Épisode 2 - Niveau supérieur

17 minutes de lecture

 — Nous allons passer à la défense au genjutsu. Tsumyo, à toi l'honneur.

 — Putain…

 Bien qu’il avait été prononcé faiblement, le juron avait tranché le silence attentif de l’assemblée. Gomaki toisa du regard Mutika, l’amenant à baisser les yeux d’un air penaud. Ce fut Sarouh qui prit l’initiative d’apporter les précisions. Tokri remarqua que son front perlait de gouttes de transpiration. L'acclimatation à l'aridité de Chikara devait être violente par rapport à la région pluvieuse dont il était originaire. L’Utak ne le jugeait nullement, se doutant que le choc de température le ferait certainement souffrir s’il devait d’aventure se rendre à Gensou.

 — Ne vous inquiétez pas. Nous n’allons pas y aller à la même intensité qu’hier. L’objectif est de vous donner les bases pour vous défendre des genjutsus. Je pense que vous avez bien saisi qu’en cas d’attaque par un genjutsuka compétent, vos chances de vous en sortir sont quasi nulles.

 — Tsumyo adaptera ses altérations à votre niveau, ajouta Gomaki, bras croisés. Je lui ai donné pour instruction de corser les choses au fil de vos progrès, et ce uniquement avec mon autorisation. Si vous avez la moindre plainte à formuler par rapport à ses exercices, c’est à moi qu’il faudra les adresser. Je me suis bien fait comprendre ?

 Les Genins opinèrent du chef, avec moins d’entrain de la part de Mutika. Le rictus du rouquin était discret, mais Tokri le connaissait suffisamment pour comprendre son anxiété. Rien d’étonnant compte tenu du résultat de sa dernière confrontation avec l’art des illusions.

 — Passons à la théorie, reprit procéduralement Sarouh. La technique que je vais vous enseigner se nomme le Kai. Comme vous le savez, un genjutsu est un envoi de Chakra dans votre cerveau pour produire une modification déterminée par l’expéditeur. Pour dissiper une altération, le Kai va modifier la fréquence et l’intensité des zones sous emprise. Vous me suivez ?

 Avant que quiconque n’ait le temps de réagir, Izul prit la parole :

 — Si je comprends bien, plus le genjutsuka a envoyé une forte dose de Chakra et plus il nous faudra en déployer pour le dissiper ?

 — C’est ça, affirma Sarouh en lui adressant un charmant sourire.

 Gomaki sortit une cigarette, chose qu’il n’avait pas faite durant toutes les explications du Tsumyo. Ces quelques minutes avaient manifestement été sa limite. Comme toujours, il l’alluma d’une flammèche de son pouce.

 — Je vais passer devant vous à tour de rôle et altérer l’un de vos sens, annonça l'illusionniste. A vous de le dissiper en envoyant le Chakra dans la zone concernée. Dites-vous qu’en situation réelle, votre ennemi ne vous fera pas la fleur de vous prévenir. Il vous faudra dissiper le genjutsu et si c’est un échec, improviser avec cet handicap pour espérer survivre.

 Pour les aider à se lancer dans l’exécution du Kai, l'illusionniste leur montra le signe des mains affilié. Sarouh se plaça ensuite devant Nika et lui toucha la joue. Elle sembla perdre soudainement l’équilibre tout en portant ses mains à ses oreilles avec surprise. L’Utak comprit que le Gensouard lui avait retiré l’ouïe. Mutika sursauta en se touchant la langue, tandis qu’Izul se mit à humer sa main. Tokri en déduisit que le premier avait perdu le goût, tandis que la seconde avait eu le droit à la perte de l’odorat. Il ne lui restait plus que la vision ou le toucher. Lorsque le Tsumyo se plaça devant lui, l’Utak lui demanda :

 — C’est le seul moyen de dissiper une illusion ?

 — Il y en a un autre, répondit Sarouh avec hésitation. Mais je le déconseille.

 — Dis toujours.

 — Subir une forte douleur physique. Sur le même modèle que le Kai, plus la souffrance est intense et plus ton cerveau a de chances de chasser l’illusion. Mais c’est à double tranchant. Tu peux te blesser bien plus que nécessaire, ou bien te lacérer inutilement.

 — Je vois.

 — Va pas t'empaler pour un exercice, le taquina Sarouh en lui adressant un sourire malicieux.

 — T’es un marrant finalement, rétorqua l’Utak en lui rendant un demi-sourire.

