Épisode 5 - Match amical

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 Assis en tailleur au bord du promontoire rocheux, Tokri méditait en profitant de la légère brise du désert. Sa concentration était telle qu’il n’entendait plus Gomaki s'affairer à la préparation du terrain derrière lui, tout à son maintien de la délicate tiédeur au creux de son ventre. Il avait hésité à se livrer à quelques exercices de Ten ou de Ren, mais Tokri avait estimé sage d’éviter de perdre du Chakra avant le combat.

 L’Utak avait pleinement acquis la conscience du Fuuton. La quasi absence de vent du promontoire ne l’empêchait pas de ressentir le moindre bruissement d’air. Lorsqu’il méditait, Tokri avait de plus en plus la sensation d’entrer en communion avec son environnement et il prenait cela comme un signe positif pour son apprentissage du Fuuton. Certaines idées de techniques commençaient à germer en son esprit.

 — Terminé, l’informa le Jounin. J'envoie un message aux autres.

 Curieux, Tokri stoppa momentanément sa méditation et jeta un œil par-dessus son épaule tout en évitant d’observer le travail que son sensei venait d’effectuer sur le terrain. Gomaki se mordit le pouce, effectua quelques signes, et apposa la paume de sa main contre le sol. Un léger nuage de fumée enveloppa son poignet. Lorsqu’il se dissipa apparut une sorte de lézard à écaille rougeâtre munis de deux petites ailes. Le Myô se pencha vers lui pour lui donner ses instructions. Visiblement ennuyé d’avoir été invoqué pour servir de messager, le lézard accepta après avoir craché un petit jet de flamme au sol et se dirigea vers le bord de la plate-forme. Lorsqu’il arriva à côté de Tokri, il lui lança un regard inquisiteur.

 — Qu’est-ce tu mates ? lui lança la créature.

 — Rien, répondit un Tokri quelque peu décontenancé de se faire prendre à parti par un lézard parlant.

 Soupçonneux, la créature le fixa en plissant ses petits yeux. Deux traits de flamme sortirent de ses naseaux tandis qu’il déplia ses ailes.

 — Mouais. Je sais ce que tu penses, morveux. Pour ton information, j’suis un dragon !

 Sans laisser le temps à Tokri de réagir, il sauta dans le vide et ne fut bien vite qu’un point filant dans les ruelles de Chikara.

 — Excuse-le, lui dit Gomaki avec un sourire amusé. A cet âge, ils sont susceptibles.

 Il fallut quelques secondes à son élève pour intégrer le fait que son mentor était lié à des dragons. Plus il le découvrait, plus Tokri trouvait le Myô impressionnant. Il n’était guère surprenant que Okioto ait manoeuvré pour que son ami soit chargé de sa formation.

 Jaugeant qu’il avait une vingtaine de minutes devant lui, Tokri repartit en méditation. Satisfaisant à peu de chose près son estimation, il finit par être définitivement tiré de sa transe par le Jounin :

 — Ils arrivent.

 L’Utak put enfin observer l'œuvre de leur maître. Les mannequins qu’ils avaient transporté étaient disposés à divers endroits, certains visibles et d’autres camouflés. Gomaki avait également utilisé son Doton afin de créer plusieurs amas rocheux de superficies différentes.

 Lorsqu’il rejoignit les rangs des shinobis en les saluant de son habituel signe de tête, il remarqua que ses coéquipiers analysaient également le terrain. Tokri ne doutait pas que Nika et Sarouh étaient d’ors et déjà en train d’ajuster leurs plans de bataille. L’Oroshi lui jeta un regard mi-soupçonneux, mi-interrogatif qu’il ignora. Gomaki n’allait pas tarder à leur fournir les explications de toute façon.

 De la petite bande, ce fut le comportement d’Izul qui frappa d’étonnement l’Utak. Yeux baissés, ses chaussures possédaient un attrait exceptionnel. L’une de ses mains tenait fermement son autre bras. Habituellement si solaire, la Leïl semblait se recroqueviller sur elle-même. Tokri fut surpris de la voir se tenir à distance de Sarouh, chacun fermant la ligne des ninjas se tenant face à Gomaki. Ils semblaient pourtant s’être rapprochés durant cette première semaine d'entraînement en compagnie du Gensouard. Ce dernier semblait éviter son regard en arborant une mine attristée.

