Épisode 13 - Cicatrices

8 minutes de lecture

 Une fois repus, ils retournèrent sur le terrain d’entraînement. Cette fois cependant, le Gensouard ne s’appaira pas à l’azurée, à la surprise générale. Il avait besoin d’être seul pour terminer la mise au point du jutsu sur lequel il travaillait depuis des semaines. S’inclinant devant le Jounin, il obtînt la permission de s’éloigner.

 Même s’il était un élément important de liaison avec Gensou, rien ne l’obligeait à montrer ses nouvelles capacités. Izul serait bien sûr capable de comprendre ce qu’il avait l’intention de faire, en réfléchissant attentivement à chacune des étapes qu’il avait répétées près d’elle, mais ça lui demanderait un effort certain. L’azurée avait assez eu à faire avec ses propres exercices pour oublier ce que lui essayait d’obtenir comme résultat.

 Lorsqu’il fut assez loin à son goût, le jeune homme aux cheveux cobalts s’adossa à un arbre, générant devant lui un impressionnant bloc d’eau. Lentement, la forme de ce gigantesque globe se modifia, devenant un anneau d’une dizaine de mètres de diamètre. La transpiration perlait sur le visage tendu par la concentration du Chuunin. A partir de cette base, deux jutsus lui venaient en tête. Il tenta le plus difficile des deux, sûr d’échouer.

 L’adolescent porta la main à sa bouche, soufflant un vent puissant. Malheureusement, l’anneau d’eau céda immédiatement, provoquant une puissante averse qui fut balayée au loin par son Fuuton. Trop concentré sur sa maîtrise de l’eau, Sarouh avait désormais un souci avec sa seconde affinité pour réussir son attaque combinée. Ce n’était pas grave, il s’attendait à ce résultat.

 Un large sourire de défi barrait le visage fin du Gensouard. Il le sentait, il en était capable. La quantité de Chakra exigée était tout simplement ahurissante, mais le résultat serait là. Patiemment, le Tsumyo reprit depuis le début. Il utilisa le ten, pour mobiliser son énergie spirituelle, puis le ren pour la décupler. Une aura saphir emplit de nouveau tout l’espace, secouant les branches sèches de l’arbre et les cheveux du jeune homme. Puis il concentra toute son énergie pour créer un nouvel anneau aqueux, aussi impressionnant que le précédent. La première étape était maîtrisée. Mais il échoua encore à utiliser son Fuuton simultanément. Dès qu’il faisait mine de malaxer son Chakra avec sa seconde affinité, la structure d’eau s’effondrait en une averse tout autour de lui. Il avait pourtant pris son temps pour s’assurer de la résilience de son monument aquatique.

 Pantelant, Sarouh s’effondra dans le sable rendu humide de ses échecs. Il était définitivement plus doué en genjutsu, mais la difficulté de l’exercice le galvanisait. Il changea d’approche, se concentrant pour envoyer de toute petites boules d’eau à l’aide de son Fuuton. Les heures passèrent ainsi dans le désert, seul à s’épuiser sur la dualité de l’énergie qui l’habitait. Lorsqu’il retourna avec les autres, il était épuisé mais satisfait de ses progrès. Il arriva juste à temps pour constater les progrès de Nika en matière de Katon, applaudie par une Izul tout aussi trempée que lui. Les garçons quant à eux, étaient en méditation sur une large colonne de terre qui n’était assurément pas là auparavant.

 Gomaki sonna le rappel, alors que le soleil faiblissait à l’horizon. Tous s'assirent autour du Jounin, profitant de la colonne de Mutika pour jouir d’une vue imbattable. S’allumant une cigarette, le mentor les félicita chaleureusement.

  • Je suis fier de vous, commença-t-il en expulsant un petit nuage de fumée en arborant un large sourire. Vous avez montré une détermination à l’entraînement que bien peu peuvent se targuer d’avoir. Vous êtes très doués.

 Les Chikarates échangèrent des sourires ravis. Ils étaient tous conscients de leurs avancées. Même Tokri sembla se relâcher. Ils avaient eu de nombreuses confirmations qu’ils étaient devenus plus forts. Une nouvelle force brillait dans leurs yeux. Une forme d’assurance, née de leurs échecs et de leurs doutes, de leur force et de leur résilience.

