Épisode 4 - Maman

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 Du haut de ses cinq ans, le petit Tokri était fier de son œuvre. Son château de sable était très réussi, aussi beau que ceux des grands ! Fier et heureux à cette pensée, il ne songeait qu’à une chose : montrer sa superbe sculpture à sa maman !

 — J’ai fini mon château !

 — Il est magnifique, mon chéri !

 Lila lui embrassa le front, faisant naitre en Tokri un amour plus puissant que tout, que seules les mères savaient faire ressentir. Elle le serra contre elle, puis lui sourit. Qu’il était ravi lorsqu’il parvenait à dessiner cette expression sur son visage ! Elle ne souriait pas beaucoup en ce moment. Malgré son jeune âge, Tokri savait que c’était à cause des disputes avec son papa. Pourquoi se disputaient-ils d'ailleurs ? Le petit garçon ne le savait pas. De toute façon, il ne pourrait certainement pas comprendre. Les grandes personnes sont parfois si étranges.

 Tokri admira sa maman quelques instants, occupée à cultiver des plantes dans leur jardin. Qu’elle était belle avec ses longs cheveux noirs dégringolant le long de ses épaules !

 — Tokri ?

 Le petit garçon reconnut la voix de son papa. Il n’avait pas remarqué sa présence ! L'enfant innocent se tourna vers lui et lui sourit. Son papa était grand, aux cheveux noirs coupés courts et dégageait une impression de puissance. Il était vêtu d’une grande cape avec laquelle Tokri adorait se cacher. Il s’agissait de l’un de ses jeux favoris.

 Son père avait une main dans le dos, cachant manifestement quelque chose à son fils. Était-ce un cadeau ? Son papa voulait certainement se faire pardonner. La veille, il s’était disputé encore plus fortement que d’habitude avec sa maman et avait dit des choses très méchantes.

 — Approche mon fils, lui ordonna-t-il avec douceur.

 — Oui Papa ?

 Deux sensations frappèrent le jeune garçon au même moment. La première fut le bras de sa mère qui lui saisit le ventre pour l'entraîner en arrière, lui coupant le souffle. Suivi d'une vive brûlure à son œil gauche, provoqué par le kunai avec lequel venait de le frapper Uril Utak. Tokri pleura à chaudes larmes, ce qui attisa encore plus la douleur. Quelque chose de chaud se mit à couler le long de son visage.

 Le petit garçon se blottit contre le corps familier. Le vent fouettait son visage juvénile. Sa maman courait et sautait de toit en toit !

 — Est-ce que ça va Tokri ?

 — J’ai très mal ! sanglota-t-il en se tenant l'oeil qui lui piquait affreusement.

 — Ne t’inquiète pas. Je vais t’amener à des messieurs très gentils qui vont te soigner. Tout ira bien.

 — Pourquoi il m’a fait ça ?

 — Je ne sais pas mon chéri, murmura Lila.

 Tokri voyait les toits de Chikara défiler devant ses yeux. Il passa une main sur son œil endolori et vit un liquide rougeâtre s’y déposer. Il comprit alors ce qu’était la chaleur qu’il avait ressentie.

 — Maman ! Je saigne !

 — Ça va aller trésor, tenta-t-elle de le rassurer en le serrant plus fortement contre elle. Sois fort !

 Il aperçut alors une silhouette menaçante, tenant un kunai d’une main et un katana de l’autre. Bien trop familière, Tokri la reconnut aussitôt.

 — Papa nous suit.

 Le garçon entendit le chuchotement de sa mère se parlant à elle-même :

 — Que t’est-il donc arrivé ? Pourquoi nous fais-tu cela ?

 Tokri ne comprenait pas ce qui se passait. Une seule chose était claire : son père leur voulait du mal, à lui et à sa maman.

 Lila courut à travers une petite ruelle, mais stoppa rapidement sa course. La silhouette venait de se poster à l’entrée de la ruelle. La panique s’empara du jeune enfant. Ils ne devaient pas rester ici !