 Décidé à recueillir quelques informations supplémentaires, l’Utak se plaça à côté d’elle. Il crut la sentir tressaillir lorsqu’il la frôla involontairement de son bras.

 — Suite à une suggestion de Tokri, j’ai décidé de reporter la simulation de combats ici. Nous sommes à l’écart du Village et la plate-forme offre bien plus d’espace que notre terrain habituel. Comme vous pouvez le constater, j’ai transformé les lieux pour vous offrir diverses possibilités d’action. J’ai également placé des mannequins d'entraînements pour des substitutions.

 Il s’alluma du pouce une cigarette en adressant un sourire au chef d’équipe.

 — Je te remercie de ton aide pour le transport du matériel.

 Sa moue trahissant ses doutes, Mutika leva une main hésitante. Le Myô lui signifia d’un bref mouvement de tête qu’il avait la parole.

 — Je m’en fiche un peu étant donné que ça ne concerne pas mon match, se sentit-il obligé de préciser. Mais ce n’est pas un peu déloyal que Tokri vous ait vu préparer le terrain ?

 Le Tsumyo garda le silence, mais le regard qu’il lança au Jounin signifiait qu’il partageait cette interrogation.

 — Légitime question, releva Gomaki en expirant un trait de fumée. Il m’a uniquement aidé pour le transport. Une fois sur place, je lui ai demandé de se livrer à une méditation en attendant que tout soit prêt. Ce qu’il a fait jusqu’à votre arrivée.

 — Vraiment ? dit Mutika avec scepticisme.

 — J’y ai veillé.

 Tokri n’en fut pas surpris. Il s’était douté que le Jounin le testait en lui donnant cette instruction. C’était une occasion de vérifier à la fois son obéissance et ses valeurs. Le taijutsuka n’en avait cure, sa fierté couplé à son sens de la justice l’empêchant de tricher contrairement à la plupart des shinobis.

 Izul avait relevé la tête pour suivre les échanges entre leur sensei et l’Oroshi, permettant à Tokri de constater que les yeux de la jeune femme étaient rougis. Le cœur de l’Utak se serra malgré lui en en reconnaissant la cause pour l’avoir bien trop subis dans son enfance. Dans le même temps, son esprit fut envahi de questions. Pourquoi aurait-elle passé du temps à pleurer, alors qu’elle était si lumineuse la veille au soir ? S’était-il passé quelque chose avec le Tsumyo ? Ayant lu dans son regard davantage d’inquiétude que de culpabilité, Tokri doutait que le problème vienne de lui.

 Bien que discret, Izul remarqua que l’Utak l’observait et fit quelques pas vers Nika pour s’éloigner de lui. Etait-ce lié à leur conversation lors du second jour d'entrainement avec le Tsumyo, concernant ses attaques verbales envers Mutika ? Elle avait pourtant bien réagi sur le moment et lui avait même assuré que son petit jeu avec le rouquin était terminé. Gomaki le remarqua, mais ne releva pas. Son regard trahissait toutefois un soupçon d’interrogation mêlé à l’inquiétude vis-à-vis de la major de promotion.

 — On commence par le duo Tokri-Nika contre Tsumyo.

****

 D’un geste de la main, le Jounin demanda à Mutika et Izul de le suivre pour libérer de l’espace aux combattants. Nika et Tokri se positionnèrent l’un à côté de l’autre en s’échangeant un regard entendu. Cela n’échappa pas à Sarouh qui dégaina Aura tout en gardant un œil à la bâche dans le dos de la marionnettiste. L’Utak n’en fut pas surpris, se doutant au vu de ses paroles de la veille qu’il ferait tout pour ne pas se laisser déborder. D’un mouvement du pouce, le Tsumyo rendit invisible sa lame.

 — Tu crois vraiment que ça va changer quelque chose ? le provoqua Tokri. Je le connais ce tour.

