Chapitre 3 : L'Arena

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– Mia ?

– Hm ? Répondit la concernée, perdue dans ses pensées.

Mia s'était allongée en attendant sa guide, les bras derrière la tête, et fixait le plafond depuis une bonne vingtaine de minutes à présent. Elle ne l'avait même pas entendue entrer.

En se relevant pour s'asseoir, elle put détailler la nouvelle arrivante : des cheveux roux mi-longs plaqués en queue de cheval, des yeux verts émeraudes, des petites taches de rousseur disséminées sur son visage, de fines lèvres souriantes et un petit mètre cinquante-cinq composaient sa personne.

Pas d'ailes, d'yeux rouges, de crocs ou autres bizarreries. Au contraire, tout en elle respirait la sécurité, la douceur et la confiance. Mia l'apprécia immédiatement.

– Je m'appelle Arry. Je vais te faire visiter les alentours et essayer de t'apprendre tout ce que tu as besoin de savoir pour vivre confortablement parmi nous le temps de ta présence ici.
Arry ponctua ses paroles d'un sourire accueillant et gesticula pour lui indiquer la sortie de la chambre.

Avant même que Mia ne puisse se lever, une énorme boule de poil bondit sur le lit et l'observa de toute sa hauteur en la reniflant. Elle eut immédiatement un mouvement de recul et déglutit difficilement en constatant qu'elle se trouvait devant un très gros chien qui ressemblait énormément à un loup. Autant dire qu'elle n'était pas très rassurée.

– Oz ! Descends, tu lui fais peur ! cria Arry en riant.

Après un dernier reniflement en bonne et due forme, il s'ébroua et ses pattes retrouvèrent le chemin du sol, à côté de la rousse. Celle-ci posa ses deux mains sur les joues de l'animal et les remua pour l'embêter. Il se dégagea rapidement de sa prise et éternua, l'air vexé.

– Excuse-moi. J'ai oublié de te présenter Oz. Il aime beaucoup être au centre de l'attention, n'est ce pas, Oz ? lança-t-elle à l'animal sur un ton moqueur.

– C'est un loup-garou ? s'enquit Mia, confuse, mais néanmoins rassurée qu'il ne soit pas venue spécialement pour l'attaquer.

– Oh non, pouffa-t-elle. C'est mon totem, affirma Arry comme si c'était la chose la plus logique au monde.

–Totem ? J'y connais rien à votre monde, je te rappelle... maugréa-t-elle.

– Excuse-moi, ton cas est un peu compliqué pour nous, puisque tout nous paraît parfaitement normal... Je suppose qu'on t'a déjà expliqué que nous sommes des êtres magiques. Cette magie touche également les animaux, apprivoisés ou sauvages. C'est un phénomène assez rare, mais cela arrive qu'un animal et qu'un être humanoïde se lient. C'est assez complexe à expliquer mais... imagine deux esprits ne faire plus qu'un. Bien sûr, nous posons des limites, sinon ce serait invivable. Si nous le voulons, nous pouvons communiquer à travers nos esprits, ressentir les sensations et émotions de l'autre, et notre espérance de vie est partagée. Nous sommes plus résistants et plus durs à tuer, mais quand l'un meurt, l'autre meurt également.

Mia opina du chef, réfléchissant à ce que la jeune femme venait de lui expliquer. Elle avait souvent vu ce genre de lien dans des livres ou des séries fantastiques, et avait souvent rêvé elle-même se lier avec un animal... Elle en était presque envieuse. Peut-être pourrait-elle également vivre cette expérience dans ce monde ?

– Bref, allons-y. Il est déjà dix heures, et j'aimerais te faire visiter les lieux avant que l'on puisse aller manger un morceau. Si tu as d'autres questions, nous en discuterons en chemin.

Les deux jeunes femmes quittèrent la chambre pour traverser un long couloir parsemé de portes en bois de chaque côté. Pour une école, elle était étonnée du nombre de chambres disponibles dans ce qui semblait être un mini-hôpital.

Cette observation lui laissa un arrière goût amer dans la bouche. L'offre et la demande. S'il y avait autant de pièces, c'était qu'il y avait beaucoup de blessés. Les tournois dont lui avait parlé Vassili ne lui paraissaient plus si inoffensifs et bons enfants que cela.

Elles dépassèrent rapidement le hall de l'infirmerie, qu'elle n'eut pas l'occasion d'observer outre mesure à cause du rythme pressé de la rousse. Tout ce qu'elle avait eu le temps d'apercevoir se résumait à une pièce en bois habillée de quelques tables et chaises du même matériaux, donnant une ambiance très cosy à la pièce qui semblait également servir de salle de repos puisque certaines fées, qu'elle reconnaissait à leurs ailes, discutaient tranquillement entre elles autour d'une tasse d'un quelconque breuvage qu'elle n'arriva pas à déterminer et de quelques biscuits. Celles-ci la contemplèrent discrètement lors de son passage, et certaines s'autorisèrent même à la saluer en souriant. Au moins, elles semblaient réagir de façon amicale à sa présence.

