Épisode 8 - La fin des vacances

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 Cette première journée au sein de son équipe ne s’était pas déroulée comme l’avait imaginé Tokri. Le jeune homme avait espéré que leur formation débuterait dès le premier jour. Au lieu de cela, il se retrouvait à tuer le temps dans sa chambre après avoir déjeuné avec eux.

 L'Utak était ravi d’avoir Gomaki comme sensei. Il s'entendait bien avec Nika et lui était reconnaissant de son aide face à Hika. L'occasion se présenterait certainement de lui rendre la pareille. Quant à Izul, le jeune homme se doutait qu'il aurait de nombreuses choses à apprendre d'elle. Concernant le traitre, Tokri n'avait aucune envie de faire le moindre pas vers lui. Se retrouver dans la même équipe que son ancien ami annonçait des relations tendues lors de leurs futures missions.

 Une pensée ne pouvait quitter l'esprit de Tokri vis-à-vis de cette situation. Il était persuadé que Okioto était derrière tout cela. Le Jounin avait bonne réputation et il lui avait été certainement possible d'influencer les affectations. Son frère avait toujours apprécié Mutika et avait insisté sur l’efficacité de leur duo un peu trop souvent au goût de Tokri durant son séjour à l’hôpital. La composition du groupe ne faisait que confirmer ses soupçons. Gomaki était son meilleur ami, il s'était suffisamment interessé au combat contre Hika pour placer Nika à ses côtés. Que l'un des membres du groupe soit la meilleure Genin de l'année devait être une idée de sa part pour l'aider à progresser.

 Allongé sur son lit, Tokri plantait furieusement des kunais contre la cible accrochée à la porte de sa chambre. Cette dernière s’ouvrit et laissa apparaître le loup actuel de son esprit. Le Jounin saisit naturellement le kunai avant que ce dernier n’atteigne son visage.

 — Essayerais-tu d’assassiner ton cher frère ? plaisanta-t-il.

 — Peut-être, répondit froidement Tokri.

 Nullement inquiet par le ton cinglant de son cadet, Okioto prit place au pied du lit en lui adressant un chaleureux sourire.

 — Quelque chose te tracasse ? demanda-t-il.

 — Mon affectation, répliqua Tokri sans changer de ton.

 — Pas satisfait ? s’étonna Okioto. Tu semblais pourtant apprécier Gomaki et cette Hynomori.

 — Mutika, soupira Tokri. Pourquoi est-il dans mon équipe ?

 La question ne souffrait d'aucun doute. Okioto ne fit même pas semblant de ne pas être responsable.

 — Ne fais pas ton borné, le pria Okioto avec douceur. Mutika était un très bon ami et ensemble, vous formerez un excellent binôme.

 — Je n’ai pas pour habitude de pardonner une trahison, rétorqua Tokri.

 — Ce n’est pas ce que j’appelle une trahison.

 Le jeune Utak se mordit l’intérieur de la lèvre en repensant à la désertion de Yakone. Son aîné lui ayant raconté cette histoire en détail durant son séjour à l'hôpital, Tokri se fit l’effet d’un idiot égoïste.

 — À toi de voir si cela vaut la peine, avoua Okioto. Je trouve vraiment dommage de perdre un équipier de valeur pour une brouille d'adolescent.

  Considérant le débat comme étant clos, Okioto lui tendit un livre sobrement intitulé « Techniques shinobi ». Tokri en feuilleta quelques pages. Il était abîmé et rapiécé par endroit, témoignant de son vécu.

 — C’est un manuel qui m’a été fort utile à mes débuts, lui expliqua Okioto. Je te conseille de te documenter pour ne pas perdre de temps. Tu n’auras sûrement pas d'après-midi libre avant un moment.

 Okioto quitta la pièce, laissant son cadet découvrir l’ouvrage. Une page attira tout particulièrement son attention qui consistait à manipuler ses poignées de sorte à se défaire de ses liens : le Nawameke.

 L’Utak alla rejoindre son aîné dans son bureau, déjà plongé sur ses dossiers. Le Jounin comprit aussitôt à quelle manœuvre son frère s’exerçait. Il entrava donc avec fermeté les poignets du Genin à l’aide d’une courte corde. Tokri retourna dans sa chambre et s’efforça de mémoriser les instructions.

 Il devait effectuer une série de brefs mouvements afin de desserrer progressivement ses entraves jusqu’à sa libération totale. Pensant y parvenir rapidement, Tokri fut surpris de constater de la difficulté de ce tour de passe-passe.

