Épisode 13 - Excursion

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 Ryul examinait minutieusement la jambe de Tokri, le dernier examen nécessaire afin de lui accorder un droit de sortie. L’Utak venait de passer trois semaines totalement alité. Bien qu'il en avait profité pour se livrer à des exercices de méditation, son impatience transparaissait par ses grandes difficultés à se tenir immobile. C'est avec soulagement qu'il quitta enfin l'hôpital pour retrouver ses coéquipiers.

 Tokri rejoignit son équipe au point de rendez-vous fixé par Gomaki : l’entrée des écuries situées non loin des enceintes ouest de Chikara. Izul fut la première à venir à sa rencontre. Le jeune homme perçut qu’elle semblait s’être inquiétée.

— Comment te sens-tu ? Tu penses être en état pour la mission ?

— Oui, répondit le jeune homme. Dommage pour vous, va falloir me supporter.

 Tokri esquissa un petit sourire taquin tout en prononçant ses mots. Surprise, la kunoichi marqua un temps d’arrêt avant de comprendre qu’il s’agissait d’une boutade. Izul éclata de rire. Tous deux rejoignirent leurs compagnons, quelque peu surpris du spectacle d’un Tokri faisant rire la kunoichi d'azur.

 Le Jounin l’accueillit d’un sourire à demi masqué par la fumée de sa cigarette, amusé d’observer son taciturne élève se débrider pour la première fois. Mutika lui lança un bref signe de tête, tandis que Nika lui adressa un sourire timide dans lequel Tokri crut lire du soulagement.

— Nous allons emprunter quelques dodos pour la traversée du désert. Suivez-moi.

 Sans attendre de réponse, Gomaki pénétra à l’intérieur du bâtiment. Ses élèves lui emboitèrent le pas. Les enclos étaient disposés par rangée, de droite à gauche. Les shinobis traversèrent l’allée centrale. Tokri observa les oiseaux, qui vaquaient à leurs occupations. Un peu plus grands qu’un humain, les dodos de Chikara arboraient un brillant plumage d’or. C’était la particularité des espèces du sable, ces animaux prenant une couleur en lien avec l’environnement dans lequel ils grandissaient.

 Au sein de leurs habitats, certains étaient affairés à terminer le contenu de leurs mangeoires tandis que d’autres paressaient, profitant de cet instant où nul humain n’avait besoin de leur vivacité.

 L’Utak sourit en voyant quelques-uns se détourner de leurs occupations pour passer la tête au-dessus de la porte de leurs enclos, observant avec curiosité les ninjas qui venaient chercher quelques-uns des leurs. Farouches à l’état sauvage, les dodos domptés devenaient des créatures affectueuses et amicales. Leur grande intelligence était lisible dans leur pétillant regard.

 L’équipe s’arrêta finalement devant les enclos vingt-quatre à vingt-huit. Gomaki s’approcha du premier et tendit lentement la paume de sa main gauche. Le Dodo le fixa droit dans les yeux, puis lui gratouilla les doigts de son bec. Le Jounin était accepté.

— Tu m’avais manqué, lui chuchota Gomaki en lui caressant la tête.

— Oh ? s’étonna Izul. Vous empruntez régulièrement la même ?

 Gomaki lui répondit de son sourire paternel. L’Utak remarqua que Izul avait déterminé avec aisance le sexe du dodo.

— Quand un lien est tissé avec un animal, mieux vaut le préserver.

— C’est très rare cette mentalité, répondit-elle en s’approchant avec assurance du second enclos.

 Elle effectua la même opération que son sensei avec le second oiseau et fut rapidement acceptée. Elle chercha ensuite quelque chose dans sa poche.

— Les shinobis prennent les premiers disponibles sans se poser de questions, sembla-t-elle regretter.

 Elle sortit finalement une clef de sa poche, qu’elle inséra dans la serrure de l’enclos. Ses collègues Genins en furent surpris, mais Gomaki n’esquissa ni stupeur ni geste pour l’arrêter. Izul pénétra tranquillement dans l’habitat et caressa avec douceur le plumage du cou de l’animal.

— Déjà dans l’enclos, Izul ?

 Le groupe se tourna d’un seul homme vers la femme qui venait de prononcer ses mots. Tokri fut frappé de constater sa ressemblance avec la Genin aux cheveux bleus. On aurait cru à une copie avec une vingtaine d’années de plus. Une Izul aux cheveux grisonnants et avec quelques rides sur le front. Aussi ne fut-il pas surpris en entendant sa collègue répondre :

— Cela faisait trop longtemps, maman.

