Épisode 5 - Seconde chance

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 Tokri attendait patiemment que son tour soit annoncé par les examinateurs. Déjà un an qu’il avait échoué à sa première tentative, et qu'il s’était juré de tout faire pour rattraper son retard.

 Le jeune homme excellait toujours autant en taijutsu grâce à l’entraînement rigoureux de son grand-père. À force d'application, son contrôle du Chakra s’était amélioré. Il était à présent capable de réaliser les techniques de base de l’Académie, telle que celle permettant de créer les clones illusoires. S’il restait concentré, cet examen était d'ores et déjà plié.

 Bras croisés, l'Utak regarda autour de lui. Les autres étudiants semblaient être dans un terrible état de stress. Une jeune fille, non loin de lui, était rouge écarlate. Elle faisait partie de son ancienne classe, mais l'Utak était incapable de se souvenir de son prénom. Concentré sur sa formation, il avait noué peu de liens avec ses camarades.

 La porte de la salle s’ouvrit, laissant apparaître l’un de ses anciens professeurs par l’entrebâillement.

 — Tokri Utak.

 Lorsqu’il passa devant son formateur, l’aspirant le vit cocher la case d’un formulaire. Son rôle semblait de faire l’appel des jeunes s’étant présentés, ce ne serait pas lui qui allait décider s’il avait le niveau ou non pour devenir un Genin.

 L'adolescent se posta devant les deux examinateurs, confortablement assis derrière leur bureau. Ils avaient posé les dossiers des aspirants en pile devant eux et les bandeaux, portant le symbole du Village, étaient alignés. Tokri reconnut l’un des membres du jury, qui fumait une cigarette. Le barbu qui l’avait vivement réprimandé lors de son précédent passage.

 — Ceci est ta seconde tentative n’est-ce pas ? demanda-t-il.

 L'étudiant opina du chef, bien qu'il eût compris que le ton interrogateur n’était que formel. Son précédent passage semblait avoir été retenu.

 — S’il est ici aujourd’hui, j’en déduis qu’il avait échoué ? interrogea le second examinateur, un trentenaire aux cernes témoignant d’un grand manque de sommeil.

 — D’une manière lamentable. Il n’avait pas su faire un Henge.

 — Vraiment ? Le taux de réussite avait pourtant été plus haut que la moyenne des années précédentes.

 L’homme semblait véritablement surpris et sans jugement envers Tokri. La remarque le piqua toutefois au vif.

 — Je peux passer mon examen ? les coupa le jeune homme, impatient d'en finir.

 Le barbu resta impassible et adressa un signe de tête à son collègue. Ce dernier comprit que l’épreuve pouvait commencer.

 — C’est très simple, dit-il. Produis un Bunshin. À toi de voir ensuite.

 Le Bunshin était une technique de genjutsu, aussi appelé clone inconsistant. Comme son nom l’indiquait, le clone n’était qu’un nuage de Chakra sans existence propre. Il ne pouvait pas interagir avec son environnement, au contraire d’un autre jutsu de clonage bien connu.

 Tokri malaxa son Chakra et tenta de le doser correctement. Une fois qu'il lui parut satisfaisant, il composa les signes appropriés. Un clone apparut à sa droite. Le Bunshin avait été correctement réalisé, l'apprenti shinobi ne comptait toutefois pas s’en tenir qu’à cela. Autant mettre toutes ses chances de son côté en leur en mettant plein la vue !

 L'Utak et son clone passèrent donc à une petite simulation de combat, enchaînant attaques et parades spectaculaires, tout en prenant garde à ne pas toucher son clone. N’étant qu’une illusion, le moindre choc l’aurait dissipée. Les deux Tokri se séparèrent d’un bond et l’original malaxa son Chakra, le concentra dans sa jambe droite et bondit sur son clone afin d’effectuer la technique que lui avait enseignée son grand-père. Son pied heurta le visage du clone de plein fouet, faisant disparaître ce dernier. Les examinateurs applaudirent sa performance.

 — Excellent ! s’exclama le barbu, à la stupéfaction de l’Utak. Rien à voir avec l’année dernière ! Tu as fait de sacrés progrès, petit. Tu sembles posséder certaines capacités pour le taijutsu. Quoi qu’il en soit, ton Bunshin était parfait ! Félicitations, te voilà Genin !

 — Si une équipe est disponible, tu seras convoqué très prochainement pour une affectation, ajouta son collègue avec un petit sourire.

 Satisfait, Tokri prit le bandeau que lui tendait l’examinateur et le rangea dans sa poche. Il sourit en songeant à l'ambiance bien différente qui l'attendait chez lui par rapport à son premier passage.

****

 Bras derrière le dos dans une posture militaire, son grand-père l'attendait sur le pas de la porte. Comptait-il le mettre à la rue en cas d'échec ?

 — As-tu réussi ?

 Un petit sourire au coin des lèvres, Tokri sortit le bandeau de sa poche.

 — Ouais.

 Bril leva les yeux au ciel et poussa un soupir de soulagement tout en décroisant les bras et en relâchant ses épaules. Durant les dernières semaines, et ce jusqu’au jour fatidique, le vieil homme n’avait fait aucun effort pour masquer son inquiétude. Cela faisait bien longtemps que le cadet des Utak n’avait pas vu le vieil homme aussi détendu.

 — Enfin.

 Le silence qui suivit ce simple mot en disait long. En réponse, le dernier né de la famille se contenta de le fixer et d'attendre qu'il précise sa pensée. Pour toute réponse, Bril lui adressa un sourire empli de fierté.

 — Il faut fêter ça ! annonça le retraité. Ta tante et son mari viennent dîner chez nous ce soir.