Les longs couloirs de briques grises étaient déserts. La structure ressemblait plus à un labyrinthe qu'à une école, pensa Mia en observant les alentours. Tous les couloirs et toutes les portes se ressemblaient, si bien qu'elle se serait rapidement perdue sans sa guide. Seuls des petits écriteaux à côté des lourdes portes en bois la renseignèrent sur l'utilité des pièces qu'elles dépassaient. Elles étaient pour la plupart de simples salles de classe.

– A cette heure-ci, la plupart des étudiants sont en cours, c'est pour ça que les lieux paraissent vides. Tu constateras rapidement que c'est une vraie fourmilière quand nous avons quartier libre, expliqua Arry en marchant.

– Vous êtes nombreux à... étudier ici ?

– Hm... Je ne pourrais pas te donner le nombre exact, mais ça doit avoisiner le petit millier.

– Tant que ça ? s'exclama Mia, stupéfaite.

– L'Arena est la seule université de ce genre à des centaines de kilomètres à la ronde. Comme elle regroupe toutes les populations, ça fait vite un paquet de monde.

Des frissons remontèrent le long de sa colonne vertébrale alors que l apensée d'être perdue au milieu d'un millier de créatures s'insinua dans son esprit. Allait-elle vraiment pouvoir vivre ici sans risquer la mort à chaque coin de rue ? Elle, la petite humaine sans défense, face à des êtres dotés de crocs, de griffes, et de magie ? Elle secoua la tête machinalement pour se débarrasser de ses craintes.

Ne montre jamais que tu as peur, se répéta-t-elle.

– Je dois m'attendre à quoi au niveau des... peuples qui habitent ici ? Questionna Mia, essayant tant bien que mal de cacher l'anxiété pointant dans sa voix.

– Viens, je t'expliquerai quand on sera dehors.

Quand elles traversèrent l'immense hall, elles dépassèrent quelques étudiants pressés qui lancèrent des regards curieux à la blonde. Ils avaient tous l'air humains, comme elle, et pourtant... qu'étaient-ils ? Comment les reconnaître ? Elle avait l'impression de marcher sur des œufs, de jouer à la roulette russe à chaque personne qu'elle croisait. En bref, elle n'était pas très à l'aise, et c'était un euphémisme. Elle se sentait carrément étrangère, naviguant en pleine terre ennemi, à devoir toujours être sur ses gardes, la méfiance devenant son principal carburant. L'idée d'atterrir dans un monde magique ne lui semblait plus aussi séduisante alors qu'elle se confrontait à la réalité de ce que cela voulait dire. Le son de ses pas résonnant sur les pierres taillées n'apaisa pas son angoisse.

On repassera pour la discrétion, se dit-elle.

Elle n'eut pas franchement le temps d'observer attentivement le hall, trop concentrée à scruter le moindre de ses habitants à la recherche d'un possible signe d'attaque. De toute façon, elle aurait tout le loisir de découvrir les lieux plus en détails dans les quelques jours qui viendraient.

Elle dut cligner des yeux plusieurs fois pour s'habituer aux rayons lumineux du soleil quand elles atteignirent l'extérieur de la structure. Ébahie, elle observa les environs, dévorant chaque parcelle du paysage qui se déclinait devant ses yeux.

– Plutôt impressionnant, hein ? Lança Arry, fière.

– C'est... magnifique, chuchota Mia, perdue dans sa contemplation.

Il y avait des jardins et des arbres à perte de vue. Toutes sortes de plantes, toutes sortes d'arbres, longeant des chemins de briques qui se baladaient dans la végétation. Et ces couleurs... du violet au rouge, en passant par le vert, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel étaient représentées. Au loin, elle pouvait apercevoir des sommets enneigés entourant la structure.

– L'école a été construite entre deux chaînes de montagne. Normalement, il devrait y faire un froid de canard parce que la région est toujours enneigée, mais les magiciens ont réussi à créer une sorte de biome tout autour de l'école avec son écosystème et son climat propres. Ne me demande pas comment, même moi je ne sais pas. Mais je ne vais pas m'en plaindre : on alterne entre le printemps et l'automne toute l'année !

Mia ne prit même pas la peine de répondre, puisque tout cela la laissait sans voix. Elle pourrait passer des heures à se balader dans ces jardins. Pour être exact, elle pourrait même passer des heures rien qu'à en observer toute sa flore et à en inspirer l'air frais et pur qui lui chatouillait les narines.

