Épisode 8 - Doute

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 Sarouh resta hagard un moment alors que Tokri et son mentor partaient. Ses émotions s’embrouillaient de manière si confuse qu’il ne parvenait plus à faire le tri. Le soleil de Chikara dardait ses rayons sur le promontoire, enfiévrant encore le pauvre Chuunin de la Cascade. Il regarda sans voir Mutika et Nika se réunir à ses côtés pour discuter. Il ne comprit pas leurs premiers échanges, plongé dans ses pensées.

 Le combat lui avait offert une pause dans laquelle il s’était engouffré. Se battre avait toujours réussi à lui permettre de sortir de sa tête pour exister. L’adrénaline ayant refluée de son organisme, il se sentait désemparé. Izul avait refusé de parler à lui comme à Mutika dès son arrivée au point de rendez-vous, les yeux rougis. D’abord inquiet, cela avait rapidement déclenché un vortex d’interrogations insidieuses. Cacaunoy aussi s’était comportée étrangement avant que son équipe ne vote son éviction, s’était-il rappelé. Il avait activement combattu cette pensée, arguant contre lui-même que le contexte était différent, qu’Izul était bizarre avec toute l’équipe. Malgré ça, il n’avait pas réussi à contenir son instabilité devant Gomaki.

 Il lui en voulait de ne pas être plus présent pour elle, la seule insinuation qu’elle pouvait être responsable de son état l’avait fait sortir de ses gonds. En réalité, c’est envers Asori qu’il était en colère, absente quand il avait eu besoin d'elle. Il fallait protéger Izul et le calme Jounin n’en semblait pas capable. Le changement brutal de comportement de la kunoichi d’azur couplé au ressentiment qu’il n’arrivait pas à masquer pour Gomaki venaient à bout de sa logique et de son contrôle. Il en vint même à se dire qu’il s’agissait d’un coup monté, avant de balayer l’idée en secouant la tête, surpris de sa propre irrationalité. La fatigue s’abattit brutalement sur Sarouh, qui entendit seulement Mutika lui adresser la parole :

— Hé, vieux, ça va aller ?

— Je suis seulement un peu inquiet pour Izul, répondit le Chuunin, la voix aussi monotone que possible.

— Mouais, grogna Mutika absolument pas convaincu, probablement parce que Sarouh ne s’était jamais montré aussi sensible. Es-tu si proche d’elle ? Tu sais quelque chose, n’est-ce pas ?

 L’insinuation ralluma des flammes dans le regard émeraude du Tsumyo. Il se tut le temps de reprendre tout à fait le contrôle de ses pensées avant de répondre. Cette fois, il avait bien fait attention à ne rien laisser paraître.

— Absolument rien. Nous ne sommes pas si proches. Je suis juste fatigué.

— Tu peux me le dire tu sais, s’il s’est passé quelque chose. Je m’en fiche s’il y a un truc entre vous, je veux juste aider Izul.

 La voix du jeune homme roux s’était faite plaintive, presque suppliante. Sarouh redressa la tête pour planter son regard dans le sien, à la recherche de la moindre trace de mensonge. Ne voyant qu’une sincérité consternée, le Chuunin se relâcha imperceptiblement. Ça n'avait rien à voir, se répéta-t-il.

— J’aimerais vraiment vous aider, avoua-t-il sincèrement. Mais je n’ai pas plus d’infos que vous.

— Tokri et Gomaki non plus. Cela ne doit pas être lié à notre équipe, glissa Nika qui observait attentivement le Tsumyo.

— Comment le sais-tu ?

— Tokri aurait laissé échapper quelque chose, exposa-t-elle d’une voix étrangement calme. Il est intelligent, mais frontal quand il s’agit des relations. Pour Gomaki, le fait qu’il ait laissé le combat commencer et sa réaction à ta remarque me suffisent. Nous sommes tous inquiets pour elle, Sarouh.

 Elle avait beaucoup parlé comparativement à d’habitude, nota mentalement le Chuunin. Pourquoi prenait-elle le temps de le rassurer ? Il chassa encore une fois ses doutes. C’est sa propre réaction qui était étrange, il n’était pas étonnant que Nika ait noté ses micro-expressions et son trouble. Elle avait également dû tiquer sur sa réponse au Jounin. Il ne contestait habituellement pas les ordres et son sens du devoir était éprouvé. Il était difficile de dissimuler des choses à l’intelligente marionnettiste. De plus, en dehors d’Izul, c’est d’elle qu’il se sentait le plus proche. Son manque de confiance en elle et sa douceur lui rappelaient une partie de lui qu’il avait du mal à ressusciter. A deux, ils pourraient peut-être comprendre, glissa une voix au Tsumyo, bien vite noyée dans ses doutes. Il fallait vite fuir les deux Genins et qu’il pense à autre chose, le temps de se calmer pour réfléchir correctement. Plus il était enclin à faire confiance et plus il croyait à une manipulation.

