Chapitre 10 : A feu et à sang

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L'arène se composait de plusieurs zones de combat différentes : une forêt, un plateau de sable et un pan rocailleux de la montagne. Sous l'édifice en pierre des gradins, Mia pouvait apercevoir cinq gigantesques portes en fer noir qui desservaient le plateau.

La place devint silencieuse alors qu'un bruit métallique retentit, amplifié par l'acoustique de la montagne. Quand le bruit s'arrêta, elle retint son souffle. Elle n'aurait su dire si c'était l'appréhension de ce à quoi elle allait assister ou si c'était l'excitation qui commençait à la gagner, émotion qui semblait se répandre comme une traînée de poudre dans les rangs des spectateurs. Un sentiment d'irréel l'enveloppait alors que les concurrents se déversaient dans l'arène.

Vampires, loup-garous, centaures, sorciers et vilas foulèrent le sable de leurs pas, chaque race à l'unisson, à leur propre rythme. Mia bondit de son banc et se précipita à la rambarde pour tenter d'apercevoir son amie Arry. Elle reconnut sa chevelure rousse et sa silhouette tant bien que mal à travers les autres sorciers. Oz était à ses côtés, la queue remuant d'excitation. Ils devaient n'être pas moins de quatre cents. Les loup-garous étaient les deuxièmes plus nombreux avec environ deux-cents individus. Les vampires étaient une petite centaine, tout comme les centaures. Les vilas n'étaient que cinq.

Mia se rassit, constatant qu'elle ne pourrait pas observer son amie plus attentivement avec la foule de sorciers l'entourant. Ceux-ci s'étaient arrêtés au centre du plateau, visibles par tous, tournés en direction des estrades. Mia suivit leur regard jusqu'à un petit balcon qu'elle n'avait pas remarqué avant. Il se situait bien plus haut que la place sur laquelle elle se trouvait, et ne comportait que quelques sièges en pierre sur lesquels trônaient quelques individus qu'elle n'avait jamais vu. Selon toute logique, le balcon était réservé à des individus importants.

Sûrement le directeur et quelques autres professeurs, se dit-elle en tentant de les observer.

Elle crut reconnaître les cheveux blonds de Vassili, mais elle ne voyait rien d'autre que des silhouettes abstraites à cette distance. Pendant son observation, un individu se leva de son siège et s'avança pour faire face à l'arène. Il avait une silhouette fine et des cheveux grisonnants. Elle supposa qu'il devait être le directeur de l'école.

– Bienvenue à vous, élèves, amis et famille, en ce magnifique jour de tournoi. Puisse-t-il se dérouler dans l'honneur et la camaraderie, à l'image des précédents. Élèves, je vous rappelle qu'il est défendu de tuer votre adversaire ainsi que de porter atteinte au public. Le Tournoi n'est pas un massacre et celui qui déroge à ces deux règles sera puni en conséquence.

Sa voix résonna contre les parois de la montagne, remplissant l'arène silencieuse. Mia soupçonnait que la magie l'aidait à propager ses paroles. Elle ne savait pas si c'était possible, mais cela semblait extrêmement probable. Son ton semblait léger et enjoué, mais ses mots étaient durs et lourds de conséquences. Ce n'était qu'un rappel de ce qui ne devait pas arriver, et, malgré la confirmation qu'aucun tournoi ne s'était mal déroulé avant, il n'en restait pas moins que la possibilité que celui-ci dérape était bien réelle.

Il n'y a aucune raison que ça passe mal, se rassura-t-elle en dissipant rapidement de telles pensées.

– A présent... Que le Tournoi commence ! rugit le directeur en élevant ses mains en l'air et en les abaissant rapidement pour marquer le départ.

L'euphorie la gagna au même titre que les autres spectateurs quand la symphonie de klaxons retentit encore une fois alors que les compétiteurs se dispersaient dans toute l'arène. Chaque race semblait choisir son terrain de prédilection en fonction de leurs habilités. Les loup-garous et les centaures se réfugièrent dans la forêt et les vampires se précipitèrent vers la montagne. Les sorciers se recomposèrent en petits groupes et s'éparpillèrent dans toutes les zones selon leur type de magie et les vilas suivirent le même schéma en s'éparpillant.

Ils ne sont déjà pas bien nombreux, mais en plus ils ne restent pas ensemble ? se demanda-t-elle, curieuse. Peut-être que je pourrais poser la question à celui derrière moi...

Mia ravala bien vite sa question quand elle se tourna pour lui faire face et qu'il déposa un regard sévère sur sa petite personne.

–Quoi ? lui envoya-t-il d'un ton blasé.

Ok, on va peut-être éviter.

