Épisode 19 - Océan

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 Assis sous un arbre, Tokri gratouilla le bec de son dodo tout en mâchouillant une brindille. Satisfait, le volatile repartit auprès de ses congénères à la recherche d’herbes à son goût, laissant son propriétaire temporaire à ses observations.

— Quel merdier, marmonna l’Utak pour lui-même.

 Il croisa le regard interrogatif de Chiraku, en pleine conversation avec Cacaunoy qui lui tournait le dos. L’avait t-il entendu ? Possible, mais cela n’importait que peu le Genin. Les tensions entre l’épéiste et l’illusionniste avaient été palpables pour tous, sa réflexion n’avait rien d'étonnant. Au moins Tokri avait-il le professionnalisme de ne pas jeter de l’huile sur le feu.

 Sous un arbre opposé au sien, Sarouh et Nika discutaient. Tous deux s’étaient étonnamment rapprochés depuis le début de la mission. L’Utak s’était justifié cela dans le désir de la Hynomori d’apporter son soutien au Gensouard, mais une soudaine prise de distance de la marionnettiste vis à vis du Fuutonien l’amenait à s’interroger sur cette nouvelle dynamique. Il avait le sentiment qu’une information lui manquait, mais n’avait pas le temps de s’attarder sur cela. D’autres points passaient en priorité.

 Il esquissa un bref sourire en observant brièvement Kiame et Mutika en plein fou rire. Ces deux-là arrivaient à dédramatiser l’ambiance, au moins au sein de leur binôme. C’était tant mieux. Tokri les connaissait suffisamment pour savoir que cela leur permettrait de rester concentré.

 Son regard se porta sur la personne qui l’inquiétait peut-être autant que le Tsumyo, pour des raisons bien différentes. Izul était en pleine discussion avec leur sensei, deux mains réconfortantes sur les épaules de sa pupille. La jeune femme était sortie de son échange avec Goto peu après le bref échange du chef des Genins avec Sarouh. Et il n'avait guère apprécié l’expression de son visage à ce moment-là. Quelque peu tremblante et le regard fuyant, elle semblait marquée par ce qu'elle avait vu. Tokri avait esquissé un mouvement vers elle, mais l'azurée s'était repliée vers Gomaki avec qui elle n'avait cessé de discuter depuis, sans se départir de son expression abattue.

 Gomaki cessa son étreinte et ordonna à l'équipe de se réunir autour d'eux. Le sensei croisa le regard noisette de l'Utak et lui adressa un clin d'œil rassérénant. Le garçon comprit le message, confirmant ses impressions alors qu'il retrouvait certaines expressions familières sur le visage de l’azurée.

— Izul va vous débriefer les informations qu'elle a récolté auprès de notre ami Goto, annonça t-il d'une voix ferme.

 Il posa une main sur son épaule et ajouta à son attention, avant de s'éloigner :

— N’hésite pas si tu souhaites que je prenne le relai.

 La Leïl la remercia d'un léger sourire et s'éclaircit la gorge avant de commencer :

— Les attaques viennent de Sengo, mais pas dans le sens dont nous le craignions si on en croit Goto. En vue de son état, j'ai tendance à le croire…

 Elle jeta un bref regard en biais vers le Tsumyo, qui n’échappa pas à son auditoire, avant de reprendre :

— Goto appartient à un gang dissident de Sengo. Selon lui, seuls les siens sont en possession du Boost S. Il a eu vent d’un possible coup d’état, mais il n’est sûr de rien.

— Avec une arme comme celle-ci, il serait logique que leur objectif soit ambitieux, intervint Chiraku.

— Il n’est toutefois qu’un pion en bas de l’échelle, précisa Izul. Goto ignore si cette rumeur est un fantasme ou est réellement envisagée par ses chefs.

— En ce cas, la non-implication de Sengo est également à envisager au conditionnel, trancha froidement Sarouh.

— Il n’a aucune raison de mentir sur ce qu’il sait avec certitude, rétorqua la kunoichi d’azur sur le même ton que son tuteur en genjutsu. Tu t’en es assuré.