 La dame lui sourit. Bien que chaleureuse, l’Utak ne put s’empêcher de noter une certaine mélancolie dans son expression . Elle tendit des rênes à sa fille et de quoi équiper le dodo pour être chevauché. La jeune femme s'affaira avec le naturel de l’habitude.

— Je suis responsable des bêtes qui vous sont attribuées, déclara la mère d'Izul. N’hésitez pas si vous avez besoin d’aide pour la préparation.

 Avoir vu Gomaki et Izul procéder avec leurs montures avaient rafraîchi la mémoire de Tokri. Quelques cours de l'Académie lui revenaient. Il tendit lentement la main vers l’un des oiseaux. Ce dernier plissa les yeux, dans lesquels le Genin crut lire de la suspicion. Il se pencha avec précaution vers ses doigts jusqu’à les effleurer. Quelques secondes supplémentaires s’écoulèrent avant que le dodo ne le mordille doucement.

 Mal à l’aise, Nika demanda conseil à madame Leïl pour lier le contact avec son dodo. Une fois que chacun fut accepté, l’éleveuse ouvrit les enclos et encadra l’installation des selles et rênes. Les Genins suivirent ensuite leur mentor en dehors des écuries.

— Merci Elena, lui dit chaleureusement le Myô.

— C’est toujours un plaisir Gomaki, répondit la Leïl en étreignant sa fille qui venait de descendre de sa monture. Prends soin de ma fille.

— Je n’y manquerai pas, lui assura-t-il.

****

 L’heure du départ était enfin arrivée et, une fois la grande porte du Village franchis, la fine équipe traversa ensemble le désert du Sable pour la première fois. Chacun était muni d’un turban autour de la tête pour diminuer l’écrasant impact du soleil Chikarate sur leur organisme.

 Tout en chevauchant, Tokri se sentit grisé par le vent chaud qui fouettait à vive allure son visage, le forçant à plisser les yeux pour ne pas se retrouver aveuglé par les grains de sable disséminés par la course des dodos. Se savoir capable de supporter les rudes conditions de cette traversée lui étaient grandement satisfaisantes.

 Au bout de quelques heures, un énorme rocher se dessina à l’horizon. Le premier dans le paysage jusqu'alors vide de vie de l’océan de sable. Lorsqu’ils s’approchèrent de la masse rocheuse, Tokri fut surpris de voir Gomaki ralentir sa course. Le Jounin leur avait pourtant donné pour objectif de rallier un avant-poste de Chikara en bordure du désert avant la tombée de la nuit, tout en préservant la forme des dodos.

— Pourquoi nous arrêtons-nous ? demanda l’Oroshi, tout autant interloqué que l’Utak.

— Pour admirer l’une des merveilles de la Nature, déclara le ninja tout en observant la masse rocheuse.

 Intrigué, Tokri suivit son regard. Il eut l’impression de la voir se soulever par endroit, avant de s’affaisser. Était-ce un effet d’optique lié à la chaleur ?

— Un Géokhélone, chuchota Izul non loin de lui. Incroyable. C’est la première fois que j’en vois un en chair et en roche.

 Tout s’éclaircit soudainement. Le Genin détailla plus précisément les formes de la semi-montagne. D’ici de là, il repéra les écailles de la gigantesque tortue et finit même par discerner sa tête, profondément enfoui dans sa carapace. Aucun doute : le Géokhélone était profondément endormis.

— Vous pensez qu’on peut s’en approcher ? demanda Nika avec curiosité.

— Normalement oui, lui expliqua Izul. Les Géokhélones sont d’un naturel tranquille et ne répliquent qu’en cas d’agression directe. Tant qu’on ne le touche pas et que son repos est respecté, il ne sera pas dangereux.

 Muant son désir en acte, la Hynomori dirigea sa monture de quelques pas vers la tortue. Un fracas suivi d’un geyser de sable s’interposa entre Nika et sa destination. A travers les rideaux d’or, Tokri vit avec horreur un ver des sables en train de fondre vers son amie. Il n’eut que le temps de décacheter la sacoche de projectiles fixé à sa jambe droite que le lombric, tranché en deux, chuta lourdement au sol.

 L’Utak entendit un bruissement non loin de lui. Comprenant ce qui arrivait, il se munit d’un kunai. Tout de suite après, un geyser de sable dévoila un nouveau ver géant à sa droite. Le Genin fit bifurquer sa monture et s’apprêta à frapper l’amas de dents acérés prêts à déchirer sa chair. Une brise surnaturelle souleva les mèches de ses cheveux. Un clignement de cil plus tard et la créature fut transformé en une multitude de lambeaux poisseux.