 Kiame semblait un peu mal à l’aise, sentant que ces propos ne s’adressaient pas à lui. Il découvrait seulement le mur que les Genins qui l’entouraient avaient dû franchir des mois auparavant et le gouffre vertigineux qui le séparait de son objectif. Sarouh avait déjà vu ça à de nombreuses reprises et reconnaîtrait cette expression amère mais déterminée entre mille.

  • J’arrête l’entraînement plus tôt pour aujourd’hui. Vous vous êtes bien comportés et méritez votre repos. Comme d’habitude, vous êtes libres de vous joindre à moi aux bains pour reprendre des forces.

 Une expression de curiosité manifeste traversa Izul et Nika, dont Sarouh devina le propos. Kiame serait-il là ? Le repos anticipé avait-il un rapport avec le Boost S ? Le Tsumyo estimait qu’il allait bientôt être convoqué pour être mis au courant des rapports d’autopsie. Des semaines étaient passées et il était illogique que les résultats n’aient pas encore été communiqués.

 Le Gensouard profita du petit silence pour prendre la parole :

  • Je vous rejoins aux bains pour cette fois.

 Personne ne prit la peine de cacher sa surprise. Mais l’anxieux Chuunin se sentait prêt à partager son passé si la question se posait. Il lui fallait accepter cet épisode de sa vie s’il voulait devenir plus fort que le petit garçon craintif qui pleurnichait autrefois à l’hôpital. En parler aux Chikarates pouvait être le moyen d’y parvenir.

  • Bien alors c’est décidé !

 Cela permettait aussi d’éviter le jeu des questions auxquels le Jounin ne pouvait de toute manière pas répondre et Sarouh était épuisé. Son énergie était au plus bas avec l’intense entraînement au ninjutsu auquel il s’était soumis. Il aurait aimé montrer le résultat de ses recherches à Takaneiki. Sa mère avait toujours eu un don pour le Suiton, elle aurait été fière de lui.

 Les shinobis sautèrent de l’édifice de Mutika, se dispersant pour aller chercher leurs affaires, sans un mot mais avec une impatience manifeste. Sarouh lui-même était assez nerveux à l’idée de finalement rejoindre la fine équipe dans les bains du Village des Sables. Il y arriva le premier, étant le plus proche de ses quartiers.

 Peu de temps après, Mutika, Tokri et Gomaki arrivèrent. Le Jounin répondit avec douceur à la question muette du Gensouard, alors que les jeunes hommes rentraient dans l’eau brûlante, poussant de discrets soupirs d’aise.

  • Kiame tenait à poursuivre l’entraînement. Il se sait en retard et nous avons essentiellement parlé théorie. Il nous rejoindra un autre jour.

 Sarouh se contenta de cette réponse. A l’évidence, le Genin l’avait eu mauvaise d’être malmené de la sorte par Mutika. Pourtant, il n’avait pas de quoi rougir.

  • Alors Tsumyo, qu’est-ce qui t’a décidé à enfin te montrer ici ? commença Mutika, un large sourire moqueur, sous le regard curieux mais désapprobateur de son sensei.

 Le Chuunin se rendit compte qu’il avait également l’attention curieuse mais discrète de l’Utak. Il expira doucement, avant de répondre.

  • Voyez ça comme un signe de confiance.
  • Tu avais peur qu’on te noie ? persifla l’Oroshi. Pourtant l’eau c’est plus ton domaine.
  • Pas vraiment. Par contre, toi tu devrais faire attention.

 Les deux jeunes hommes se sourirent. C’est Tokri qui interrompit leur petit jeu, probablement aussi lassé d’avance que curieux de la réponse du Tsumyo.

  • Ne réponds pas si tu n’en as pas envie, mais c’était pour dissimuler ceci ? demanda-t-il en pointant les fines cicatrices blanches sur l’abdomen du Gensouard, à peine visibles sous l’eau.
  • Pourquoi un shinobi voudrait cacher ses cicatrices ? demanda plus sincèrement Mutika.
  • Il y en a de plus faciles à arborer que d’autres, répondit Gomaki en regardant Sarouh dans les yeux.

 Pour la première fois, le Tsumyo eut la sensation que le Chikarate le comprenait. En effet, le Jounin possédait son lot de cicatrices lui aussi. Une large balafre lui courait sur le torse et de nombreuses égratignures passées étaient visibles sur ses jambes et ses avants-bras. N’importe quel soldat finissait par porter les témoignages de ses affrontements.

