Épisode 29 - Jardin secret

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 Le moral renforcé par les paroles de son mentor, Tokri était en route pour la zone commerciale de Chikara. En pleine réflexion sur la façon dont il allait aborder ses amis, le jeune homme se mordait la lèvre à chaque hésitation. Le Genin effleura de la main la surface douce et chaude des bâtiments de sable et de roche de son Village, comme dans un espoir que ce dernier lui offre le plan parfait pour requinquer les apprentis ninjas.

 Lorsqu’il les rejoignit, Tokri comprit en un coup d'œil que la journée allait être ardue. Mines renfrognés, chacun esquivait le regard des autres. Ils ne virent qu'au dernier moment l'arrivée de l'Utak, mains dans les poches. Mutika fut le premier à lever les yeux vers lui :

 — Alors ? Que te voulait Gomaki ? lui demanda-t-il d’une voix quelque peu éteinte.

 — M'informer que je n'aurai pas de sanction vis à vis de la seconde nuit, lâcha tranquillement Tokri.

 Le Genin fut ravi de l'effet produit par sa petite phrase lorsqu’il vit se peindre un sourire sur leurs visages.

 — Formidable ! s'exclama Nika.

 — Pourquoi ne voulait-il pas annoncer la nouvelle devant nous ? s'étonna la perspicace Kunoichi aux cheveux azurs.

 Tokri passa devant eux et leur fit de le suivre tout en répondant :

 — Il avait des informations à me transmettre. Je vais vous expliquer, mais pas ici.

 Étonnée, la fine équipe suivit presque instinctivement. Ils passèrent devant plusieurs boutiques, sans trop comprendre où Tokri les emmenait. Après quelques minutes de marche, l’Utak s'arrêta devant un magasin d'alimentation.

 — Attendez-moi là, dit-il à l'attention de ses équipiers. Je n'en aurai pas pour longtemps.

 Sans laisser le temps à quiconque de réagir, il entra dans l'établissement. Tous se jetèrent des regards interloqués.

 — Vous comprenez où il veut en venir ? demanda Nika.

 — Absolument pas, répondit Izul en se tournant vers Mutika. Une idée ?

 — Euh..., bredouilla le rouquin en se grattant la joue avec gêne. J'ai beau le connaître depuis longtemps, je ne suis pas dans sa tête.

 Au bout de quelques minutes, Tokri sortit finalement du magasin avec un pack d'eau dans une main, et un de bières dans une autre.

 — Je me suis dit qu'on avait besoin de décompresser.

 Il commença à reprendre la route, avant de constater que ses collègues ne le suivaient pas. Il s'arrêta et fit volte-face, étonné.

 — Ne le prends pas mal, lui dit Izul d'une petite voix. Mais... Tu peux nous expliquer ce qui se passe ?

 — Tu te comportes étrangement, ajouta timidement Nika.

 — Ah, lâcha Tokri qui commençait à prendre conscience de la raison du malaise.

 Le Genin se maudit intérieurement. Depuis la formation de l'équipe, le jeune homme avait eu un comportement distant avec ses camarades. Réticent à l'idée de se lier à d’autres personnes, l’Utak s'était replié dans un réflexe défensif d'isolement. La mission l'avait certes amené à renouer clairement avec Mutika, mais la peur de souffrir l'avait empêché de manifester son amitié pour la Team Gomaki. Son attachement à ses camarades s'était fait progressivement, en toute discrétion.

 Pour le montrer sans filtre, il avait fallu qu'un monstre le pousse à la décision de sacrifier sa vie. Pas étonnant que sa sollicitude soudaine les perturbe. Tokri oubliait bien souvent que les rapports sociaux étaient plus complexes à gérer qu’un combat.

 — Tu ne peux pas nous transmettre tes infos maintenant ? insista Izul.

 — Je pourrais, répondit Tokri en haussant les épaules. Mais tant qu'à faire, autant se mettre à l'aise.