 Un silence malaisant tomba sur le groupe, tandis que le Tsumyo ne fit qu’hausser un sourcil de surprise. Le reproche n’avait échappé à personne et encore moins au principal concerné. Restant concentré, Tokri soupira. Chaque avancée sur cette affaire semblait synonyme de deux pas en arrière. Et les tensions personnelles n’allaient pas aider à résoudre ce sac de nœuds.

— Sont-ils les producteurs de la substance ? demanda Nika, désireuse de relancer la discussion.

— Il n’en sait rien. On lui en fournissait pour ses hommes au besoin, mais son rôle était celui d’un recruteur. Ce mec ignore totalement quelle est la source de la drogue, il n’avait pas besoin de le savoir pour faire son boulot.

— Faut qu’on m’explique comment une bande dissidente sortie de nulle part aurait pu s’y prendre pour se monter au nez et à la barbe de Sengo ? s’interrogea en s’emportant presque la glaciale sabreuse. S’ils ne sont pas liés à ce conglomérat pirate, cela signifie que quelqu’un d’autre les a aidé, voire les fournis en dope.

 Cette fois, le silence qui s’installa fut lourd de sens. Les shinobis se jetèrent des regards en biais et Tokri perçut que Cacaunoy avait compris ce que son allusion signifiait au moment où elle l’avait formulée. Que Sengo soit le cerveau derrière les évènements rendrait les choses bien plus simple, mais le Genin bannissait cette hypothèse de son esprit. La rupture des liens avec Chikara coûterait bien trop cher à la cité criminelle, l’équilibre risque-bénéfice ne jouait pas assez en leur faveur. De plus, Izul était convaincue par les affirmations de Goto et cela lui suffisait. L’explication la plus logique qui lui venait était l’implication de l’un des Trois.

 Mais lequel ? Cela aurait pu expliquer la mise en retrait de Mahou, mais que Chikara ou Gensou soit impliqué n’était pas à exclure. Cette mission en coordination pouvait très bien être un leurre pour noyer le poisson. Et s’ils en apprenaient trop, il suffirait de les liquider. Sacrifier une poignée des siens pour s’assurer l’hégémonie du Yuukan faisait partie de l’essence de la société shinobi. Et à l’inverse de Sengo, le perte de leur lien économique était bien peu de chose comparé aux conquêtes potentielles. Tokri jeta un regard en biais vers les Gensouards et fut étonné d’en recevoir le retour. Tous devaient être arrivés à la même conclusion que lui, quel que soit le cheminement de leurs pensées : il n’était pas impossible que cette histoire les amène à s’affronter un jour.

 Le Genin aux cheveux de jais grommela, s’attirant le regard de quelques-uns de ses coéquipiers. La perspective de devoir combattre pour des intérêts puérils de politiciens lui donnait la nausée. Il jeta un regard vers le Tsumyo, qui le lui rendit entre connivence et interrogation.

— On sait ce que nous devons faire, lâcha d’instinct Tokri, terminant d’attirer malgré lui l’attention de l’équipe.

 Gomaki s’alluma une cigarette en esquissant un léger sourire, tandis que Chiraku ricana entre amusement et nervosité.

— Tu peux développer ? l'invita-t-il.

— Notre mission est de récolter un maximum d’informations et d’éliminer l’ennemi si possible. Que les pirates soient impliqués ou non, notre cible se trouve à Sengo. On s’y rend et on avisera lorsque nous en saurons davantage. On fera face aux complications lorsqu’elles seront avérées.

 Tout en expirant un trait de fumée, Gomaki passa à côté de Tokri et lui tapota affectueusement l’épaule. Il se plaça à côté de l’apprenti kunoichi-médecin et l’invita à rejoindre le reste du groupe.

— Merci Izul pour ce débriefing et à Tokri qui a résumé parfaitement la prochaine étape de notre mission. Les Genins, vous avez quartier libre. Interdiction de vous éloigner de la clairière pour le moment. Les Chuunins, suivez-moi.