Elle ne s'embêta même pas à lui répondre et se repositionna vers l'arène.

Pendant les deux premières minutes, elle aurait pu entendre une mouche voler. Il n'y avait aucun mouvement, aucun bruit, rien qui n'indiquait que des créatures s'apprêtaient à se mesurer les unes aux autres. Puis l'atmosphère se modifia et devint lourde, pesante. Si le ciel n'avait pas été dénué du moindre nuage, elle aurait parié que le tonnerre allait rugir. Et elle n'était pas si loin de la vérité.

En quelques secondes, plusieurs détonations se firent entendre à divers endroits de l'arène. Des rugissements commencèrent à résonner et le chaos se répandit dans l'arène. Les combats avaient commencé. Le public, enivré, rugit à l'unisson pour encourager les membres de leur espèce. Mia avait l'impression que son cœur allait exploser sous la tension, mais son esprit était aussi captivé que la foule.

Ses yeux n'arrivèrent pas à capter toutes les informations qu'ils recevaient, mais elle put en apprendre énormément sur les capacités des races. Les loup-garous et les vampires se battaient principalement avec leurs crocs et leurs griffes, ce qui n'avait rien de surprenant. C'était ce à quoi elle s'attendait, autant pour leur capacité que pour leur apparence. Les loup-garous se métamorphosaient en de grands et puissants loups, des créatures peut-être légèrement plus grandes comparé à comment ils étaient représentés dans son monde, et les vampires gardaient leur apparence humanoïde, si ce n'était leur visage et leur teint décomposé qui leur donnait l'allure d'un mort vivant. Les centaures étaient des créatures rapides et puissantes qui se battaient à main nue, galopant dans la forêt et utilisant leur entourage à leur avantage pour surprendre leurs ennemis. Elle put en apercevoir un ou deux à l'action quand certains arbres furent déracinés par ce qu'elle supposa être un sort magique. Les vilas... elle n'en savait rien parce qu'elle n'arrivait pas à les reconnaître. S'ils se métamorphosaient en autre chose que leur apparence d'être humain, elle ne les avait pas aperçus.

Les sorciers, quant à eux... s'attendre à de la magie et la voir à l'action n'étaient définitivement pas la même chose. Certains lançaient des boules de feu, d'autres projetaient des rochers, d'autres encore se transformaient en divers animaux selon les situations : aigles, tigres, loups, ours... Les plus discrets étaient les sorciers spécialisés en sortilèges qui semblaient miser sur des placements stratégiques et des pièges. Elle ne les voyait jamais à l'action en combat direct, mais le résultat de leurs sortilèges étaient épatants. Immobilisation, invalidité, explosions, miasmes, projections... Ils avaient choisi le plateau comme terrain de prédilection qu'ils avaient jonché d'obstacles afin de pouvoir combattre à distance.

Des frissons remontèrent le long de sa colonne vertébrale en constatant que toutes ces attaques ne semblaient pas si inoffensives que cela.

C'est parce que je suis une humaine sans défenses, se conforta-t-elle, ils sont beaucoup plus solides qu'ils en ont l'air.

Un brouhaha de chuchotements commença à se former dans les gradins. L'ambiance festive du Tournoi se transformait en une atmosphère pesante et nerveuse. Pour Mia qui n'avait jamais vu de tournoi, c'était impossible de savoir pourquoi la tension montait entre les spectateurs. Pourtant, quelque chose lui disait que le déroulement des événements n'était pas celui attendu...

Dans la mêlée, le regard de Mia tomba sur Arry se battant aux côtés d'Oz et d'un autre magicien. Ils s'étaient regroupés sur le plateau pour échapper à la horde de loup-garous qui les avaient pris en chasse. La zone de combat était divisée en deux camps : les loups-garous dans leur forme canine d'un côté et les sorciers de l'autre. Les deux groupes se jaugèrent un instant, comme si chaque camp attendait que l'autre ouvre les hostilités. Finalement, un des loups s'avança et rugit, son hurlement suivi par ses camarades. Ils se précipitèrent vers les sorciers, crocs et griffes prêts à soumettre leurs adversaires.

Mia se précipita à la rambarde pour avoir une meilleure vue de las cène. L'inquiétude commençait à lui glacer le cerveau alors que son amie s'apprêtait à riposter. Ils étaient inférieurs en nombre : une dizaine de sorciers contre une trentaine de loups.

Le sorcier a ses côtés remua les mains un instant et souffla un épais miasme sur le champ de bataille. Ils étaient livrés à eux-mêmes à présent. Elle pouvait entendre les cris de protestation du public, frustrés de ne pas pouvoir assister à l'affrontement. Cela ne la rassura pas.