 Il s’inclina devant les deux Genins et commença à s’éloigner, lorsque l’Hynomori l’interpella sans le moindre signe de la timidité qui la caractérisait en temps normal :

— Si tu as besoin de parler, je suis là pour toi aussi.

 L’adolescent aux cheveux bleus se tourna vers la Genin et la scruta intensément, ne sachant que faire de l’amas d’émotions confuses que sa déclaration provoquait. Méfiance, soulagement, reconnaissance, peur. Nika finit par détourner les yeux, incapable de soutenir plus longtemps le duel de regards. Mutika hésita à prendre la parole et se tut, alors que le Chuunin repartait sans rien dire. Il n’avait rien compris à ce qui était en train de se passer mais comptait sur la marionnettiste pour lui expliquer. Il allait être déçu.

 Sarouh sauta du promontoire et commença la pénible désescalade sous le soleil brûlant. Il s’infligeait ça uniquement pour nullifier les chances de croiser les deux Genins partis avant lui. Son corps endolori ne le remercia pas. Chaque mouvement lui faisait mal et il dû recourir au Chakra plusieurs fois lors de la descente pour ne pas lâcher prise. Il puisait bien trop profondément dans ses réserves ces derniers jours et les insomnies le tenaillaient.

 Il arriva une bonne heure plus tard en bas de l’imposante colline qui lui rappelait désagréablement sa jumelle. Aller là-bas ne lui serait d’aucun réconfort aujourd’hui. Mécaniquement son cerveau se refit le combat contre la paire de Genins. Comme prévu, l’alliance de leurs compétences s’était avérée très pénible. Tokri avait encore progressé au corps-à-corps. Peut-être qu’en utilisant le Fuuton, il aurait pu le gérer au katana, mais il était virtuellement impossible de se servir de cette compétence dans le cadre de l’entraînement. Nika, bien que privée de Kokuro avait réussi à le gêner et avait manqué de peu de triompher en permettant à un Tokri que le Chuunin croyait neutralisé de se battre. Cependant sans sa marionnette, ils avaient manqué de capacité de pression à lui apposer et l’adolescent n’avait eu à montrer aucune technique inédite, à l’exception d’un zetsu propre. Chose qui n’avait pas échappée à l’Hynomori, qui s’était empressée de le complimenter à ce sujet.

 Sarouh se mit en mouvement sans savoir où il irait. La matinée touchait à sa fin, il lui faudrait manger. Un puissant désir de ramens aux bœuf le décida pour de bon. Le Tsumyo énuméra les compétences qu’il avait pour le moment réussi à garder pour lui. A part Tokri, le petit groupe ignorait qu’il maîtrisait également le vent. Son souffle venteux leur était encore inconnu. De même, ils ignoraient tout de ses capacités de projection. Nika et Izul pouvaient néanmoins les déduire de la carte qu’il avait dessinée à Nikidami. Légère imprudence de sa part, l’aurait sûrement blâmé Irumi. C’est d’elle qu’il tenait le mantra d’en dévoiler le moins possible. Il aurait aimé revoir la séduisante jeune femme. Elle s’était avérée douée pour lui changer les idées. S’il y avait d’autres duels de ce genre avec les Chikarates, il serait sûrement obligé d’en dévoiler un peu plus et le Gensouard se demanda s’il ne préférerait pas leur laisser la victoire. Il su de suite qu’il en était incapable.

 Il rentra en soupirant dans le restaurant non loin de l’hôpital. Laissant le souvenir de sa conversation avec Yassin, son adversaire Mahousard de l’époque, le submerger, l’illusionniste commanda le plus gros format possible, avant de s’asseoir douloureusement. Il se demanda combien de Shinmen de l’époque il pourrait battre en même temps. Dix, peut-être plus estima-t-il à vue de nez, selon leur capacité à se battre ensemble. Il n’avait pas chômé ces deux dernières années. Étrangement, il n’en ressentit aucune satisfaction. Il remercia le chef qui lui tendait le bol bouillant avant de plonger dans ses pensées et son repas.