 Izul voulut répondre, mais elle fut interrompue par Mutika qui lui passa devant pour rejoindre son ami. Le rouquin tendit une main vers l'un des packs de son ami. Ce dernier marqua un instant d'hésitation, le temps de comprendre son intention.

 — Tu as une idée derrière la tête, c'est ça ? lui demanda-t-il en se saisissant des bières.

 Tokri esquissa un petit sourire.

 — Je connais un coin sympa.

 Mutika se tourna vers les filles, un sourire goguenard aux lèvres.

 — Il n'est pas sous emprise d'un genjutsu, ne vous inquiétez pas.

 L'équipe éclata d'un grand rire connecté. Cette boutade fit son petit effet et détendit le groupe, qui suivit avec curiosité Tokri à travers les ruelles jusqu'à atteindre le grand rocher de Chikara. Les Genins le longèrent jusqu'à déboucher sur un escalier.

 — Il y a un peu de montée. Mais ça vaut le coup.

****

 Tokri gravit les marches qui lui était routinier depuis plusieurs semaines, tout en prévenant ses camarades des instants traîtres. L'accès était vieillissant et peu entretenu par le Village, à un point qui avait amené l'Utak à se demander si le QG en avait souvenir. Il n'avait jamais rencontré quiconque à la plate-forme rocheuse en dehors de Toshirô.

 Une fois au sommet, Tokri continua à les guider. Tous gardaient le silence, observant les environs avec curiosité et se demandant où le jeune homme souhaitait les emmener. Ils finirent par atteindre le bout de la plate-forme rocheuse qui offrait un incroyable panorama sur Chikara. Son architecture était flagrante de cette hauteur. Le Village était construit en un demi-arc de cercle avec le QG comme point central. De ce bâtiment, noyau de l’activité Chikarate, partaient de grandes artères menant aux secteurs stratégiques de la Cité-ninja, tels que l'hôpital ou la zone commerciale.

 Face à eux se présentait le second promontoire rocheux, jumeau de celui sur lequel ils se trouvaient. A leur droite et gauche s'étendait à perte de vue le désert de Chikara. Le vent en faisait onduler les grains et donnait de cette hauteur la sensation d'être entouré par un océan de sable.

 — Bienvenue chez moi, annonça Tokri en s'asseyant.

 Il ouvrit le pack et en sortit deux bouteilles d'eau. Tokri en but une gorgée, tandis que ses amis s'asseyaient à ses côtés en se disposant de sorte à se voir les uns les autres. Mutika ouvrit son chargement et tendit une bière à Tokri, qui la décapsula d'un mouvement du pouce. Assise près de Tokri, Nika prit la seconde bouteille d'eau. L'Utak eut la surprise de voir Izul tendre la main vers Mutika pour une boisson alcoolisée.

 — C'est magnifique, commenta rêveusement Nika en admirant la vue.

 — J'adore venir ici, répondit Tokri en un demi-sourire. Loin de tout, tout en étant proche du Village. C'est tranquille pour s'entraîner, et relaxant pour les pauses.

 — Tu viens souvent ? s'étonna Izul en décapsulant sa boisson à l'aide d'un shuriken.

 — Tous les soirs. Parfois le matin.

 Izul but une gorgée, pensive. La jeune fille s'était faite la réflexion que Tokri était celui qui avait progressé le plus rapidement parmi eux. Elle comprenait mieux pourquoi, bien que la raison de son zèle lui échappait. A l'Académie, il n'avait jamais montré un quelconque attachement au métier de ninja et il avait longtemps été un cancre parmi tant d'autres de son point de vue. Depuis la formation de l'équipe Gomaki, elle redécouvrait le jeune homme et elle devait admettre qu'il la surprenait de jour en jour.

 — On t'écoute, l'informa Mutika.

 Avec appréhension, Tokri termina sa gorgée avant de répondre. Il se fit la réflexion qu'il valait mieux ne pas y aller par quatre chemins.

