Épisode 33 - Mise au point

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 Sarouh inspira doucement alors que le vent du désert ébouriffait ses cheveux de nouveau trop longs. En lotus sur le promontoire qui surplombait Chikara, lieu d’entraînement iconique de la team Gomaki, il sentait son énergie spirituelle tourbillonner autour de lui. Un sourire satisfait lui échappa alors qu’il sentait la sensation de son Fuuton décuplé. La sensation acérée recouvrait son corps avec une tiédeur agréable. Sa connexion au vent s’était bien améliorée depuis son arrivée dans le Désert, sans que ça n’impacte la sensation de quiétude qu’il ressentait lorsqu’il maniait l’eau.

 Il se saisit d’un kunai qu’il envoya s’enfoncer profondément dans une innocente roche innocente dont le seul crime était de se trouver là. Le Tsumyo se rappelait sans mal ses débuts, incapable de transpercer l’écorce des arbres. Si les récentes expériences avaient renforcé le flux de son énergie spirituelle, son entraînement en avait mené sa maîtrise à un niveau encore supérieur.

 L’amertume, la colère, l’affection, la gratitude et la jalousie étaient de puissants moteurs qui animaient le shinobi tout en l’épuisant depuis la mission. Et même auparavant s’il était honnête. Il revivait sans cesse la scène de la kunoichi d’azur le repoussant, terrifiée. Son cœur se serra à nouveau. Un véritable poignard y fit son chemin, alors qu’il l’imaginait avec l’Utak.

 En son for intérieur il avait fait tout ce qu’il pouvait pour repousser l’émotion. Rationaliser n’avait pas eu le moindre effet sur le reptile qui s’enroulait autour de son âme ni sur les flammes crachées lorsqu’il les voyait si complices. Sarouh se détestait pour cela. Le parfait contrôle de ses émotions et toujours se ranger à la voix de la raison était son mantra et pourtant il s’en voyait incapable désormais. Le Gensouard se montrait aussi cordial que possible avec le duo, sans réussir à émuler sa sincérité passée. Le Tsumyo demeurait professionnel, alors que la gêne de la Leïl montait crescendo à son encontre.

 Au moins commençait-il à comprendre le lien entre son Chakra et ses émotions. Le jeune ninja sentait qu’il y avait de puissantes vérités à l’horizon, sans réussir à les saisir pour le moment. Toujours en méditation, il s’empara d’une autre lame de métal et la fit tournoyer autour de son doigt. Il avait juste besoin d’un peu de temps. Alors qu’il allait déployer un formidable ren dans une brutale impulsion pour se détendre une bonne fois pour toute, il entendit une voix familière derrière lui.

— Sans déconner, ça vous arrive de faire autre chose que de bosser ?

— Ce n’est pas moi qui m’acharne à maîtriser mon nouveau jutsu, répondit le Tsumyo, armé d’un grand sourire, les yeux toujours fermés. Félicitations d’ailleurs, monsieur le bourreau de travail.

— Mouais, maugréa un Mutika peu convaincu.

 Sarouh fut un moment décontenancé de son manque de piquant, sans rien en montrer. L’Oroshi n’en menait pas bien plus large que lui. La dynamique changeante de l’équipe l’avait mis dans une position compliquée, sauvée par le formidable duo que le rouquin formait avec Kiame. Ses insécurités enflaient doucement, patiemment nourries depuis la mission.

 Le Tsumyo soupçonnait que quelque chose de plus s’était produit au retour, sans réussir à amener Mutika à lui en parler. Il s’était montré capital dans la mission et pourtant le semblant de confiance en lui affichée durant la mission était retombée comme un soufflet. Finalement, l’un comme l’autre avait trop à faire avec leurs propres démons pour s’occuper de ceux des autres.

— Au moins je ne suis pas trop occupé par ma marionnettiste pour bosser, moi, revint à la charge le Genin.

 Sarouh comprenait bien qu’il faisait diversion et accepta la blague, sans être aussi gêné qu’il avait l’habitude de l’être lorsque ses propos concernaient Izul.

— Il y a d’autres choses à apprendre de l’Hynomori que l’art des pièges, répondit-il malicieusement en ouvrant les yeux.

— Tu m’en diras tant ! fit Mutika avec un grand sourire.