 A peine eut-il terminé sa phrase que le Tsumyo posa une main sur son front, plongeant Tokri dans la pénombre la plus totale. Son vis à vis avait donc choisi l’aveuglement. S’y étant préparé, Tokri resta impassible et apposa les deux doigts de sa main gauche contre la paume de la droite. Il envoya son Chakra comme indiqué par Sarouh, en vain. Il réitéra encore et encore, et commença à enrager intérieurement de ses échecs successifs.

 Non loin de lui, il entendit Sarouh féliciter Izul. Rien de surprenant compte tenu de sa maîtrise du Chakra. Tokri fut distrait une fraction de seconde en imaginant la scène qui devait se jouer : un Sarouh charmeur et une Izul minaudante devant les compliments de l’expert. Il se reprit bien vite et reprit ses efforts, en maudissant Mutika de lui avoir parasité l’esprit avec ses commérages.

 Quelques minutes plus tard, il entendit Gomaki féliciter Nika. Tokri s’appliqua d’autant plus, en prenant son temps pour localiser l’emplacement touché par le sort. Mais rien n’y faisait.

 Plusieurs dizaines de minutes plus tard, il tenta de réguler différemment sa quantité de Chakra lorsqu’il entendit Gomaki congratuler Mutika. Tokri était donc le dernier à devoir s’extirper du genjutsu. Il soupira. Cet art et lui avaient toujours été incompatibles, rien d’étonnant à ce qu’il soit le dernier de la bande à s'en extirper.

 Ayant eu l’intuition que sa dernière tentative avait été proche de réussir, l’Utak redoubla de concentration. Il dosa légèrement plus la quantité de Chakra, visualisa l’emplacement des nerfs optiques qu’il pensait être touché par l’illusion et exécuta le Kai. Le jeune homme sentit comme une pression à l’arrière de ses yeux, puis sa vue commença à revenir. Il cligna des yeux plusieurs fois jusqu’à ce qu’ils retrouvent la netteté habituelle de son excellente vision.

 — Je crois bien que notre Utak a également réussi, commenta Gomaki en lui adressant son sourire paternel.

 Mutika vint à sa rencontre et lui adressa un léger coup de poing fraternel à l’épaule.

 — T’as mis le temps, le taquina t-il. Le genjutsu, c’est vraiment pas ton truc.

 — Définitivement oui, confirma l’Utak en un soupir.

 Assise en tailleur, Izul et Nika lui adressèrent un sourire de félicitation. L’Utak le leur rendit, tout en prenant conscience qu’elles étaient en pleine session de méditation, certainement depuis leur propre auto-libération.

 — Stoppons pour aujourd’hui, décida Gomaki en expirant de la fumée.

 — Déjà ? s’étonna Izul, s’attendant à reprendre les exercices. On vient juste de commencer.

 — Je tiens à ce que l’on termine le programme, lui expliqua son sensei. Je préfère vous ménager. Les jours suivants, on enchaînera les exercices et vous devrez gérer vos forces en connaissance de cause en décidant par vous-même à quel moment vous souhaitez stopper vos perfectionnements.

 Il se tourna vers le Chuunin, tout en sortant son paquet de cigarette.

 — Ce détail est valable pour toi aussi, Tsumyo. Allez, vingt minutes de méditation avant d’attaquer la suite.

 Tokri et Mutika allèrent rejoindre la ligne méditative formée par leurs collègues féminines. L’Utak perçu le regard noir qu’adressa Izul à son ami, l’amenant à se poster en tailleur à ses côtés pour éviter tout conflit. Mutika se positionna aux côtés de Nika.

 — Bravo pour ta défense au gen, lui chuchota Izul.

 Ne s’y attendant pas, Tokri marqua quelques secondes de silence avant de répondre.

 — Bof, j’ai mis le temps. Tu as tenu ta réputation, joli travail.

 — L’important est d’avoir réussi, répondit Izul. Je te laisse à ta concentration.

 Elle lui adressa un charmant sourire, auquel Tokri répondit similairement. Il ferma ensuite les yeux, et se concentra sur ses énergies. Lors d’un malaxage du Chakra, l’Utak avait la sensation que son énergie psychique possédait une douce chaleur, tandis que son énergie physique était d’une froideur extrême. Une fois fusionné, le Genin ressentait une réconfortante tiédeur, ce qui avait fait de l’exercice un rituel récurrent lors de ses baisses de moral malgré le fait que son impatience l’avait longtemps empêché de maîtriser pleinement l’acte. Il tâcha de requinquer ses réserves autant que possible.

