Le diplomate

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Dans le silence, les foglets se réorganisent complètement : un nouvel interlocuteur, un nouvel environnement. Assise sur un banc, elle perçoit la chaleur du soleil virtuel à travers les feuilles des arbres, dans ce parc baigné par une brise fraîche. Le son de la circulation routière mué en un étrange bruit blanc renforce l'impression d’être proche d'un centre-ville. Heureusement, les hauts platanes, dont le vent fait chuchoter les feuilles sont aussi remarquablement chargés en oiseaux chantants.

L'avatar du nouvel arrivant se forme : un humain, sans aucune modification visible. Ses traits, s’ils sont fidèles à la réalité, semblent indiquer un âge d'une quarantaine d'année. Sa manière de respirer et l'apparence de son système sanguin démontrent qu'il ne s'est pas encore fait à la faible gravité de Mars.

La Solaire commence : « Bonjour, monsieur Verner. Je suis Aurore “Tsadir” » L'homme lui répond, tendant sa main, mais Tsadir l'interrompt : « Désolée, mais les foglets ne sont pas assez solides pour se serrer la main. De toutes façons, avec la latence, la sensation n'aurait pas été agréable. »

L'homme se rassied et regarde la jeune femme noyée dans la lumière vive du jour. Son visage mince arbore des yeux manifestement modifiés. Elle semble typée eurasienne, mais ses lèvres ne correspondent pas. Elle porte une veste argentée et des gants noirs. Certains angles de ses vêtements soulignent la présence d'une armure, tranchant avec la sérénité des lieux virtuels.

À la lumière de cette dernière observation, Verner se fait lentement à l'idée qu'il ne s'agit pas d'une hôtesse. Est-ce qu'on lui aurait servi un mercenaire de synthèse, un de ces réplicants augmentés dont la simple existence semble terroriser la Terre ?

Souhaitant éviter un discours coûteux en temps bien réel, Tsadir continue, directe : « On m'a demandé d'accompagner votre fils lors de son voyage depuis la Terre. J'aimerais vous poser quelques questions à son sujet, pour m'assurer que le vol se fera sans soucis. »

Le diplomate accepte, feignant un certain confort. Malgré tout, quelques brides de stress et mensonge passent au travers du lecteur d'intention. L'interrogatoire informel commence alors.

Curieusement, Verner se montre remarquablement évasif concernant son fils, et Tsadir se montre de plus en plus méfiante. L'homme s'en rend compte et tente quelques manœuvres rhétoriques qui échouent. La lassitude de Tsadir commence à s’étendre et tente une approche plus audacieuse, plus directe, cherchant à exposer au jour l’objet de ses soupçons.

« Est-ce que votre fils est actuellement en danger ? »

La question désarçonne l’homme qui tente de reporter l’attention sur un autre sujet. Il commence à évoquer Tsadir elle-même et d’un ton flatteur essaie de mettre en lumière ses compétences supposées. Par ses capacités d’orateur, Verner transforme son discourt, passant par de nombreuses éloges sur la future prestation de la femme augmentée.

Finalement, il atteint le point critique où ses compliments deviennent les éléments d’une pitoyable tentative de séduction. Devant cet affront, Tsadir met instantanément fin à l’entretient, plongeant son espace virtuel dans les ténèbres par une déconnexion brutale. Tsadir jure intérieurement que s'il ne s'agissait pas d'un diplomate terrien, elle serait descendue là-bas pour lui arracher ses secrets par la force !

Son intelligence artificielle de supervision écrase froidement le sentiment de colère résiduel et concentre les idées de la cyborg sur la prochaine étape : trouver un coéquipier. Tandis que les foglets se réorganisent, dessinant quelques motifs géométriques éphémères, elle réfléchit à la personne destinée à l’accompagner à la place du misérable terrien.

Parcourant les dossiers de son exo-mémoire [il s’agit de l’ensemble des données stoquées sur le réseau qui sont accessibles comme le prolongement virtuel de sa propre mémoire], elle retrouve cette curieuse recommandation d’un contact de la brumeuse Titan. Oui, elle sera parfaite pour la mission.

Reste le voyage, Titan ce n’est pas la porte d’à côté mais en devant elle-même simple lumière, elle aura le temps de faire l’aller et le retour avant le départ vers la planète interdite.

La jeune femme quitte sa chambre, désormais plongée dans l’obscurité et traversant un hall abondamment illuminé pas la lumière solaire diffusée par les larges panneaux du plafond, elle gagne l’unique rue de la station orbitale. La cité spatiale grouille de vie et les gens s'affairent en tout sens. Le plafond central de l’anneau, une gigantesque baie vitrée, offre un majestueux panorama de Mars qui s’étend bien au-delà de cette ouverture lumineuse.

Tsadir y jette un dernier regard émerveillé puis se concentre sur son objectif : le centre d’upload.

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