 Il était vrai qu’il passait le plus clair de son temps chez elle, quand il ne finissait pas la mise au point de son attaque. D’abord démoralisé de voir que Chiraku maîtrisait une version plus avancée du jutsu qu’il mettait au point avant son départ, cela s’était transformé en puissante source de motivation pour combler l’écart. Une fois les tests concluants, il s’était immédiatement jeté sur de nouveaux savoirs pour compléter son arsenal.

— Ca avance, le fuinjutsu ? interrogea le rouquin qui semblait lire ses pensées.

— L’art des sceaux est au moins aussi vaste que celui des illusions, rétorqua Sarouh en baissant les yeux.

 La réponse, qui n’en était pas vraiment une, sembla satisfaire Mutika. A moitié excitée, à moitié démoralisée, l’intonation lui donnait toutes les informations dont il avait besoin. Le Chuunin aux cheveux cobalts se sentit obligé de compléter, alors qu’il se relevait laborieusement.

— Nika m’aide bien avec ça aussi, puisqu’elle devait également s’y mettre.

— Les sceaux de stockage sont une spécialité des clans marionnettistes, je suis surpris qu’elle ne le maîtrise pas encore.

— Elle a fait beaucoup de progrès. Nika ne peut pas être sur tous les fronts.

— Je sais, répondit Mutika d’une voix chantante, ravi de voir Sarouh défendre son amie pour si peu.

 Le Tsumyo comprit et se dérida avec plaisir. Le rouquin pouvait le charrier autant qu’il le voulait. Le Chuunin savait ce qu’il imaginait. Lui-même n’était pas bien sûr de sa propre position quant à elle. Sarouh cacha son allégresse, alors qu’il se souvenait de la clôture d’une mission de rang C. La jeune femme lui avait adressé un adorable sourire ravi avant de taper dans sa main, alors qu’ils avaient réussi à élucider le mystère qui entourait la disparition d’un homme en un temps record, grâce à leur capacité d’analyse et leur synergie. Le reste de l’équipe avait laissé un silence consensuel s’installer, laissant clairement transparaître ce qu’ils pensaient de la relation que le Tsumyo entretenait avec l’Hynomori. L’adolescent n’avait même pas eu le courage de se montrer agacé. Il reprit, beaucoup plus sérieux.

— En tout cas, je suis sincèrement impressionné par tes progrès en matière de Doton.

— Ça me fera toujours bizarre qu’un mec aussi jeune que toi me parle comme un professeur. Mais merci, ajouta l’Oroshi, touché.

 Ils échangèrent quelques blagues supplémentaires en commençant à s’échauffer, préparant le lourd entraînement qui avait impitoyablement repris dès que Gomaki fut de nouveau disponible. L’air grave, le Jounin leur avait dit qu’il était temps de développer leurs aptitudes maintenant que les bases étaient maîtrisées. L’excitation de la team Myo avait été évidente. Sarouh n’avait ressenti que de la fatigue à cette annonce.

— Plus sérieusement, comment vas-tu ? On a quand même vu Izul sortir de chez Tokri la dernière fois, poursuivit d’une voix mal à l’aise l’Oroshi, devant le regard interrogateur de Sarouh.

 Eclair de jalousie refoulé brutalement alors que son coeur le trahissait à nouveau. Le feu du dragon qui y avait élu domicile embrasa son visage. Serrant les dents, le Chuunin souffla doucement du nez, capable de feindre une indifférence totale. Pour seule réponse, il haussa des épaules. Que pouvait-il bien dire ? L’Utak avait sûrement les qualités qu’il lui manquait. Le douloureux constat s’enfonçait lentement dans son âme telle une lame effilée, plus profondément à chaque fois que l’on appuyait dessus.

 Comme pour illustrer le propos, les jeunes femmes apparurent au niveau de la corniche. Ponctuelles, Nika et Izul arrivaient en même temps pour le commencement du cours. Un sourire poli aux lèvres, la distance entre elles n’en demeurait pas moins évidente.

 Le bras tenu contre sa poitrine, la gêne de la Leïl par rapport à l’Hynomori crevait les yeux, là où celle-ci avait le regard bas, caché derrière sa frange désormais trop longue.

 Le Chuunin prit une profonde inspiration alors que Mutika allait les saluer, faussement aveugle aux tensions latentes. Moins investi qu’il l’avait été pendant la mission dans son rôle de médiateur, il demeurait l’âme de l’équipe. Sarouh ressentait une profonde gratitude envers lui pour son attitude. Rapidement après, Tokri et Gomaki arrivèrent, ce dernier flanqué de son petit frère.

