Chapitre 6 : Dualité

3 minutes de lecture

Elle était revenue à la bibliothèque le lendemain. A la même table. Le menton relevé, les yeux concentrés sur sa lecture, seuls les petits tremblements de ses mains trahissaient sa nervosité. Et ça le mettait en rogne. Il avait l'impression qu'elle cherchait à le défier. Il avait réussi à la faire fuir une première fois, mais, cette fois-ci, elle semblait disposée à prendre possession des lieux en l'ignorant totalement.

Il ne voulait pas d'elle ici. Il ne voulait pas la voir se pavaner avec sa jolie frimousse et briser sa petite tranquillité. Il ne voulait pas avoir à lutter constamment contre son vila intérieur qui lui criait d'aller initier le contact avec elle. Et il ne voulait surtout pas que qui que ce soit, surtout pas ses confrères, découvre que son vila l'avait choisie, elle.

Alors il resta là, assis sur sa chaise, à lui lancer des éclairs en ne la quittant pas des yeux. Elle semblait imperturbable, mais il pouvait voir de temps en temps ses longs doigts fins se poser sur sa nuque pour la gratter nerveusement.

Après une trentaine de minutes, sa patience commençait à se faire la malle. Son vila intérieur ne lui laissait aucun répit. Son corps réagissait à la manière d'une démangeaison à laquelle on ne voudrait pas céder.

Il lui fallut trois minutes de plus pour finalement rendre les armes. Si son esprit était partagé entre aller lui parler et la faire dégager rapidement, il pouvait très bien faire les deux.

Peut-être ne le vit-elle pas arriver, ou faisait-elle exprès de l'ignorer, mais elle sursauta quand il posa brusquement ses deux paumes sur la table.

Enfin, elle daigna croiser son regard de ses yeux verts. Il y lut un mélange de peur, de méfiance et d'incertitude qui le déstabilisa une seconde. D'une certaine façon, il se détestait pour ce qu'il allait lui dire, mais c'était plus simple de la détester elle, puisque, si elle n'était jamais venue dans leur monde, il n'aurait pas eu besoin d'agir en conséquences.

– Les petits humains dans ton genre n'ont pas leur place ici. Il y a des gens ici qui aimeraient pouvoir lire tranquillement sans avoir à supporter la vision de ta faiblesse dégoûtante se promener entre les rayons comme si le lieu leur appartenait. Ce serait sympa de ta part de juste dégager, lança-t-il d'un ton glacé.

Les poings de la jeune femme se serrèrent et l'expression de son visage était partagé entre la stupeur et la rage. Pas exactement la réaction de peur à laquelle il s'attendait.

– Non, répondit-elle si faiblement qu'il avait eu du mal à l'entendre.

– Pardon ? rétorqua-t-il, sidéré.

– J'ai dit : non, répéta-t-elle, cette fois-ci avec plus d'assurance. Si la vue de ma personne te dérange, tu n'as qu'à fermer les yeux. La bibliothèque ne m'appartient pas, mais elle ne t'appartient pas non plus.

Il se pencha jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres de son visage, le regard plongé dans le sien. Elle avait cette lueur de défi au fond de l'œil qu'il aurait adoré remplacer par de la terreur. La petite veine de sa tempe pulsait sous la colère sourde qui montait en lui.

– Si tu ne comptes pas dégager par toi-même, c'est moi qui vais m'en occuper, grogna-t-il en lui agrippant le poignet.

Elle glapit sous la violence du geste et il desserra immédiatement sa prise, suffisamment pour ne pas lui faire mal. Son vila intérieur rugissait à présent, mécontent de son action.

– Lâche-moi, marmonna-t-elle.

D'un bond, elle se leva de sa chaise, la renversant au passage. Elle posa sa main sur la sienne et y planta ses ongles pour se soustraire de sa poigne.

– J'ai dit : lâche moi ! Espèce de psychopathe ! Hurla-t-elle, hystérique.

Le corps tout entier d'Ethan se figea pendant une seconde, son esprit lui répétant machinalement: lâche-la, lâche-la.

Finalement, il détacha sa main de son poignet. La première chose qui lui vint à l'esprit fut de prendre la fuite. Sans un regard pour la jeune femme, il se précipita vers la sortie alors qu'elle continuait à hurler« ne t'approche plus jamais de moi » « fou furieux » ou encore « complètement taré ».

Ce premier contact lui laissa un goût amer, à mi-chemin entre la frustration et la honte. Une partie de lui se sentait pitoyable de ne pas avoir réussi à la faire dégager, et l'autre partie enrageait totalement d'avoir poussé la jeune femme à le haïr profondément en quelques secondes.

Il espérait sincèrement qu'aucun de ses confrères vilas n'avait assisté à l'échange. Ils n'étaient pas stupides et comprendraient aisément pourquoi il avait perdu son calme aussi vite et pourquoi il l'avait lâchée subitement.

Quand il regagna sa chambre, il ne put empêcher son esprit de divaguer sur le souvenir de la chaleur de sa peau douce contre la sienne.

Merde, se dit-il.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Nelliël ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0