 Le comportement d’Izul lui rappela soudain la discussion qu’ils avaient eu à Nikidami. De la même manière qu’elle avait combattu dans le seul but visible de prendre des coups, elle l’avait cherché de manière à se faire crier dessus. La kunoichi était envahie d’une froide colère envers elle-même et se servait des autres pour l’exprimer. Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour qu’elle culpabilise de la sorte, pour que sa colère se tourne contre elle-même à ce point ? Sarouh eut bien quelques idées, mais sentait le caractère personnel de ses pistes. Avait-elle déçu un proche ? Qui donc ? Peut-être qu’effectivement ça n’avait rien à voir avec la team Gomaki. Comment savoir ?

 Le Chuunin termina son bol en éliminant une par une ses idées. Il ne pouvait pas la suivre. C’était amoral, rien dans le comportement de la Leïl ne justifiait quelque chose d’aussi extrême. De plus, il était constamment filé depuis qu’il était à Chikara. Semer l’unité d’élite qui le surveillait probablement pour en apprendre plus était impossible. Il n’avait réussi à sentir que de rares fois un regard sur lui, pourtant il n’y avait aucun doute sur le fait qu’on le tenait en permanence à l'œil. Il pourrait amener l’azurée à tout lui avouer avec un genjutsu. C’était jouable.

 Il sortit du bâtiment et se vit contraint d’abandonner cette solution également. Même s’il pouvait réussir à lui faire croire qu’elle en avait eu l’idée toute seule et entourer son aveu de flou en brouillant sa mémoire, chose qui serait incroyablement difficile et qui admettait un lien de confiance préalable dont l’existence n’était pas si sûre, il s’agissait d’un viol profond de son intimité. Et en cas d’échec, sa relation avec Izul en serait entamée à jamais.

 Il allait devoir attendre que la Genin ne lui en parle. Sarouh soupira. Cela devrait toujours être son option numéro un, se morigéna-t-il. Comment voulait-il créer des liens avec qui que ce soit autrement ? Malgré toute sa bonne volonté, il ne se sentait pas capable de baser ses relations avec les Chikarates sur la confiance mutuelle. Pourtant, il voulait vraiment essayer. Le Tsumyo avait déjà réussi à s’ouvrir en s’entraînant avec eux. La solaire Izul y était pour beaucoup. Pour cette même raison, il se devait de la respecter. Il se persuada encore une fois que cette affaire ne tournait pas autour de lui et se dirigea mécaniquement vers les bains. Seul, Sarouh pourrait méditer dans l’eau chaude afin de reconstituer ses maigres forces. L’autre option était la bibliothèque. En tant qu’ambassadeur, il aurait accès à de nombreuses connaissances qu’il pourrait associer à ce qu’il avait déjà appris à Gensou. L’idée le tenta tant qu’il n’entendit pas Nika arriver dans son dos.

— Sarouh ?

 Le Chuunin ne répondit pas de suite, circonspect. Il détailla la timide jeune femme. Menue, ses cheveux noirs teintés de violet étaient sa seule coquetterie. Sur son dos, la bâche entourée de bandelettes blanches qu’il savait vide de son combat du matin. Même en tenue de combat, elle dégageait quelque chose d’adorable. Ses yeux presque dissimulés par ses mèches étaient d’un vert foncé intense qu’il était bien rare d’apercevoir. Elle arborait une moue gênée et hésitante.

— Nika, que fais-tu ici ?

— Je suis sur le chemin pour rentrer au domaine Hynomori. Tu es sur le chemin.

 Mensonge peu probable, facilement vérifiable, persifla le cerveau du Gensouard. Il ne su que faire de l’information. Devait-il lui proposer de la ramener ? Il ne se sentait pas d’humeur très sociale et en même temps, il avait enfin l’occasion de se retrouver avec la marionnettiste. Sans l’incident de ce matin, il s’en serait réjoui. Sans prendre ombrage de son hésitation, Nika l’invita d’un signe de tête :

— Tu me suis ? Rien de tel qu’une partie d’échecs pour penser à autre chose.

 La Genin avait légèrement rosi de l’hardiesse de sa proposition. Elle avait déjà prévu une réponse au cas où sa famille poserait des questions sur la présence d’un homme étranger dans l’enclave du clan, lorsqu’elle avait accepté la proposition du Tsumyo plusieurs jours plus tôt. D’abord surpris, un léger sourire barra le visage de celui-ci.