 L’après-midi s’écoula lentement. Petit à petit, il parvint à desserrer ses liens. Mais lorsque la nuit finit par tomber sur le Village du Désert, le jeune Utak n'était pas parvenu à se libérer. De sa chambre, il entendit son frère lui annoncer qu’il serait privé de dîner tant qu’il n’aurait pas réussi à achever son entraînement.

 Pestant contre le sadisme de son aîné, le Genin y passa une heure supplémentaire jusqu’à atteindre son objectif. Affamé, Tokri rejoignit son frère et s’installa face à lui. Ce dernier affichait une mine étonnamment soucieuse. Il ne réagit pas à l’approche de Tokri, perdu dans ses pensées. Le cadet des Utak reconnut le cachet de Chikara sur une enveloppe à côté de son assiette.

 — Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.

 — Je pars demain pour Mahou, l’informa Okioto en désignant d'un signe de tête la missive. Dès l'aube.

 Mahou était l’un des trois grands Villages ninja du Yuukan. Chikara était réputé pour sa culture du taijutsu et Mahou pour son ninjutsu. L’Histoire entre eux était ponctuée de conflits et une forte animosité les liait malgré l'Armistice, tant au niveau politique qu’entre les habitants. Dans le même temps, les deux Villages ne perdaient jamais une occasion pour renforcer leurs liens afin de maintenir la paix signée au terme de la seconde grande guerre.

 Quelques secondes de silence s’écoulèrent, permettant à Tokri d’assimiler l’information.

 — Pour une mission ? demanda Tokri.

 — Officiellement, répondit simplement Okioto. Officieusement, je songeais à rencontrer un contact pour apprendre un jutsu particulier.

 — Tu n’as jamais eu besoin de partir pour parfaire tes techniques, lui fit remarquer Tokri.

 — Celle-ci est différente, détailla Okioto. Très complexe. Le climat de Mahou est parfait pour seulement espérer la maîtriser. J'ai obtenu une autorisation pour y prolonger mon séjour suite à la mission. En tant qu'agent de liaison.

 Le Hyoton était l’élément de la glace, dont Okioto était un praticien. Le climat aride du Village n’était guère propice à l’apprentissage de cette affinité. Rares étaient les Chikarates capables de manipuler cet élément. En cela, Okioto était un shinobi à part au sein du Village du Sable. Tout comme l’avait été leur mère. De plus, son aîné était toujours parvenu à maîtriser son art malgré la chaleur dont étaient accoutumés les habitants du désert. Si ce jutsu avait amené le talent d’Okioto à ses limites, il devait être redoutable.

 Tokri aurait aimé en savoir plus, mais le regard d’Okioto lui faisait comprendre que cela ne serait pas possible pour le moment.

 — Combien de temps durera ce séjour ? demanda Tokri qui n'avait pas envisagé de se retrouver seul si peu de temps après son emménagement.

 — Six ou sept mois, répondit Okioto.

 Devant le visage attristé de son frère, il posa une main fraternelle sur son épaule. Un réflexe de compassion quand il constatait les baisses de moral de Tokri.

 — Ne t’en fais pas, tu seras tellement pris dans ton entraînement que tu ne remarqueras même pas mon absence, le rassura-t-il.

 Tokri ne répondit pas. C’était à son tour de se perdre dans ses pensées. Aussi loin qu’il s’en souvenait, il ne s’était jamais retrouvé seul aussi longtemps. Depuis le meurtre de sa mère, le jeune homme avait toujours vécu auprès d’un membre de sa famille. L’idée de se retrouver en totale autonomie l'effrayait, sans qu'il ne puisse se formuler la raison de cette terreur.

 Minuit était passé. Okioto lui intima de se coucher, afin de ne pas être en retard pour son premier jour d’entraînement sous la houlette de Gomaki.

 Le Genin eut peine à trouver le sommeil, l’esprit torturé par nombre de pensées. Alors qu'il pensait s'être enfin endormi, il se réveilla en un sursaut, tremblotant et en sueur.

 Réveillé par le cauchemar de cette nuit maudite, qui le hantait depuis son plus jeune âge. Son cœur battait de rage contre sa poitrine. Tokri ne parvenait pas à chasser l'image de sa mère. Son corps et son sang sur ses mains. Un regard sans vie fixant les siens.

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