 Pour toute réponse, Sarouh lui adressa un sourire carnassier. L’Utak le lui rendit, déjà grisé par le combat. Même s’il avait perdu la dernière confrontation, le Chikarate s’était admis avec le recul avoir adoré combattre le Tsumyo. Tous deux possédaient les forces faisant défaut à l’autre, rendant l’affrontement riche en enseignements. Il était également impatient de tester les tactiques concoctées la veille avec la Hynomori. Depuis leur rencontre, il la savait intelligente et dotée d’un esprit stratégique aiguisé, mais elle était encore parvenue à le surprendre.

 — Commencez ! ordonna Gomaki.

 Ne perdant pas de temps, Tokri se munit d’un kunai de sa main directrice tout en expédiant des shurikens de l’autre. Sarouh les dévia, avant de parer la frappe de kunai de l’Utak. Ils alternèrent ainsi entre attaque et défense, Sarouh de son katana et Tokri de son kunai. Mutika admira la démonstration des aptitudes de son meilleur ami au maniement de la fine lame et se fit la réflexion que le kenjutsu serait plus tard un art dans lequel il devrait songer à s’investir. La lame invisible ne posait aucun souci au guerrier du sable, qui s’efforçait d’en maintenir une image mentale.

 Bondissant d’un côté à l’autre, Nika envoya des projectiles à trois reprises, qui poussèrent Sarouh à des interceptions à l’aide d’Aura. A chaque percée, Tokri en profita pour réussir une frappe du poing ou du pied, gardant en tête d’éviter toute hospitalisation. Le kunai n’était là que pour contenir le Tsumyo, pas pour le blesser et il savait que son adversaire en faisait de même avec son katana.

 Sarouh comprit que Nika conservait Kokuro pour plus tard. Ayant essuyé trop de dommages à son goût, le Gensouard décida de changer de cible. Après avoir évité une frappe d’estoc, Tokri tenta de le frapper de la paume en plein plexus solaire. Il pesta lorsque sa main ne rencontra que de l’eau ayant la silhouette de l'illusionniste. L’Utak en extirpa sa main et repéra un mannequin derrière l’amas d’eau qui se liquéfia. Tokri se tourna vers Nika et vit que Sarouh fonçait vers son dos.

 — Derrière toi !

 Ayant détaché la bâche, Nika la plaça face à elle et se retourna à l’avertissement de son ami. Lorsqu'il atteignit la kunoichi, Sarouh eut la surprise de se retrouver face à Tokri. A quelques mètres d’eux se trouvait la bâche à laquelle il venait de se substituer.

 Affichant un large sourire narquois, l’Utak intercepta le poignet du Gensouard et le bloqua de son bras gauche. Il frappa de son pied droit la main tenant Aura avant qu’il ne la mette hors de sa portée. Sous la surprise, la lame tomba au sol. Sachant qu’il n’avait qu’une fraction de secondes avant de perdre son avantage, Tokri éloigna son vis-à-vis d’un violent coup de boule en plein front. Sarouh recula de quelques pas avant de reprendre une posture de combat, tout comme son adversaire. 

 Le Chuunin jeta un bref coup d'œil autour de lui et constata que Nika avait disparu. Repérant la bâche au sol, il comprit ce que cela signifiait.

 — Kokuro est toujours en réparation ?

 — Pour un gars malin, t’en as mis un temps pour comprendre.

 Sarouh ricana. Tokri savait qu'il prenait clairement son pied dans cet affrontement. Éprouvant la même chose, il ne pouvait pas le lui reprocher.

 — Juste une question avant de reprendre. Votre stratégie vient de Nika ?

 — Les bases sont de moi. Elle a tout développé, révéla-t-il en lui rendant son sourire.

 — Je vois, répondit le Tsumyo en élargissant un peu plus son sourire. Amène toi.

 Tokri ne se fit pas prier. Usant du gyo pour maximiser sa vitesse, il fondit sur Sarouh et enchaîna les frappes en veillant à ne pas le laisser s’approcher d’Aura. Tant qu’ils restaient dans cette configuration, ses chances de prendre le dessus restaient fortes. Le Tsumyo para et esquiva, guettant une occasion de percer les assauts du Chikarate qui donnait le maximum de ses capacités contre le Chuunin.