— Ça serait avec plaisir. J’allais à la bibliothèque mais ta proposition est bien meilleure.

 Sachant l’importance qu’apportait le Gensouard aux livres, le compliment fut de trop pour la contenance de l’Hynomori qui détourna doucement la tête et se mit à avancer, Sarouh juste à sa droite, un peu en arrière. Ils progressèrent en silence dans le Village des Sables, confirmant au Tsumyo qu’il était effectivement sur le chemin. Sa méfiance diminua encore alors qu’ils marchaient désormais dans l’enclave à l’architecture rectiligne qui tranchait avec le reste du style Chikarate. Finalement le duo s’arrêta devant une grande maison de pierres violettes, la porte d’entrée après un petit escalier ouvert. D’un signe de tête, la Genin le poussa à entrer.

— Bienvenue chez moi, fit-elle timidement alors que Sarouh ôtait ses chaussures.

****

 Spartiate mais vaste, le bâtiment était étonnamment frais. De l’entrée, le Gensouard voyait le salon et la salle à manger sur sa droite, face à lui, un escalier de bois vernis qui devait donner accès aux chambres. Sans surprise, Nika l’amena dans le salon. Fonctionnel fut le seul mot qui vint au Chuunin pour décrire l’endroit. Sarouh n’aperçut aucune photo ou objet à caractère personnel de ses furtifs regards inquisiteurs. Il était difficile pour un shinobi de ne pas mener l’enquête sur l’endroit où il se trouvait. Pourtant les meubles étaient de grandes qualités, manufacturés par des artisans talentueux dans des matériaux robustes. Le clan Hynomori devait être respecté. C'était bien différent de sa propre maison, bien plus modeste.

 Nika le guida vers la table de salon. Ils s'assirent à genoux tandis qu'elle sortait d'un tiroir caché dans la base du meuble un plateau de jeu. Avec une infinie délicatesse, la marionnettiste en sortit les trente deux pièces qu'elle disposa une à une de son côté en se lançant dans l'explication du complexe jeu de stratégie.

— Le but du jeu est simple. Il faut menacer le roi sans qu'il puisse s'enfuir. Dans ce cas de figure, tu es échec et mat et tu perds la partie. Pour y arriver, tu disposes d'atouts qui sont tes pièces du fond et de pions qui forment la première rangée.

 Elle lui indiqua les spécificités de chaque pièce tout en les pointant du doigt, trouvant dans le Tsumyo un élève attentif. Il mémorisa sans mal les mouvements possibles et les règles de base, peu nombreuses.

— Les blancs commencent toujours. Il manque certaines règles, je te les donnerai lorsque tu auras pleinement saisi les bases.

 Sarouh jeta un regard discret à Nika, emballée par l'idée de jouer. En parlant, elle avait remis à sa place une mèche de cheveux dévoilant un peu plus son adorable visage poupin. Lorsqu'il était question de jeu, une certaine force de caractère se lisait sur ses traits et une détermination féroce embrasait son regard. Le Gensouard était obligé de reconnaître qu'elle était mignonne. Et qu'ils se ressemblaient au moins sur ce point. Le jeune homme se mordilla le pouce et la première partie commença en silence. Elle tourna court.

— Mat de l'idiot, s'exclama un peu surprise la Chikarate. Je ne t'insulte pas, c'est simplement appelé comme ça dans la littérature car il s’agit d’une succession de coups particulièrement mauvaise. C’est la défaite la plus rapide possible dans ce jeu.

— Merveilleux, soupira le Chuunin en remettant ses pièces en place avant de gratter l’arrière de son crâne.

— Je ne pensais pas que tu aurais du mal.

— Je n'ai jamais joué à un jeu de plateau. Laisse moi le temps de m'habituer avant d’être déçue.

— Jamais ? Tu jouais à quoi enfant ?

 Il laissa le silence lui répondre avec un air gêné. Le jeu n’avait jamais été une de ses priorités. Il avait appris à lire jeune et cela avait monopolisé l’essentiel de son temps jusque là. Il s’était focalisé d’abord sur l’Histoire puis sur les arts ninjas. Ses parents n’avaient guère de temps à lui accorder et il n’avait plus d’enfants de son clan pour s’amuser. Les autres Gensouards l’avaient irrémédiablement mis à l’écart. Chose dont il avait appris à s'accommoder. La peur des autres l’avait rendu encore plus discret et encore plus seul, bouclant la spirale d’isolement dans laquelle il s’était enfermé enfant. Avant l’équipe Asori, il n’avait pas eu le moindre ami. Dès qu’il avait pu, il s’était jeté sur l’entraînement.