 Tokri se tourna vers ses camarades et vit que des restes de ver similaires jonchaient le sol non loin de chacun. Face à eux se tenait Gomaki, penché en avant après avoir effectué une glissade qui avait laissé une traînée sur sa gauche. A l’expression du visage du Jounin, tous comprirent que l’attaque n’était pas terminée. Le Jounin posa la paume de ses mains au sol tout en fermant les yeux.

 Lorsqu’il les ouvrit, une tornade de sable se dressa face à lui. Les Genins aperçurent un ver de sable, bien plus grand que les précédents. Gomaki fonça tout en composant des mudras. Une fois sous la créature, il gonfla ses joues et expédia une impressionnante boule de feu qui carbonisa leur ennemi. Le Myô exécuta un dernier saut arrière, laissant sa victime choir sur sa précédente position.

— Gokkakyu no jutsu, reconnut une Nika impressionnée par la performance de leur sensei. Je suis à des années lumières de ce niveau.

 Le Jounin alla calmer son dodo. De son côté, le Géokhélone n'avait pas esquissé le moindre mouvement.

Lorsque l’oiseau fut prêt, Gomaki remonta sur la selle et rejoignit ses élèves.

— Navré, s’excusa penaud le Myô en se tournant vers ses élèves. Évitons d’aussi longue pause jusqu’à la sortie du désert.

 Tokri se mordit une lèvre en comprenant où était le problème. Les Genins n’étaient pas assez forts pour se permettre de lambiner en chemin, même pour quelques minutes. Le Désert du Sable était aussi dangereux que magnifique. Sous le tapis d’or comme au-dessus, de nombreuses créatures attendaient la moindre occasion pour se sustenter des êtres qui osaient sous-estimer l’impitoyabilité de leurs hôtes.

— Nous avons eu de la chance, déclara Izul d’une voix à demi-éteinte. Ils ne procédaient pas comme je l’ai lu dans des livres.

— Des bébés, précisa Gomaki. Ils étaient certainement en train d’apprendre la chasse. Mais nous avons eu de la chance, tu as raison. Je ne laisserai plus cela se produire.

 En conséquence, l’équipe termina le voyage sans s’accorder la moindre pause avant la sortie du désert. Ils rejoignirent finalement l’avant-poste de Chikara, un discret petit cabanon. Gomaki les informa qu’ils allaient y confier les dodos. Nikidami n’étant plus qu’à un jour et demie de marche, il jugea important que ses élèves ne s’habitue pas au trajet sur monture. Bien des missions requérant de la discrétion leur imposera la marche à pied tout au long de leur carrière.

****

 Au troisième jour de voyage, ils arrivèrent au sein d'un modeste village en pleine effervescence. La fête qui se préparait était un évènement majeur pour leur modeste économie. Gomaki déclara qu’il allait à la rencontre du maire afin de le prévenir de leur arrivée. Le Jounin leur donna quartier libre après avoir fixé avec eux d’une heure et d'un point de rendez-vous.

 Nikidami n’était pas bien grand. Un peu plus de trois heures de marche leur fut suffisant pour en connaître le moindre recoin. De l’initiative de Mutika, les Genins finirent par s’installer au haut d’un bâtiment à proximité de l’entrée du village et pour y partager une glace.

 Quelques heures s’écoulèrent jusqu’à l’arrivée de trois personnes bien différentes des Nikidamiens. Arborant un bandeau au symbole du Village de la Cascade, les Genins devinèrent sans mal leur identité : leurs collègues Gensouards. Les Chikarates allèrent à leur rencontre et se présentèrent successivement. Leurs homologues en firent de même. L’Utak tenta de retenir leurs noms et prénoms : Chihousou Masaka, Kazuo Sabishii et Sarouh Tsumyo. De leur groupe, seul Kazuo était Genin.

 Chihousou se présenta comme étant le chef de l'escouade Gensouard, et dorénavant le leader de leur équipe hybride. Malgré sa grande taille, il était d'une silhouette extrêmement fine. Tokri ne pensait pas prendre trop de risque en estimant qu'il devait être un adepte du ninjutsu ou du genjutsu. Le Masaka portait un bandana sur ses yeux dont débordait quelques cheveux blonds mi-long. Aveugle ou non, cela ne semblait pas le gêner pour repérer ses interlocuteurs.

