effectua des signes avant de se saisir d’un shuriken au bout duquel pendait un parchemin. Une boule de feu entoura le projectile qui se retrouva maintenu en lévitation. Le Genin fonça vers sa proie, tout en composant des mudras de sa main libre. Nullement intimidé face la gueule béante du reptile, l’adolescent lui fit engloutir de force un geyser de flammes.

 Fier de lui, il recula de deux pas, une main derrière la tête. L’autre se leva face au monstre, avant de claquer des doigts. Le reptile des sables explosa en une gerbe de sang et de sable, enveloppant le périmètre d’une pestilentielle odeur de chair calcinée. Malgré les éclats, les shinobis ne furent miraculeusement pas touchés par les fragments d’os et d’organes.

— Woh ! s’exclama Kiame, qui sentait le bouclier d’air face à lui se dissiper. Tu le maîtrises à la perfection ton passe-partout !

 Sentant le contrecoup de la dépense subite de Chakra, Tokri souffla autant de fatigue que d’exaspération. Le taijutsuka maîtrisait son énergie avec une précision de plus en plus chirurgicale. Mais les dépenses imprévues coûtaient bien plus à ses réserves qu’ils ne le devraient.

 Sans lui laisser le temps de rétorquer quoi que ce soit, Nika se précipita vers le cadet de la Team Gomaki et lui asséna une gifle sonnante derrière la tête.

— C’était dangereux et inconscient !

— Mais…

— Pas de mais, le plan était achevé ! gronda Nika, d’un ton de mère sévère qui fit sourire Tokri. Pourquoi n'as-tu pas attendu notre repli, comme prévu ?

 Kiame détourna le regard, tout en se gratouillant le bout du nez. Savoureux en entraînement, son enthousiasme était exaspérant en mission. Le jeune homme se laissait bien trop emporter par l’adrénaline de l’action et le chef d’unité craignait que cela ne lui coûte cher un jour.

— Je trouvais ça classe, répondit-il d’une petite voix.

 Nika haussa les yeux en l’air et s’apprêta à reprendre son laïus, avant de se calmer lorsque leur chef posa une main sur son épaule.

— Nika a raison. Imagine que mon bouclier improvisé n’ait pas été suffisant ?

 Le jeune Myô se mordit une lèvre en imaginant l’un de ses partenaires poignardé par un fragment d’os perdu. Penaud, il prononça à nouveau d’une petite voix confuse :

— Désolé.

 La sincérité de leur cadet acheva d’apaiser la kunoichi, qui lui tapota affectueusement l’épaule. Rassuré de sentir la tension redescendre d’un cran, Tokri alla vérifier qu’il ne restait plus un seul œuf d’intact avant de contacter l’autre équipe par radio.

 L’escouade d’Izul venait d’en terminer avec leur nid, qui avait été également gardé par un alpha. Leur mission de protection d’un village du désert des attaques de crocodiles des sables était donc achevée. Comme toujours, les connaissances encyclopédiques d’Izul leur avaient été précieuses, leur permettant d’établir un plan d’action en tenant compte du fait que l’espèce était en période de ponte et que les nids étaient fréquemment divisés entre mâles et femelles.

 Après avoir éliminé les crocodiles de taille standard aux alentours du village, les Genins avaient donc décidé d’exterminer la menace à la source. Le gros de la meute étant à présent décimé, les éventuels lézards survivants devaient d’ors et déjà fuir le périmètre.

 Tokri jeta un œil à quelques restes de l’alpha, n’en revenant de la facilité avec laquelle ils en étaient venus à bout. Quelques mois plus tôt, ce monstre n’aurait fait qu’une bouchée d’eux. A demi-fasciné, l’Utak détailla un morceau de fourrure sur lequel était accrochée quelques traînées de sable teintées d’écarlate. Izul leur avait expliqué qu’il s’agissait de la raison pour laquelle les croco-sableux parvenaient à se terrer au sein du désert, fusionnant quasi intégralement avec la mer d’or.

— Bravo pour ta permutation et ton bouclier de vent, le complimenta Nika, l’arrachant à ses pensées. C’est un nouveau jutsu ?

