Chapitre 1-4

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Au bout d’un moment, elle s’arrêta. Une grimace de réflexion apparue. Elle fronça les sourcilles. Sa bouche fit la moue. Elle jeta à terre ce qu’elle avait dans les mains et se retourna brusquement vers son invité.

« Je ne sais pas quoi emmener. C’est à vous de me dire ce qu’il serait judicieux d’emporter pour le voyage. Je n’ai jamais eu à voyager, du moins pas dans le monde des humains. » Lança-t-elle à l’humain planté là.

« On devrait surement prendre une grande pancarte avec inscrit « je suis une sorcière ! », histoire de vous présenter à tout le monde ! » Ironisa-t-il.

« Vos sarcasmes ne sont pas très utiles. Je n’ai d’ailleurs pas besoin d’une pancarte pour terrifier les foules. » Retoqua-t-elle.

Il toisa la jeune femme. Il prit un air exaspéré et lui fit.

« Il faudrait déjà que vous vous changiez, vos vêtements de sorcière sont criant de vérité. Après il faut prendre de quoi dormir, de quoi manger, de quoi se changer, de quoi se battre … enfin … pas pour vous, de l’argent et mettre tout ça dans un grand sac. C’est assez simple. » Expliqua l’homme.

La sorcière partit alors farfouiller dans les affaires entassées dans toute la demeure.

Elle revint avec un grand sac usé, effiloché et appartenant visiblement à un marchant itinérant. Le sac avait l’air remplit. Elle tendit le à son invité. Celui-ci l’ouvrit et découvrit un équipement complet, couvertures, nécessaires de cuisine, pierre à feu, gourdes d’eau, etc. Toutes ses choses ne provenaient pas du même propriétaire. L’homme décocha un regard accusateur à son hôte.

« On trouve parfois des cadavres d’humains dans la forêt et des fois seulement leurs biens. Je garde les objets qui peuvent servir. » Soutint-elle.

« Oui et puis aussi les affaires des hommes mourants que vous ramenez chez vous et avec lesquels vous concluez des pactes. » Se moqua-t-il.

« Tout ce qui était à vous, vous a été restitué. Vous prenez votre cas particulier pour une généralité, de plus votre ironie ne remplit pas les sacs et les bagages. »

Les affaires étaient souvent usées et endommagées, certaines inutilisables. En un regard le guide désigné avait déjugé la plus grande partie du bardât. Cela n’échappa pas à la sorcière. Elle mit de côté tout ustensile qui parut défaillant. Très vite, il resta juste assez pour deux.

Même si le guide n’avait laissé trainer qu’un regard sur le paquetage, elle en avait tiré toutes les informations.

Les affaires furent triées en quelques gestes, un tas de mauvais matériels et un paquetage bien arrangé prêt à ranger dans les sacs. L’homme voyait se dessiner un voyage qu’il n’avait pas envie d’entreprendre. Il se retrouvait forcer à coopérer et allait devoir enfiler l’habit d’un autre. Devenir un guide habillé comme un paysan ou un marchant itinérant. Il eut une pensée pour ses défunts routards pour qui le chemin avait sans doute prit fin il y a plusieurs années.

Le lieu se fit calme soudain, la jeune femme rangeait les dernières petites choses dans les sacs sans attendre d’aide de la part de son invité. Ce dernier observait l’endroit se vider, bien qu’il y ait passé du temps il n’avait jamais pris un instant pour l’observer et le comprendre.

Il y avait dans la grande pièce une cheminée au centre et tout était agencé autour, la table, les chaises, les rangements. Cette pièce servait à tout la plupart du temps, les repas, les moments de vie, les moments vides et silencieux. C’était la seule pièce avec des ouvertures et de la lumière venue de l’extérieur. Des petits lucanes carrés à peine plus grosse que la tête garnissaient les trois murs en planches. L’habitat était semi-enterré, était-ce une grotte, un trou ou le terrier d’un grand animal, on y avait accolé la moitié d’une cabane faite de grosses planches brutes et inégales avec quatre ouvertures et une porte aussi brute que le reste.

La partie troglodyte de ce lieu contenait la pièce à coucher garnit d’une sorte de mousse ou de champignon très épais servant de matelas. On trouvait une salle vide où l’hôte apportait des récipients d’eau pour se laver. Et enfin la pièce du fond qui aurait été pleine d’immondices si un étrange soupirail ne donnait pas sur une profonde cavité sombre. Des planches clôturaient cette partie comme si dernière les toilettes continuaient un grand réseau de grottes.

L’homme n’avait vécu qu’en ce lieu et n’était jamais sorti dehors. Il avait vu par les fenêtres, les arbres, la verdure et l’immense forêt qui entourait la cabane. Il se doutait de ce qui se tramait dans cette étendue abandonnée. Les cris et les bruits des animaux ne donnaient guère envie de s’y aventurer seul.

L’homme se remémora le temps de la rémission, son irrésistible désir de fuir cette cahute. En jetant la première fois un coup d’œil dehors, il comprit que l’endroit était un lieu perdu dans les terres reculées. Il ne pourrait alors s’échapper à sa guise. Prisonnier de son corps meurtri et prisonnier de cette région, il repoussa petit à petit sa fuite, jusqu’à faire face à la sorcière.

Il était maintenant en mauvaise posture, embarqué dans un voyage périlleux, esclave d’un sort et d’une volonté de fer. Il soupira. Il s’appuya, dos contre le mur. Il soupira encore, les yeux dans le vague. Il regarda discrètement en direction de son hôte. Toujours à demi-assise, pliant quelques affaires.

Il faisait grand soleil, mais cette cabane était toujours dans la pénombre. Les petites fenêtres ne suffisant pas à éclairer correctement la pièce. Pourtant on distinguait bien deux lueurs jaunes dorées.