 Tokri suivit du regard les Gensouards rejoindre son mentor, s’attardant particulièrement sur Sarouh et Cacaunoy. Depuis la capture de Goto, il n’avait eu de cesse que de regretter ne pas avoir espionné au moins une partie de leur conversation. La réponse persiflante de la Marwais à la radio, le langage de Sarouh et son sourire crispé lorsqu’il avait pris le relais face au brigand… Quelque chose avait dû ressurgir lors de leur moment seul à seul, qu’il avait interrompu sans le vouloir. La tension était retombée peu à peu et il doutait que quelqu’un à part lui, et éventuellement Chiraku, ait remarqué quoi que ce soit.

 Avant de s’éloigner, Gomaki lança un regard à l’Utak, qui comprit aussitôt le message. Il lui fallait s’assurer que les Genins étaient pleinement concentrés pour la suite des opérations. Le chef d’équipe n’eut pas besoin de rameuter les troupes, les adolescents s’étant regroupés instinctivement auprès d’Izul.

— Tout va bien ? lui demanda Mutika avec prudence.

— Bien sûr, répondit la concernée d’une manière plus sèche qu’à l’accoutumée.

 Mutika ne sut pas quoi répondre et se gratta l’arrière de la tête, gêné. Tokri et Nika s’échangèrent un regard, hésitant tous deux à poser la question à haut risque. En tant que kunoichi-médecin, l’azurée s’était préparée à devoir recueillir les informations suite à une mise sous torture. Sa réaction surprenait le taijutsuka. Était-ce lié à l’affection qu’elle entretenait pour le Tsumyo ? Alors qu’il s'apprêtait à briser la glace, Nika le devança de peu :

— Tu as passé beaucoup de temps avec Gomaki et nous nous inquiétions, ne put-elle s’empêcher de préciser en amont. S’est-il passé quelque chose avec Goto ?

 Izul se mordit la lèvre inférieure et crispa une main contre son bras gauche, ce qui fit sonner l’alarme intérieure de l’Utak. Elle ne faisait ce geste que lorsqu’elle se trouvait en position de défense. Le jeune homme l’avait particulièrement remarqué lors de sa dispute avec son père.

— Ce n’est pas le fait de le cueillir suite à la torture, répondit-elle, confirmant les pensées de Tokri sur le sujet. Je ne m’attendais simplement pas à le récupérer à un tel point de décrépitude.

— Comment cela ? s’étonna sincèrement Kiame.

 Cette fois, sa lèvre inférieure se mit à trembler alors qu’elle cherchait vraisemblablement les bons mots. Son regard devint fuyant, renforçant l’impression de déjà-vu chez l’Utak. Décidément, la tournure de la conversation ne lui plaisait pas.

— Explique-nous avec les premiers mots qui te viennent, lui conseilla Tokri.

 Il s’apprétait à ajouter qu’elle n’en était pas obligée si elle ne le souhaitait pas, mais elle lâcha dans un besoin de se libérer :

— C’est un massacre, pur et simple. C’est difficile à expliquer, d’autant qu’il s’agit de ma première expérience en la matière. Mais Gomaki m’a confirmé que Sarouh était allé plus loin que nécessaire.

 Cette fois, ce fut Nika qui tiqua en une moue dubitative.

— Tu peux développer ?

— Goto…

 Elle marqua un temps d'arrêt, affichant une moue pensive. Tokri comprit qu'elle cherchait ses mots et pesait chaque parole avec attention.

— Il est traumatisé, autant psychiquement que physiquement. Plusieurs membres brisés à des points bien précis. Juste en l’auscultant, j’ai vite compris que cela avait été fait avec minutie et…

— En somme, Sarouh a fait son travail avec zèle, l’interrompit sans équivoque la Hynomori.

 Izul écarquilla les yeux de surprise, tandis que Tokri dévisagea son amie avec circonspection. Qu'elle prenne la défense du Tsumyo aussi agressivement n'était pas son genre. L'Utak jeta un regard à Mutika et Kiame en quête de réponse. Tous deux détournèrent le regard, confirmant à Tokri qu'il lui manquait certaines informations.