— Pas du tout, répondit Tokri, presque gêné. Improvisation totale.

 L’Hynomori siffla d’admiration, tandis que les trois shinobis commencèrent à gravir une dune de sable.

— C’est une piste à exploiter, lui suggéra la marionnettiste d’un clin d'œil complice.

— Exactement ce que je me disais, confirma l’Utak en lui adressant un sourire malicieux.

 Au-delà de ses progrès en Fuuton, Tokri était satisfait de son aptitude à employer la permutation en situation d’urgence. Dans son application la plus économe, cette technique permettait au shinobi d’échanger sa place avec une matière solide de taille et de poids équivalents au sien. Plus la cible était éloignée des critères de l’utilisateur et plus elle coûtait en Chakra. Sur le moment, Tokri avait subi le contrecoup de la masse du rocher et avait craint une fraction de seconde de ne pas parvenir à générer sa frappe de vent à temps.

 Étant celle ayant dépensé le moins d’énergie durant l’affrontement, Nika aida les garçons à atteindre le sommet de la fosse. Son radieux sourire trahissait sa joie d’en avoir fini avec cette mission et son impatience à rentrer au Village. Son expression réchauffa le cœur de Tokri, heureux d’avoir retrouvé son amie depuis les révélations d’Izul sur ses traumatismes familiaux. Pleine de compassion, la Hynomori n’avait eu de cesse de témoigner son soutien à la kunoichi d’azur et avait renoué sa complicité avec l’Utak.

— Dommage que Sarouh ne soit pas là, fit remarquer Kiame avec tristesse. J’aurais aimé qu’il voit mes progrès. C’est grâce à lui que je suis parvenu à décupler la puissance de cette explosion, après tout.

 Le visage de Nika se ferma, tandis que Tokri adressa un léger coup de poing amical dans l’épaule du Myô.

— Compte sur moi pour lui faire un topo détaillé ! lui assura t-il.

 L’adepte du ninjutsu lui adressa un sourire éclatant, avant de s’effacer en une moue sceptique.

— Si tu pouvais éviter la partie de l’explosion précoce…

— Dans tes rêves, ricana le taijutsuka, faussement narquois. Je suis impatient de l’entendre décortiquer tous tes faux pas.

— Et tu ne manqueras pas de l’accompagner, soupira Kiame, amusé mais néanmoins inquiet.

 Les taquineries de son ami envers le Myô arracha un léger sourire à Nika, mais celle-ci était clairement partie dans ses réflexions, ayant rabattu sa frange devant ses yeux afin de cacher vainement son expression. Tokri ne doutait pas qu’elle était en train de se récapituler ses théories concernant la mise à l’écart de Sarouh de cette opération par Chikara. Officiellement, cette mission avait pour objectif d’évaluer les aptitudes des Genins sans présence des gradés. Ferme, Gomaki n’avait rien laissé filtrer de son opinion à cet ordre, mais ses excuses publiques auprès du Chuunin suffisait à leur mettre la puce à l’oreille.

 Bien que le Gensouard était de retour à leurs entraînements, son comportement restait inquiétant. Absent de leurs soirées, Sarouh apparaissait extrêmement fatigué au petit matin. L’Utak le soupçonnait de se vouer corps et âme à l'entraînement, impression renforcée par le feu qui se ravivait peu à peu en son regard. Toutefois, sa reprise en main restait fragile et les mises à l’écart n’allaient en rien arranger sa situation.

 Tandis que Kiame prenait la tête de la marche, Tokri se rapprocha de son amie et lui chuchota avec douceur :

— Ne t’en fais pas. Il ne sombrera pas.

 Surprise, Nika redressa la tête, plongeant son regard embué dans la noisette d’un taijutsuka pris de court, qui crut y lire de l’espoir.

— Comment peux-tu en être aussi sûr ? lui demanda-t-elle avec scepticisme, une pointe de désespoir filtrant sa voix.

— Il n’est pas seul, lui affirma Tokri, plein de conviction.

