Chapitre 9 : Un cookie

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- Mia, réveille-toi ! On va être en retard !

Mia émergea lentement alors qu'on lui secouait les épaules. Grognant, elle finit par ouvrir les yeux pour tomber sur son amie fée. Elle n'avait jamais été du matin -ou du réveil tout court-, et sa mauvaise humeur ne manquait jamais de pointer le bout de son nez quand on la tirait de son sommeil. Néanmoins, elle se leva rapidement pour ne pas trop faire attendre son amie.

A chaque fois qu'elle croisait une des fées dans les cinq minutes suivant son réveil, elle avait toujours cette impression d'être encore en plein rêve. Souhaitant dissiper le brouillard qui régnait dans son esprit, elle se dirigea vers le lavabo pour s'asperger le visage d'eau fraîche.

Lily tapait du pied, impatiente.

- Il faut vraiment qu'on y aille maintenant ! râla la jeune fée.

- J'arrive, j'arrive, maugréa Mia.

Quand elles traversèrent le couloir, la blonde put constater qu'elles étaient les dernières à partir. Elle se sentit un peu mal pour son amie qui avait consenti à l'accompagner pour ne pas qu'elle se retrouve seule puisqu'elle n'avait aucune idée de comment se déroulait l'événement, alors qu'elle avait peut-être initialement prévu d'y aller avec ses congénères.

Elles quittèrent rapidement l'intérieur du château -l'infirmerie était la première aile à gauche en entrant dans le bâtiment- et le contournèrent en suivant le petit chemin de bitume qui encerclait la bâtisse. Une fois à l'arrière, Mia put apercevoir la fameuse forêt des centaures. Elle n'avait pas encore exploré cette partie de l'extérieur, puisqu'Arry lui avait intimé de ne pas trop s'approcher de leur territoire. En soi, c'était une forêt tout ce qu'il y avait de plus banal. Elle était composée d'arbres épais au feuillage dense, ne laissant pas entrevoir grand chose au-delà de sa lisière. Toutefois, elle ne semblait pas bien grande, puisqu'elle pouvait clairement apercevoir une falaise l'encerclant en arc de cercle. Un peu à la manière d'un mur érigé, sauf qu'on aurait plutôt dit que la montagne avait été taillée pour accueillir la petite forêt.

Elles s'engagèrent dans un petit chemin de terre qui semblait donner sur la montagne, ce qui mit fin à l'observation de Mia concernant l'habitat des centaures.

- Cette entrée est réservée aux habitants de l'école. Il y a une plus grande entrée de l'autre côté pour accueillir les visiteurs, l'informa Lily.

Mia hocha la tête pour signifier qu'elle l'avait entendue.

Rapidement, le chemin de terre les mena dans une sorte de tunnel qui traversait la montagne. Elles allaient littéralement marcher dans la montagne. Mia n'était pas claustrophobe, mais l'idée de s'engager dans un chemin à peine assez étroit pour que deux personnes y marchent côte à côte et enseveli sous le sommet de la montagne ne la réjouissait pas tant que cela. Néanmoins, les petites boules de lumière virevoltant au plafond et éclairant les lieux la rassura quand elle se rappela que toute la structure devait être magique et que, par conséquent, elle ne risquait à priori pas grand chose. Elle n'avait pas encore totalement assimilé l'existence ni le fonctionnement de la magie pour en avoir bêtement confiance, mais elle commençait tout doucement à se faire à l'idée que c'était tout à fait fonctionnel.

Lily ouvrit la marche en rabattant ses ailes dans son dos pour lui faire assez de place dans le chemin afin qu'elles marchent au même niveau. En l'observant, Mia dut bien admettre qu'avoir des ailes ne semblait pas être aussi merveilleux que ce qu'elle croyait. Même, elles lui paraissaient plutôt encombrantes à ce moment là. D'ailleurs, elle n'avait encore jamais vu aucune fée les utiliser. Pouvaient-elles vraiment voler avec ? Ou n'était-ce qu'une sorte d'ornement au final ?

