Épisode 4 - Planification

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 Les discussions allaient bon train autour des assiettes parfumées alors que l'équipe éreintée s'en donnait à cœur joie. Afin de palier à l’une de ses rares lacunes, le Tsumyo avait pratiqué avec les deux kunoichis. Il avait discrètement regardé les filles s'entraîner, toujours hypnotisé par le contraste tout en couleur qu'elle formait. Dans une moue de concentration adorable, Nika avait progressé de manière fulgurante, talonnée par sa camarade aux cheveux azur.

 Le jeune Chuunin avait été sincèrement impressionné par l'équipe. Leurs avancées étaient rapides, ils étaient intelligents et volontaires. Le potentiel était énorme. Bien plus important que celui de nombre de ses collègues quand il avait enchaîné les petites missions à Gensou. Le talent appelait le talent et chaque membre tirait les autres vers le haut. La synergie entre eux était palpable pour lui qui était la pièce rapportée. Quelque part, il enviait les Chikarates. Sarouh était sincèrement content de faire partie de l'aventure. Ses aptitudes naturelles pour la pédagogie étaient mises à bon escient et il voyait bien que tout le monde y mettait du sien à son niveau pour lui permettre de s'intégrer.

 Machonnant un bout de viande en silence, il se demanda combien de temps cette parenthèse allait durer. Les nouvelles sur le Boost S n'allaient pas tarder à arriver et à ce moment, le Gensouard devrait reprendre sa place à la Cascade. S'ils pouvaient au moins nettoyer cette histoire avec son équipe de circonstance, le Tsumyo aurait la sensation du travail bien fait.

 Cette étrange substance était une malédiction pour eux tous. Inutile de dire qu'elle représentait un danger mortel pour le monde shinobi. Pas tant pour ce qu’elle était que pour les idées qui se trouvaient derrière. Et le Chuunin espérait vraiment que ce n’était pas un des Trois qui tirait les ficelles. Si tel n’était pas le cas, quel que soit le réseau qui était responsable de son expérimentation, il fallait le faire disparaître jusqu'à la moindre trace. Sans que l'histoire ne s'ébruite bien sûr.

 Les filles discutaient entre elles, laissant Tokri et Mutika en retrait, ce qui avait l’air de convenir à l’Utak. Le shinobi aux cheveux bleus glissa un regard curieux vers le chef d’équipe. Aîné du groupe, l’athlétique Chikarate pouvait difficilement être plus différent de lui. Un peu plus petit mais beaucoup plus large, tout en muscle et le teint basané, le contraste était difficile à louper. Mais ce n’était pas la raison de l’intérêt du Gensouard. Le jeune homme était tout en retenu, tempérant un caractère volcanique derrière une façade qui se désirait imperturbable. L’illusionniste ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la réelle personnalité de Tokri. Les quelques éléments qu’il avait glané depuis leur retour dans le désert ne collaient pas.

 Alors qu’il était plongé dans ses réflexions, il croisa le regard noisette du guerrier du sable. Sarouh y lu une forme d’interrogation, avant de rompre lui-même le contact. Gomaki dû interpréter ça comme une forme de gêne car il lui offrit une porte de sortie, lui adressant la parole avec un sourire bienveillant, à l’opposé du Genin :

 — Alors Tsumyo, que penses-tu de notre équipe ? Comment t’y sens-tu ?

 — Vous aviez raison, je ne pouvais rêver mieux.

 — C’est la réponse du diplomate ou de l’homme ? interrogea le Jounin en avalant une nouvelle bouchée.

 — Les deux. A ce propos, je voulais aussi m’excuser auprès de vous. J’ai… émis plus de réserves que je n’aurais dû. J’aurais dû vous être reconnaissant.

 Le Chuunin était au maximum de ce qu’il était capable de fournir comme excuses envers le puissant trentenaire. Sa méfiance à son propos ne s’était pas encore tue, mais il y travaillait. S’il voulait s’intégrer et opérer avec eux, il lui faudrait bien baisser sa garde un jour. Sarouh commençait à envisager que l’amabilité de Gomaki n’était peut-être pas feinte.

 Après un court silence pensif, le Jounin finit sa bouchée et lui répondit, maintenant son grand sourire. Le Gensouard ne pouvait s’empêcher de voir un peu d’Asori en lui. Cela le contentait autant que ça l’irritait.

 — Y’a pas de mal. Je pense comprendre dans quelle situation tu te trouves. Tu risques d’être coincé ici un moment, donc faisons au mieux pour que ça continue à bien se passer.

 Professionnel, calme et bienveillant à son habitude, ce qui ne manqua pas de générer une nouvelle vague d’agacement chez l’illusionniste. Secouant la tête, il s’acharna sur sa propre assiette en silence. Mais qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez lui ? Ce fut rapidement la fin du repas, libérant le jeune homme aux cheveux bleus de ses sombres pensées.

 De retour sur le terrain d’entraînement, il fut de nouveau appairé avec la ravissante kunoichi aux cheveux azur, un peu à l’écart des autres groupes. Ayant reconstitué une partie de ses forces, il put également commencer à s’entraîner sur son propre exercice, après avoir briefé Izul sur ce qu’il attendait d’elle pour cette session.

 Se concentrant tous deux sur leurs orbes d’eau, l’entraînement fut relativement silencieux. Jetant de temps à autre un regard à sa partenaire, se servant du prétexte de la vérification de son avancement, il la surprit plusieurs fois le lui rendre avec un mélange de gêne coupable et de complicité réelle.

