Épisode 18 - Baptême

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 Tokri parvint à rattraper les quatres bandits au moment où ces derniers arrivaient à la sortie de Nikidami. Alertés par son approche, ils lui firent face. Tokri remarqua que plus aucun d'entre eux n'avait de veine apparente. Le plus proche des bandits dégaina un sabre et se dirigea vers l’Utak. Il frappa, n’effleurant que de l’air. Le Genin constata que son mouvement était bien plus lent que lors de leur précédent combat.

 Tokri avait bondit sur son flanc gauche tout en canalisant son Fuuton dans l’un de ses kunai. Il se pencha et projeta son arme en un rugissement de rage, lui faisant traverser l’une des jambes pour finir profondément enfoncée dans la seconde. Le bandit s’effondra en un pitoyable gémissement.

 Le colosse sortit une seringue remplie d'un liquide noir et opaque qu'il planta dans son cou. Ses veines se noircirent et se crispèrent. Il chargea Tokri qui s’était instinctivement préparé à l’assaut. A sa grande surprise, il vit Mutika sortir de l'obscurité pour bondir sur le dos du géant. Interloqué, Tokri les regarda se débattre durant une fraction de seconde. Il reprit conscience lorsque Mutika fut saisi par la main libre de son adversaire et heurta le sol face à Tokri.

 L’Utak l’aida à se relever, tandis que l’ours s’approchait d’eux en les menaçant de mille et une souffrances. Un mince bruissement d’air releva un court instant les mèches sur le front de l’Utak. Un nouveau venu venait de les rejoindre : Chihousou Masaka.

 Tandis qu’un nouvel affrontement éclatait entre les deux, Tokri aperçut du coin de l’œil les deux brigands restants s'éclipser. Ne laissant pas le temps à Mutika de l'en empêcher, le Genin se lança à leur poursuite.

 Filant discrètement de toit en toit, Tokri traquait ses proies sans se faire remarquer. Il se récitait les leçons de pistage de l'Académie : guetter le moment où leur attention serait moindre. Ne pas se précipiter. Les laisser penser que tout danger était écarté. Les exécuter.

 L’occasion finit par se présenter. A bout de souffle, les deux stoppèrent leur course et se mirent à discuter de la marche à suivre. Leur panique était palpable. Visiblement, cette nuit s'était déroulée bien différemment de ce qui avait été prévu par leur bande.

 Espérant que leur discussion lui donnerait le temps nécessaire, Tokri se faufila dans la pénombre d’une demeure. Prenant soin de n’émettre aucun bruit, l’Utak s’approcha progressivement. L'une de ses proies lui présentait son dos.

 D’un coup sec à la nuque, Tokri l'assomma tandis que le second fit quelques pas en arrière. De la surprise ou de la peur, le jeune homme n’aurait su dire ce qui l’emportait en son regard.

 Lorsque le ninja fit quelques pas vers lui, il dégaina son canif et visa le visage du jeune homme. Son souffle se coupa lorsqu’il sentit effleurer la froideur de la lame effleurée son front. L’Utak esquiva sans mal quelques assauts, guettant l’instant qui lui permettrait de prendre le dessus. Il finit par bloquer l’avant-bras de l’inconnu entre son poignet et ses côtes et, d’un brusque mouvement, le lui brisa en un craquement sinistre. L’homme hurla de douleur. Tokri relâcha sa prise, laissant sa cible geindre face contre terre. Le garçon laissa une grande inspiration d’air emplir ses poumons.

 Une sueur froide perla le long de son front, coulant en de fines gouttes jusqu’à son menton. Une sensation de lourdeur lui étreignit la gorge, faisant remonter un goût de bile jusque dans sa bouche. Il expira en marchant vers le geignard qui tenait avec désespoir son bras meurtri. Des convulsions nerveuses provoquées par la douleur, tordaient son corps. L’Utak le saisit fermement par une épaule et le mit sur le dos. Il plaqua ensuite ses genoux contre le plexus solaire de l’inconnu, et eut à lutter pour le maintenir en place.

 Tokri attrapa fermement ses avants bras, arrachant au malheureux un nouveau cri de douleur. Agissant au plus vite, il lui transperça chaque paume d’un kunai. Nouvel hurlement de douleur terrifié.

 Ainsi fixé en croix, Tokri n’avait nulle crainte que sa proie ne lui échappe.

 Tokri ferma les yeux quelques instants, tâchant d’ignorer au mieux les hurlements qui lui transperçaient les tympans et provoquaient quelques tremblements d’effroi. Sa main fébrile glissa le long de sa jambe pour décacheter sa pochette de projectiles. Lentement, il saisit l’un de ses kunais et le fit remonter à hauteur de son visage. Le Genin ouvrit les yeux et lorgna le fil de la lame. Forgée avec minutie, elle n’avait d’autre but que de faire couler le sang.

 Il était temps.

 Un souvenir. Le corps de sa mère. Son sang s’écoulant d'une plaie dans son ventre.

 Ses mains d’enfant tachées bien trop tôt de sang. Une lame qui goûtait du liquide écarlate, face à ses yeux à l’innocence brisée.

 Ses paupières d’adolescent s’ouvrirent lentement. Sa poigne maintenait fermement la lame. Depuis ce jour maudit, il les avait toujours détestés. L'enfant qu'il avait été avait longtemps refusé la vue de tout acier tranchant. Ce qui avait été un souci pour son alimentation, le jeune garçon refusant de se munir du moindre couteau. A l’Académie, il avait longtemps refusé de se présenter aux séances de tir.

 Son aîné lui avait alors rappelé sa promesse. L’Utak avait pris sur lui. Surmontant son dégoût, il s’était révélé talentueux à la manipulation de ce type d’arme. Sa phobie ne l’avait toutefois jamais quittée.

 Sang et souffrance. Telle était la vie qui lui avait été attribuée.

 Tokri fixa l’inconnu droit dans les yeux. Ceux de sa victime étaient écarquillés. Il ne bougeait plus. Avait-il accepté sa fin ? Un lien impalpable s’était tissé entre eux.

 Le condamné et son bourreau.

 Tokri brandit sa lame au-dessus de sa tête. L’inconnu continua de fixer Tokri alors que s’abattait sur lui la pointe mortelle. De sa gorge jaillit un torrent écarlate. La chaleur du sang se répandit sur ses mains, tandis que le regard de Tokri se perdait dans ceux du mis à mort. Peu à peu, sa lueur s’éteignit.

 L’âme du shinobi était vide. Ni peine, ni tristesse, ni joie. Le baptême devait et avait été accompli.

 — Je me rapproche de toi, susurra Tokri, une larme glissant le long de sa joue.

 Un temps infini s’écoula. Il ne fit même pas attention au premier brigand qui s’éveilla et prit la fuite, horrifié par ce sanglant spectacle.

 Une poigne finit par lui saisir avec fermeté l’épaule. L'esprit groggy, il se laissa se faire relever. Chihousou s’adressait à lui, mais il ne l’entendait pas. Mutika les regardait alternativement, lui et le cadavre. Son regard trahissait sa volonté de ne pas croire à ce spectacle. Une fois que Chihousou eut fini son monologue, dont l’Utak ne saisit pas le moindre mot, tous trois reprirent leur garde.

 L’âme de Tokri venait de s’affranchir du petit garçon qui sommeillait encore en lui.

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