Avant de pouvoir lui poser la question, elle se ravisa, son esprit se concentrant sur le volume montant du brouhaha qu'elle entendait au bout du tunnel. Plus elle approchait, plus elle avait l'impression d'entrer dans un gigantesque stade, tant le bruit était assourdissant.

Lily s'arrêta à quelques mètres de la sortie et se tourna vers la blonde.

- Il y a une tribune pour les élèves qui ne participent pas au tournoi à gauche. C'est celle qui offre la meilleure vue, et tu y seras plus tranquille qu'au milieu des familles. Je vais devoir y aller.

- Tu ne restes pas avec moi ? s'enquit Mia en criant à moitié, autant pour se faire entendre à travers les cris de la foule que parce que cette perspective ne l'enchantait pas du tout.

- Oh mince, Arry ne t'a pas dit ? Les fées ont une tribune spéciale plus proche du terrain pour récupérer les blessés. Je dois travailler, tu sais, expliqua-t-elle avec une grimace désolée.

- C'est vrai, c'est logique, excuse-moi. Ça ira pour moi, vas-y, tu es déjà en retard.

- Désolée.

Elles parcoururent les derniers pas les séparant du bout du tunnel ensemble. Juste avant la sortie, un escalier s'enfonçait dans le cœur de la montagne. Lily lui adressa un signe d'au revoir de la main et disparut, la laissant seule.

Mia expira longuement en se retournant vers sa destination. D'ici, elle ne voyait quasiment rien. La lumière, excessivement éblouissante, lui bloquait complètement la vue. Après une dernière expiration, elle traversa l'ouverture.

Ses yeux clignèrent quelques fois pour s'habituer à la nouvelle luminosité de l'environnement.

Avant qu'elle ne puisse commencer à observer les lieux, on l'arrêta pour lui demander son ticket. Nerveusement, elle le tira de sa poche et le tendit à une femme d'une quarantaine d'années qui le lui rendit après vérification.

Quand elle put enfin scruter les alentours, son souffle se bloqua dans sa poitrine. Elle se trouvait sur une gigantesque place en pierre, au flanc de la montagne, de l'autre côté de l'école, recouvert de gradins taillés dans la pierre s'élevant sur plusieurs mètres. La place était également entièrement taillée dans la montagne. Au bout des gradins, un petit rebord séparait la place du vide de quelques mètres. Toute la structure surplombait ce qu'elle supposa être l'arène. En un sens, cela lui rappela les immenses amphithéâtres antiques érigés dans son monde, mis à part le fait que c'était deux fois plus grand que le Colisée lui-même, et que les tribunes ne formaient pas un cercle tout autour de l'arène, mais plutôt un demi-cercle recouvrant un quart de sa surface.

Son regard se posa ensuite sur la population dans les gradins. Au premier abord, ils semblaient tous humains, certains discutant, d'autres encourageant déjà les combattants. Pendant une seconde, elle avait l'impression d'assister à un match de foot. Sauf qu'il était question d'affrontements entre différentes créatures potentiellement mortelles encouragés par d'autres créatures potentiellement mortelles.

Quand elle regardait bien, elle pouvait apercevoir un espace sans gradins réservé aux centaures plus loin sur la place. Elle les observa quelques secondes, puisque c'était la première fois qu'elle en croisait autrement qu'en entendant leurs sabots au loin. Ils étaient discrets, et elle soupçonnait qu'ils n'aient pas cours dans les recoins les plus animés du château.

Comme elle s'y attendait, leur anatomie était divisée à la taille entre le cheval et l'homme. Leurs cheveux étaient similaires à la crinière d'un cheval puisqu'ils étaient en réalité faits de crin. La plupart des individus les avaient longs et coiffés en des sortes de dreadlocks épaisses. Leur peau humaine et animale était uniforme en une couleur se déclinant du blanc au noir. Chacun semblait avoir sa pigmentation propre puis-qu'aucun ne se ressemblait. C'était comme si des individus représentant toutes les couleurs de peau humaines du monde s'était réunis au même endroit pour offrir un panel impression de diversité. Cela la chagrina un instant de penser qu'une telle réunion dans son propre monde était probablement vouée à l'échec.

