Bouddha ne savait pas danser

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Assis par terre dans le jardin à 7 heures. Se lever tôt : première conquête sur l’habitude. Dans le ventre, une petite pomme et du jus de citron, voilà un instant non sponsorisé arraché au temps modernes : seconde conquête.

Respiration profonde, yeux fermés et dos droit : comme ce moment de paix, de méditation en haut d’une montagne, où il n’y avait “pas besoin de plus” - même pas de “moi”. Se souvenir de la paix glorieuse de l’ancien temps : troisième conquête. Allez, on se rappelle de ce vieux bouquin de zen : je ne suis qu’une porte battante, expiration, inspiration : je ne suis que ma respiration, expiration, inspiration… Ah, ca me gratte !

Une petite tâche rougeâtre bouscule mes poils de pied avec ses courtes antennes : une exploratrice fourmis ! Le soleil est chaud, il m'inonde de sa chaleur, mon corps s'agite de partout : le voilà heureux comme un enfant ! De courtes rafales de vent viennent à nouveau caresser le monde - et avertir les plants de tomates du potager :

“Courage à vous, la pluie arrive !”

Gourou Kripa Kevala, tout est une épreuve, rappelle toi : tout est un piège et toi, tu n’es qu’une porte battante. Expiration, inspiration : toi, tu n’es que ta respiration. Expiration, inspiration. Voilà, chasse toutes les pensées. Inspire : calme chaque centimètre carré de muscle de ton corps. Expire : détend ton cerveau, sens le se relâcher peu à peu, vois le monde entier devenir doux et impassible… Ah, il y en a partout !

Des grosses noires - probablement des combattantes - ont rejoint ce qui est devenu un bataillon de fourmis rousses ! Et le tout sur mon pied ! La coquine d’exploratrice : elle a trouvé une chair chaude et inerte, remplie de peaux mortes : quelques phéromones lancés dans les airs, et voilà que les copines rappliquent. L’une d’entre elles boit une mini-goutte de pluie sur mon mollet, avec ses petites mandibules. Deux autres s’échangent leurs nutriments par la bouche : voilà un langage efficace qui se passe bien de mots !

Gourou Kripa Kevala, tout n’est qu’entreprise de l'ego pour te détourner du sentier : tu dois non pas détruire seulement l'impersonnel, mais tout ce que tu es : tu ne doit être que corps au vent, que corps au soleil. Et pour cela, expiration, inspiration. A chaque expiration, tu chasses une pensée. Expiration, inspira…

… Une abeille ! Non, plutôt une mouche jaune et très étrange : elle fait bien la taille d’un frelon mais avec deux grands yeux ronds en plus ! En haut de son genou, là, elle est fière de son trône, et quelle allure ! C’est cette odeur de lavande qui a dû l'attirer ici : le vent emmène les dernier parfums de l’été avec lui. Grande inspiration et large sourire, voilà que je partage mon temps avec une bien étrange mouche géante !

“Miaou”

Le petit chat rapplique. Elle dormait sur le tas de feuilles au fond du jardin : j’ai toujours rêvé dormir dedans, tout est douceur et mollesse, tu t’emmitoufles dedans et t’enfonces dans les profondeurs : la chaleur viens et te voilà dans un véritable abris, celui que tu as conquis, celui qui ne vaut rien et, par conséquent, te laisse libre de tout - et surtout des beaux rêves !

Gourou kripa Kevala, tu n’es qu’une porte battante et respire : rappelle-toi de tout ces yoghis et bouddhas accomplis, rappelle-toi de leurs mantras et de leurs livres…

“Miaou !”

Oui, je vais bien, oui. Roooo, des caresses, bah oui, on aime ça tout les deux, pourquoi s’en priver ? Mon corps jubile à nouveau de la pleine chaleur, le voilà plein d’énergie ! Au dessus de moi, les nuages gris bombent le torse : ils ont tant de terres à nourrir, ces grands frères. Au-dessus de moi, il y a ce bleu qui se forme. Mon esprit se perd dans l'absence de profondeur, dans mon incapacité à voir au-delà : voilà ma raison détrônée, que cela est bon !

Allez, c’est est assez ! Trop de comédie, je me lève !

Venez à moi vents, venez à moi pluies naissantes, offrez moi le rythme, offrez moi la vie ! Voyez ces pieds timides, voyez ces jambes de vieillard qui n’osent pas danser, ils se sentent trop pieux pour célébrer votre concert !

Chaleur et caresse, horizon et parfum. Me voilà jouant sur l’herbe un beau matin d’orage ! Le ronronnement du chat, le chant de l’arbre au soleil levant, l’odeur de la belle nature en action et le doux toucher des brins d’herbe sur mes pieds nus. Et le sucré des tomates mûres, et la danses des feuilles mortes sur la pelouse…

Et le voilà en approche ! Tonnerre !

Tonnerre, viens briser ces vieilles tables où se perpétuent ces stupides lois !

Tonnerre, viens joindre ton rugissement au spectacle du vivant !
Tonnerre, dévoile ton cris au monde, qu’il soit le plus puissant possible !

Tonnerre, vite, j’ai un lion à réveiller, j’ai un héritage à détruire !

Tonnerre, redeviens ce roi, rappelle nous notre besoin de force !

Je laisse les portes battantes aux prédicateurs de la mort : je suis trop avare de beautés pour cela ! Gardez loin vos promesses de macabres sérénités, prédicateurs d’arrière monde, il n’y a que la nécessité dont je supporte les mots ! Et vous, contempteurs du corps taisez vous donc, vos serments d'addiction à la terre me répugnent !

Ne voyez vous pas la vérité ? La terre est une sauvage musicienne ! Et mon corps, rien qu’un affamé danseur ! Vois, vois ! Tout est là, toujours, pour célébrer mon éternelle naissance !

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