 — Gomaki a décidé de me nommer chef d'équipe.

 Un silence de surprise suivit cette déclaration. Chacun l'intégra à sa façon et tentait de comprendre ce que cela signifiait pour les jours à venir. Tokri reprit :

 — Personnellement, j'aurai pensé à Izul pour ce rôle. Elle nous a prouvé en être capable.

 — Pardon ? s'étonna la concernée.

 — Tes plans étaient parfaits. Sans eux, nous ne nous en serions pas aussi bien sortis.

 Pour une fois, ce ne fut pas Nika qui se mit à rougir. Surprise par ce compliment qui ne souffrait d'aucune remise en question, les joues de la jeune femme s'empourprérent. Elle baissa les yeux vers sa bière lorsqu'elle répondit :

 — L'esprit stratégique ne fait pas tout pour un chargé d'unité.

 — Un stratège sait identifier les points forts de chacun, continua Mutika. Un chef sait le faire bien sûr, mais il est également capable d'inspirer ses troupes.

 A ses mots, Tokri se mordit une lèvre. Il se reconnaissait pas du tout dans cette description et craignait de plus en plus que ses partenaires ne l'acceptent pas dans le rôle qui lui avait été attribué. Aussi fut-il surpris lorsqu'il entendit Nika dire d'une petite voix :

 — Tokri est un bon choix.

 L'Utak lui jeta un regard interrogateur qui l'invita à développer. Elle le fit sans oser croiser son regard, les joues teintées de sa familière et adorable rougeur.

 — Tu ne baisses jamais les bras, et tu cherches toujours à te dépasser. Quand on manque de confiance, cela donne envie de faire de même.

 — Je ne le fais que pour moi, tenta de se justifier maladroitement Tokri.

 — Ça ne change rien au fait que ce soit inspirant, répliqua Mutika avant de boire une gorgée. T'as la force de caractère qui va avec le rôle.

 Izul releva la tête. Depuis le compliment de Tokri, elle s'était contenté de jouer avec le goulot de sa bouteille. Elle sentait bien que l'Utak était peu à l'aise avec le choix de leur sensei. La jeune femme comprenait la pression que devait ressentir le jeune homme. Mais après ce qu'ils avaient vécu au cours de leur mission, elle avait envie de l'encourager à assumer le statut qui lui avait été confié.

 — Tu étais prêt à sacrifier ta vie pour nous protéger, lui rappela Izul. Quelqu'un prêt à cette extrémité me donne sincèrement envie de me fier à lui.

 Gêné par ces compliments, Tokri s'enfuit derrière sa bouteille en buvant une longue gorgée. Les voir accueillir la nouvelle aussi sereinement le rassurait et le poussait à faire de son mieux pour se montrer à la hauteur de leur confiance.

 — Mais c'est qu'il rougit le mignon, le taquina Mutika.

 — Tagueule.

 — Ok chef, ne put s'empêcher d’ironiser l'Oroshi.

 Un fou rire général secoua la bande d'adolescents. Remués par les récents événements, tous prirent conscience qu'ils en avaient grandement besoin. Tokri prit le temps de reprendre son souffle et que chacun retrouve un semblant de sérieux avant d'attaquer le sujet qu'il savait d'avance être plus difficile à digérer que son nouveau statut.

 — J'ai une dernière chose à vous dire. Nous allons devoir prolonger notre collaboration avec Tsumyo.

 — Pardon ? manqua de s'étouffer Mutika dans une exclamation mi-furieuse mi-surprise.

 A la surprise de l'Utak, Izul et Nika affichèrent un large sourire enchanté. L'adepte du Suiton sembla particulièrement réceptive à cette annonce. Compte tenu de ce qu'elle avait subi lors de l'entraînement au genjutsu, Tokri en fut décontenancé. Le jeune homme s'était attendu à une réaction semblable à celle de Mutika.

