62 -

5 minutes de lecture

Yo ! J'avance petit à petit dans les corrections sur les chapitres précédents (j'ai toujours pas conclu la sous-sous-sous-intrigue avec Greg et Gaspard qui lui court après xD)

Dans la scène qui suit, il va y avoir une allusion à un dialogue que j'ai rajouté dans le chapitre 20), et que vous avez peut-être loupé du coup !

J'ai aussi fait des petites modifs dans le chapitre 52, avec Blanche et Aaron en guest stars xD

------

Assise par terre contre le mur du restaurant, Cornélia observait les boyards se débattre avec leurs masques. Devenus bêtes à cornes, à griffes et à écailles, ils rampaient sur le sol ou se contorsionnaient, souffrants, méconnaissables. Elle avait beau ne ressentir aucune once d’affection pour eux, leur calvaire lui rappelait douloureusement celui qu’elle avait vécu. Mitaine et Gaspard n’étaient pas trop de deux pour contenir Beyaz, changé en un ours-hyène gigantesque, d’un noir constellé d’ocelles flamboyantes. Même ligoté, il avait failli dépecer sa propre patte et, à cause de sa gueule rougeoyante comme un brasier, se mettre le feu en même temps. Cornélia avait son propre masque en main ; elle caressa sa surface lisse et brillante. Blanche avait réussi à maîtriser les pouvoirs du raijū... Avait-elle moins souffert cette fois ?

« T’as vu ça ? T’as vu ce que j’ai fait ? Je suis trop forte ! »

Cornélia aussi voulait être forte. Mais porter ce masque, c’était obéir à Aegeus. Et ça, il n’en était pas question.

– Étouffe-toi avec, gronda-t-elle en le jetant par terre.

– Doucement avec mon travail.

Elle sursauta en découvrant Iroël, assis juste à côté d’elle. Le jeune homme ramassa le masque.

– Si tu en veux pas, je le reprends.

Elle vit qu’il était blessé.

– Non, bredouilla-t-elle. Il est très beau, je… c’est juste…

Il sortit un cutter de sa poche, retoucha légèrement l’arrondi de l’orbite.

– Mieux. (Il le lui rendit d’un geste, puis détourna les yeux.) J’espère que tu l’aimeras. Un jour.

Elle n’osa pas le détromper. Il appuya la nuque contre le mur, reporta ses yeux noirs sur les boyards qui subissaient mille morts. Son regard passait d’une métamorphose à l’autre, analysant les moindres détails ; Cornélia se demanda s’il allait retoucher leurs masques, et à quel point sa magie était étudiée, réfléchie.

– Le tarascon, le wolpertinger, fit-il sans la regarder. Ils ont disparu. Pas vrai ?

Cornélia eut envie de disparaître à l’intérieur d’elle-même.

– Oui. Ils étaient avec le camion… mais…

– Je suis allé au camion. Avec les autres. J’ai cherché. Ils étaient pas là.

La culpabilité la prit à la gorge. Elle enfouit son visage dans ses mains.

– Oh, c’est pas vrai… J’espère qu’ils vont bien. J’espère qu’ils vont bien…

Le jeune homme aurait été en droit de leur reprocher leur fugue idiote et mal préparée, mais il n’en fit rien. Elle inspira lentement.

– Parfois, je voudrais être un caillou aussi.

Elle glissa un œil à travers ses doigts, craignant qu’Iroël ne le prenne mal. Mais son visage ne trahit rien de ses émotions.

– Les cailloux pleurent aussi, finit-il par dire. À l’intérieur. Toi, tu juges sur ce que tu vois.

– Je ne juge pas.

– Si, grogna-t-il.

Il vérifia les alentours d’un regard méfiant, puis posa son sac sur ses genoux et l’ouvrit. Au début, Cornélia ne vit rien. Puis elle distingua un éclat argenté.

