35 - Interlude

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-------------------------------------– INTERLUDE –---------------------------------------

– Enzo ! Viens là.

Aegeus a la main posée sur l’épaule d’un jeune garçon. Un autre adolescent répond à son appel ; il a la mine enjouée, des mèches blondes en désordre et une carrure déjà large. C'est lui, Enzo. En comparaison, le petit brun à côté d’Aegeus ne paie pas de mine.

– Enzo, je te présente Aaron, déclare le chef. Il est nouveau. C’est un Français, lui aussi. C'est une demi-portion, mais sacrément coriace, alors ne le sous-estime pas.

Le garçon blond dévisage le garçon brun. Le premier est aussi grand et souriant que l’autre est malingre et renfermé.

– Salut, le nouveau, fait le blond d’un ton cordial.

Son sourire dévoile une dent manquante. Aaron ne répond rien. Il évite son regard, comme si des iris aussi clairs pouvaient transpercer le noir des siens.

– Je veux que vous travaillez en équipe, tous les deux, ordonne Aegeus. Enzo, tu m’as demandé mille fois un monstre de combat. En voilà un.

Et sur un geste de lui, une dryade leur amène un petit animal. Enzo pousse une exclamation.

– Une tarasque !

Il prend la créature dans ses bras. Elle a six grosses pattes d’ours, une carapace hérissée de petites pointes et un minois de lionceau perdu. Son pelage est d’une teinte fauve dorée, comme un soleil de savane, mais Aaron ne peut pas le voir. Pour lui, le monde est gris. Gris et rouge.

– Elle est pour nous ? demande Enzo d’un ton hésitant.

Le chef sourit.

– C’est un mâle. Si vous me l’élevez correctement, sans venir pleurer dans mes jambes chaque fois qu’il vous mord, oui, il est à vous. Et quand il aura grandi, on en fera un monstre de guerre. Vous l’entraînerez. Tous les deux.

Son regard insiste sur Aaron. Celui-ci contemple la bête, fasciné.

– J’y crois pas ! Ils sont si rares ! s’extasie Enzo. Tiens, regarde-le, prends-le toi aussi.

Et le jeune garçon se retrouve soudain avec cette petite boule chaude contre son cœur.

– Sa mère est morte, déclare Aegeus. Elle risque pas de venir le récupérer, pas de souci à se faire.

Aaron se fige.

– C’est vous ? Vous l’avez tuée ?

L’animal tremblote dans ses bras. Il est si petit.

– Moi ? sourit le chef. Peut-être. Ou peut-être que non. Peut-être que j'ai sauvé ce gosse d’un élevage. Tu apprendras à ne pas me poser de questions. J’ai besoin de boyards pour obéir, pas pour réfléchir.

Enzo pose son index sur la truffe humide. La bestiole l’attrape gauchement entre deux pattes ; ses yeux rubis louchent vers lui.

– Il est trop mignon ! Faut qu’on lui donne un nom. Tiens, t'as qu’à choisir, toi : c’est toi le nouveau. Mais pas un nom de chaton, hein ! Les tarasques, ça pèse deux tonnes et demie à l’âge adulte ! J'serai mort de honte si j'me ramène en arène avec une tarasque appelée "Chaussette".

Aaron se retrouve bien embêté.

– Je sais pas, marmonne-t-il. Choisis, toi.

– Non, non ! proteste l’adolescent en riant. Toi, choisis. Tiens, pourquoi tu lui donnerais pas un nom dans ta langue ? Ça nous changera. T'es quoi, arabe ? Algérien ?

Aaron ne répond pas. Il se creuse la tête. Il n’aime pas réfléchir à des détails aussi mièvres, il a l’impression de perdre son temps. Mais le cœur de la petite bête bat contre le sien, alors…

– On n’a qu’à l’appeler Asmar.

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