L'appartement en travaux

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Thierry gara sa voiture sur le parking de la “Résidence du Parc”. Il claqua la porte et admira son oeuvre.

Le bâtiment était de facture contemporaine, aux enduits clair et aux larges fenêtres. Un attique en retrait, bardé de zinc, couronnait les trois premiers niveaux. Des jardins ceinturaient la construction, chacun attribué à un résident du rez-de-chaussée. Il était très fier de cette opération, c'était sa première en tant qu'indépendant. Si seulement il n’y avait pas une ombre aussi dure au tableau...

Il se dirigea vers le hall et rejoignit Alain, l'architecte qui avait conçu le projet et suivi les travaux. Il connaissait le bâtiment comme sa poche, des fondations à l'acrotère. Les deux hommes se saluèrent amicalement.

  • Toujours cet appartement maudit qui te mine le moral ?, demanda Alain.
  • Tu n'imagines pas, soupira Thierry. Trois acquéreurs viennent le visiter, j'ai besoin de toi pour étudier leurs demandes de modification. Si elles te semblent réalisables techniquement, on signe sur le champ. Je ne tiens pas à laisser passer une vente sur ce logement. Je suis même prêt à beaucoup de concessions pour m'en débarrasser.
  • Tu as pensé à diminuer le prix ?
  • Bien évidemment ! Je l’ai diminué de moitié ! Je n'ai plus aucune marge ! Je le vends à perte ! Je vais y laisser un sacré paquet de plumes, sans compter les éventuels travaux !

Le portable de Thierry sonna. Un des acquéreurs venait d'avoir un accident de voiture et ne pourrait être présent au rendez-vous. La journée s'annonçait mal. De longues minutes supplémentaires s'écoulèrent dans un silence de plomb, avant que le téléphone ne sonne de nouveau. Le second rendez-vous avait eu un contretemps médical et ne pouvait non plus assurer la visite de l'appartement. Finalement, le dernier acquéreur potentiel arriva quelques minutes plus tard. Thierry accueillit la jeune femme avec une poignée de main chaleureuse.

  • Merci d'avoir pu vous libérer. Thierry Carot, SH Promotion et voici Alain Duchemin, l'architecte de l'opération. Je vous propose qu'on monte de suite voir l'appartement ?

La jeune femme accepta avec enthousiasme la proposition et suivit les deux hommes dans la hall et les couloirs de la résidence. Les parties commune avaient été décorées avec goût. Thierry avait tenu à choisir lui-même les finitions, ne comptant que sur lui-même pour valoriser l'image de son immeuble. Il vantait les mérites de chaque revêtement, chantait les louanges des papiers peints et boiseries et ne comptait sur Alain que pour répondre à quelques points techniques sur d'éventuelles modifications. Thierry connaissait son texte par coeur, il avait dirigé tellement de visites pour ce logement que c'en était presque une rengaine.

Ils arrivèrent tous les trois devant la porte plaquée de chêne, ornée qu'une plaque d'étain gravée du numéro treize. Au bout du couloir, la porte semblait isolée du reste de l'immeuble. Les chambranles de bois massifs, décorés de volutes et moulures, donnaient un aspect solennel, voire même irréel à l'entrée. Thierry était très fier des détails qu'il avait dessiné lui-même. Cet immeuble était sa plus grande fierté, comme un animal de foire qu'il exhibait à tout va.

Il ouvrit la porte et invita sa cliente à pénétrer dans l'appartement de deux pièces. Trois immenses baies vitrées donnaient sur un parc richement arboré d'où s'élevait un doux gazouillis d'oisillons. Un couloir court donnait sur la chambre, tout aussi lumineuse et confortable que le séjour. Enfin, la salle de douche était décorée avec goût et modernité, et dotées des équipements les plus performants.

La cliente était conquise par la qualité des espaces et des finitions. Elle semblait envoûtée par la beauté des lieux. Elle ne discuta ni le prix, ni d'éventuels travaux modificatifs. Elle accepta de signer la réservation de l'appartement et de verser un acompte conséquent. Thierry était fébrile, sa main tremblait alors qu'il contre-signait les documents. En une demi-heure, le rendez-vous était terminé et sa cliente partait avec l'acte de réservation sous le bras. Thierry n'en croyait pas ses yeux, ni ses oreilles. C'était enfin terminé. L'appartement était vendu. Enfin. Il ne restait qu'un délai de quatorze jours pendant lequel la cliente pouvait se désister. Le promoteur et l'architecte quittèrent l'appartement, prêts à fêter comme il se devait la réservation tant attendue.

Arrivés dans le hall, Thierry reconnut un des résidents. Il avait vendu à cet homme l'appartement numéro douze il y a sept ans. Il le salua avec entrain et l'informa qu'il aurait d'ici quelques mois une nouvelle charmante voisine. L'habitant semblait impassible à la nouvelle et rentra dans son appartement.

La soirée qui s'ensuivit fut mémorable. Thierry avait attendu avec une telle impatience cette vente que le champagne coula à flot jusqu'au bout de la nuit. Il vécut les deux semaines suivantes avec une certaine appréhension, craignant une perte de la vente.

Enfin, le quatorzième jour suivant la réservation, un courrier recommandé arriva sur le bureau de Thierry. La cliente se rétractait.

  • Je suis maudit..., pesta Thierry.

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