 — C'est une blague ? s'emporta Mutika. Ce mec nous prend de haut, il nous martèle la gueule avec son genjutsu de merde et on devrait continuer à supporter sa présence ?

 — On a merdé avec les illusions, rétorqua sévèrement Tokri. En particulier toi et moi.

 — Je m'en fous ! C'est une raclure ce type ! C'est pas vous qui vous êtes mangé le plus gros morceau !

 — Pas nous non plus qui l'avons volé, coupa sèchement Izul.

 Mutika en resta muet de stupéfaction quelques instants, avant de formuler la pensée de l'Utak de manière plus abrupt qu'il ne l'aurait fait :

 — Sérieusement ? Ce mec t'a pratiquement violée psychiquement et tu le défends ?

 La mâchoire d'Izul se crispa, et Tokri crut voir ses yeux s'embraser. Il ne put s’empêcher de se demander si c'était à cela qu'il ressemblait lorsqu'il se mettait en colère.

 — Tu n'as strictement rien compris à la leçon.

 Nouveau silence pesant. Le rouquin et la belle azurée se fixèrent en chien de faïence. Les poings d’Izul se serrèrent. Se retenait-elle de le frapper ? L'Utak hésita à intervenir, mais il décida que tous deux avaient besoin de lâcher leurs ressentis.

 — Développe, l'invita froidement Mutika.

 — Il s'est servi de ce qui existait en nous, expliqua Izul en se contenant à grand peine. Tout ce que nous avons ressentis existaient déjà. Sarouh les a juste fait ressurgir en les accentuant. Si tu as un souci avec les éléments qu’il a manipulé, travaille sur toi-même.

 L'Utak commença à comprendre ce qui était arrivé. Il avait saisi la mécanique pour son cas personnel, mais il s'était demandé si Sarouh avait procédé de la même façon pour chacun d'entre eux. Ses doutes s'était particulièrement porté sur Izul, mais les explications de cette dernière lui prouvaient que tel était le cas.

 — Tu as donc envie de te le taper, lâcha Mutika d'un ton dont Tokri crut percevoir une pointe de jalousie.

 — Je dois te faire un cours sur les hormones féminines aussi ? rétorqua Izul, piquée au vif.

 — Ca suffit, les coupa brutalement Tokri.

 Ces mots étaient tombés comme un couperet. Ce n'était pas une demande, mais un ordre qui ne souffrait d'aucune remise en question. Mutika, qui était sur le point de répondre quelque chose, l'avait bien compris.

 — Le débat est clos, conclut l'Utak. Je comprends vos points de vue à tous deux, mais je vous interdis de vous manquer de respect.

 — Tu partages son avis ? l'interrogea Mutika.

 — J'en ai parlé avec Gomaki. L'objectif était effectivement de nous faire prendre conscience de la dangerosité du genjutsu. Et je me retrouve pleinement dans les explications d'Izul. La rage que j'ai ressentis n'a pas été produite. Elle est en permanence en moi, je la contiens au quotidien. Tsumyo a juste eu besoin de la réveiller pour me piéger.

 Mutika ricana nerveusement et termina en une fois sa bouteille.

 — Super. Tu es de son côté toi aussi.

 — Fourre-toi dans le crâne qu'il n'y a pas de camp, Mutika. Nika, que penses-tu de la séance d'aujourd'hui ?

 L’Hynomori sursauta en entendant son prénom. Silencieuse tout au long du houleux débat, Tokri était curieux de prendre connaissance de son analyse. Lorsqu'elle répondit, ce fut avec un calme ponctué de crainte.

 — C'était violent, mais nécessaire. Nous n'avions pas conscience de la dangerosité de cet art. Imaginez si un genjutsuka nous avait attaqué ainsi en pleine mission ? Nous serions tous morts.

 L'Oroshi baissa les yeux et se mordit l'intérieur d'une joue. Il savait que ses amis avaient raison, mais l'admettre lui coûtait. Tokri ne doutait pas que son ami comprenait la leçon à en tirer : chacun devait travailler sur ses propres failles.