 — Il est là, j’ai peur !

 Ses pleurs étranglaient sa petite voix. Lila garda le silence et reposa son fils au sol.

 — Cache-toi, lui murmura-t-elle. Dès que je t’en donne le signal, cours le plus vite possible.

 Tokri obéit et s’abrita derrière un tas de débris. Le petit garçon comprit alors pourquoi sa maman s’était arrêtée. Il y avait un deuxième papa qui bloquait le passage à l'autre extrémité de la rue. Lila sortit un parchemin et le déroula pour faire apparaitre un katana dont elle se saisit.

 — Uril, dit Lila en dégainant sa lame. Pourquoi ?

 Uril pencha lentement la tête sur le côté, examinant sa femme. Il semblait prendre plaisir de cette situation, affichant un sourire psychotique.

  — Ma chérie, tu le sais, ricana le monstre.

 — Cela n’a aucun sens. Que t’est-il arrivé là-bas ?

 Pour seule réponse, il se contenta de sourire bien plus largement. Son visage n'était plus qu'un rictus de froideur et de sadisme. L’un des Uril tenta de se jeter sur Tokri, mais fut bloqué par Lila. La jeune femme s’était également clonée et les deux Lila étaient aux prises avec les Uril.

 — Cours ! hurlèrent-elles.

 Tokri obéit sans prendre la peine de réfléchir. Il contourna les combattants en courant le plus rapidement possible. Il s’apprêtait à tourner au coin de la ruelle lorsqu’il entendit un hurlement qui lui glaça le sang. Horrifié, le jeune enfant se retourna et vit la lame de son père transpercer le flanc de sa maman. Il extirpa sa lame et laissa choir sa femme.

 Oubliant toute crainte pour sa propre vie, Tokri rebroussa chemin et traversa la ruelle, pour s'effondrer contre le corps inanimé de sa maman.

 — MAMAN ! hurla-t-il à plein poumon.

 Elle perdait du sang. Beaucoup de sang. Il y en avait partout. Sur elle. Sur le sol.

 Sur lui.

 Tokri prit son visage entre ses mains. Ses yeux s’étaient éteints. Elle était si froide et si...

 — Morte.

 Un sentiment jusqu’alors inconnu s’empara de lui. Il s’étendit de tout son long contre sa maman, hurlant sa peine à plein poumon. À s'en rompre la mâchoire. À s'en brûler la gorge.

 Elle allait forcément revenir et lui faire un grand câlin pour effacer son chagrin. Elle ne pouvait pas partir ainsi, ce n'était pas possible.

 — Faible, cracha Uril en un chuchotement qui sonna comme un coup de fouet.

 Tokri redressa la tête et plongea son regard dans celui de son père, bien que la vue de son œil gauche soit trouble. L'union de sa peine et de sa colère lui faisait ignorer la douleur de sa blessure.

 — Ce regard a du potentiel.

 — Pourquoi tu lui as fait ça ? demanda Tokri entre deux sanglots. Elle n’avait rien fait de mal !

 — Sa mort m’était nécessaire.

 — La mienne aussi ?

 Uril ne répondit pas, se contentant d’observer son fils. Un cruel sourire éclaira à nouveau son visage. Il ne s’agissait pas de celui du gentil papa que Tokri avait connu et chéri.

 — Qu’est-ce que tu attends ? Je veux la revoir, l’implora Tokri.

 — Pas aujourd'hui, déclara froidement Uril. Nous nous reverrons, fils.

***

Tokri se réveilla en un sursaut. Ses poings serraient les draps de son lit. Une larme coula le long de sa joue. Comment avait-il pu se permettre de se laisser ainsi aller ?

Devenir fort. Toujours plus puissant. Jusqu'à l'éliminer.

Le Serment. Jamais plus il ne le délaisserait.

"Ensemble, nous la vengerons."

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