Épisode 19 - Investigations

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 Lumière. Explosion de souffrance derrière les yeux, puis dans l'épaule et l'abdomen, alors que Sarouh tentait de se relever par réflexe, comme réveillé d'un cauchemar. Son mouvement fut avorté par une jolie kunoichi aux cheveux bleus azur, qui le bloqua fermement mais sans violence contre son matelas.

 — Doucement ! Tu es encore mal en point.

 — ...Izul ?

 Il voyait enfin nettement ce qui l'entourait. Les souvenirs de la veille lui revinrent. Son sauvetage in extremis et ses deux premiers meurtres, auxquels il n'avait même pas eu le temps de penser, alors que la lame du mercenaire l'avait traversé de part en part. Il posa doucement ses doigts au niveau de son abdomen pour y trouver d'épais bandages. Il avait été obligé d'encaisser frontalement l'assaut pour sauver la Genin face à lui.

 — Tu as eu beaucoup de chance, Sarouh. L'acier n'a trouvé ni artère ni organe.

 — Ce n'était pas que de la chance. Même si je ne pouvais pas totalement esquiver l'attaque, j'ai pu me déplacer légèrement au dernier moment...

 — Pourquoi ? l'interrompit-t-elle, d'une voix blanche.

 — Pardon… ?

 — Pourquoi tu as fait ça pour moi ! Je ne suis même pas de ton Village ! Tu aurais pu y passer !

 Le jeune garçon la regarda, décontenancé. Sa voix s'était mise à partir dans les aigus d'un coup. Il ne trouva pas tout de suite quoi lui répondre et le silence retomba dans la pièce. Seul à seul dans sa chambre d’hôtel, il chercha son regard, avant d'essayer de formuler une réponse satisfaisante. La kunoichi, assise sur une chaise à côté de son lit de convalescence regardait obstinément vers le bas, les poings fermés. Elle était hors d'elle.

 — Je suis désolé. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes. Mais je n'avais pas le choix. Malheureusement en tant que shinobi, la protection des alliés n'est pas trop mon domaine de prédilection. Tout ce que j'ai pu faire, c'est encaisser l'assaut à ta place en neutralisant les menaces immédiates.

 — Ce n'est pas ce que je t'ai demandé.

 — Tu sais, je n'ai pris aucun plaisir à la prendre, cette attaque, répondit le Chuunin, laissant pointer l’impatience dans sa voix. Mais j'étais le chef de cette unité improvisée. Il était hors de question que l'un de mes hommes soit blessé le premier soir. Et puis imagine, si Chikara apprenait qu'un ninja de la Cascade avait laissé une aspirante se faire toucher...

 — Ce n'était donc que de l'égo et du calcul ?

 Mais elle va me lâcher à la fin ? Explosa Sarouh en son for intérieur.

 Il s'attendait à de la gratitude, pas à se faire engueuler. La douleur le rendait aigri, sa propre impuissance l'énervait et altérait son jugement. Vraiment, il n'avait pas besoin de ça. Et qu'est-ce qu'elle avait au juste ? Ne pouvait-elle pas simplement le remercier et passer à autre chose ? Le réveil sous les cris était pénible pour le Chuunin qui s'en voulait bien assez. Et il comprenait mal ce qu'elle lui reprochait exactement. Il lui répondit après un petit silence, calquant son ton sur celui de son interlocutrice, à savoir : glacial.

 — Je t'ai protégée parce que je ne voulais pas de blessé. Je t'ai protégée parce que c'était mon devoir et parce que je trouvais ça juste. Je t'ai protégée parce que tu n'as pas été foutue de te protéger toi-même. Le jour où tu sauras te gérer, tu pourras peut être donner des leçons aux autres.

 Elle se recroquevilla plus fort que s'il l'avait frappée. Seulement à ce moment exact, le shinobi comprit. Elle s'en voulait terriblement. Elle voulait entendre de sa bouche qu'elle n'avait pas été à la hauteur. Elle se détestait pour sa faiblesse comme lui se haïssait pour la sienne, lui qui avait été mis à mal par deux pauvres mercenaires mal dégrossis. Elle se leva, sans jamais croiser son regard pour sortir.

 — Hey, Izul... Merci pour le sauvetage. Sans toi je serais mort, ne l'oublie pas. Mais il te reste deux trois trucs à apprendre. Par exemple : on ne gueule pas sur son supérieur au réveil.

 Il s'était radouci et se montra plus familier volontairement. La kunoichi se tourna vers lui, rougissant un peu, surprise. Elle lui adressa un salut respectueux avant de sortir précipitamment. Dehors, elle croisa Chihousou qui lui apprendrait qu'elle prendrait temporairement la place de Sarouh dans l'unité. Ensuite, le géant blond vint l'informer qu'il était dispensé pour cette journée et que son rôle pour cette nuit serait moindre.

