Thierry avançait dans le couloir, un épais dossier sous la bras. Son pas était vif et cadencé. A chaque bureau, il jetait un oeil par la porte vitrée, inspectant l'activité de ses collaborateurs. Chacun de ses chargés d'opération était animé par la même verve, la même énergie, la même volonté de produire des programmes immobiliers de qualité.

Thierry parvint à la salle de réunion où l'attendait Mickaël, un commercial en immobilier avec qui il collaborait bien avant qu'il ne fonde sa propre société de promotion immobilière.

Ils se saluèrent et prirent place chacun sur un des sièges confortables qui entourait une table ovale en bois précieux.

• Alors, comment vont nos ventes ? Les derniers programmes se vendent bien ?
• Tout dépend lesquels. Nous avons un problème avec le lancement de "L'Hugo", à cause des récents problèmes de délinquance dans ce quartier. Je pense que nous devons attendre que les chaînes d'infos se lassent du sujet, que les politiques reprennent la parole, et nos clients devraient être rassurés. Mais c'est tout autre chose qui me pose davantage de soucis en ce moment...
• Ta femme ?, se moquait Thierry.
• Non, je veux te parler de la “Résidence du Parc”.
• Ah, encore ce sujet là…

Thierry n'écoutait que d'une oreille. Il ne connaissait que trop bien ce programme. C'était le premier projet monté par sa société, il avait été sa carte de visite pour nombre de nouvelles opérations. Un programme immobilier vendu en un temps record, avec pour seul logement restant à vendre le lot numéro treize. L'immeuble était sorti de terre depuis six ans, et aucune vente n'avait été conclue pour cet appartement.

Bien sur, plusieurs clients s'étaient portés acquéreurs pour ce logement qui ne manquait pas de qualités. Il disposait de multiples orientations et plusieurs balcons permettait à chaque pièce de vie de disposer d'un extérieur ensoleillé et avec une vue imprenable sur un parc boisé. Il était situé loin de toute nuisance. Enfin, aucun vis-à-vis ne pouvait perturber l'intimité de ses habitants.

Cet appartement avait toutes les qualités pour être vendu très rapidement et à prix d’or. Et pourtant, il restait sur les bras du promoteur. Parmi les différents clients qui ont souhaité acquérir ce logement, deux couples se sont séparés avant la signature chez le notaire, cinq acquéreurs pourtant très aisés ont vu leur prêt refusé, et un est même mort quelques jours après avoir visité l'appartement construit. Ce lot numéro treize portait à son paroxysme la réputation funeste de ce nombre.

• Bon, que se passe-t-il encore ? Je suppose qu'il n'est pas encore vendu ? Tu m'aurais appelé si un acquéreur avait signé, eu son prêt, réussi à préserver son couple et vaincu la mort ?
• Évidemment, penses-tu. Mais j'envisage d'arrêter purement et simplement sa vente. Prends ça comme tu le veux, mais mes deux commerciaux en charge de ce secteur sont en arrêt maladie longue durée.
• Mince, que s'est-il passé ?
• AVC pour Georges, cancer du sein pour Candice. Et personne ne veut reprendre le secteur, on dit que ce projet est maudit.
• Merde, mais ce n'est pas possible ! Comment va-t-on faire ? Il faut que tu me trouves une solution ! Et rapidement !
• J'y travaille depuis des mois, mais avec deux paires de bras en moins, ça devient compliqué. Il va falloir que je reprenne le dossier moi même, et je ne veux pas y laisser ma peau. J'ai une famille, moi aussi. Je ne veux pas être le prochain sur la liste.