 Le menton de Sarouh encaissa un uppercut, avant de se liquéfier en une éclaboussure. Voyant la bâche à quelques pas de lui, Tokri en déduisit sa position actuelle. Il composa rapidement des mudras tout en se retournant pour se retrouver face au Tsumyo, à deux doigts de toucher son visage.

 Le Gensouard fut frappé par une forte rafale de vent qui le fit reculer de quelques pas. Profitant de sa surprise, Tokri fondit sur lui et le frappa de deux poings successifs à l’estomac, avant d’enchainer par de multiples frappes rapides au visage.

 Se reprenant bien vite, Sarouh profita d’une fraction de seconde d’ouverture pour frôler la tempe de l’Utak du bout des doigts. Plongé dans le noir, Tokri perdit un instant l’équilibre. Ce fut suffisant pour permettre au Tsumyo de le saisir au bras et le faire passer par-dessus son épaule d’une solide clef. Tokri se retrouva face contre terre, tenta de se relever, mais ne vit pas venir le coup de pied qui lui fit mordre la poussière.

 — Reste au sol, le prévint Sarouh. Il ne me reste plus qu’à retrouver Nika et je gagne.

 A la surprise générale, Tokri se releva d’un bond et frappa le Tsumyo de son Chikara Sen’puu. Ses réflexes lui permirent de parer au dernier moment. En équilibre en l’air, l’Utak frappa de son pied libre le torse du Gensouard qui recula à nouveau. Le taijutsuka fondit une fois de plus sur lui. Tout en parant les frappes, Sarouh analysa la situation.

 Le niveau au Kai de Tokri ne pouvait pas lui avoir permis de se libérer aussi rapidement de son jutsu d’aveuglement. D’autant qu’il l’avait calibré avec minutie pour lui demander quelques instants de concentration afin de s’en dépêtrer. Malgré le fait que ses attaques étaient précises, le regard de l’Utak restait fixé dans le néant. Seule une bonne maîtrise du en lui aurait permis de réussir de combattre par lui-même. Or, il ne connaissait pas encore cette manipulation.

 La solution se présenta d’elle-même : Nika était derrière tout cela.

 Tout à son analyse, Sarouh perdit sa concentration sur l’action et accepta d’encaisser quelques frappes. Tokri avait une force et une allonge conséquente, mais il en avait vu d’autres. Souffrir de quelques coups ne le mettrait pas hors-jeu tant qu'il n'en encaissait pas au delà de ses limites.

 En observant son assaillant, Sarouh finit par percevoir de discrets filaments bleus qui partaient de ses jambes et bras, mais également de ses épaules et de son dos. Il esquissa un sourire, satisfait d’avoir découvert le pot aux roses.

 Le Tsumyo encaissa encore quelques frappes avant de parvenir à déterminer la position de la Hynomori. Il esquiva un uppercut, et généra deux Mizu Bunshin pour occuper l’Utak avant de foncer vers la colonne sur laquelle trônait discrètement Nika, à demi camouflée par un rocher en son sommet.

 Ayant compris qu’elle était découverte, Nika manoeuvra son ami pour se débarrasser au plus vite des Bunshin et plaça ses mains pour l’aider à générer un Kai avant de relâcher ses fils. Elle fut surprise de constater que l’Utak parvint à se débarrasser rapidement de sa cécité. L’adrénaline et le sentiment d'urgence semblaient donner une formidable efficacité aux compétences de Tokri.

 Malheureusement, Sarouh avait pris trop d’avance. Jouant le tout pour le tout, elle bondit hors de sa cachette et souffla plusieurs boules de feu de la taille d'un poing qu’il esquiva. S’étant muni d’un kunai, il se retourna par intermittence pour détourner les shurikens que lui envoya l’Utak sur ses talons.

 Le Tsumyo s'empara d’une balle fumigène, qu’il fit éclater au sol pour échapper à leur vue. Comprenant son objectif, Tokri exécuta un Kyouffu pour dissiper la fumée et gravit la colonne à toute vitesse. Il soupira d’exaspération et leva les yeux au ciel une fois au sommet. Sarouh était déjà posté derrière Nika, sa lame posée au niveau de la carotide de la kunoichi.

 — J’ai gagné, leur lâcha-t-il avec un petit sourire satisfait.

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