 Déçue, la kunoichi soupira et baissa à nouveau la tête, abattant son rideau de mèches brunes et violettes devant ses yeux.

— C’est peut-être là tout le problème.

*****

 Allongée sur le lit, Izul posa finalement son livre sur la table de chevet. Bien que fatiguée, la jeune femme avait eu le vain espoir de parvenir à lire un minimum avant de dormir. Peine perdue, son esprit ne parvenait pas à trouver la concentration nécessaire, la fatigue de la mission s’ajoutant à la confusion de ses pensées. Tout allait si vite en ce moment qu’elle peinait à hiérarchiser ses priorités.

 Excepté la meilleure chose qui lui soit arrivé dans sa jeune vie. Et dire qu’elle ne voyait Tokri que comme un cancre stupidement rebelle jusqu’à Nikidami. Elle sourit à cette pensée et tendit l’oreille, impatiente de retrouver la sécurité de ses bras.

 Malheureusement, Tokri était toujours sous la douche. En un sourire, la kunoichi d’azur espéra qu’il ne s'était pas endormis. Il serait dommage qu’elle doive aller le réveiller…

 Décidant d’aller se dégourdir les jambes, Izul se leva et quitta la chambre de son compagnon, qui devenait peu à peu la leur. En robe de chambre, pieds nus et cheveux encore un peu humide, elle marcha tranquillement dans le couloir, mains derrière le dos.

 La Leïl hésita à descendre pour consulter les bibliothèques du salon. Fidèle à sa réputation, elle connaissait déjà par cœur les titres des ouvrages de chaque rayonnage. La kunoichi d’azur avait été surprise d’en découvrir certains, qu’elle s’était promise de dévorer. Mais ce soir, son attention se tourna vers les photos de famille qui tapissaient en des points concentrés le mur du couloir face aux bibliothèques, telle une frise chronologique.

 Sur les plus récentes, Izul reconnut Tokri, ainsi que son oncle, sa tante et son grand-père. Elle déduisit sans mal que le shinobi un peu plus âgé que son compagnon devait être son grand-frère Okioto. Bel homme, le Jounin ressemblait fortement à son cadet et en imposait rien qu’au travers des photographies. Avec une pointe de curiosité, l’adolescente remarqua qu’il possédait un soupçon de la tristesse de Tokri en son regard.

 Remontant l’histoire des Utak, Izul se stoppa au bout du couloir face à un cliché qu’elle n’avait pas remarqué jusque-là. Un homme portant dans ses bras un petit garçon, enserré par le cou en une étreinte débordant d’amour enfantine. Etait-ce Tokri ?

 A leurs côtés les observait avec tendresse une magnifique femme aux longs cheveux de jais, dégringolant avec finesse le long de ses épaules.

— Qu’est ce que tu fais ? lui demanda une voix étonnée.

Izul sursauta et se tourna vers un Tokri vêtu d’un simple tee-shirt et d’un caleçon. Surprise de ne pas l’avoir entendu, elle répondit d’une petite voix :

— Je t’attendais.

 Le jeune homme tourna son attention sur la photo faisant face à sa petite amie et blêmit. Instinctivement, il tendit une main tremblante vers la femme de la photo avant de serrer le poing.

— Tokri ? s’inquiéta la Leïl, sentant son compagnon subitement fébrile.

 Se perdant alors dans le lointain, le regard de l’Utak se réanima, la voix d’Izul l’extirpant des tréfonds de ses pensées. Sans explication, le jeune homme la prit par la main et la conduisit précipitamment dans leur chambre. Ils s’assirent sur le lit, l’un à côté de l’autre. Gardant le silence, Tokri croisa fermement les mains, qu’il posa contre ses jambes, dont la droite se mit à s’agiter.

 Le cœur empli d’inquiétudes en constatant que le regard de Tokri commençait à se fermer, Izul sentit la culpabilité l’envahir. Avait-elle été trop intrusive ? Jamais elle n’avait vu son compagnon dans cet état. Impuissante, elle ne savait que dire pour l’aider à se ressaisir.