 Le blondinet était sûrement celui qui progressait le plus vite de la bande. Il avalait son retard à grand pas. Sous la houlette de l’équipe, ses aptitudes dans les trois arts ninjas principaux montaient en flèche. Même dans le genjutsu, il se montrait assidu et déterminé. Beaucoup moins bloqué que Tokri et plus doué que Mutika en la matière, le nouvel arrivant savait déjà se défaire des illusions les plus grossières, sans atteindre la maîtrise déconcertante de la kunoichi d’azur ou celle plus académique de Nika.

 L’entraînement se déroula sans événement notable. En fin de journée, alors que le dernier exercice se finissait pour Kiame, le Gensouard le félicita chaudement.

— Tu as officiellement rattrapé les autres !

 Le jeune Myo lui adressa un sourire solaire en reprenant son souffle, alors que Gomaki les enjoignait à se réunir. Sarouh fut surpris d’être intercepté par Izul.

— Ça te dit des heures supplémentaires ?

 Regard fuyant, bras serré contre son torse, tête baissée et lèvre mordue, rien ne lui était épargné malgré son intonation avenante. Le Tsumyo reprit une longue inspiration nasale, dissimulant tout le trouble que ça lui inspirait.

— Pour toi, toujours, fit-il en glissant un clin d'œil.

 La jeune femme détourna le regard en murmurant un merci, avant de se rapprocher du cercle autour du Jounin. Sarouh ignora la sensation qu’on piétinait son cœur pour se concentrer sur ce qu’il avait à dire.

— Dès maintenant, fit Gomaki en soufflant son éternelle fumée, Kiame intègre le même programme d’entraînement que vous autres. Nous pouvons le féliciter pour ses progrès.

 Mutika, Sarouh et Tokri applaudirent pour féliciter un Genin aux anges, alors que les jeunes femmes l'encourageaient du regard et sourire aux lèvres.

— Autre point, reprit le Jounin avec gravité alors que le silence retombait, nous allons augmenter la fréquence des simulations de combat. Il faut vous préparer aux heures à venir. Je compte sur vous pour continuer à travailler comme vous le faisiez jusque là.

 Le sous-entendu était clair. Le puissant trentenaire laissa un ange passer à nouveau, toisant son audience. Avec les événements du Boost S, le Jounin avait pris une autre dimension dans l’équipe. Le spectre d’une guerre entre les Villages continuait à planer sur eux tel un vautour dans le désert brûlant. Un frisson parcourut les jeunes gens, malgré l’atmosphère brûlante. Le Jounin mit fin à la journée en rappelant l’éternel rituel des bains. Le groupe se dispersa, Sarouh et Izul restant sur le promontoire en silence. Au moment de partir, Tokri sembla hésiter.

 Il jeta un regard à la jeune femme avant de s’apesantir imperceptiblement sur son partenaire d’entraînement. L’iris noisette de l’Utak montrait ce qu’il cachait sans mal par ailleurs. L’inquiétude prédominait, mais le Gensouard y lu aussi un concert d’émotions beaucoup plus conflictuelles. L’interrogation muette de Sarouh n’eut pas de réponse, le chef des Genins repartant rapidement derrière les autres .

 Ils furent vite seuls, le vent balayant les vêtements des shinobis, apportant un semblant de fraîcheur bienvenu après une journée d’effort. Les cheveux azurs collés par la sueur, le regard fatigué et l’air un peu hagard, la kunoichi restait d’une beauté éblouissante dans sa tenue d’entraînement. Le Tsumyo secoua la tête, avant de relancer la jeune femme.

— Alors ? Qu’attends-tu de moi ?

 Poli, cordial et professionnel. Le Chuunin se félicita intérieurement de voir enfin Izul se détendre un peu. Sa tension permanente empêchait le Gensouard de passer à autre chose et d’accepter la situation, éternel rappel de ce qu’ils auraient pu être.

— Je travaille sur un genjutsu, expliqua nerveusement la Leïl, en se rapprochant. En tant que médecin, j’ai deux façons d’éliminer la douleur. Soit je coupe le signal nerveux, soit j’empêche son envoi à la source. Je préfère la seconde option.

— La première te serait plus utile en combat, répondit du tac au tac Sarouh, autant par pragmatisme que pour mettre fin à cette discussion.

— Oui, mais j’ai réalisé que la personne pouvait ressentir la souffrance même sous anesthésie, quand tu fouilles ses tripes devant lui, fit Izul en le regardant dans les yeux pour la première fois, amère mais déterminée.