— Le zèle est la défense première de Sarouh lorsqu'il se sent menacé. Il avait agi de la même façon avec nous lors du premier entraînement au genjutsu. La présence de son ancienne équipe le chamboule et je préfère le voir se défouler pour le bien de la mission que de la mettre en péril en s'en prenant à eux.

— Tu n'as pas vu l'état de cet homme…

— Car ce n'est pas mon rôle.

 Ce fut de trop pour la Leïl, qui s'éloigna précipitamment après un léger cri d'exaspération tout en levant les mains en l'air. Nika haussa les yeux, redressa une mèche et s’éloigna dans le sens opposé. Décontenancés, les garçons restèrent silencieux un bref instant. Tokri se frotta l’arête du nez en soupirant. Cette journée commençait à être bien trop longue. Il se tourna vers Mutika et Kiame :

— Allez voir Nika. Je m’occupe d’Izul.

— Tu te charges d’Izul ? En quel honneur ? rétorqua Mutika, d’un ton bien trop acerbe au goût de l’Utak.

 Ses nerfs étant peu à peu à vif par les multiples tensions, Tokri croisa les bras et relâcha les épaules en expirant comme pour évacuer une partie de la pression qui pesait sur lui. Maintenir la cohésion du groupe était de plus en plus difficile et il avait conscience que bien trop d’éléments lui échappaient. Mais il avait espéré pouvoir compter sur un soutien sans faille de Mutika.

— Tu préfères tenter ta chance pour amener Izul à se recentrer sur la mission ? Après la façon dont elle t’a envoyé balader il y a quelques minutes ?

 Le poing droit de son ami d'enfance se crispa. Bien qu'il se doutait qu’il ne comptait pas réellement le frapper, l'Utak se tint prêt au cas où. Il n’avait fait que dire la vérité, mais mieux valait être sur ses gardes en vue du climat ambiant.

— Ne m’oblige pas à user de mon autorité s’il te plait, soupira Tokri, sincèrement usé par la situation.

— Bien, capitula Mutika avec dépit. Comme tu voudras, chef.

 Tokri tiqua sur la façon dont le rouquin avait particulièrement appuyé la prononciation du dernier mot. L’Oroshi fit un signe au jeune Myô, qui passa devant le chef d’unité en lui adressant un sourire comme pour s’excuser. L’Utak ne parvint pas à calmer les flammes de colère qui embrasait le noisette de ses pupilles, qui foudroyèrent par ricochet Kiame qui en baissa les yeux. Il calma au mieux sa respiration alors que les garçons s’éloignaient et ne parvint pas à mettre de côté ce que Mutika s'imaginait.

 Bien sûr que ce qu’il ressentait pour Izul l’amenait à vouloir la protéger. Mais dans le cas présent, Tokri faisait passer la mission avant tout. Sarouh avait effectivement rempli son rôle, mais le déchainement dont il avait fait preuve ne collait pas avec le personnage et pouvait s’avérer dangereux si mal orienté. Nika ne comprenait-elle pas que la Leïl s’inquiétait pour lui ? Ou peut-être le comprenait-elle trop ? Cette pensée arracha un grognement au garçon, tandis qu’il cherchait l’azurée du regard. La jeune femme ne leur avait pas donné l’entièreté de son raisonnement et ne pourrait rester concentré tant que cela ne serait pas fait. De plus, elle détenait certainement quelques clefs pour sa compréhension du comportement récent de Sarouh.

 La repérant à l’extrémité de la clairière, il se dirigea vers elle tout en ordonnant ses pensées. Mutika et Kiame se débrouilleront parfaitement avec Nika, n’en déplaise à l’Oroshi. Une rupture s’était produite entre l’Utak et la marionnettiste, sans qu’il n’en comprenne la cause. Tokri avait le sentiment de ne pas pouvoir y remédier dans l’immédiat, contrairement à l’état d’Izul. Parmi le peu d'options à sa disposition, le Genin était persuadé que ses décisions étaient les plus efficientes. Il ne put s’empêcher d’esquisser un rictus sarcastique en songeant à son frère aîné. Que penserait Okioto de sa position ? La réponse était simple : le Jounin ne cesserait de lui rappeler leur mission familiale, qui lui semblait bien lointaine ces derniers temps.

