2. Rien ne s'arrête

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Depuis que je suis rentré, je ne pense qu'à elle : Hélène.

Olivia m'a pourtant laissé un message pour une baise tarifée ; cela aurait pu me détendre, me permettre de passer à autre chose, d'oublier, mais j'ai décliné poliment. Elle me connaît trop bien et n'aurait pu s'empêcher de me poser des questions auxquelles je n'ai pas forcément envie de répondre. Certes, il fallait d'urgence que je me vide les couilles, mais j'avais dans mes tablettes la meuf idéale pour ça : Donna, le genre de fille qui ne se fait jamais prier pour un plan cul en mode gonzo, sans jamais exiger la moindre contrepartie.

Seulement, si Donna m'avait soulagé les burnes en me laissant la ramoner jusqu'à ce que je lâche mon geyser de foutre dans son exquise petite chatte, la belle Hélène n'avait toujours pas quitté mon esprit.

L'Hélène que je rêvais de fourrer. L'Hélène que je voulais à tout prix libérer de sa torpeur, de ce carcan qui l'empêchait de lâcher prise et de s'adonner aux plaisirs charnels sans arrière-pensées parasites.

3 heures du mat'. Je me décapsule une bière dans la cuisine, allume la radio, m'attarde sur le portrait encadré, noir et blanc d’Émilie.

Emy, mon amour... Pourquoi n'ai-je rien vu ? Pourquoi n'ai-je pas compris tes crises d'angoisses, tes refus de tout geste tendre, érotique, tous tes « no sex » ? Pourquoi ai-je été aussi con de m'emporter pour ça, aussi égoïste de ne penser qu'à ma gueule ? Pourquoi suis-je parti, pourquoi t'ai-je laissé partir ?..

Je repose le cadre sur la console laquée et me saisis de mon smartphone pour essayer un truc. Pour ne pas avoir de remords ou de regrets comme avec Émilie.

***

[Je sais pas trop ce qui te mine, Hélène, mais sache que si t'as besoin, d'en parler ou d'autre chose, je suis là. Je ne te jugerai pas. Val]

***

Elle ne me répondra pas et j'enrage. J'enrage parce que je me sens impuissant. Comme il y a cinq ans. Je sais que ça ne me regarde pas, que c'est peut-être trop intime, que je ne peux sans doute pas comprendre parce que je suis un mec... Sauf que c'est tout le contraire, justement. Oui , je suis un mec, avec des désirs, des envies de mec, bien souvent primaires, mais il convient de ne jamais sous-estimer notre écoute, l'attention que l'on peut porter à celle qui compte un tant soit peu pour nous. Parce qu'entre un mec et une meuf, ce n'est pas qu'une histoire de cul. Je sais, ça fait bizarre dit comme ça, surtout de la part d'un type qui vit de son chibre, mais c'est vrai. L'amour est un tout, et le physique en fait partie, seulement ça ne s'arrête pas à ça. Avec Émilie, c'était une évidence, et je ne l'ai compris que trop tard...

Et avec Hélène, qu'est-ce que c'est ?

Je l'ignore, mais c'est différent. Différent d'avec toutes les autres clientes que j'ai pu avoir, et je ne me l'explique pas. Cette meuf m'intrigue, beaucoup. Comme s'il y avait une blessure, une fêlure en elle, enfouie sous son armure. Oui, ce qui m'attire en elle va au-delà du simple désir physique, comme si je pressentais quelque chose de plus fort qui nous liait inconsciemment.

Et si elle avait vécu la même chose qu'Emy ?

Perdu dans ces montagnes de questions que je me pose depuis mon départ de chez Hélène, j'attends une hypothétique réponse qui ne vient pas. Mais je ne veux pas abandonner, ne peux me résoudre à l'abandonner et lui laisse un ultime message laconique.

***

[Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver. Je t'embrasse. Val]

***

Un rendez-vous en terrasse, même endroit, même bar que la première fois.

Elle me tend une enveloppe.

— En guise de dédommagement, précise-t-elle, le regard habillé de verres teintés.

Je jette rapidement un œil au contenu.

— On ne se reverra pas, ajoute-t-elle. Mais comme nous avions convenu d'une dizaine de passes, je te les règle quand même. Comme ça, nous sommes quittes...

Elle me fixe sans allumer de cigarette. Pour jauger ma réaction. Sauf que je ne parviens pas à me comporter en goujat, à jouer les salopards qui encaissent et se cassent sans état d'âme. Je n'y arrive pas. Parce que je veux savoir...

— C'est moi qui t'ai bloquée, Hélène ? Je veux dire, l'autre soir, j'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?

— Non, tu as été parfait. J'ai simplement cru que j'en étais capable, que je serais capable d'avoir ce genre de relations, fugaces, tarifées, mais je me suis trompée...

Alors qu'elle s'apprête à se lever de table, je retiens sa main.

— Il est vraiment préférable qu'on en reste là, Valentin ! tente-t-elle de me décourager en la retirant promptement de la mienne.

Puis, sans laisser la moindre place à l'hésitation, elle s'échappe à vive allure de la terrasse, perchée sur ses hauts talons. Sans se retourner. Une sombre limousine aux vitres fumées la happe au coin de la rue. Et moi, je suis là comme un con, attablé derrière ma Leffe, à l'observer sans bouger, presque abasourdi.

Je comprends de moins en moins son attitude. Pourquoi ce rendez-vous ? Pourquoi vouloir à tout prix me régler ? Pourquoi fuir aussi précipitamment cet escort boy qu'elle a elle-même embauché ?

J'ai besoin d'explications, Hélène, j'ai besoin de savoir pourquoi tu me congédies sans même m'avoir essayé. J'ai besoin de savoir pourquoi tu as peur de ma bite, parce que j'ai envie de te désinhiber, de débloquer ce que tu ne t'autorises plus pour que tu puisses enfin redécouvrir le plaisir des sens sans aucune retenue.

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