 Le Myô tapa dans ses mains en guise de signal de fin.

 — Venez par ici, leur ordonna le Jounin tout en désignant un carré de sable du terrain d'entraînement. Sarouh, tu peux disposer et suivre ton propre programme pour les deux heures suivantes.

 Le Chuunin acquiesça et s'éloigna du groupe pour continuer sa méditation, tandis que Gomaki exécutait quelques mudras qui provoquèrent une liquéfaction du sable. L’Utak comprit instantanément l’objectif du prochain exercice. Cette fois-ci, il ne serait certainement pas le dernier.

****

 — Vous maîtrisez l’adhésion sur des surfaces brutes, expliqua Gomaki après avoir tiré sur sa cigarette. Ceci est la seconde étape : la marche sur des sables mouvants. Je vous conseille d’imaginer quelque chose de plus diffus qu’une simple adhérence.

 — Un coussin d’air par exemple, suggéra Tokri.

 Ayant le Gensouard dans son champ de vision, le jeune chef d’équipe remarqua qu’il ouvrit un oeil en lui adressant un léger sourire complice. Tokri ne put s’empêcher de le lui rendre.

 — Exactement, confirma le Jounin en pointant l’Utak du doigt. Excellent conseil, Tokri. Si vous avez compris le principe, allez-y. Il n’y a qu’en pratiquant que vous parviendrez à réaliser l’exercice.

 Tandis que ses camarades marquèrent un temps d’hésitation, l’Utak s’approcha d’un pas tranquille et sauta dans les sables tout en concentrant son Chakra vers ses pieds où il forma ses images mentales, comme lors de son entraînement à Nikidami avec le Tsumyo.

 Il commença à s’y enfoncer, et eût à relever ses jambes à plusieurs reprises. Ses camarades le rejoignirent les uns après les autres, et furent surpris de constater que Tokri s’enfonçait bien moins qu’eux. Au bout de cinq minutes, le jeune Utak se tenait avec fierté et stabilité sur les sables.

 — C’est bon pour toi Tokri, assura le Myô en le gratifiant d’un large sourire. Repasse en mode méditation.

 — Mais… quoi ? bafouilla Mutika. Comment est-ce possible ?

 Tokri passa à côté de lui en tapotant gentiment son épaule.

 — Quand tu piges le truc, ça vient tout seul.

 Le Genin hésita à rejoindre Sarouh pour le remercier de ses conseils, mais se ravisa. Il craignait toujours qu’apprendre que le Gensouard l’avait aidé durant la mission alors qu’ils étaient censés être en concurrence ne ravive encore plus les rancœurs de l’Oroshi. Tournant le dos à ses camarades et remarquant que Sarouh l’observait avec satisfaction, Tokri lui adressa un subtil clin d'œil complice.

 Il se positionna en tailleur et reprit ses exercices habituels. Au bout d’une dizaine de minutes, Izul fut la seconde à réaliser l’exercice. Affichant un visage grandement satisfaite, Tokri vit en entrouvrant un œil qu’elle rejoignit le Tsumyo.

 Vingt minutes plus tard, ce fut Nika qui décida de rejoindre le chef d’équipe.

 — Félicitations Tokri, la complimenta-t-elle. Tu m’as impressionné.

 — Tu sais garder un secret ? lui demanda l’Utak sur le ton de la confidence.

 — Euh… oui, je crois, bafouilla Nika, surprise par cette question inattendue.

 — Sarouh m’a aidé avec ça à Nikidami, chuchota Tokri sur le même ton. Je t’expliquerai les détails demain matin si tu veux. Mais garde le pour toi s’il te plait.

 — Oh, marmonna Nika, comprenant que ce secret n’était pas sans raison. D’accord…

 De toute l’équipe, Nika était la première avec qui Tokri s’était lié. Avant même de renouer son amitié avec Mutika. Elle n’avait jamais fait preuve de comportement permettant de douter de sa parole, mais Tokri préférait s’en assurer.

 L’Oroshi mit bien plus de temps pour réussir l’exercice. Une bonne demi-heure s’écoula avant qu’il ne parvienne à se stabiliser. Gomaki put finalement déclarer l’exercice clos en rameutant les troupes.

 — Je vous félicite sincèrement, les complimenta Gomaki avec bienveillance. Vous progressez au rythme que j’escomptais. A partir de demain, ce créneau durera une heure de plus. Nous commencerons par une session sur les sables jusqu’à ce que vous maitrisiez totalement cette pratique, puis vous apprendrez les diverses applications du Chakra. Des questions ?