 — Okioto va également venir ? demanda Tokri avec espoir.

 — Évidemment, répondit Bril. D’ailleurs, il me semble qu’il a une nouvelle à t’annoncer.

 — Une nouvelle ? répéta l'adolescent, surpris.

 — Tu le sauras bien assez tôt.

 Plus que le soulagement, cela faisait longtemps que Tokri n’avait pas vu son grand-père d’aussi bonne humeur. Tout en préparant l'arrivée de leurs invités, il ne pouvait s'empêcher de se questionner à propos de cette nouvelle qui l’attendait.

****

 Le soir venu, le repas préparé par Tokri fut apprécié par l’ensemble de la famille.

 — C’est délicieux ! Mon cher neveu, tu t’es surpassé ! le félicita Utika.

 Le concerné la remercia d’un sourire. Bien que très caractérielle, le Genin avait toujours ressenti énormément d’affection pour sa tante. Il savait que la désertion de son père avait laissé des traces, et il lui était d’autant plus reconnaissant pour la présence qu'elle lui avait offerte durant son enfance. Utika avait été une figure maternelle de substitution pour le petit garçon traumatisé qu’il avait été.

 Utika était une belle brune au visage anguleux. Tokri l’avait toujours connu avec une coupe courte dont quelques mèches tombaient sur son front et encadraient ses joues. Bien que s’approchant des cinquante ans, Utika en paraissait dix de moins. Lors des soirées en famille comme celle-ci, le cadet des Utak s’étonnait à la redécouvrir aussi coquette, en profitant pour troquer sa blouse d’infirmière contre d’élégantes robes.

 — C’est bien meilleur que ce qu’on mange chez nous ! déclara Ryul, mari de Utika.

 L’oncle de Tokri regretta vivement ses paroles lorsqu’il reçut un coup de poing derrière la tête qui plongea son visage dans son assiette. Okioto ricana à cette scène.

 — Tu te plains de te faire frapper, mais tu devrais peut-être essayer de moins la provoquer ? demanda-t-il à Ryul.

 — Comme si elle avait besoin d'être poussée pour être agressive, répondit Ryul en se massant le point de choc.

 — Ferme-la, rétorqua froidement Utika.

 — C'est sûrement de famille, ne put s'empêcher de surenchérir Ryul.

 Sa femme brandit son poing juste devant son nez. La scène fit sourire Tokri. Le jeune homme se rappela que les chamailleries du couple étaient l’une des rares choses qui parvenaient à le faire rire après le meurtre de Lila. Légèrement plus jeune que Utika, Ryul faisait également moins vieux que son âge. Cheveux courts et toujours propres sur lui. Ryul était physiquement l’archétype du bel homme charmeur. D’un esprit très enfantin flirtant avec le puéril, cela ne l’empêchait pas d’être un brillant médecin. Au point d’avoir été nommé depuis peu directeur de la branche chirurgie de l’hôpital de Chikara.

 Le Genin ignora les chamailleries de son oncle et sa tante pour s'adresser à son frère.

 — Grand-père m’a dit que tu devais m’annoncer quelque chose.

 Okioto jeta un regard mi-amusé mi-accusateur à son ancien sensei, qui détourna les yeux.

 — Tu n’as pas pu t’en empêcher ?

 — Je ne lui ai rien précisé.

 — Tu ne changeras donc jamais. Incapable de tenir ta langue, plaisanta Okioto.

 Tant bien que mal, Tokri faisait de son mieux pour masquer son impatience. Le Genin soupçonna son aîné de le taquiner lorsqu’il le vit prendre son temps à finir un verre d’eau avant de déclarer :

 — Puisque tu es passé Genin, je voulais te proposer de venir vivre avec moi, lui proposa-t-il.

 — Dans l’ancienne maison ? s’exclama le jeune homme.

 L’émotion lui noua la gorge. Il peina soudainement à reprendre son souffle. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’y avait pas mis les pieds. Il avait quitté cette maison dans les bras de sa mère en panique, pour ne plus jamais y revenir.

 Un silence gêné s'installa autour de la table, que Tokri ne parvint pas à briser.

 — Ce n’est pas une obligation, l’informa affectueusement Okioto. Juste une proposition. Je comprendrais que tu refuses.

 Le jeune Utak ne réfléchit pas plus longtemps. La décision s’imposait d’elle-même. Quel meilleur moyen que de conserver toute sa motivation pour sa mission que de vivre dans la maison du drame qui avait bouleversé sa vie ? Si sa volonté faiblissait à l’avenir, il n’aurait qu’à faire un tour des lieux pour raviver la flamme.

 — J’accepte.

 — Tu es sûr de toi ? lui demanda Ryul, inquiet.

 Tokri approuva d'un hochement de tête. Un nouveau silence pesant s’installa entre les convives durant les quelques secondes qui suivirent. Le jeune homme prit conscience que le visage de Utika et Ryul s’étaient mis à trahir leur anxiété. Bril décida de briser ce troublant silence avant qu’il ne s’installe durablement.

 — On passe au dessert ? suggéra-t-il.

 La bonne humeur reprit lentement place jusqu’au départ des invités. Utika, Ryul et Okioto félicitèrent une dernière fois Tokri pour sa réussite à l’examen avant de les quitter.

 — Je passerai demain avec un ami pour le déménagement, l’informa son aîné. Prépare tes affaires dans la matinée.

 Son cadet acquiesça d’un hochement de tête.

 — Je suis heureux que tu viennes vivre chez moi, mon frère, lui répondit Okioto en un large sourire, ravis.

 — Chez nous, rectifia Tokri.

 Okioto serra son protégé dans ses bras, qui lui rendit son étreinte. Cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas sentis aussi proches l’un de l’autre.

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