 Leurs vêtements furent rapidement trempés, collant à la peau malgré le soleil ardent. Luttant pour empêcher son esprit de s’égarer encore, l’illusionniste se concentra sur ses propres objectifs. Générer un globe d’eau ex nihilo ne lui demandait pas les efforts que mobilisaient sa pupille. En revanche, il avait pour objectif d’imprimer un mouvement de rotation puissant à l’intérieur, ne réussissant pour le moment qu’à le faire éclater. Sarouh avait plusieurs idées de ninjutsu qu’il devrait mettre en place.

 Son affrontement avec la brute de Nikidami lui avait fait réaliser son manque de capacités dans le domaine purement offensif. Il lui faudrait de quoi écraser son adversaire même s’il disposait d’une immunité momentanée au genjutsu. L’eau lui servirait à contrôler, le vent à découper la menace. Le contrôle de son Chakra s’était beaucoup affiné et le Chuunin ne doutait pas une seule seconde de sa capacité à ajouter de nombreuses cordes à son arc rapidement.

 Plusieurs heures passèrent ainsi, le silence brisé uniquement par quelques conseils et des blagues légères. Jetant un œil aux autres, Sarouh vit qu’ils n’étaient pas les seuls à progresser à bonds de géant.

 Nika, les cheveux collés à son visage rougi par l'effort, était désormais capable de cracher de manière consistante des petites flammèches en salves rapides, poussant même le vice à essayer de se déplacer pendant l’exercice. Le muret de Mutika était désormais visible de loin, lui arrivant aux genoux. Sarouh ne parvenait pas à comprendre ce que faisait Tokri de là où il se trouvait, mais Gomaki en avait l’air satisfait.

 Le soleil déclinait dangereusement lorsque le Jounin les rappela à lui. Il n’avait pas menti, l’entraînement avait été très rude et ils étaient tous vidés. Le regard vitreux, Sarouh écouta le mentor dire qu’il était fier de ses élèves et spécifier quelques détails sur lesquels Mutika, Tokri et Nika devraient travailler lors de la prochaine session dédiée au ninjutsu. De son côté, le Tsumyo n’avait rien à rajouter pour son élève, lui adressant simplement un sourire entendu qu’elle lui rendit. Le Jounin poursuivit :

 — Il est temps de procéder à la planification des exercices de demain. Tsumyo, si tu devais choisir deux de ces jeunes gens à affronter, lesquels seraient pour toi les adversaires les plus difficiles ? Et pourquoi ?

 Le Chuunin n’avait aucune envie de répondre à cette question, même s’il savait exactement quoi dire. Son regard se planta dans le sable, le temps qu’il mobilise sa volonté. Ce fut pris pour un moment de réflexion par les autres membres de l’équipe qui le regardaient avec une curiosité manifeste. Sarouh finit par se résigner avec une moue peinée :

 — Nika et Tokri sans doute. La synergie est évidente. Kokuro peut me mettre la pression sans craindre les illusions. Tokri peut me déborder sur le corps à corps. Je ne pense pas être capable de surprendre Nika en termes de planification, avec autant d’éléments à gérer. Surtout qu’ils connaissent tous deux la quasi-totalité de mes compétences.

 Nika avait accepté le compliment en détournant simplement le regard, là où l’Utak semblait surpris par son choix. La modestie ne lui allait pas, pensa le Tsumyo.

 — Tu penses que tu perdrais ? insista le Jounin.

 — Non, répondit sans hésiter Sarouh. Pas encore en tout cas.

 — Intéressant… Nous vérifierons cela demain. Je le rappelle, c’est un entraînement. Je ne veux que personne finisse à l’hôpital.

 — Pourquoi penses-tu qu’Izul et moi ne poserions pas de problèmes ? demanda Mutika en serrant la mâchoire.

 — Vous êtes forts dans le contrôle et le combat à mi-distance. Comme moi. Par conséquent vous n’insistez pas vraiment sur mes faiblesses. Et le marionnettiste est un peu le prédateur naturel de l’illusionniste.

 Sarouh eut envie de détailler plus son propos mais s’abstint. Il en avait assez dit sur ses propres faiblesses et cela ne lui convenait pas du tout. La synergie dans l’équipe était un argument qu’il entendait parfaitement, cependant le Gensouard n’avait pas envie de faire confiance à qui que ce soit à ce point. Il n’allait pas non plus livrer un manuel détaillé sur comment le vaincre. Izul et Nika s’étaient tues mais avaient bu ses paroles. Rien de ce qu’il avait dit ne serait oublié.

 — Ça suffit pour aujourd’hui. Je vous donne rendez-vous aux Bains à qui le veut. Au revoir pour les autres.

 Le groupe lui adressa un salut respectueux, avant de se tourner vers le Chuunin qui avait une excuse toute trouvée pour échapper au petit rituel.

 — C’était ma dernière nuit à l’hôpital, je dois encore déménager et voir où je peux dormir cette nuit. Et il me faut d’autres fringues.

 — Aïe, faire de la paperasse à la caserne à cette heure-ci, bon courage, l’encouragea Izul. Bonne nuit Sarouh.

 Personne ne le retint et il put filer dans la nuit qui tombait. Éreinté mais heureux, il se dirigea d’un pas lent vers l’hôpital, profitant des premières brises de la nuit. Sans qu’il s’en rende compte, un sourire carnassier se dessina sur son visage, alors que son esprit commençait les premières simulations du combat qui l’attendait. Ça allait être intéressant.

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