 Finalement, Tokri se tourna vers elle, plongeant son regard dans l’émeraude de la kunoichi. Son expression avait changé, redevenu déterminé bien que l’humidité de son regard trahissait la rupture qui venait de le frôler.

— Je savais qu’il nous faudrait en parler, dit-il d’une voix faible.

 L’adolescente eut la sensation qu’un poids venait de s’écraser sur les épaules de l’Utak et comprit qu’il venait de prendre une lourde décision. Épuisé, il s’allongea et posa sa tête contre les jambes de sa compagne, tandis que cette dernière se mit à lui caresser le visage, soulevant quelques mèches au gré de ses effleurements tout en injectant une petite quantité de Chakra à destination de son cerveau. Peu à peu, l’illusionniste sentit que le garçon se détendait, aidé à son insu par le jutsu d’Izul.

— Elle est morte.

 Bien qu’elle s’y était attendue de part divers ragots du temps de l’Académie, l’information tomba tel une explosion Katon. Le cerveau de la Leïl commença à rassembler les pièces du puzzle, presque malgré elle.

— Et ton père ?

— Officiellement, ils sont tous les deux tombés au combat.

 Izul tiqua à l’utilisation du premier mot autant que par la froideur qui venait de tinter la voix de son compagnon.

— Et officieusement ?

 Sans prévenir, Tokri se redressa. A genoux face à elle, Izul trembla en croisant son regard. Pour parvenir à le cerner, l’adolescente avait appris à lire dans les yeux de l’Utak. Et jamais elle n’avait eu à identifier de la peur jusqu’à cet instant. Même face au Berserker de Nikidami, Tokri s’était montré brave et déterminé, défiant la mort sans la moindre hésitation.

 Ce soir-là, chaque mot lui coûta.

— Si Chikara apprend que je t’en ai parlé, les conséquences peuvent être terribles, le prévint Tokri, qui peinait à ne pas rendre son regard fuyant.

 Ne le laissant pas continuer en cette voie qui ne lui ressemblait nullement, Izul caressa son visage avant de déposer ses lèvres contre les siennes. L’Utak inspira, comme si le parfum sucré de sa compagne parvenait à le revigorer quelque peu.

— Tu m’as sauvé. Laisse-moi te rendre la pareille.

 Tokri lui sourit avant de s’allonger à nouveau, sur le dos cette fois. Il ferma les yeux comme pour réunir sa volonté et les rouvrit pour asséner sur le même ton que précédemment :

— Mon père a essayé de me tuer et a assassiné ma mère.

 Les yeux d’Izul s’écarquillèrent, frappés autant par l’horreur de la révélation que par la pleine compréhension de Tokri qui se tissait soudainement en son esprit.

— Quel âge avais-tu ? demanda-t-elle d’une voix tremblante d’émotion.

— Cinq ans, répondit Tokri, feignant sans succès de rendre ses révélations faciles à donner.

 La Leïl joua avec l’une des mèches de jais du jeune homme, hésitant à formuler d’autres questions. Mais le regard de Tokri l’encouragea à continuer. Maintenant que le sujet était abordé, mieux valait aller jusqu’au bout.

— Où cela a-t-il eu lieu ?

— Il nous a attaqué dans le jardin et m’a laissé ceci comme souvenir, dit-il en désignant la fine cicatrice sous son œil gauche. Ma mère a tenté de fuir avec moi. Uril nous a coincé et l’a poussé à se sacrifier.

 Un sentiment de dubitation envahit Izul. Quelque chose ne collait pas. Un meurtre en plein Chikara dont elle n’avait jamais entendu parler était surprenant. Mais en extérieur ? Comment était-il possible que Tokri soit le seul témoin ? Pourquoi n’en avait-elle jamais eu vent, au moins en tant que rumeur ? Et si son père souhaitait sa mort, pourquoi l’avoir finalement épargné ?

— Uril et Lila Utak ont été déclarés morts en mission par le Village, lui expliqua Tokri, comme s’il avait lu dans ses pensées.

— Mais pourquoi ? bredouilla la Leïl, qui ne parvenait pas à saisir l’intérêt des dirigeants en cette décision.