De toute façon, je ne peux rien faire pour aider Arry, à part espérer que ça va aller...

Des explosions retentirent, les flammes et le vent dispersant le miasme à certains endroits de la zone de combat, mais ce n'était pas suffisant pour observer l'affrontement. Le miasme se répandait à nouveau, encerclant tout le plateau dans ses moindres recoins. Mia et le public étaient complètement aveugles concernant le déroulement des événements.

Un hurlement retentit, suivi de plusieurs grognements assourdissants qui donnèrent la chair de poule à Mia. Cela n'annonçait rien de bon. Les quelques élèves à côté d'elle se précipitèrent à leur tour au bord de la place, agités. Un brouhaha s'élevait dans le public et la panique semblait gagner la foule.

Prenant son courage à deux mains, elle s'approcha du groupe d'étudiants. Ils ne remarquèrent même pas sa présence.

–Hum... excusez-moi... Qu'est ce qu'il se passe ? s'enquit-elle de sa voix rendue tremblante par l'appréhension.

Les étudiants tournèrent un moment la tête vers elle, mais se détournèrent rapidement. Peu importe ce qu'il se passait, c'était, semble-t-il, assez grave pour qu'ils ne s'offusquent pas de la prise de parole de la petite humaine.

–Le... le hurlement. Un loup-garou est tombé, lui répondit un jeune homme paniqué.

Tombé...? Mort ?

Une boule se forma dans sa gorge alors qu'elle retournait à sa place, abasourdie. Non pas qu'elle en avait quelque chose à faire qu'un loup-garou soit mort, mais son amie était en plein milieu de la mêlée, à la portée d'une horde enragée de loups ayant perdu un camarade. Ça ne pouvait rien annoncer de bon.

–Assez ! ordonna le directeur. Cessez tous combats et dispersez ce miasme ! Immobilisez ceux qui résistent !

Le message semblait viser les loups frénétiques et ivres de venger l'un des leurs. Les combats avaient cessé partout ailleurs et les étudiants se rassemblaient à présent sur le plateau pour maîtriser les combats. Les sorciers s'affairaient à dissiper le miasme de l'extérieur et à immobiliser certains loups-garous récalcitrants.

Mia crut que son cœur allait exploser alors qu'elle cherchait du regard son amie. Elle devait se trouver au cœur du miasme, partie encore dissimulée de l'arène, dans laquelle le combat semblait continuer à faire rage.

Soudain, le cœur du miasme noir se transforma en rouge à mesure que quelque chose grandissait en son sein. La chose, de plus en plus rouge, semblait agiter l'air autour d'elle, prête à se propulser de l'avant. Comme une boule de feu concentrée qui n'attendait que d'être lancée.

Qu'est ce que... ? Elle se dirige vers... moi ?

Quand la réalisation la frappa, tous ses muscles se tendirent. Incapable de bouger, tétanisée par la peur, elle fixa un court instant la boule de feu qui se rapprochait inexorablement de sa position et qui signerait son arrêt de mort. Ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes avant que l'intensité des flammes ne lui brûle les rétines.

Pas de seconde chance et d'autre monde cette fois...

Son souffle se coupa net quand elle sentit une pression contre son corps. Quelqu'un l'avait attrapée par l'épaule et l'avait encerclée de ses bras. Quand ses yeux se rouvrirent sous le choc, elle ne vit rien. L'obscurité l'encerclait totalement. Une seconde plus tard, l'impact les toucha. Sa tête fut propulsée en arrière alors que des mains la retenaient par les épaules. La chaleur des flammes lui monta à la tête, son corps se recouvrit d'une fine pellicule de sueur pour faire face à la montée de température.

Alors que le choc de l'impact l'avait arrachée des bras de l'inconnu pour la pousser quelques centimètres en arrière, elle le vit enfin. Le vila qui lui cherchait des noises depuis qu'elle l'avait croisé à la bibliothèque. Son visage était tordu par la douleur, mais ce n'était pas ce qui la choqua le plus. L'obscurité dans laquelle il les avait englobés était en train de disparaître. Des trous laissant passer la lumière et la chaleur se formèrent. Alors qu'elle tombait en arrière, elle les distingua. Ses ailes. De magnifiques ailes noires, ressemblant à celles des chauve-souris, si ce n'était qu'elles s'arrêtaient au bas de son dos. L'impact de la boule de feu les avait carbonisées, les dévorant comme une flamme dévore un papier.

Cette image l'emplit de tristesse pendant une demi-seconde, avant que sa tête n'atteigne le banc derrière elle et qu'elle sombre immédiatement dans l'inconscience.

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