Épisode 1 - Tokri Utak

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 Las de sa journée de cours, Tokri Utak rentrait tranquillement chez lui après avoir reçu un énième avertissement. Le corps professoral estimait que lui et son meilleur ami, Mutika Oroshi, ne s'impliquaient pas suffisamment dans leurs études, d'autant plus en cette période de révision avant leur certification en tant que shinobi.

 Depuis quelques années, le jeune Chikarate était pris d'un sentiment de mélancolie vis-à-vis de son avenir. De moins en moins en phase avec les motivations qui l'avaient guidé durant toute son enfance, diverses interrogations ne cessaient de lui torturer l'esprit : pourquoi fallait-il à tout prix qu'il devienne un shinobi ?

 Soudainement, l'adolescent sentit une main se poser sur son épaule. Il la saisit et immobilisa d’une clef de bras ce qu’il crut être un agresseur.

 — Lâche-moi ! Tu me fais mal !

 Tokri reconnut trop tard la coupe rousse à pic de son meilleur ami. L'Utak déclara, sans grande empathie :

 — Excuse-moi. Réflexe.

 Tout comme son comparse, Mutika Oroshi affectionnait les vêtements mêlant des teintes grises, blanches et noires. Sa fidèle écharpe d'ocre battait par-dessus son épaule au gré du vent. Bien qu'il en connût la forte valeur symbolique, Tokri avait toujours été surpris de le voir la porter aussi souvent malgré le climat aride chikarate.

 — Tu dis ça à chaque fois, gémit-il. C'est la quatrième torsion cette semaine !

 — Je t’ai déjà dit de ne pas me surprendre.

 — À croire que tu aimes me torturer.

 — Ca me semble évident, soupira Tokri. Et tu ne m'as rejoint que pour te plaindre ?

 — Je voulais savoir ce que tu fais demain. Pour une fois, ma mère est d’accord pour que tu viennes dormir chez moi ce week-end.

 — Entrainement de prévu.

Sceptique, Mutika marqua un temps d’arrêt avant de demander :

 — Toi ? T'exercer en dehors des heures de cours ? Déjà qu'on te voit de moins en moins à l'Académie...

 — Mon grand-père s'est mis en tête de m’apprendre une technique de taijutsu.

 — J'aurais dû m'en douter, ricana l'Oroshi, goguenard.

 Après avoir accompagné Mutika chez lui, Tokri rejoignit la demeure de son aïeul. Le jeune garçon n'était pas pressé et traînait à travers les ruelles de Chikara, profitant des brises chaudes du Village qui faisait onduler en bataille ses cheveux d'un noir de jais, tout en laissant glisser sa main le long des bâtisses de sable et de roches blanches. La sensation de pierre chaude lui avait toujours été réconfortante. Grâce à un système ingénieux conçu à la fondation de la cité, les bâtiments retransmettaient la chaleur des rayons du soleil. La température émanant des murs variait en fonction de leur exposition et de l'heure de la journée. C'était un détail que Tokri appréciait lors de ses errances.

Il fut accueilli par Bril, un vieil homme imposant auréolé de son expérience de vétéran. Visage creusé, il portait un kimono noir traditionnel, bien qu'il lui arrivait encore de se vêtir de son uniforme usé par pure nostalgie. Ayant largement dépassé la soixantaine d'années, Bril avait encore toute sa chevelure qu’il coupait court. Cette dernière était grisonnante et tirait de plus en plus vers le blanc. Sa barbe prenait le relais de ses cheveux, renforçant l’aura bourrue que véhiculaient son physique et son regard de vieux briscard.

 — Alors ? Comment s’est passée ta journée ? lui demanda-t-il.

 — Les profs m’ont encore emmerdé, répondit sèchement Tokri.

 — Ne t’en prends pas à eux ! Normal qu’ils sévissent, tu ne fais aucun effort pour t’améliorer !

 — Je m'y ennuie, répliqua-t-il comme s'il constatait que le ciel était bleu.

 Bril se passa la main sur le visage.

 — Heureusement que ta mère n'est plus là pour entendre ça, soupira-t-il plus pour lui-même que pour l'étudiant.