 Concrètement, il ne devait intervenir qu'en cas d'urgence et assurerait un rôle de relai. Son collègue Gensouard le rabroua pour sa faiblesse, mais rien de ce qu'il pu dire n'était pire que ce que le jeune homme aux cheveux bleus avait déjà eu le temps de penser lui-même. Livide, il resta silencieux jusqu'à ce que son supérieur parte. Irrité par son mutisme têtu, il ne se fit pas prier et sortit en claquant la porte. Ils ne pourraient jamais se supporter.

 Soupirant, le blessé inspecta précautionneusement sa chambre du regard, en s'asseyant lentement. il avait été déshabillé, probablement par la kunoichi qui l'avait veillé. Un coup en plus pour son égo. Ses affaires avaient été pliées et rangées sur son bureau, avec la bourse contenant ses armes. Son katana, quant à lui, était accroché au mur. Rien n'avait été oublié. Par contre... La récompense de l'héritage avait disparu. Son esprit partit immédiatement à la recherche de coupables potentiels. Chihousou était un connard, mais n'oserait pas voler un des siens alités. Il était plutôt du genre à lui mettre une beigne au réveil pour se passer les nerfs. Les habitants n'oseraient pas s'en prendre aux ninjas qui assuraient leur protection.

 Restaient Kazuo et les Chikarates. Le premier était insupportable, n'arrêtait pas de faire preuve d'insubordination et était particulièrement prétentieux. Et il lui avait mené la vie dure tout le voyage. C'était un bon suspect. D'un autre côté, les Chikarates n'avaient probablement pas aimé qu'il défie ainsi Tokri. Le sauvetage d'Izul n'avait peut être pas compensé. Les deux jeunes hommes du Village du Sable n'y avait même pas assisté, il était possible qu'ils ne ressentent aucune reconnaissance, et ainsi blessé Sarouh devait paraître beaucoup moins impressionnant. Il voyait mal l'Utak le voler et clairement, Izul était à exclure.

 Il interrogerait donc Kazuo en premier. Puis, il se porterait vers Gomaki pour savoir lequel des élèves était le coupable. Sans l'aider, il ne pourrait pas l'interdire de discuter avec eux. Nouveau soupir. Le Gensouard avait vraiment besoin de cet argent. Et clairement pas de devoir mener un interrogatoire pour récupérer ce qui lui revenait de droit. Il pesta, avant de réfléchir à ce qu'il pouvait faire pour occuper sa journée. Il n'était pas en état d'enquêter plus aujourd'hui, de toute façon.

 Ce fut l'entraînement au En qui l'emporta. Ainsi, le Tsumyo médita une bonne partie de l'après midi, poussant son apprentissage de l'art de la détection par le chakra. Seules la rigueur et une maîtrise parfaite de l'énergie spirituelle permettaient une utilisation de cette technique. Progresser dans ce domaine, c'était progresser dans tous les arts ninjas. Notamment le genjutsu, qui demandait la plus grande subtilité. Epuisant pour la concentration, il avait au moins l'avantage de ne demander aucun déplacement, ni de générer de fatigue en soi. Tant que la bulle de perception n'était pas étendue, cela allait de soi. Puis, il se laissa de nouveau aller au sommeil. Il serait encore éveillé toute la nuit et ses blessures le fatiguaient plus qu'il ne voulait l'admettre.

****

 Au crépuscule, il s'équipa délicatement. Ses plaies lui faisaient toujours mal, mais il était capable de se déplacer. Gomaki et Izul avaient fait du bon boulot. Il jeta un dernier regard à l'emplacement où sa bourse aurait dû se trouver en équipant son arme et sortit en grommelant. Dernier arrivé, il n'y avait que les membres de sa section sur place, l'équipe dirigée par Chihousou déjà partie à la porte Nord. Izul et Nika lui adressèrent un regard inquiet, mais ne dirent rien. Kazuo était trop occupé à bien se faire voir par les kunoichis pour se sentir concerné par le bien être de son supérieur. Il ne perdait rien pour attendre. Il resta silencieux, attendant assidûment que leur nouveau chef donne les directives. Il l'encouragea d'un sourire et d'un petit signe de tête.

 Elle opta pour la même stratégie que son homologue Gensouard : Formation serrée, patrouille d'un point à un autre. Il était assez peu probable qu'un assaut d'envergure ait de nouveau lieu. Sarouh devait être en retrait, n'ayant qu'un rôle d'observation et éventuellement de liaison avec la porte Nord.