 — Quoiqu'il en soit, Tsumyo va rester au sein de l'équipe. Que cela nous plaise ou non, Chikara l'impose pour renforcer les liens entre nos Villages.

 L’Utak fit un mouvement de la main devant son visage, comme pour chasser un insecte.

 — Je ne vais pas vous faire un cours de politique. C’est suffisamment emmerdant comme ça.

 Cette dernière remarque arracha un sourire au rouquin. Il connaissait suffisamment Tokri pour savoir qu'il retenait son avis concernant l'échiquier politique et leurs rôles de pions.

 — Officiellement, il est un agent de liaison entre Gensou et Chikara. Officieusement, Gomaki m'a fait remarquer que Tsumyo a autant à gagner que nous dans cette affaire, reprit Tokri sur un ton de conclusion. Nous sommes complémentaires d'un point de vue martial et il a autant à apprendre de nous que nous de lui.

 L'Utak termina sa bière, et s'en ouvrit une nouvelle. Avoir autant parlé lui avait donné soif. Le jeune chef d'équipe avait volontairement évité de mentionner qu'il connaissait personnellement les compétences pédagogiques du Gensouard. Cela faisait déjà énormément d'informations à digérer, en particulier pour Mutika. Autant éviter une nouvelle colère s'il le pouvait. Tokri se fit la réflexion qu'une omission volontaire n'était en rien un mensonge. Commençait-il à adopter la mentalité d'un leader ?

 Le jeune homme se demandait si l’affaire du boost S avait un lien avec la décision de faire perdurer le partenariat entre la Team Gomaki et Sarouh. Les QG leur avaient-ils confié l’enquête ? L’Utak préféraient ne pas parasiter les pensées de l’équipe de ses soupçons. Ils étaient suffisamment préoccupés.

 — Pour finir, je note tes reproches envers lui Mutika. J'en parlerai à Gomaki et nous verrons. T'as merdé en volant la bourse de Tsumyo, mais il n'avait pas à te faire subir un genjutsu aussi violent.

 Mutika s'ouvrit également une bière, et la but en silence. Le reste de l'après-midi se déroula dans une relative détente. Les adolescents profitèrent du paysage et des bouteilles pour se détendre tout en se rafraîchissant. Mutika fut à cran un temps, mais relâcha peu à peu la pression. Il fut tout de même le premier à rentrer chez lui. Tokri n'aurait su dire s'il obéissait à un couvre-feu imposé par sa mère ou s'il était encore trop en colère vis-à-vis de l’intégration de Sarouh. Les deux à la fois peut-être ?

 Nika et Tokri accompagnèrent Izul jusqu'à chez elle. L'ambiance resta conviviale une partie du chemin. L'Utak remarqua toutefois que plus ils approchèrent de leur destination, et moins la stratége prenait la parole. Arrivé au bout de sa rue, Izul les remercia précipitamment de l'avoir accompagné et leur souhaita une bonne soirée sans leur laisser la possibilité de l'accompagner jusqu'au pas de sa porte.

 — Etrange, marmonna Tokri en la voyant s'éloigner jusque chez elle.

 — Quoi donc ? s'étonna Nika.

 — Ses réactions, répondit l'Utak, pensif.

 Il se frotta les yeux de son pouce et de l'index.

 — Oublie. Je me fais sûrement des idées, soupira le jeune homme. La journée a été épuisante.

 — C'est vrai, admit Nika. Tokri, je peux te demander quelque chose ?

 — Hmm ? Oui, je comptais te raccompagner.

 — Ah, euh, oui, bredouilla Nika qui sembla être prise de court.

 Ils reprirent leur marche dans un relatif silence. L'Utak tenta de rallumer la conversation, mais n'obtint que peu de réponses de son amie. Il mit cela sur le compte de la réserve naturelle de l'Hynomori, certainement alimenté par la fatigue. Tokri ne put toutefois s'empêcher de la trouver particulièrement pensive. Quelque chose la travaillait ?