  • Le plus important est d’être encore là pour raconter l’histoire, reprit le Jounin, son regard vert clair toujours planté dans l’émeraude.

 Les deux Genins se tournèrent vers lui. L’invitation était claire, même s’il pouvait tout à fait choisir de la décliner. Il porta la main sur son ventre en grimaçant. Il mobilisa son courage et commença l’histoire.

  • Peu de temps après mon passage Genin, j’ai été intégré par chance à une équipe. Je ne devrais sûrement pas le dire mais Gensou aussi est en difficultés niveau encadrement des aspirants depuis un moment.
  • Par chance ? releva l’Utak, le sourcil relevé en une virgule interrogatrice.
  • C’est une histoire pour une autre fois. Mais ça m’a valu la jalousie d’un autre membre de la Cascade, qui était de plus rancunier.

 Sarouh prit une pause, une expression de dégoût lui échappant alors que le visage de Masiku lui revenait. Il n’oublierait jamais l’expression malade qu’il avait alors arborée.

  • Vous vous êtes battus et tu as perdu, conclut Mutika. Ce sont des choses qui arrivent, pourquoi en faire tout un plat ?
  • Après un entraînement, il m’a attendu pour me faire payer, continua le Tsumyo, d’une voix blanche qui tremblait de plus en plus. J’ai fini immobilisé, les bras et les jambes cloués à un toit. J’ai été torturé. Il a réussi à me garder en vie et conscient, alors que…
  • Stop, l’interrompit Tokri. On a compris.

 Relevant la tête, le Chuunin vit un concert d’émotions consternées. Une sincère compassion était visible sur les traits du Jounin, Mutika était prostré, mal à l’aise d’avoir amenuisé la souffrance de son camarade, là où une colère froide agitait les pupilles de l’Utak. Ils avaient tous leur manière de montrer leur attachement au Gensouard.

  • C’est exactement pour ce moment que je ne voulais rien dire ni montrer, finit Sarouh. Je ne voulais pas voir de pitié, ni ressentir ma faiblesse à travers vous.
  • Qu’est-ce qui a changé alors ? demanda Mutika d’une voix hésitante.
  • J’ai décidé de vous faire confiance.

 Un silence suivit la déclaration du Chuunin. Il souffla doucement. Au moins, il n’avait pas pleuré. Un mal de tête violent commençait à se déclarer, alors que la tension diminuait.

  • Bravo, Tsumyo. Affronter ses démons est courageux. Nous sommes honorés que tu aies partagé cet événement avec nous.

 La voix chaude de Gomaki lui fit du bien. Le Jounin comprenait sûrement que ce n’était pas le seul passage compliqué qu’avait vécu Sarouh. Il partagea un regard de connivence avec Tokri. Après ça, le Myo s’appliqua à détourner la conversation de son sujet initial. Il parla d’anecdotes de campements de ses missions d’antan, d’échecs ridicules par lesquels même lui était passé, arrachant des petits rires à son audience.

 La gêne laissa lentement place à une ambiance détendue et ils finirent par se quitter, un sourire léger aux lèvres. Sarouh et Tokri furent les derniers à se séparer devant les bains. Avant de le laisser, l’Utak posa finalement la question qui lui brûlait les lèvres.

  • Le mec qui t’a fait ça, il a été puni ?
  • Ne pose pas des questions dont tu n’aimeras pas la réponse, lui répondit le Chuunin avec un sourire triste.

 Ils restèrent une seconde immobiles, puis se saluèrent de la tête et partirent dans des directions opposées. Aussi douloureux que cela avait été pour le Tsumyo, il était heureux d’avoir réussi à partager ça avec eux. Un poids énorme semblait lui avoir été ôté de la poitrine. Alors qu’il avançait vers la caserne, une puissante fatigue l’envahit soudain. Demain serait un autre jour, pensa le Chuunin. Plus tard, alors qu’il sombrait lentement dans le sommeil dans sa spartiate couche, il revit l’équipe Asori, Masiku, Yassin et Irumi. Tous furent balayés par l’image d’Izul lui souriant. Tout irait mieux.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Tokri Utak ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0