— Recommençons, l’encouragea doucement Nika, avec l’habitude tu commenceras à voir les coups.

 Sarouh opina du chef sans relever la tête, un peu triste. Il ne vit pas la lueur de compréhension poindre dans le regard de la Chikarate, ni sa moue pleine de compassion. Les éléments du puzzle commençaient à s’agencer et la marionnettiste se savait capable de le reconstituer.

— Tu sais, j’ai été très seule également. A l’Académie, mes camarades se moquaient souvent de moi et j’ai appris à me faire discrète. Je n’ai appris à jouer qu’avec mon père entre deux missions. Ma mère n’est pas très douée, grimaça-t-elle, semblant se souvenir de parties lamentables.

 Tout en parlant, ils avaient échangé leur premier coups. Naturellement, Sarouh s’était arrogé les noirs. Bien plus prudent, il avait cette fois établi un barrage de pions qui défendaient le centre. Confiante Nika prit la première pièce, agréablement surprise de voir la stratégie de son vis-à-vis. Il avait instinctivement compris l’un des principes de base du jeu.

— Je ne connais pas ton histoire, mais sache que tu es le bienvenu dans notre équipe.

— C’est très gentil, répondit le Tsumyo d’une voix blanche.

 Une sensation étrange le saisit, alors que son cavalier contestait une dernière fois le centre, avant d’être pris dans la seconde par le fou de Nika. Il manquait de ressources pour gagner cette bataille et il tenta une percée sur la droite du plateau, gagnant un petit sourire de la part de l’Hynomori.

— Ai-je fait une bêtise à nouveau ?

— Non, c’est juste que tu me rappelles mes débuts. C’est un sentiment bizarre. Je suis ravie que tu aies accepté de venir.

 La partie reprit dans un silence concentré qui ne gênait aucunement les participants. Quelques minutes plus tard, Sarouh couchait son roi sur le plateau, encadré par la tour et la reine adverse. Avec méthode, Nika avait déstabilisé ses lignes de défense et proprement isolé puis abattu sa cible. Ils échangèrent un sourire de connivence en remettant les pions en place. Une autre partie se déroula, la tentative plus agressive du joueur aux cheveux bleus se retournant bien vite contre lui. Le Chuunin se prenait au jeu au grand plaisir de son adversaire. La marionnettiste semblait à l’aise tant en agression qu’en défense, ses stratégies couvraient toujours de nombreux scenarii. Les échanges semblaient tous être en sa faveur. La battre serait jubilatoire.

 Elle lui expliqua ensuite les mécaniques plus avancées du jeu, pourtant certaine que ça serait pour une autre fois. L’Hynomori ne lui faisait pas de cadeau sur le plateau mais sanctionnait ses erreurs avec douceur. Les heures défilèrent, le silence brisé uniquement par des conseils édifiants de la joueuse émérite. Pas une seule fois elle ne fut inquiétée de l’après-midi.

— Tu vas être obligé de revenir, déclara-t-elle moqueuse alors que le soleil déclinait.

— C’était prévu. J’ai fait exprès de concéder la dernière partie pour m'en assurer.
— Mauvais joueur.

 Ils éclatèrent de rire avant d’échanger un long regard. A regret, Nika l’amena finalement devant la porte, ses parents seraient bientôt de retour et avec eux le lot de responsabilités qui lui incomberait en tant qu’apprentie marionnettiste. Ils se saluèrent sans mot dire, le soleil couchant derrière le Tsumyo illuminant les mèches violettes de sa nouvelle amie.

 Le Gensouard prit congés et retourna au centre de Chikara, direction les bains. Son esprit s’était apaisé et il arrivait désormais à prendre du recul par rapport à Izul. La timide Genin lui avait offert une distraction sur mesure. La situation était différente. L’adolescent souffla doucement en marchant dans le sable du Village. Lorsqu’il s’enfonça finalement seul dans l’eau chaude, une nouvelle résolution s’était imposée à lui. Il ne se laisserait plus déstabiliser par les démons du passé. Tout en se protégeant, il continuerait à renforcer ses relations avec l’équipe Gomaki. Avoir peur de souffrir n’avait aucun sens, le shinobi est l’homme qui endure. Autant pour son salut que pour celui des Trois. Avec un petit sourire, il s’amusa à faire apparaître de la végétation tout autour du bain, rendant hommage à la femme qui lui avait appris ce tour.

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