Jacqueline

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Alice vivait seule avec sa mère, Jacqueline (« Mais je préfère qu’on m’appelle Jack ! » Disait-elle souvent quand elle se présentait à des inconnus.) Elles s’entendaient très bien toutes les deux et étaient complices.

Mercredi soir, deux jours avant qu’Alice reçoive un mystérieux message sur son portable, sa mère vint la voir dans sa chambre en rentrant du travail. Il ne devait pas être loin de 20h. Alice était couchée sur son lit, en jogging sous-tif, en train de lire, comme d’habitude. Les stores de sa chambre étaient fermés et une petite lampe, sur sa table de nuit, éclairait son livre.

- Bonsoir ma chérie, lui dit sa mère, en lui collant un baiser sur la joue, ça va ?

- B’soir m’man, répondit Alice en levant à peine le nez de son bouquin, ouais, ça va.

Jack venait toujours dire bonjour à sa fille quand elle rentrait du boulot et, en principe, la conversation s’arrêtait au bref échange qu’elles venaient d’avoir, mais pas cette fois.

Jack s’assit sur le bord du lit et resta silencieuse un moment. Ça n’arrangeait pas Alice qui, plongée dans son histoire, en était au passage ou le garçon allait embrasser la fille… Ou pas. Sa mère posa une de ses mains sur le genou d’Alice. Ça la déconcentra et elle la regarda d’un air un peu exaspéré.

- M’maaaan, c’est pas l’moment làààà, dit-elle d’un ton geignard.

Elle adorait sa mère et c’était réciproque. Il y avait entre elle un amour très fort, plus fort que tout en vérité. Jack était toujours à son écoute. Elle était compréhensive et indulgente. Très ouverte d’esprit aussi, elles parlaient beaucoup ensembles, c’était la plus merveilleuse maman du monde. Enfin, sauf quand elle venait la déranger en pleine scène du baiser… (Ou pas).

- Je dois te parler deux minutes. Lui dit sa mère en souriant gentiment.

Elle a le plus beau sourire du monde, se dit Alice qui fit toutefois semblant d’être exaspérée.

- Quoiheuuu, qu’est-ce qu’y a, tu m’déranges là ?

- Oui, excuse-moi, je n’en ai pas pour long. Ecoute… Elle semblait gênée. Je vais devoir m’absenter la semaine prochaine…

- Mais M’man, et mon anniversaire ?

Son anniversaire était vendredi et sa mère lui avait promis de l’emmener manger dehors ce soir-là. « Une surprise, tu verras, avait-elle dit. Je suis sûr que ça te plaira… » Jade avait accepté, elle aimait bien sortir avec sa mère et puis 18 ans était un âge important, elle voulait marquer l’événement avec elle. Alice avait toutefois émis une exigence : « OK, mais le samedi je l’réserve pour mes amies ! ». « Bien sûr ! » lui avait répondu Jack.

- Ton anniversaire, oui, j’y ai pensé et je te promets que je serai là ! Quand ils m’ont demandé d’aller faire ce remplacement j’ai mis cette condition et je leur ai dit que soit ils étaient d’accord, soit je n’y allais pas ! On sortira ensemble vendredi, ma chérie, promis. Mais une succursale m’a appelé, ils sont dans le jus total, des malades… et ils ont besoin de moi, un inventaire à préparer. Je partirai dimanche soir et reviendrai Vendredi dans l’après-midi. C’est tous frais payés et ils m’offrent une prime. J’ai pas pu refuser, tu comprends ?

- Ouais, bien sûr, pas d’problème. Du moment que tu es là vendredi.

Alice comprenait vraiment. Sa mère travaillait dans la gestion administrative d’une grande chaîne de magasins. Ce n’est pas la première fois qu’elle devait s’absenter pour son travail. Elle était douée dans son métier et de temps en temps on faisait appelle à ses compétences pour redresser l’administration d’une succursale qui rencontrait des problèmes. Malgré ça, elle ne gagnait pas des masses et certaines fins de mois étaient un peu compliquées. Il y avait une prime à la clef qui était bienvenue.

- Je serai là vendredi comme prévu !

Elle redressa avec douceur une mèche de cheveux sur le front de sa fille et poursuivit :

- J’aime pas te laisser seule mais je sais que je peux te faire confiance, hein ma grande ? Ça ira ? On fait comme d’hab ?

- Mais oui, maman, ça ira. Tu l’sais bien. J’suis plus une gamine.

- J’sais, dit Jack, mais je culpabilise un peu. T’es fâchée ?

- Mais non ! J’suis pas fâchée, dit-elle sur un ton impatient et un peu agressif, t’inquiète, c’est que j’aimerai juste pouvoir lire, là !

Et c’était vrai. Elle n’était pas fâchée, juste impatiente de retrouver son baiser en suspendu dans son livre. Elle s’était retrouvée seule de nombreuse fois déjà. Ça ne la dérangeait pas. Elle savait très bien se débrouiller. Jack lui laissait de l’argent cash et une carte de crédit de secours était planquée dans l’appartement au cas où.

- Bien, ma chérie, je te laisse lire.

Elle se leva et sortit. Juste avant de refermer la porte elle interpella sa fille :

- Alice ?

- Mhmmm ?

- Tu es ma merveille, je t’aime. Ses yeux brillaient d’amour et elle souriait.

Le cœur d’Alice fondit. Ce sourire !

- Moi aussi j’taime ma Mamounette, laisse-moi maint’nant ! Elle regretta un peu son ton directif et ajouta : s’teupl !

- Oui ! dit Jack et elle envoya un baiser en l’air en embrassant la paume de sa main et en soufflant dessus.

Alice leva les yeux au ciel d’exaspération. Mais en vérité elle reçut ce baiser avec plaisir, comme quand elle était enfant.

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