 La nuit fut globalement calme de leur côté. Il ne devait pas rester assez de brigands pour attaquer les deux côtés de la ville. Cependant, alors que les deux filles commençaient à se demander si elles ne feraient pas mieux de remonter pour aider leurs camarades, Sarouh se sentit obligé de leur rappeler qu'ils ne devaient pas déserter leur poste. De plus, Chihousou maîtrisait la situation. A peu près. La cheffe du petit escadron ordonna donc de continuer ainsi, non sans inquiétude. Le calme de la nuit permit au chuunin blessé d'arriver derrière un Kazuo beaucoup trop serein à son goût, profitant qu’ils se relâchaient un peu. Tout dans le personnage l'exaspérait. Avec un sourire qui n'augurait rien de bon, il posa sa main sur l'épaule du blondinet , après avoir composé les mudras dont il avait besoin.

 — Kazuo, mon ami, tu n'aurais pas, par hasard, eu la mauvaise idée de te servir dans ma chambre ?

 Alors qu'il se raidissait en entendant les funestes paroles de son supérieur, sa vue se brouilla. Il était désormais dans le noir absolu. L'espace n'avait plus de sens, il n'y avait ni haut ni bas, il flottait, peinant à maîtriser son propre corps dans une dimension qu'il ne connaissait pas. Autour de lui, des formes immondes rappelant des yeux rouges s'ouvrirent en déchirant le voile des ténèbres qui l'entourait. D’énormes sourires grotesques plein de dents effilées apparurent. Les formes allaient le dévorer. Il hurla. Pourtant, aucun son ne sortit de sa bouche.

 — Non. Tu n'es autorisé qu'à répondre à mes questions, Kazuo.

 La voix, déformée et pleine de distorsions venait de partout et se réverbérait à l'intérieur du crâne du Genin qui souffrait de chaque mot, soudain misophone. Chaque fois que son nom était prononcé, la pression qu'il ressentait augmentait d'un cran.

 — C'est pas moi ! J'y suis pour rien !

 — Comment mon argent a pu disparaître, alors ? Les Chikarates ne sont pas au courant pour l'héritage, Chi' ne ferait pas ça. Explique-moi, Kazuo.

 L’infâme bouche la plus proche s'ouvrit, découvrant un tunnel sans fond de dents et de pics hérissés qui allaient engloutir le Genin, promesse de douleurs terribles si sa réponse ne s'avérait pas à la hauteur. Il payait pour toutes les fois où il avait agacé le Tsumyo, qui s'était lâché sur son genjutsu. Sa victime n'était clairement pas capable de le briser. Paniquant, il vida son sac :

 — Je t'en supplie ! Arrête ! Je me suis juste vanté auprès d'Izul de tout le blé qu'on avait récupéré grâce au transport de la statuette ! J'ai un peu exagéré l'histoire, mais c'est tout !

 Evidemment. Sarouh aurait aimé être surpris, mais il n'en était rien. L'illusion se brisa aussi rapidement qu'elle s'était mise en place, laissant un Kazuo pantelant, transpirant et livide sur ses quatre fers, les yeux écarquillés. Sans lui adresser la parole ni un regard, le jeune homme aux cheveux bleus reprit son poste. Il lui faudrait donc discuter avec Gomaki. Il n'était pas sûr de savoir comment se positionner avec lui. Le ninja supérieur, malgré son air tranquille et sa détente apparente avait un regard qui semblait le transpercer. Si celui-ci défendait ses poulains, la reprise de l'argent serait problématique. Et sans preuves, il ne pouvait pas se plaindre officiellement. Il n'avait plus qu'à espérer que le Jounin aurait un sens de l'honneur. Ca lui semblait bien naïf.

 La fin de la nuit fut une longue et douloureuse attente. Les plaies du Chuunin ne le laissaient pas vraiment tranquille et le manque d'action pesait sur le moral des troupes qui s’inquiétait pour l’équipe Nord. Heureusement, Chihousou les rasséréna en leur indiquant avec la diplomatie qui le caractérisait qu'à part le manque de cohésion des deux Genins, il n'y avait rien de remarquable de leur côté et que tout était sous contrôle. Tokri était un peu sonné après avoir tué mais c'était tout. Le géant blond ne donna aucun détail. L'aube pointant le bout de son nez, il annonça que la deuxième nuit de surveillance était finie.

 Alors qu'ils étaient sur le retour de l'auberge, Sarouh informa poliment en privé le Masaka des découvertes qu'il avait faites dans la nuit. Chihousou déjà de bien méchante humeur à cause des événements récents convoqua immédiatement le fanfaron. Il allait en remettre une couche. Voilà qui devrait lui apprendre à la boucler.

 Le Tsumyo profiterait de son entrevue avec Gomaki pour le remercier. Appréhendant la dernière journée de cette mission décidément trop longue, il s'endormit d'un sommeil agité.

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