Deux iris qui pouvaient oscillées entre de nombreuses couleurs et s’étaient vêtues d’or. Les yeux de la sorcière scintillaient, même dans l’obscurité. C’était une chose étrange, à la fois effrayante et captivante. Ce regard vêtu d’or fondu était d’une grande beauté. Intense. Les reflets donnaient l’impression d’un mouvement continu. Une mer d’or bercée de vagues et de remous, offrant toute l’étendue d’une palette insoupçonnée, allant d’un jaune vif à un ton plus nacré; d’une goutte d’eau dans de l’aquarelle citron, à un léger ruban fleuretant avec le cuivre.

Etrange regard, souvent mi-clos dû à l’air supérieur et sarcastique qu’elle affichait. De longs cils noirs et épais, des longs sourcils noirs et fins, donnaient une grande expressivité à ces yeux. Une légère pointe de joie, un amusement palpable. Même les commissures semblaient trembloter comme pour chercher à afficher un début de sourire.

Etrange impression. Un visage presque détendu. Une douceur des traits apparaissaient. On ne saurait donner d’âge à cette figure emplie d’une forme de bonne humeur. La douce couleur légèrement brune de la peau de la jeune femme empêchait une estimation précise d’un âge. Elle aurait pu avoir vingt, trente ou cinquante ans, qui sait peut être bien plus. Une sorcière a-t-elle un âge ?

Difficile de dater ce qui par bien des aspects échappent à la compréhension humaine. On ne pouvait alors estimer.

Pourtant, le guide désigné n’arrivait pas à mettre un mot sur l’étrangeté de la scène. Quelque chose de familier avait disparu. Ceci était évident. Mais ceci lui échappait. Il fallait arrêter de se focaliser sur l’expression de son visage. Ce n’était pas la joie, ni cette forme de douceur. Il avait déjà capté de tels instants chez elle. Il y avait une chose absente.

Il devait revenir à une observation générale. A demi-assise. Ce n’était qu’une posture. Bottes, pantalon, long et large par-dessus à capuche. C’était des vêtements civilisés, et si ce n’était que l’apparence. Etrange que l’apparence fusse suffisante pour changer la perception qu’il avait de cette sorcière. Alors il fut nécessaire d’énumérer des banalités.

Grande, dangereuse, fine, athlétique, forte, dure, méprisante… . Dangereuse, c’était évident d’habitude. Pourquoi semblait-elle soudain moins dangereuse ? Et pourquoi fine ? Il ne manquerait plus qu’il eût dit « douce ». Il regarda les mains de la jeune femme plier un petit tissu. Il capta une différence. Il était évident qu’il voyait des mains fines et longues effectuées un geste délicat. Ce n’était pas la délicatesse qui fut étrange, c’était l’aspect des mains. Elles étaient d’habitude animées d’une tension, d’une force musculaire visible sous la peau. En temps normal la sorcière était un être actif, réactif, dans une alerte constante, comme si ses réflexes pouvaient être mis à l’épreuve à tout moment. Ce n’était pas qu’un ressenti, on voyait précisément les muscles roulés sous la peau. La musculature n’impressionnait pas par son volume, mais par sa mécanique, sa précision. Cette tension constante était dérangeante et mettait sur le qui-vive le corps et l’esprit. Tout indiquait d’habitude qu’elle était un danger permanent.

La jeune femme était toujours d’une étonnante sérénité, malgré cette tension perceptible. Pourtant durant toute l’observation ce perceptible avait disparu. Comme si cette brutalité latente s’était tût. L’homme ne baissait pas sa garde. La méfiance était tenace. Il n’avait aucune confiance en cette étrange personne. Etait-ce un tour, comme pour l’amadouer ? Ou était-ce un moment de calme avant un acte cruel, comme pour renforcer l’emprise sur la victime ?

Pourtant elle continua à plier des petits tissus, avec le même air, le même calme. L’instant se prolongea. L’homme se sentit détendu, apaisé. Comme si une mauvaise vibration avait disparu. Une quiétude emplit la cabane. Le guide profita de ce répit, de ce flottement. Instant agréable, comme si un espace de liberté venait de se créer pour lui. Il relâcha ses épaules, se massa légèrement la nuque. Il fit légèrement craqué son dos. Puis il regarda en le plafond. Il ne pouvait pas éternellement nier sa captivité. Qu’arriverait-il s’il suivait cette personne ? Qu’allait-elle lui demander de faire ? Rien de bon ne naissait de cette situation, aucune pensée ne laissait espérer un dénouement plaisant. Fuir. Fuir mais quand ? Où ? Combien de temps ? La décision était prise. Réfléchir à un plan, étape par étape avait été un échec. Il se dit alors qu’il faudra profiter de l’instant, se décider à la seconde même où une échappatoire sera possible. Il n’y aurait peut être qu’une seule chance de fuite. Il soupira. Se battre encore et encore pour la même chose, survivre. Il la regarda avec un brin de déprime. Elle ne baissera pas les bras si facilement et elle ne laissera pas l’affront impuni. Il ne pourra pas ménager ses efforts. Les pouvoirs de la sorcière dépassaient déjà les dires. Cela en disait long sur la tâche à accomplir. Il soupira une nouvelle fois. La regarda de nouveau. Un moment passa.

Elle tourna sa tête vers lui.

« J’espère que vous êtes prêt ? Je n’ai pas envie d’attendre. » Lança-t-elle avec un petit sourire. Ses lèvres pâles, ses yeux légèrement plissés. Ce n’était pas une mimique moqueuse, ou cachant une once d’ironie. Elle était heureuse de partir. Il fit un signe de la tête, il était prêt. Prêt pour sa future évasion.

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