 Quelque peu fatigué malgré les sessions de méditation, les Genins répondirent par la négative. Tokri maîtrisait d’ors et déjà le Gyo, la manipulation permettant d’accentuer la puissance des frappes de l’utilisateur. Elle était la base de la première technique que lui avait enseigné Bril : le coup de pied circulaire appelé Chikara Sen’puu. Nul doute que Gomaki avait prévu de lui enseigner une autre application.

 — Nous en avons terminé pour ce matin. Je vous paye le restaurant, suivez-moi.

 Gomaki les guida jusqu’à la zone commerciale du Village et s’arrêta devant l’un d’eux de ses nombreux restaurants, en arborant une expression d’intense satisfaction en humant les odeurs de nourriture.

 — Mon moment favori de la journée, leur chuchota malicieusement le Myô.

****

 Ils furent accueillis par un personnel aimable et souriant. Les jeunes comprirent que Gomaki était un habitué et qu’une table avait été réservée pour eux. Décidément, leur mentor avait calibré ce premier jour avec minutie. Chacun commandèrent un plat, puis échangèrent autour de la matinée qui venait de s’écouler. L’ambiance était légère et faisait du bien à chacun.

 Lorsque les plats arrivèrent, les conversations se tournèrent vers des sujets plus légers que le travail. Assis à côté de Nika, Tokri attaqua un simple plat de pâtes-viande. Posté devant eux, Mutika lui demanda :

 — Comment t’as fait pour réussir aussi rapidement l’exercice des sables ? T’as galéré comme un chien avec le Kai !

 L’Utak entendit Nika manquer de s’étouffer avec sa bouchée. Il espéra très fortement que la jeune femme ne fasse aucune gaffe et le laisse parler.

 — J’ai visualisé tout de suite le principe, répondit simplement Tokri sans se départir de son calme.

 Mutika jeta un œil à Nika, dont le rouge était monté aux joues. L’expression de son visage démontrait ce qu’il pensait : on le prenait légèrement pour un idiot.

 — Mouais, marmonna-t-il. Ça va Nika ? Un peu chaud ?

 — Ça va, bafouilla-t-elle en faisant descendre ses cheveux devant son visage. Je suis un peu fatiguée.

 — C’est sûr, rétorqua malicieusement l'Oroshi. C’était physique ce matin.

 L’Utak comprit tout de suite l’objectif de son ami. Il savait pertinemment que le jeune homme ne lâcherait aucune information. Travailler au corps Nika avait plus de chances d’aboutir.

 — Fous lui la paix et mange, espèce de chieur, l’intima Tokri avec un demi-sourire.

 Mutika pouffa de rire avant de reprendre son repas. En preuve de bonne volonté, il orienta lui-même la conversation vers des sujets routiniers. Une fois le déjeuner achevé pour tous, Gomaki leur offrit un temps de digestion sur place avant d’ordonner le retour au terrain d’entrainement. Ils se placèrent une fois de plus en ligne face à leur instructeur, qui reprit la parole tout en sortant son paquet de cigarette.

 — Cet après-midi sera dédié au domaine qui intéresse particulièrement la plupart d’entre vous. C’est d’ailleurs pour cela que je tenais à ce que vous maitrisiez la marche sur les sables, ça vous sera extrêmement utile.

 — Ninjutsu ? demanda timidement Nika.

 — Bingo, confirma Gomaki en s’allumant une cigarette. On attaque l’exploitation de vos affinités. Vous avez d’ailleurs beaucoup de chance. Excepté le Raiton, les éléments primaires sont tous réunis au sein de notre équipe.

 Tokri prit soudainement conscience de cet état de fait, auquel il n’avait eu aucune réflexion jusque là. Certainement lié au fait qu’avant Nikidami, l’Utak était concentré sur sa propre progression et ne pensait que très peu aux missions qu’ils auraient à livrer.

 — Par chance, je possède les affinités de trois d’entre vous. J’ai déjà en tête les tours que vous allez apprendre. En ce qui te concerne Izul…

 — Puis-je me mettre en binôme avec Sarouh ? l’interrompit-elle soudainement.

 Un silence de surprise s’installa auprès du groupe, uniquement perturbé par le filet de fumée de Gomaki. Sarouh et Izul étant tous deux de l’élément Eau, les faire travailler ensemble semblait tomber sous le sens. Qu’elle en fasse la demande express était bien plus intrigant. Mutika adressa un petit sourire qui en disait long à l’Utak, qui prit sur lui de ne rien laisser paraître.

