Chapitre 1-5

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Elle claqua la porte. Il était ébloui par cette clarté du plein jour. Il cligna des yeux rapidement, s’étant trop habitué à la pénombre de l'intérieur de la cahute. Il était comme hébété. Pendant un instant, l’ex-geôlière le regarda déambuler sur le perron. Elle s’impatienta. Elle le poussa d’une main ferme dans la direction opposée à l'habitat abandonné.

« En route ! » dit-elle.

L’homme s’exécuta de façon docile comme pour brouiller les pistes, pour donner confiance, faire croire à sa captivité. Mais sortir était déjà une forme de liberté. Et on ne l’avait jamais invité à s’aventurer dehors. Et pour cause.

Une brume matinale emplissait les parterres d’herbes, de fougères bizarres, de ronces et de buissons. Une végétation de forêt tempérée allant d’herbes grasses et humides de dix centimètres, aux buissons d’un mètre cinquante. Cependant ce n’est pas la basse végétation, les petits arbustes, les feuillus et les conifères qui différaient de l’imagerie forestière commune, mais des structures anormalement gigantesques. Des arbres inconnus d’une hauteur élevé, cinquante, cent mètres, plus peut être. Des troncs larges comme dix hommes allongés et plus. Peu nombreux mais imposants. Ils n’avaient pas l’air d’étouffer de leur présence le reste de la forêt. Des structures semblables à des moisissures de cinq mètres de diamètre par trois à six de hauteur. Des champignons de toutes sortes, allant d’une hauteur de noisetiers à celle d’un pin. Des structures comme de la gélatine aux couleurs vives s’étendaient en plaques de vingt par trente pieds. Des arbres de lichens, des formes inconnues d’algues terrestres, des formes organiques pareilles à des rochers qui tremblaient par à-coups sur place comme parcouru momentanément de spasmes. Une vaste galerie de la vie végétale des terres reculées. Une claque pour tout homme habitué au charme d’une petite forêt humide de moyenne montagne. Le tout dans un panorama de vallons et de basses collines.

Le voyageur d’un pas lent suivait la jeune femme, il se retourna, jetant un œil à sa prison, cette cahute faite de morceaux de bois autour d’un trou s’enfonçant dans le sol. Il voyait qu’il trainait. Son admiration pour ce paysage, son émerveillement palpable, l’avait mis à distance de celle qui ouvrait la voie. Il s’empressa de rattraper son retard en une petite course peu gracieuse où son paquetage se mit à balloter ridiculement de droite à gauche. Elle n’attendait pas vraiment, elle marchait d’un pas sûr et franc. Dans sa main droite, un bâton peu différenciable d’une branche servait légèrement d’appui comme pour accompagner la marche.

A mesure de l’avancer, les deux randonneurs progressèrent dans des vallons, plus pentus. La piste tracée par la jeune femme s’élevait dans les collines. L’homme était un peu inquiet, il s’arma d’un bâton autant pour l’aider à marcher que pour repousser les ronces, buissons piquants et autres joyeusetés dans lesquels traversait allègrement l’éclaireuse.

La matinée passa. La brume s’éleva pour se transformer en un brouillard peu épais. Le soleil fut à son plus haut, mais pas d’arrêt. Le pas léger était devenu plus lourd. Mais ils furent bloqués par un large torrent, traçant avec force dans la végétation et les pentes.

« Il faut attendre. » Précisa la sorcière en posant ses mains sur ses hanches.

« Attendre quoi. C’est un cours d’eau. » Répliqua le présumé guide.

« C’est un mouvement d’eau. Dans un moment il ne restera plus que des flaques. » Répondit la jeune femme.

« Bon, alors combien de temps on attend ? Le temps d’un casse-croûte ? » Demanda l’homme.

« Jusqu’à ce soir ou demain matin, il a dû pleuvoir plus haut. Tu as le temps de te reposer. On ne repartira pas de nuit. Tu n’es pas fait pour les excursions de nuit. » Précisa-t-elle.

L’homme fit une moue désapprobatrice et se dit que finalement c’était mieux comme ça. Il suivait la cadence mais dans la pénombre, à travers les ronces et les buissons, c’était peine perdue. Il se désaltéra puis attaqua une sorte de galette. Un goût amer peu agréable lui remplit la bouche.

Ce n’était pas terrible comme pitance, mais faute de mieux il fit avec. La galette était consistante.

La sorcière jeta un coup d’œil vers lui.

« Restes là, je vais faire un tour pour voir si je vais trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Histoire de ne pas entamer les provisions. » Lança-t-elle.

Interloqué le guide l’arrêta dans sa quête de provision.

« Je vais rester seul ? Sans protection ? Je vais me faire bouffer par un truc, non ? » Coupa-t-il avec un air mauvais.

« Je sais quand je peux te laisser seul. Tu ne risques rien ici. Crois-moi ! » Précisa-t-elle un brin amusée.

Elle partit à travers les fourrés en contre-bas.

Du haut de sa butte, le jeune homme observa lentement sa protectrice progresser dans la verdure. Puis il la perdit de vue. Il commença à cogiter. Voilà une occasion parfaite pour s’enfuir. Il réfléchit.

Il avait ses affaires dans le dos. Des provisions, de l’eau. Il pouvait se servir dans l’autre sac pour compléter le sien. Ce plan possédait quelques faiblesses. Le torrent, la nuit à venir, le manque d’expérience sur la survie en ce lieu, tant de petites choses qu’il fallait régler.

Des incertitudes l’interrompirent dans son organisation. Etait-elle loin ? Etait-ce un piège ? Combien de temps aurait-il d’avance ? Etait-ce trop tôt ?

La situation allait surement se reproduire. En observant et en apprenant d’elle il disposerait surement de meilleurs atouts pour fuir à travers les terres reculées. Il lui fallait aussi des points de repères afin de retrouver la civilisation. Pour le moment, il s’avérait difficile de semer une autochtone. Le voyage débutait. Autant ne rien précipiter, sa chance viendrait.

Il s’assit contre un arbre et inspecta son sac.

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