 Assise en tailleur face à un arbre, pratiquement cachée du reste du groupe, il fut étonné de la voir griffer rageusement l’écorce d’un kunai. Elle ne remarqua Tokri que trop tard et tenta de cacher maladroitement la lame. Avec nonchalance, il se laissa s'effondrer dos à l'arbre et le désigna d'un mouvement de tête.

— Continue si ça te soulage.

 Se défouler ainsi ne lui ressemblait pas. Bien qu'inquiet, l'Utak était toutefois bien placé pour en comprendre le besoin. L'azurée sourit, génée, et caressa les lacérations qu'elle venait de creuser. Une mèche rebelle glissa le long de son front.

— Le pauvre a assez souffert.

 Le jeune homme fit de son mieux pour rester impassible lorsqu'elle replaça ses cheveux, décidé à rester un minimum professionnel. L'équilibre entre son rôle de chef d'équipe et l'inquiétude généré par son affect était difficile à négocier en son for intérieur.

— Tu veux terminer ton explication ? lui demanda-t-il avec douceur. Juste entre nous ?

 Izul soupira, visiblement fatigué par les événements. Elle leva la tête et ficha son émeraude dans la noisette du Genin, l'envoutant sans le vouloir. Si la kunoichi avait voulu user d'un genjutsu sur lui, Tokri n'aurait pas eu la volonté d'esquisser la moindre défense.

— Tu as parlé à Nika ?

— Je suis avec toi. Tu as ta réponse, non ?

 Izul se mordit une lèvre et serra son bras de sa main gauche, amenant l'Utak à se justifier.

— Je doute être celui à qui elle souhaite parler en ce moment. J'ai envoyé Mutika auprès d'elle et je suis là pour toi si tu le souhaites.

— Pourquoi ne voudrait-elle pas te parler ? s'étonna l'apprentie illusionniste.

 Le jeune homme haussa les épaules pour toute réponse, amenant Izul à baisser à nouveau les yeux. Peut-être s'était-il trop préoccupé de la Leil au détriment des autres membres de l'équipe ? Il remédierait à cela plus tard. L'état d'Izul et les informations qu'elle possédait sur Sarouh était sa priorité. L'Utak était assez honnête avec lui-même pour s'avouer que ses sentiments s'immiscaient dans ses décisions et il s'en fichait éperdument. Que pouvait-on lui reprocher puisque ses intérêts personnels et ceux de la mission allaient de pair ?

 Il resta silencieux, laissant Izul seule décisionnaire de ses confidences. Être avec elle lui suffisait.

— Je pense que Sarouh a volontairement fait traîner le supplice de Goto, lâcha-t-elle finalement en un souffle.

— Qu'est ce qui te fait croire cela ? l'invita à développer Tokri.

 Elle releva la tête, unissant à nouveau son regard à celui de son partenaire. L'Utak y lut toute la réflexion qui agitait le brillant cerveau de la jeune femme. Il comprit alors que son trouble n'était pas qu'émotif. Izul était effrayée par la compréhension intellectuelle des événements, qui devait provoquer un chamboulement de par son affection pour le Tsumyo.

— Tu as compris que Sarouh fonctionne par suggestion plutôt que par la force ? l'interrogea prudemment la jeune femme.

— Je l'ai compris depuis le premier entraînement au genjutsu, confirma Tokri. Cela fait partie de son style.

 Izul hocha la tête en souriant, satisfaite que le Genin suive le fil de ses pensées.

— Ce qu'a vu Goto n'a pas été produit par Sarouh, continua Izul d'un ton professoral afin de calmer les tremblements de sa voix. Il n'a vu que ce que notre ami lui a inspiré.