Alors qu'elle était perdue dans son observation, une poigne lui saisit l'avant-bras pour la tirer en avant. Elle s'était laissée traîner de quelques pas avant de comprendre ce qu'il lui arrivait. Quand elle reconnut son agresseur, elle essaya tant bien que mal de gesticuler pour détacher sa main, mais il tint bon et continua à la faire avancer.

- Mais tu vas me lâcher, oui ?! Hurla-t-elle, ignorant l'attention qu'elle apportait sur leur personne.

- Tais-toi et avance, ordonna-t-il, tout le monde te regarde.

Elle voulut protester, mais il lui intima le silence une nouvelle fois. Elle ravala sa fierté en constatant qu'effectivement certains la dévisageaient outrancièrement. Pour faire passer la pilule, elle se convint qu'elle se taisait parce qu'elle ne voulait pas se donner en spectacle et non parce qu'il le lui avait ordonné.

Enfin, il finit par la lâcher devant un gradin vide et lui somma d'un geste de la main de s'asseoir. Ce qu'elle refusa de faire, bien sûr.

- C'était quoi, ce cirque ? Qu'est ce que tu me veux ? Aux dernières nouvelles, on se connaît pas. Ça devient tout doucement du harcèlement, là, rugit-elle, verte.

Il grimaça, visiblement saoulé par sa tirade, en inspirant longuement pour calmer l'énervement qui lui montait au nez. Au moins, ce n'était pas de la haine.

- Tu faisais le poteau en plein milieu de l'entrée avec la bouche à moitié ouverte. Tout le monde te regardait comme si tu étais une demeurée, ce qu'ils attendent exactement venant de la part d'une humaine. Tu pourrais au moins me remercier, j'aurais pu te laisser te ridiculiser un peu plus, ricana-t-il.

La gêne qu'elle ressentit quand il lui décrit son attitude se dissipa rapidement pour faire place à de l'agacement. Pour qui se prenait-il, au juste ? Elle secoua la tête en roulant des yeux et en agitant les bras, jouant l'écervelée.

- Waw, merci ! Qu'est ce que j'aurais fait sans toi ! Mon sauveur ! railla-t-elle, sarcastique. Tu veux un cookie ?

- Une humaine avec un caractère de chien et un jeu d'acteur pitoyable, ça commence à faire beaucoup de défauts pour une si petite personne !

- Tu... commença-t-elle, aussitôt interrompue par une symphonie de klaxons indiquant le début du tournoi.

Il en profita pour filer quelques mètres plus loin et s'asseoir sur un des gradins surplombant le sien. Elle avait l'impression qu'il avait choisi cette exacte place pour se trouver pile derrière elle et surveiller ses moindres faits et gestes. Ce n'était pas comme si la place manquait, puisque pour les quelques cinquantaines de personne que l'on pouvait caler dans cette tribune, il devait y avoir un groupe de cinq ou six étudiants occupant les sièges les plus éloignés du sien.

Avant de s'asseoir en lui tournant le dos, elle lui lança un dernier regard foudroyant qu'il répondit par un sourire sournois. Quel homme détestable, se dit-elle. Bien qu'elle dut reconnaître que, cette fois-ci, la haine et le mépris dans son regard et son comportement semblaient s'être un peu atténué pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas.

Ne souhaitant pas gâcher la découverte de son premier tournoi, elle préféra occulter toute trace du vila de son esprit. De toute façon, elle n'en avait pas grand chose à faire et ne souhaitait pas perdre un seul instant à essayer de comprendre son attitude. Il ne le méritait pas.

Enfin, le tournoi commençait.

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