 “Tant que cela n’impacte pas l’équipe.”, ne cessait de se répéter Tokri.

 — C’était prévu oui, lui répondit finalement Gomaki. Vous pouvez commencer d’ailleurs. Tokri, avec moi. Mutika et Nika, je viens vers vous dès que possible.

 Izul s’éloigna avec Sarouh en jetant un regard narquois à Mutika, que Tokri intercepta. L’avait-elle fait uniquement pour tacler l’Oroshi suite à ses propos de la veille ? L’Utak soupira, comprenant qu’il lui faudrait certainement faire un rappel à l’ordre à la kunoichi si ce genre de comportement persistait.

 — Un soucis ? lui demanda Gomaki.

 — Rien d’ingérable. Je repère des choses, c’est tout.

 — C’est le métier qui rentre, répondit Gomaki avec un sourire compatissant. En cas de besoin, n’hésite pas à faire appel à moi.

 — Je sais. Mais sauf votre respect, je vais essayer de gérer au mieux seul. Si je perds le contrôle du groupe, je vous appelle.

 Le Jounin lui tapota l’épaule en signe d’encouragement. Suffisamment éloigné du groupe, il lui demanda d’être attentif et composa plusieurs signes en direction de mannequins d'entraînement. Un souffle de vent se leva et les fit vibrer.

 — C’était le Kyouffu, le souffle du vent, lui expliqua Gomaki. Il s’agit d’une technique de base du Fuuton. Pour bien appréhender ce jutsu, j’ai une question pour toi. Lorsque tu insuffles du Chakra Fuuton dans tes armes, as-tu une sensation particulière ? Une sensibilité avec ton environnement ?

 — Il me semble.

 Ressentant le besoin d’en avoir la certitude, Tokri sortit un kunai et l'affûta par le Chakra. Il prit alors conscience de ressentir avec légèrement plus de précision l’air autour de sa main.

 — J’ai comme une sensation de brise autour de ma main.

 — Il s’agit d’une sensation naturelle chez le possesseur du Fuuton. Tu l’as certainement ressentie depuis que tu sais produire du Chakra. Mais il s’agit de quelque chose d’inconscient chez toi, et rares sont les Fuutoniens à s’en rendre véritablement compte avant qu’on ne leur pointe le détail. Je vais donc te demander dans un premier temps de t’emparer de cette sensation, et ce sur l’ensemble de ton corps.

 — Compris.

 — Lorsque tu maîtriseras le Kyouffu, nous passerons à la génération de vent à partir de ton propre Chakra. Certains instructeurs procèdent à l’inverse, mais j’ai toujours eu le sentiment qu’il était bien plus simple d’utiliser les éléments qui nous entourent lorsque cela est possible. Tu comprends certainement que tu as un avantage par rapport à certaines Affinités. Izul par exemple.

 Tokri jeta un oeil à la dite jeune femme. Elle fermait les yeux, les mains l’une devant l’autre, dans une intense concentration. Au centre était formé un globe d’eau, que Tokri comprit être généré par son propre Chakra. D’abord parfaitement sphérique, elle commença à se désagréger par de courts filets jusqu’à éclater au visage d’Izul. Posté devant elle, Sarouh éclata de rire. Il fut bien vite accompagné par son élève du moment. L’Utak ne put s’empêcher de trouver le Tsumyo bien différent par rapport à celui auquel ils avaient eu à faire face jusque-là. Plus enjoué, voire heureux.

 — Parfait timing avec mon explication, ricana Gomaki qui avait suivi le regard de son pupille. Je vais te montrer les signes pour la réalisation du jutsu. Tente la lorsque tu sentiras l’air sur chaque pore de ta peau.

 Après lui avoir montré les signes, Gomaki prit congé de Tokri et alla rejoindre Nika pour lui donner ses propres instructions. Le jeune homme prit quelques instants pour se faire un bilan des explications de son sensei. Une fois certain d’avoir tout intégré, il ferma les yeux et se concentra sur son Chakra. L’Utak sourit en ressentant la tiédeur de l’énergie au creux de son ventre. Se rappelant la sensation avec le kunai, il se fit la réflexion que le meilleur moyen d’atteindre son objectif était de diffuser son Chakra à travers l’ensemble de son corps.

 Durant un temps qui lui sembla infini, il ne ressentit rien de particulier. Peu à peu, Tokri sentit l’air caresser ses bras. D’abord par à coup, discrètement, puis de façon de plus en plus diffus. Quelque temps plus tard, le jeune homme eut la sensation d’être bercé par de douces vagues de vent.

