Chapitre 1

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Le soleil s’était couché depuis des lustres. L’obscurité s’était emparée de toute la vallée. Le chant des coqs avait cédé leur place aux hululements des hiboux. De temps en temps, le vent qui dévalait les collines traversait la capitale et à chaque fois les arbres se courbaient pour saluer son passage. De l’extérieur, on pouvait à peine percevoir le reflet de la lumière à travers les portes et les fenêtres des cases.

À cette période de l’année, l’air sec et le froid glacial se faisaient davantage ressentir. C’était fréquent ; les nuits en territoire Babangui étaient pareilles. Mais ce soir se distinguait des autres. A l’obscurité, qui dégageait une espèce d’austérité, se mêlait un phénomène étrange ; les pleurs longs et répétés d’un animal qui troublaient la cérémonie crépusculaire de tous les jours. Ses cris, en provenance de forêt, se faisaient davantage sentir. L’animal semblait beaucoup souffrir. Les singes, qui à cette heure de la soirée dormaient paisiblement, répondaient à ces hurlements par des cris graves et sarcastiques. Le mélange de ces deux orchestres donnait une mélodie exaspérante. Les populations, réveillées et surprises par ce concert musical sauvage et assourdissant, restaient néanmoins dans leurs domiciles les lumières éteintes. Dans les cases, tout était calme. La peur semblait avoir envahi leurs occupants, les contraignant à ignorer les bruits qui régnaient de l’autre côté de la forêt.

Au milieu de ce vacarme assourdissant, une silhouette traversa la grande place en direction de la périphérie ouest de la ville. On pouvait à peine le distinguer dans le brouillard et l’obscurité. La pénombre semblait ne pas le gêner.

L’inconnu, d’une allure bien pressée, se dépêcha de prendre la direction du marché. A peine quelques foulées, que déjà, il fut pris d’une nausée si soudaine qu’il eut à peine le temps de se protéger les narines. En soirée, les odeurs nauséabondes de déchets de poissons et d’aliments pourris se mêlaient à la fraicheur glaciale, au grand désarroi de tous ceux qui se hasardaient encore à traverser la place du marché à des heures tardives. Notre inconnu aurait bien voulu s’épargner cette puanteur infecte et insurmontable, mais cette voie restait le seul raccourci pour rejoindre rapidement sa destination. Sans réellement se préoccuper de cette senteur répugnante, il continua d’un pas pressant de faufiler entre les étables, les boutiques et les multiples comptoirs maladroitement aménagés.

Finalement, parvenu à l’autre bout du marché, l’inconnu bifurqua et pour rejoindre un chemin sinueux presque jamais fréquenté. Il s’y engouffra en se frayant sur le coup un passage entre les hautes herbes qui lui obstruaient la voie. Cette ardeur opiniâtre le conduisit sur une longue piste étroite, une sorte de tunnel, où la lumière des étoiles semblait s’évanouir sous l’effet des branches entrelacées des eucalyptus qui jonchaient les abords.

La nuit était déjà moins sombre quand l’inconnu déboucha enfin sur une petite allée qui bordait la haute clôture d’un vaste domaine. Il la longea jusqu’à une poterne, une petite porte discrètement encastrée aux murs de la clôture, où cinq guerriers lourdement armés surveillaient l’obscurité.

A sa vue, les sentinelles se mirent aussitôt sur leur garde, prêt à dégainer leur épée.

Halte ! Qui va là ? lui cria l’un d’eux, qui avait déjà avancé d’un pas.

Notre inconnu s’arrêta spontanément et déclina à haute voix son identité. Le garde marcha sur lui et souleva la torche à la hauteur de son visage, comme pour authentifier son identité, puis hocha la tête.

Vous pouvez y aller ! lui dit-il. Il se retourna ensuite vers ses confrères et leur cria : C’est bon, il peut passer !

Sur cet ordre, les quatre autres sentinelles cédèrent le passage à notre inconnu franchi la poterne et disparu complètement sous sa petite ouverture noire et béante.

La poterne donnait sur une vaste plantation où bananiers, manioc et quelques rares arbres fruitiers cohabitaient harmonieusement. L’inconnu suivit sans aucune hésitation le sentier qui le conduisit en contrebas du domaine, où un dédale inextricable de voies étroites et identiques reliait quelques ilots de cases. Notre inconnu qui semblait parfaitement maitriser les lieux emprunta celle allait jusqu’au bas fond du hameau, plus exactement où, adossées à une forêt de grands arbres, une grande et modeste case semblait aménagée exprès à l’écart de tout. En ce lieu, on pouvait sentir l’air agréable que dégageaient les arbres ou écouter le merveilleux chant des eaux qui émanait de la rivière.

L’inconnu s’approcha de la plus grande des trois. Devant l’entrée, deux guerriers armés d’arc et de flèches gardaient le passage. Notre inconnu s’arrêta à environ un mètre d’eux et leva la main en signe de salutation. L’un des gardes s’approcha. Ils échangèrent quelques secondes puis le garde fit signe à son confrère qui ouvrit aussitôt la porte. Notre inconnu franchit avec empressement le seuil, suivit le couloir, traversa le grand salon et prit directement la direction de la principale chambre, elle aussi gardée par deux guerriers. A la vue de notre inconnu, l’un des gardes frappa instantanément à la porte et une voix grave sortit de la chambre. Le garde entrouvrit la porte et sur un geste de sa part notre inconnu, à pas hésitant, rentra timidement et referma aussitôt derrière lui.

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