— Si je comprends bien, Sarouh a simplement envoûté Goto pour que son cerveau produise de lui-même l'illusion ? reformula le taijutsuka pour être certain de comprendre.

 Sans détourner le regard, Izul confirma d'un hochement de tête.

— Qu'a-t-il vu ? demanda le guerrier avec gravité.

— Lorsque je suis entré et me suis occupé de lui, il était encore sous le charme. Il m'a visualisé comme étant une ange donc…

— Putain de merde, lâcha d'instinct Tokri.

 Sa réaction arracha un petit rire à la jeune femme, qui fut une satisfaction imprévue mais bienvenue pour l'adolescent.

— Il y est vraiment allé plus fort que nécessaire, mais je peux te demander quelque chose ? se risqua le leader des aspirants.

 Reprenant son sérieux, Izul accepta d'un hochement de tête.

— Nika a raison sur un point. Sarouh a rempli son rôle et je ne pense pas que ce soit cela qui t'importe.

— Qu'entends-tu par là ? demanda Izul, bien plus sur la défensive que précédemment.

— Je ne suis pas idiot, il y a eu quelque chose entre vous. Et je pense que c'est cela qui te perturbe.

 Tokri eut le droit au festival des réflexes anxieux de la Leïl : main crispée contre son épaule, mordillement de la lèvre inférieure, redressement d'une mèche pour finir par triturer ses cheveux. Tout ce qu'il fallait pour faire défaillir l'adolescent, qui fut bien en peine à conserver sa carapace.

— Je pense être en partie responsable de son état. Du moins ai-je commencé à le faire plonger. Son ancienne équipe l'a achevée…

— Pourquoi serais-tu fautive ? s'étonna l'Utak.

 Nouveau mordillement de lèvre, amenant Tokri à se dire qu'elle allait finir par saigner.

— Il m'avait organisé une soirée magnifique et a essayé de m'embrasser. J'en avais envie mais… je n'ai pas pu.

 Un bref rictus tiqua le coin de la lèvre de Tokri, alors qu'il se sentait envahi par le même sentiment que vis à vis de Nika précédemment. Cette fois, il sut le définir : jalousie. Mais qu'est ce qui clochait chez lui, à la fin ?

 L'expression n'échappa pas à Izul, qui afficha un air interrogatif un bref instant.

— J'avais mes raisons, se justifia-t-elle précipitamment, se méprenant sur la réaction du taijutsuka . Je ne voulais pas lui faire de mal..

— Tu l'aimes mais n'était pas prête ? comprit Tokri.

— Peut-être. Je ne suis sûre de rien maintenant, chuchota-t-elle presque.

— Si cela peut te rassurer, je pense qu'il s'est disputé avec Cacaunoy juste avant de s'occuper de Goto, lui confia Tokri d'une voix qui se voulait rassurante. Je parierai plutôt là-dessus concernant son excès de zèle.

 Izul soupira, faisant lever une mèche bleue qui retomba sur le bout de son nez. Épuisée, elle se laissa choir à côté de Tokri, plus près qu'il ne s'y était attendu.

— Merci de ton soutien, murmura-t-elle.

 Izul laissa sa tête glisser contre l'épaule de Tokri. Constatant que le garçon n'esquissait aucun signe de recul, elle bougea pour se blottir confortablement. Le vent marin porta le parfum aux notes sucrées de la kunoichil au visage de l'Utak, qui s'étonna à y trouver du réconfort.

— On devrait se concentrer sur le positif pour une fois, encouragea t-il.

— A quoi penses-tu ? demanda Izul d'une petite voix.

 Tokri désigna de la main l'horizon face à eux. L'océan virtuellement infini face à eux les invitait à se perdre en contemplation, tandis que le roulement des vagues au loin les appelait à se laisser bercer.

— C'est la première fois que je la vois, avoua la kunoichi.

— Pareil.

 Et Tokri laissa sa tête glisser contre celle d'Izul, se perdant tous deux dans leur admiration du présent et oubliant un temps les tracas du monde.

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