 Il suffit d'un regard échangé avec Kazuo Sabishii pour donner à Tokri l'envie de le frapper. Tout dans son attitude et son apparence répugnait l'Utak. De taille moyenne, le Sabishii était apprété avec la minutie de celui qui faisait passer l'apparence au centre de ses préoccupations. Blondinet coiffé d'une petite méche relevée, il adressa plusieurs clins d'oeil qui se voulait charmeur à l'adresse de Nika et Izul.

 Frêle d'apparence malgré son métre quatre-vingt, Sarouh Tsumyo avait des cheveux bleus ébourriffés. Il sembla jauger Tokri de son regard émeraude, le fixant un peu trop intensément à son goût.

 Les deux équipes s’échangèrent des banalités de rigueur avant de se séparer. Fatigué, le groupe Chikarate s'engagea dans une large ruelle avec l'attention de se rendre à leur point de rendez-vous lorsque quelqu’un les apostropha :

 — Tokri Utak ! J’aimerais te parler !

 Les quatre Genins se retournèrent et virent avec surprise Sarouh s’approcher d’eux. Tokri prit conscience de la jeunesse du Chuunin, moins âgé que lui. Sans qu'il ne réussisse à mettre le doigt sur la raison, le visage du garçon aux cheveux bleus était vaguement familier au Genin. L’Utak intima du regard le Gensouard à s’expliquer.

 — Je souhaiterais t’affronter dans un duel amical, dit-il calmement.

 — Pas intéressé, répondit Tokri. La dernière fois que j’ai mené un combat de ce genre, trois semaines d’hospitalisation ont suivi et le gars en face est mort par accident.

 — Il n’y aura aucun blessé, lui assura Sarouh. Tu as ma parole.

 — Je peux le remplacer, déclara Mutika. Il vient tout juste de sortir de sa convalescence.

 — Sans vouloir te paraître offensant, c'est Tokri qui m'intéresse, s’excusa poliment Sarouh.

 Vexé, Mutika se mordit une lèvre. L’Utak jeta un regard autour d’eux et constata que leur échange avait attiré l’attention des passants aux alentours. Beaucoup de personnes s’étaient tournées avec inquiètude lorsque Sarouh avait prononcé le mot "duel". L'Utak se sentait piégé. Un combat risquait de provoquer des dommages civils. Mais dans le même temps, refuser risquait de faire passer les Chikarates pour des lâches.

 — Très bien, accepta-t-il à contrecœur.

 Tokri demanda à ses compagnons de ne pas intervenir, quoi qu’il advienne. Les deux adversaires se fixèrent un court instant, se jaugeant du regard. L’Utak passa finalement à l’action. Sarouh para son coup de poing, puis un autre. Malgré les assauts continus, Sarouh réussissait à contenir le jeune Genin. Tokri sentait malgré tout que le duel au corps à corps l’avantageait. Après avoir concentré du Chakra dans son genou, Tokri le frappa en plein estomac, lui coupant le souffle.

 L'Utak le saisit aux épaules et le heurta du front. Le Chuunin recula en titubant de quelques pas. Le Genin étendit son Chakra à l’ensemble de sa jambe et bondit sur son adversaire. Le coup de pied le fit tournoyer sur lui-même avant de heurter violemment le sol.

 Sarouh lutta une fraction de seconde pour se relever. Il essuya le sang de sa lèvre inférieure. Tokri fut surpris de voir un sourire satisfait se dessiner.

Tu es doué pour le taijutsu, le félicita-t-il.

 Le Gensouard extirpa son katana de son fourreau, qu’il portait le long de son dos. Était-ce son domaine d'expertise ? Tokri se doutait qu’il connaîtrait rapidement la réponse à cette question. L’Utak régula sa respiration, se doutant qu’un mauvais mouvement pouvait entraîner une défaite immédiate. Ce garçon était un Chuunin, il ne fallait pas le prendre à la légère. Sarouh se positionna, attendant que Tokri vienne à lui. Ce dernier feinta une attaque, à laquelle Sarouh répliqua de sa lame.

 Une mince éraflure barra le ventre de Tokri. Décidé à ne pas le laisser se ressaisir, Sarouh porta à toute vitesse estocs et autre taille. Bien que débordé, le Chikarate parvenait à esquiver la lame aiguisée. Le Chuunin finit par s’éloigner. Il toisa son adversaire d’un sourire narquois et fit glisser un index le long de son arme, qui disparut progressivement.

 Il ne manquait plus que cela. Du genjutsu.

 — Voyons si tu parviens à esquiver une lame invisible, le défia-t-il.

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