 Tokri décida d’ouvrir les yeux, et constata avec satisfaction que la sensation était toujours aussi vive. Avant de tenter le Kyouffu, le Genin jeta un œil à ses camarades. Trempée, Izul continuait à produire un globe d’eau sous la supervision de Sarouh. Il lui sembla que l’adolescente parvenait à la maintenir bien plus longtemps. Nika crachait à répétition de fines flammèches. De part le mouvement de sa tête, il en déduisit que son objectif devait être de générer en peu de temps une série de flammes. Mutika avait un genou à terre et touchait le sol. Devant lui s’était formé un mur de terre de quelques décimètres. Non loin, Gomaki surveillait attentivement sa petite troupe.

 Tokri ne savait pas combien de temps sa méditation avait durée. Il était à présent temps d’essayer d’exécuter le Jutsu. L’Utak tourna son attention vers l’un des mannequins d'entraînement et composa les mudras. A sa grande frustration, seule une légère brise se leva. Il comprit instantanément que la maîtrise du Kyouffu allait demander un certain temps.

 Le jeune homme voua le reste de l'après-midi au perfectionnement de la technique. Lorsque Gomaki sonna le rappel, il était satisfait de son bilan. Sans être encore dangereuse, la brise de vent était devenue de plus en plus puissante.

 — Pour votre information, cette journée fut légère et écourtée de deux heures par rapport à ce qui vous attend à partir de demain, les informa Gomaki.

 Les Genins gardèrent le silence, visualisant ce que cela signifiait. Tokri sentait qu’il avait utilisé la quasi-totalité de son Chakra. Avec une intensité plus importante de l’ensemble de la journée et deux heures d'entraînements supplémentaires, il était assez clair que ses sessions nocturnes en solitaire allaient être stoppées pour un moment. Tokri avait toutefois le sentiment d’avoir grandement progressé en peu de temps, ce bilan ne le dérangea donc pas tant qu’il avait son moment en paix.

 — Une dernière chose, ajouta Gomaki. J’ai pour habitude de me détendre aux Bains le soir venu. Vous êtes les bienvenus si vous souhaitez vous joindre à moi. Ce serait un moment privilégié pour renforcer nos liens en dehors des entraînements.

 Autant pour sa solitude. Tokri songea à décliner, mais cela serait certainement mal perçu. De plus, les Bains avaient des vertus bénéfiques pour la régénération du Chakra. Le bénéfice l’emportait sur le négatif.

 — Rendez-vous vers vingt-et-une-heure pour les intéressés, conclut Gomaki en terminant une cigarette. Je vous y attendrai une dizaine de minutes, pas plus. Je compte sur le volontariat de l’un d’entre vous pour guider Sarouh s’il souhaite se joindre à nous. Pour information, ils sont non-mixtes.

 Gomaki leur adressa un petit signe de la main, et s’éloigna. Tokri décida de prendre son relais.

 — Je vais aux bains, annonça t-il. Et vous ?

 Mutika et Nika répondirent par l’affirmative. Une moue de gêne se dessina sur le visage de Sarouh, alors qu’il posa par un réflexe une main sur son ventre. De ce qu’il perçu du regard de Izul, elle sembla comprendre quelque chose.

 — Ca va aller Sarouh ? lui demanda-t-elle. Tu as utilisé beaucoup de Chakra, entre le Genjutsu et ton aide avec le Suiton.

 — Je… C’est vrai oui, avoua t-il avec hésitation.

 Sans en comprendre exactement la raison, l’Utak comprit que la jeune femme tentait d’offrir une porte de sortie à Sarouh. Jugeant que leur Chuunin ne semblait pas prêt à partager ce moment avec eux, il décida de s’en mêler.

 — Va te coucher, lui intima-t-il en croisant les bras. T’as l’air crevé. Et on aura besoin de toi en pleine forme demain.

 Sarouh le remercia d'un sourire peiné, et souhaita une bonne soirée aux Genins. Tous sentirent un léger malaise. Le Tsumyo avait clairement l’air de vouloir se joindre à eux, mais était empêché pour une raison qui leur échappait. Le groupe se sépara et se donna rendez-vous aux Bains à l’heure indiqué par Gomaki.

 Tokri songea à aborder Izul vis-à-vis de ses multiples provocations de Mutika. Fatigué, il décida de laisser ce sujet de côté. Cette journée avait suffisamment puisé dans ses ressources sociales.

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