 La mâchoire du taijutsuka se crispa, trahissant la vague de colère qui l’envahissait. Il se ressaisit bien vite, décidé à ne pas faire subir à Izul une colère dont elle n’était nullement responsable.

— Tous deux étaient des shinobis réputés, reprit l’Utak, acide. Mon père était un chasseur de Nukenin fortement apprécié. Chikara était incapable d’assumer ne rien avoir vu venir de sa trahison.

 Une sueur froide parcourut l’échine d’Izul, qui craignait avoir compris le cheminement politique ayant mené au silence entourant le drame des Utak.

— Ce meurtre aurait pu avoir des retombées politiques, acheva d’expliquer Tokri, dont la colère faisait de plus en plus vibrer la voix. Ma famille s’est vue contrainte de garder le silence.

 Choquée par l’inhumanité de la situation, Izul blêmit à son tour. La jeune femme retraça mentalement les épreuves et traumatismes qu’avait dû affronté le petit garçon de cinq ans. Sa mère lui fut arraché par celui en qui il avait le plus confiance, puis il fut abandonné par des politiciens qui mirent sa famille sous pression pour sécuriser leurs intérêts plutôt que de les soutenir dans cette épreuve.

 Le jeune homme se remit en position assise et soupira. Un voile sombre s’abattit sur son visage, le creusant instantanément et le vieillissant une fraction de seconde :

— Nous nous sommes juré que nous le tuerons.

— Toi et ton frère ? déduisit la Chikarate.

 Tokri opina du chef, tout en sentant son courage se dissiper.

— Ma haine envers Uril est la seule chose qui m’a permis de survivre durant toutes ces années.

 Tout était clair à présent. De son rejet des shinonis durant ses études jusqu’à son dévouement pour la Team Gomaki, en passant par la ritualisation de sa première mise à mort et de ses entraînements acharnés. Tokri n’avait vécu que dans l’objectif de se venger, quitte à y perdre son âme en chemin.

 A la grande surprise de l’adolescente aux cheveux bleus, l’Utak lui adressa un sourire qu’il aurait voulu solaire. Malgré toute sa bonne volonté, seul une intense fatigue s’en dégagea, mais l’intention du jeune homme fit fondre le cœur de la kunoichi.

— Ton arrivée dans ma vie a tout changé.

 Ses mots chassèrent toute réflexion de l’esprit d’Izul, qui fondit en un éclair de bleue sur Tokri. D’abord surpris, Tokri lui rendit son amour en un baiser passionné. Alors que le jeune homme tomba allongé sur elle, l’adolescente s’interrompit le temps de le dévêtir de son tee-shirt. Elle caressa son torse de haut en bas, suivant les traits de sa musculature finement taillée et encore humide.

 Le doute apparut une fraction de seconde dans le regard de l’Utak, amenant la kunoichi d’azur à le rassurer :

— Nous n’avons plus à vivre dans la haine.

 Se laissant guider par son instinct et ses émotions, Tokri la débarrassa à son tour de sa robe de chambre. La dévorant de baisers tout en dessinant son corps du bout des doigts, Izul sourit en le sentant contenu dans sa fougue.

 Lorsqu’ils s’unirent, une brève douleur lui fit mordre les lèvres. En amant attentif, des vagues de plaisir effacèrent rapidement la souffrance, amenant naturellement la jeune femme à resserrer ses jambes contre les flancs de son homme. Avec précaution, l’Utak prit son temps, l’embrassant tout en prenant garde à rester délicat dans le balancement de ses reins. S’oubliant dans leurs étreintes, la Leïl soupira des délices induits par la volupté de leurs corps.

 Parcourue de fourmillements, Izul finit par ne plus retenir ses cris. Sa main droite s'agrippa aux cheveux de Tokri, tandis que la gauche tenta de déchirer le drap sur lequel les deux corps se balançaient.

 Guidés par leur amour et leur désir, les deux Genins fusionnèrent en une jouissance indélébile, dictée par la volonté de fuir à jamais la cruauté de leur monde.

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