 Tokri serra le poing et détourna le regard afin de ne pas foudroyer le vieil homme. L'étudiant savait pertinemment que cela ne ferait que jeter de l'huile sur un feu déjà bien nourri.

 Le début de soirée se déroula selon leur rituel habituel : Tokri cuisina, tandis que le retraité dressa la table. Pendant le repas, Bril lui révéla la technique qu’il comptait lui enseigner : le Chikara Sen’puu. Le vétéran exigea qu'ils allassent se coucher tôt pour être en pleine forme pour le lendemain. Par fierté, Tokri fit en sorte de masquer son impatience.

 L'adolescent n'appréciait pas qu'on lui force la main, mais l'exercice physique restait l'un des plus grands plaisirs de sa jeune vie.

 Tokri se leva au petit matin et descendit déjeuner avec son aïeul. Une fois repu, Bril, vêtu de sa tenue rapiécée de shinobi, emmena son petit-fils dans l’immense jardin situé derrière la maison. Ce terrain avait été aménagé spécialement pour l'entraînement au taijutsu. Au centre trônait un tapis pour les simulations de combats, entouré de matériel pour divers exercices, tels que des sacs de frappes et des mannequins. Le terrain comportait également quelques arbres et buissons.

 — On va en avoir besoin, l'informa sèchement Bril en s’approchant d'un des mannequins.

 Le vieil homme ordonna à Tokri de s'échauffer. L'adolescent s'y appliqua consciencieusement, désireux de ne pas énerver le retraité qu'il sentait déjà à fleur de peau. Une fois les exercices effectués, Bril reprit la parole :

 — Le Chikara Sen'puu consiste à frapper l’adversaire dans le but de le faire tournoyer. Ton ennemi subira des dégâts et sera étourdi autant par le coup que par la rotation. Tu ne maîtriseras cette technique que si tu te montres assidu. Je ne te cache pas que j’ai plutôt confiance en toi, malgré ton comportement de ces dernières années. Cet art est presque inné chez toi.

 Habitué à cette flatterie, Tokri se contenta d'opiner du chef. L'adolescent ne remettait pas en cause sa sincérité, mais il se doutait que son grand-père accentuait ses compliments pour le motiver.

 — Pour commencer, malaxe ton Chakra. Tu le concentres ensuite dans ta jambe, de préférence la plus forte. Effectue un petit saut et frappe le mannequin au niveau du visage. Si la technique est correctement exécutée, il tournoiera sur place.

 Le malaxage était le terme employé pour désigner le processus de fusion des deux énergies que possédait tout organisme vivant. L'énergie physique était générée par le corps, et l'énergie spirituelle par l’esprit. Leur union générait le Chakra, nécessaire pour pratiquer les arts ninjas.

 Maudissant cette manipulation, Tokri s’appliqua à ressentir ses flux à contrecoeur. Mal à l'aise par la sensation de froideur que lui infligeait son Chakra, il tenta de la canaliser dans sa jambe. Réfrénant un frisson, Tokri se précipita vers le mannequin et effectua un petit saut avant de frapper, ne parvenant à le bouger que d’un millimètre.

 — Un simple et minable coup de pied. Applique-toi ! l'intima le vieil homme, bras croisés.

 Ses nombreuses tentatives ne donnèrent que peu d'évolution. L'adolescent soupira et, dans une tentative désespérée d'évasion mentale, songea un bref instant au livre qu'il avait abandonné la veille sur sa table de chevet. A quelle page s'était-il arrêté ?

 — Encore et toujours ces lacunes au malaxage ! Concentre toi !

  L'aspirant leva les yeux au ciel, agacé alors qu'une foule d'activités bien plus intéressante défilait en son esprit. Depuis quand n'était-il pas allé aux Bains avec Mutika, déjà ?

 — Je vois que je n'obtiendrai rien de plus aujourd'hui, rumina Bril Utak, tout en passant ses mains derrière son dos en une posture militaire parfaite. Jusqu’à ce que tu maîtrises le mouvement, tu t’exerceras tous les jours à ton retour de l’Académie !

 Durant quelques semaines, Tokri se rendit régulièrement en cours en claudiquant. Il lui fallut un peu plus d'un mois afin d'assimiler la technique, à la grande fierté de Bril Utak.

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