Petit chat

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Alors petit chat, modeste rôdeur, gardien du jardin et porteur de titres qui te sont sans importance, dis-moi, as-tu passé une bonne journée ?

Te voilà affamé, la gueule dans la gamelle : pour sûr, c’est l’abus de silence de la campagne le coupable, il ouvre l'appétit ! Tant de méditations, de simples contemplations et qu’on se le dise : pour toi ignorant de la noblesse, tant de repos et de vie simplement assis sur l’herbe.

A-t-on seulement un mot pour cela, l’absence sereine et paisible d’action ? La vacuité, petit chat, la vacuité ! Toi qui as appris par ces années de calme à te détendre au point de ne rien faire des heures durant ! Voici un aveu : je n’ai jamais vu Homme plus accompli que toi !

Enfant, je croyais à la malédiction d’être un chat : une existence sans langue ni main, sans projet ni communauté. Te voir là, incapable de moi, te rendais pitoyable, pauvre chat : car comment concevoir ton bonheur sans prétention ? Mais que je t’envie maintenant, que j’aimerais bien mieux te comprendre, toi la solitude apaisée : je cours toute la journée dans la maison, mais pourquoi ? Voici la différence entre l'absence et l’absurde ! Petit chat, lui, s’aventure chez les voisins et s'endort sous un arbre. Qu’y a t'il de plus enviable ?

Que la contrainte est bonne enseignante !

Mais cela me revient maintenant, tu as crié cette nuit ? Ou est-ce ton brave adversaire ? Protecteur du potager, c’est bien au combat que tu t’es livré ! Le philosophe disait de l’ennemi qu’il fallait le haïr et l’entretenir, mais jamais le mépriser : tout ennemi doit être un spectacle pour se surpasser, pour nourrir l’âme.

Et c’est bien ce que tu as fait, petit chat : tu les affrontes pour l’honneur et le respect : mais bien sûr, toi tu le fais bien mieux que nous : tu le fais sans besoin de mot.

Oh que je t’envie !

Tu es là depuis si longtemps à rôder ici, tandis que moi, je me suis infligé tant d’aventures, tant de changements, de souffrance et de projection : je me suis perdu dans le monde des hommes quand ce que je cherchais, le voilà allongé sous la voiture, la moustache toute noircie ! Que tout me semble sans importance à tes côtés, que l’instant me semble roi du temps, que ne donner aucune fausse importance aux choses efface si bien toutes les ambitions !

Alors, à bas l’homme, à bas l’écriture : à tes côtés, sous l’herbe haute et les yeux plissés, je veux être maintenant ! Je veux t'accompagner dans ta sérénité comme celui qui n’a pas appris la peur : je vais devenir comme toi, j’imiterai chacun de tes mouvements, je deviendrai comme toi pour détruire dix mille ans d’histoire, pour tout briser : morale et civilité, abstraction et volonté d’autre chose, pour enfin me libérer de l'Homme : et toi, sage chat que tu es, paix sauvage que tu incarnes, tu trouveras cela juste agréable, suffisamment pour mêler aux vents ton doux ronronnement - accomplissement que je ne peux réaliser, mais que j’admirai - sans mot !

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