La leçon de patriotisme

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 Rick recrache la fumée de sa cigarette, qui s’en va caresser le plafond de la loge. « Monsieur le président, dit-il ensuite, je ne suis pas venu ici pour vous raconter des anecdotes. Je viens vous avertir d’un immense danger, un danger pour l’Amérique.

 — Quoi ! » s’écrie furieusement le président Donaldson.

 Celui-ci se précipite dans la pièce aux murs tapissés de diodes, puis appuie violemment sur l’interrupteur du Maccart-O-Tron. La machine relance une analyse. Le résultat est négatif : il n’y a aucune menace. « Eh bien, qu’en dites-vous ? Dites, vous devriez arrêter de fumer votre dope…

 — Il y a un problème, dit le shérif en observant l’hologramme.

 — C’est plutôt vous qui avez un problème !

 — Monsieur le président, sauf votre respect, votre matériel déconne : Mars est totalement absente de la carte !

 — Ah, ça… »

 Le président Donaldson se tripote les mains de gêne. « C’est que… nous avons supprimé cette planète de la mémoire du Maccart-O-Tron. Ça ralentissait les analyses, et puis Dieu sait qu’il ne se passera jamais rien sur Mars.

 — Mais elle est en territoire américain !

 — Bien sûr, approuve le président. La planète reste malgré tout une colonie des États-Unis. Toutefois, nous avons jugé préférable de l’écarter de nos esprits, afin de pouvoir traiter de plus gros problèmes — tel le communisme vénusien. Voyez-cela comme une sorte d’indépendance, shérif Storm. Mars est libre !

 — Libre d’être saccagée, surtout ! s’écrie Rick. Voilà une semaine que des Grecs de l’Espace la tyrannisent, et ce pour une poignée de calcium.

 — Des Grecs de l’Espace ?

 — C’est cela. Dirigés par un certain Zéphistos.

 — Et son bras droit, c’est qui ? ’’Kassos’’ ?

 — Déjà faite, monsieur le président.

 — Mais que diable fumez-vous ?

 — Du tabac — amélioré. Mais ce n’est pas la question, président : je suis on ne peut plus sérieux. Le sol américain est bafoué au moment même où nous parlons. Les habitants de Mars attendent l’Aigle, monsieur le président, ils vous attendent vous ! Notre armée est bien plus puissante que celle des Grecs de l’Espace : si vous envoyez les troupes, ces salops n’auront aucune chance de gagner.

 — C’est que… c’est un peu compliqué, à vrai dire. Nos forces militaires sont sur le qui-vive depuis les insurrections de Vénus. C’est une poudrière, là-bas ! Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser le communisme exploser. Mercure serait la première touchée, et nous savons tous deux les conséquences que cela impliquerait.

 — Vous n’avez pas à envoyer toute l’armée, dit Rick d’un ton désespéré. Mars est petite ; la flotte des Grecs ne compte que cinq galères. DES GALERES, monsieur le président ! Elles sont en bois, pour l’amour de Dieu, EN BOIS ! La seule menace — et encore ! — serait l’espèce d’acropole volante qui leur sert de forteresse.

 — Eh bien, s’ils sont si minables, ces ’’Grecs de l’Espace’’, pourquoi ne pas vous en occuper vous-même ?

 — Parce que c’est impossible ! Les seuls vaisseaux à notre disposition sont les navettes de retraites qui nous arrosent de vieux. Je vous laisse imaginez à quoi elles ressemblent : c’est pas joli-joli. Et puis on ne peut pas fourrer tout le monde dans Tempête !

 — Tempête ?

 — Tempête, mon cheval.

 — Vous avez appelé votre cheval ’’Tempête’’ ?

 — OUI ! NON ! C’est son nom par défaut, bon sang de bonsoir, arrêtez de me faire chier avec ça ! C’est le modèle CMF Édition Tempête, mais je ne vais pas l’appeler MODELE CMF EDITION TEMPETE ! ALORS, JE L’APPELLE TEMPETE, MEME SI MON NOM EST ’’STORM’’, ET JE VOUS EMMERDE, MONSIEUR LE PRESIDENT ! »

 Le président Donaldson reste coi. « Inutile de se fâcher, dit-il quand Rick reprend sa couleur normale. Je vois que vous tenez à votre petite Mars, alors je vais me montrer magnanime. Après tout, c’est quand même moi qui ait signé votre étoile. Je vais voir ce que je peux faire, shérif Storm. En attendant, vous pouvez loger ici le temps que votre situation se clarifie auprès de la police.

 — J’aimerais passer un coup de fil, dit Rick en écrasant sa cigarette sur le rebord de la fenêtre. »

 Transition étoile. Cathy et Buck sont à bord de Tempête. Le cheval se dirige vers Jupiter. « Au moins, dit Cathy, le Faux Rick a eu ce qu’il méritait.

 — C’était assez amusant de voir la tête des policiers, quand Tempête a commencé à parler avec ta voix. L’enregistrement les aura définitivement convaincus. Tu as fait du bon travail, Cathy.

 — Merci Buck. Mais reste à retrouver le Vrai Rick. Quel as d’avoir réussi à s’échapper de la prison !

 — J'ai hâte qu'il me raconte tout dans les moindres détails. »

 Ils arrivent au péage de l’astroroute 140, puis Tempête vibre. « Que… ! Brrr, ça fait tout drôle dans…

 — Protocole Papillon », dit rapidement Cathy.

 Le cheval cesse de vibrer, puis une voix se fait entendre. « Cathy ? C’est moi, Rick…

 — Oh Rick, que c’est bon d’entendre le vrai toi !

 — Il y a un téléphone dans Tempête ?

 — C’était dans le manuel, Buck. Dis, Rick, reprend la jeune femme, où es-tu ?

 — Chez le président Donaldson, dit la voix du shérif. Tout va bien, pour vous ?

 — Un sacré fiasco de notre côté, dit Buck. Nous avons réussi à capturer le Faux Rick. La police a entendu ses aveux, te voilà hors de danger. Le problème, c’est que tu t’es évadé d’une prison Haute-Sécurité…

 — Haute-Sécurité, mon cul !

 — Rick, ça ne te ressemble pas ! J’ai l’impression d’entendre ton double.

 — Mon œil, je voulais dire. Faut me pardonner, je suis un tantinet contrarié. Je vous expliquerai tout cela demain. Le président va arranger mon cas. En attendant, bon retour sur Jupiter. »

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