— Et tu ne veux pas simplement le mettre dans le coma ? Cela me semble plus efficace.

— Dans certains cas, j’aimerais que la cible soit tout de même capable de me parler. Suppose les derniers mots d’un partenaire dans une mission risquée. Si je ne peux pas le sauver…

 Incapable de finir sa phrase, sa voix s’éteignit comme la mèche d’une bougie soufflée par le vent. Sans surprise, la kunoichi avait pensé de manière très claire à son besoin. Sarouh n’échapperait pas à la session d’entraînement privée comme ça. Une part de lui se dit que si elle avait pu faire autrement, la jeune femme n’aurait pas hésité une seconde. Où était donc l’époque où ils s’isolaient avec joie pour progresser sur la maîtrise des illusions ? Pourquoi ces souvenirs sucrés se transformaient en présent amer ?

— Tu veux bien m’aider ? demanda la kunoichi, inquiétée par son absence de réponse.

— Si tu veux. Décris-moi où tu en es dans tes progrès.

 L’intonation de Sarouh était froide et dénuée d’âme. Il voulait en finir vite. L’amertume s’immiscait partout et il refusait d’y passer plus de temps que nécessaire. Le Tsumyo espérait que cela passe pour de la fatigue, sans se leurrer sur ses chances de succès.

— Je vais te montrer, affirma Izul avec un regain d’entrain.

 Elle s’avança et lui prit la main avec les siennes. Le shinobi fit tout ce qu’il pouvait pour ignorer ce que le contact lui inspirait. Peu à peu, la sensation des doigts de la jeune femme dans sa paume s’atténua, sans vraiment disparaitre. En face de lui, Izul plissait les yeux de concentration, toute à sa tentative. Pour la première fois depuis des semaines, Sarouh eu la sensation de pouvoir se lier à elle.

— Tu t’y prends mal, soupira le Chuunin, plus de soulagement que d’exaspération. Je vois ce que tu essaies de faire.

 Il essaya de lui expliquer au mieux le souci. L’ordre avec lequel elle s’occupait du problème n’allait mener à rien. Lui-même n’avait aucune illusion de ce genre dans son répertoire, donc il ne pouvait pas la guider pour le guidage et le dosage de l’énergie spirituelle.

— En revanche, ce que je peux te dire avec certitude, finit Sarouh d’un ton professoral, c’est que si tu fais ça, le cerveau corrigera en boucle l’information erronée que tu lui envoies. Comme si tu te réveillais encore et encore de ton rêve. C’est pour cela que je sens un début d’anesthésie, puis plus rien.

— Je vois, fit la jeune femme, songeant immédiatement aux répercussions de ce qu’il venait de lui apprendre.

 Un ange passa, le regard planté l’un dans l’autre. Tenté de savourer le moment, le Chuunin réalisa que cela durait trop longtemps pour être bon signe.

— Ce n’était pas pour ça que tu voulais me parler, n’est-ce pas ?

— Pas uniquement, non.

 Izul se mordilla la lèvre en cherchant ses mots. Sarouh su immédiatement que la suite n’allait pas lui plaire. L’adrénaline déferla dans ses veines alors que son esprit se préparait naturellement pour le pire. L’épuisement rongeait son armure comme de l’acide. Les émotions sont l’ennemi du shinobi se répéta-t-il une dernière fois avant que la kunoichi ne se jette à l’eau. Elle l’invita à s’asseoir, l’air à la fois plus calme et déterminé. Les jambes dans le vide, face à Chikara. Il y avait pire cadre pour la discussion qui suivrait.

— Je sais que tu penses être amoureux de moi…

— Je le suis, coupa sèchement Sarouh. Prends les décisions que tu veux, mais ne décide pas à ma place de ce que je ressens.

 La peine s’invita dans le regard de la Leïl. Quoi qu’elle veuille dire, le Chuunin n’allait pas lui simplifier la tâche. Lui avouer ses sentiments, les laisser mûrir et grandir lui avait demandé une énergie grandiose. Sarouh refusait qu’elle balaie tout ça parce que cela servait son scénario.

— Vraiment ? reprit-elle d’une petite voix. En es-tu si sûr ? Je ne pense pas que tu saches ce que c’est en réalité.

 Le regard de Sarouh s’embrasa dangereusement. Izul se figea, avant de continuer son idée.