Un petit museau rond dépassait de l’ouverture, hérissé de moustaches iridescentes. La créature bâilla, dévoilant une langue rose ainsi que deux canines pointues. La jeune femme écarquilla les yeux. Un gloussement de joie involontaire lui échappa.

– Oup…

Iroël plaqua une main sur sa bouche et la fusilla des yeux.

– J’ai cherché, répéta-t-il. Ils étaient pas là.

D’un regard, Cornélia vérifia que personne ne prêtait attention à eux. Une grande oreille jaillit du sac ; Iroël le ferma vite en poussant un juron dans sa langue.

– Elle va manger le sac, articula-t-elle tout bas. Comment t’as fait pour la mettre dedans ?

Il sourit, juste avec les yeux.

– Elle m’aime bien. Elle est rentrée toute seule.

Cornélia sourcilla. C'était là une preuve de magie bien plus impressionnante que des masques vivants.

– Et Pouet ?

Il s’assombrit.

– Lui, vraiment pas vu. Je sais pas où il est…

Aussi discrètement que possible, Cornélia sortit une boîte de pâtée de son sac et la lui fit passer derrière son dos.

– Si Aegeus voit Oupyre…

– Il la verra pas. (Cette fois, le petit chou sourit pour de vrai.) J’ai un plan.

– Oh, mon Dieu… gémit-elle. je commence à les connaître, tes plans !

Elle posa la main sur le sac, juste pour sentir la chaleur d'Oupyre. Iroël fit de même.

– Tu penses que c’est elle qui a tué le boyard ?

– Non, dit-il d’une voix si sûre qu’elle ne put que le croire.

Pendant un long moment, ils ne dirent plus rien.

S’il y a quelqu’un là-haut, faites que Pouet soit en vie quelque part. S’il vous plaît…

– Tes armures, reprit-elle soudain. Celles dont parlait Aegeus. Est-ce qu’on en verra quelque part dans la Strate ?

– Je sais pas. C’était il y a longtemps. Je fais plus d’armures maintenant. (Il passa une main dans ses cheveux noirs.) Homère peut te montrer. Il a tout dans sa mémoire. Il voit et il enregistre…

Il détourna la tête.

– Mon maître m’a appris à faire les armures. Les archanges ont beaucoup de savoir-faire… Et ils le vendent très cher. Si mon maître me voyait faire des masques comme ça… il rirait.

– Pourquoi avoir arrêté ?

– Je voulais plus rien faire pour les combats de monstres.

– Mais là, tu fais des masques pour le combat… Pour Aegeus.

Il tiqua, puis leva les yeux vers les lianes qui rampaient au plafond.

– Il faut que le convoi arrive au bout. Trop tard pour le reste. Trop tard pour tout le reste, maintenant…

Il baissa d’un ton.

– Il y a longtemps, on a vu que la Strate va mal. Alors je voulais changer, faire quelque chose utile. Mais au lieu de faire quelque chose bien, les immortels ont continué. À tout vendre. Tout acheter. À faire des combats. Et comme c’est eux qui dirigent… tout a continué comme avant, mais en pire. Alors qu’on devait changer ! On devait changer. Maintenant, tout le monde souffre ici. Les nivées. Les humains. Ils ont soif, ils ont faim. Et c’est trop tard. La Strate est morte.

Il serra les poings. De vieilles cicatrices traversaient ses phalanges.

– Les immortels, ils ont le pouvoir. Ils ont l’argent. Ils pouvaient changer ça. Mais non. Ils font de l’argent sur le dos des autres, de tous les autres. Sauf Epona et Homère, qui sont bons…

Cornélia songea à Actéon et ses élevages. À Aegeus qui faisait payer les places de son convoi.

– Je comprends.

Il l’observa un moment.

– Pas encore. Mais ça viendra.

Il se leva, ébaucha un sourire timide.

– Il faut voir beaucoup de morts pour comprendre.

En silence, elle le regarda saisir son sac avec délicatesse et s’éloigner.

Et seulement à ce moment-là, elle réalisa que Blanche avait disparu.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Cornedor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0