Arry se tourna vers l'école et Mia l'imita, détournant à contre cœur le regard de cette nature surréaliste. La vue du château n'était pas à plaindre non plus. La bâtisse était immense, construite en pierre noire, contrastant sinistrement avec le lierre sauvage qui poussait de façon désordonnée autour de la bâtisse. D'immenses fenêtres en verre recouvraient partiellement les murs, permettant à la lumière du soleil d'y pénétrer. Elle pouvait apercevoir des rangées d'étudiants dans des salles de classe ressemblant à celles de son monde à certaines fenêtres du niveau inférieur.

Elle déglutit difficilement, se sentant ridiculement petite en comparaison de l'immense château et du nombre d'habitants qu'elle pouvait observer évoluer dans ses pièces.

– L'école est divisée en plusieurs ailes, chacune accueillant un différent peuple. En dehors de quelques activités comme les entraînements, les tournois ou les repas, ils préfèrent ne pas trop se croiser.

Son guide lui désigna les différentes ailes du château en les ponctuant de ses explications. Mia se concentra attentivement sur ses explications, préférant ignorer son angoisse naissante.

– Au sous-sol vivent les vampires...

– Est-ce qu'ils supportent la lumière ? La coupa brutalement Mia.

– Bien sûr, rigola-t-elle, je ne veux même pas savoir d'où te vient cette idée là. Par contre, ils préfèrent les environnements froids et humides. Là encore, ce n'est pas une question de supporter ou de ne pas supporter, c'est une préférence dû à leurs lieux d'habitations habituels. Les fées vivent dans l'infirmerie, toute l'aile leur appartient. Les centaures habitent dans la forêt derrière l'école. Je te conseille de ne pas t'y approcher, ils acceptent très mal les étrangers... Les loups-garous habitent dans l'aile est, là-bas, désigna-t-elle du doigt, et les magiciens dans l'aile ouest. Nous avons les plus grands quartiers parce que nous sommes plus nombreux. Et, pour finir... tu vois la grande tour, derrière l'aile ouest ? C'est le quartier des vilas.

– Des vilas ?

Elle n'avait jamais entendu parler d'une telle créature. Pour dire, elle n'était même pas sûre qu'une légende existait dans son monde à leur propos.

– Évite les comme la peste. Ne les contrarie jamais. Ils peuvent avoir l'air de rien, sous leur apparence humaine, mais... ce sont les plus dangereux de tous. Ils peuvent te sembler pacifistes, parce qu'ils participent rarement aux tournois et qu'ils ne semblent pas intéressés par le combat, mais ne les contrarie jamais. En fait, fais comme s'ils n'existaient pas, qu'ils te remarquent le moins possible. Ils ont une histoire particulière avec les humains... Je ne veux pas te faire peur, mais ce n'est pas une belle histoire.

Arry souligna ses paroles d'un regard grave et appuyé sur la blonde.

Ok, gros danger, c'est noté, pensa-t-elle, si tu ne voulais pas me faire peur, c'est raté.

Elles passèrent l'heure suivante à visiter l'intérieur du château. Mia put enfin mieux observer le hall par lequel elles étaient passées pour sortir, décidant d'ignorer les regards des autres occupants. Ensoi, il n'avait rien d'extraordinaire si ce n'était sa taille spectaculaire, autant au niveau du sol qu'au plafond. Un gros lustre en cristal fournissait l'éclairage de la pièce, reflétant également les rayons du soleil sur la pierre grise. Un gigantesque escalier en pierre noire se scindant en deux escaliers dans les directions opposées permettait de monter à l'étage. Les massives portes en bois ressemblaient notamment à des arches puisqu'elles étaient toutes entièrement ouvertes. Un grand panneau d'affichage recouvrait à moitié le mur droit, coincé entre deux portes, et elle put y apercevoir quelques textes et dessins qu'elle n'eut pas le temps d'observer outre mesure.

Le reste de la visite se résumait au final à lui présenter l'entrée des différentes ailes du château, les quelques salles de classe vides, des toilettes et la porte de la bibliothèque. Ce qu'elle vit lui confirma qu'elle ne relevait pas de différences significatives entre son monde et celui-là, si ce n'était l'absence flagrante de toute technologie numérique. La structure ressemblait à n'importe quel château habité et adapté à un confort moderne, téléphones et télévisions en moins.

Par la suite, elles se dirigèrent vers la cantine pour avaler un morceau.

Mia n'était même pas sûre de réussir à avaler quoi que ce soit. Elle était encore partagée entre l'émerveillement et l'angoisse de son nouvel environnement et la peur résultant des mises en garde de son interlocutrice quant à sa possible rencontre avec des vilas. Et elle ne savait même pas à quoi ils ressemblaient... elle s'attendait au pire.

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