— Doucement, je pense simplement que tu as désespérément besoin d’affection. Tu es seul depuis trop longtemps et l’idée d’être amoureux te rassure.

 Le Chuunin vivait chaque nouveau mot comme une insulte. Ses poings se serrèrent à en blanchir les jointures, alors que sa mâchoire se crispait. Il était encore capable de se taire et de la laisser finir son petit discours. Guère plus.

— Au promontoire, je pensais être amoureuse de toi en retour, continua Izul, incapable de soutenir le regard émeraude incandescent de son prétendant refoulé. J’étais dans une situation compliquée et j’avais besoin de temps.

 C’était pire. Pourquoi est-ce que c’était à lui de le deviner ? Ne pouvait-elle pas simplement dire ça ? Comment est-ce qu’à la fin, la responsabilité pouvait être la sienne ?

— Puis les semaines se sont enchaînées, poursuivit Izul, consciente que son silence était douloureux. Tu étais glacial avec moi. La situation dans laquelle j’étais s’améliorait mais nos rapports continuaient à s’envenimer. J’étais amoureuse du Chuunin loyal, sensible, déterminé et romantique.

— Et je ne le suis pas ? répondit enfin Sarouh d’une voix aussi neutre que possible.

— Si. Mais tu es également instable et fragile. Froid et sélectif. Tu me fais peur.

 De nouveau, la colère gronda. C’était un tissu de conneries. Si le regard pouvait tuer, il ne resterait pas grand chose de la kunoichi d’azur qui lui faisait face.

— Et là, je t’effraie ?

— Oui, avoua Izul en repliant son bras contre elle-même, avant de reprendre. Tu n’es pas prêt à avoir une relation amoureuse. Et je ne peux être tienne.

— J’imagine que Tokri offre une alternative bien meilleure.

 Le venin dégoulinait de ces mots, mais Izul tint bon et se contenta d’hocher la tête silencieusement, avant que le vent du désert ne balaie leurs cheveux. L’odeur sucrée de la jeune femme portée par le sirocco était un délicieux supplice.

— Une dernière chose, Sarouh. Quoi que tu décides de faire, résous ton histoire avec Cacaunoy.

 L’envie de la frapper que ressentait l’adolescent dépassait l’entendement. Comment osait-elle lui sortir ça maintenant ?

— Je sais ce que tu penses : que tu m’aimes vraiment, que l’histoire avec elle n’a rien à voir et que je n’ai rien à t’en dire. Mais je vous ai vu vous battre ensemble. On a tous assisté à la naissance de ton Dojutsu. C’était elle et personne d’autre. Tu n’as jamais été à ce point secoué.

—Tu n’as donc aucun égard pour ce que je ressens. Comme c’est pratique.

 Il avait en partie refusé de rentrer pour protéger l’équipe Myo et c’était à ça qu’il assistait. Sarouh était furieux mais la tristesse et l'écoeurement s’invitaient désormais à la chaotique fête qui prenait place dans sa tête. Izul releva enfin le regard et encaissa son expression glaciale comme ses yeux emplis de jugements comme deux puissants coups au plexus. Malgré tout, elle ne voulait pas qu’il souffre. La kunoichi tenait quand même à lui. Quelle hypocrite.

— Tu as fini ? déclara soudainement Sarouh, atteignant sa limite.

 Elle ne répondit pas immédiatement, ce que le ninja interpréta comme une autorisation de se relever. Il commença à s’éloigner avec raideur, avant de se raviser et de se retourner vers la kunoichi abattue et immobile.

— Tu sais ce qui me rend vraiment furieux ? C’est que si je devais à nouveau prendre une flèche pour toi, je le ferai.

 La jeune femme releva la tête vers lui, un mélange d’émotions contradictoires placardées sur son visage adolescent tiraillé par la fatigue et les larmes qui menaçaient de couler depuis bien trop longtemps. Le spectacle était insupportable et le Tsumyo reprit sa marche. Il l’entendit se relever derrière lui.

— Et je serai à nouveau là pour te soigner ! fit Izul d’une voix forte.

 Il ignora la promesse au goût amer et s’échappa de l’enfer personnel qu’il avait façonné. La tornade cobalte s’éloigna, vortex chaotique d’émotions négatives. Pourvu que personne ne croise son chemin ce soir, se dit-il. Ou mieux, qu’un ninja stupide et motivé le fasse, Sarouh avait besoin de se défouler.

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