 Ils finirent face à l'entrée du domaine du clan Hynomori. Deux immenses piloris en bois en encadraient l’accès. Leurs sommets étaient reliés par un panneau sur lequel étaient gravées diverses représentations de marionnettes. Tokri songea qu’il devait s’agir des marionnettes ayant marqué l’Histoire du clan.

 — Bon eh bien, à demain Nika.

 Il venait de lui tourner le dos lorsque la marionnettiste lui saisit le poignet.

 — Attends Tokri ! Je voulais te demander quelque chose d'important.

 Surpris, Tokri se tourna vers elle et l'interrogea du regard.

 — Oui ? l'invita t-il gentiment.

 Elle hésita une fraction de seconde en se mordillant la lèvre, avant de finalement se lancer :

 — Je vais réparer Kokuro. Et j'ai quelques idées pour l'améliorer pour le renforcer, pour qu'il ne soit plus détruit aussi facilement.

 — Je vois. Fais attention à ne pas le ralentir. Sa vitesse de frappe est l'un de ses meilleurs atouts.

 — Ce sera inévitable, mais j'ai quelques idées pour limiter cette perte de vivacité. Il va me falloir le traiter avec des pièces de métal spéciales. Et pour y parvenir, j’ai besoin de l'aide de quelqu'un de physiquement fort.

 Tokri venait de comprendre où elle voulait en venir. Etait-ce cela la raison pour laquelle elle s'était perdue dans ses pensées ?

 — La mienne ?

 — Si cela ne te dérange pas bien sûr, dit-elle en relevant l'une de ses mèches violettes de son front.

 — Bien sûr que non. Mais ton père ne peut pas t'aider ? Ou ton mentor de clan ?

 — Il est de tradition chez les Hynomori de construire et de réparer soi-même ses marionnettes. Un Hynomori peut en conseiller un autre, mais toute aide en pratique est interdite.

 L'Utak leva un sourcil de surprise. Il ne saisissait pas la logique de son amie.

 — Et que moi je t'aide, ça ne va pas les déranger ?

 — Non. Le clan considère les alliés comme une ressource du marionnettiste. En dehors de ses membres bien entendu.

 — Si je te suis bien… Ils me verront comme un outil ?

 Nika se mit à rougir et baissa les yeux une fraction de seconde. Lorsqu'elle osa replonger son regard dans le sien, elle sembla s'excuser en lui adressant une adorable moue.

 — C'est ça.

 — Très bien. J'accepte de t'aider si ça ne t'amène aucun souci. Tu commences quand ?

 — Demain matin. Tu peux venir quatre heures avant notre session avec Gomaki. Merci Tokri.

 Elle s'inclina en guise d'au revoir. Cela gênait toujours autant l'Utak, peu réceptif aux codes de politesse traditionnel. Le jeune homme lui adressa un bref signe de la main, et reprit la route vers la zone commerciale. Le Genin comptait s'acheter de quoi dîner rapidement avant de se rendre à son entraînement nocturne à la plate-forme rocheuse. Son corps accusait encore le contre-coup subis par le genjutsu, mais s’être si peu entraîné depuis leur retour de mission lui était insupportable.

 Il ignorait s'il s'était montré à la hauteur des attentes de son sensei pour son premier après-midi de chef d'équipe. Ce dont il était sûr était que chaque membre de leur formation allait lui demander des efforts d'humanité dont il doutait encore posséder.

 Les échanges s'annonçaient houleux entre Sarouh et Mutika. Le comportement étrange d'Izul titillait son instinct. Et mieux valait prendre garde à ce que la réserve de Nika ne l'empêche pas de progresser. Quant à Sarouh, il représentait une variable inconnue à l’équation. Tokri soupira. Tout cela l’exaspérait déjà.

 Alors pourquoi ne pouvait-il pas s'empêcher de sourire ?

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