Adieu

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Si on m’avait demandé comment tout cela allait finir, j’aurais dit que le vampire allait me prendre dans ses bras puis s’envoler jusqu’à chez moi. Mais il n’en est rien. Nous marchons en silence sur la route, au milieu des champs et de la tourmente qui hurle à nos oreilles sans discontinuer. Il a glissé une main dans mon dos, j’ai fait de même, et c’est ainsi que nous progressons avec une délicieuse lenteur. Je savoure chacun de nos pas qui imprime à nos hanches une danse parfaite : sa main chaude posée sur ma taille, sa peau qui brûle ma paume, ses cheveux qui me chatouillent parfois la nuque et l’étonnante stabilité que sa présence me procure. Rien ne semble pouvoir le faire dévier de sa route, pas même le vent qui nous pousse de tous côtés en s’acharnant en vain. Rien ne peut ébranler cet homme, pas même une tempête.

Nous parvenons devant le pavillon qu’habitent mes parents et que je retrouve avec bonheur chaque week-end. Une lumière au premier étage m’indique que ma mère, inquiète, doit guetter mon arrivée. Je réalise que la tenue vestimentaire de mon sauveur amènerait beaucoup trop de questions embarrassantes si jamais elle l’apercevait. Sans un mot, j’attire le vampire dans le jardin, sur le côté de la maison, là où se trouve une seule fenêtre : celle de ma chambre. Le vent joue dans ma coiffure que je tente de caler derrière mes oreilles. Il glisse ses mains de part et d’autre de mon visage et tient mes cheveux en arrière. Il semble détailler chaque parcelle de ma peau.À la lumière de l’unique réverbère de la rue, je constate que son regard tire vers un rouge plus intense. Mon cœur s’emballe, entre peur et excitation.

Il approche ses lèvres des miennes mais les glisse au dernier moment vers ma joue, mon front… Il inspecte ainsi ma peau, me mettant au supplice. Je suis en apnée. Tout mon corps me crie qu’il va m’embrasser. S’il ne le fait pas, je me promets de le faire tout en sachant que je n’oserais jamais prendre une telle initiative. Une infime part de moi-même continue de penser que cette relation étrange qui se tisse entre nous va mal finir.

Ses lèvres sont de nouveau au-dessus des miennes. Je perçois son souffle chaud, légèrement métallique. Cela devrait m’alarmer, mais il n’en est rien.

– Valentine, merci pour tout.

Sa bouche rencontre la mienne et mon monde s’écroule. C’est comme un coup de poing qui me coupe la respiration avant d’exploser au creux de mon ventre en milliers d’étincelles électriques. J’ai tellement envie de ce baiser que j’en ai mal. Pourtant, ses lèvres sont à peine appuyées contre les miennes : le vampire ne cherche pas à franchir ce rempart dérisoire alors que je ne lui opposerais aucune résistance, bien au contraire ! Mon manque d’expérience m’empêche de le forcer à aller plus loin. Sans compter que je ne suis pas certaine de supporter plus que cela tellement mon corps échappe à mon contrôle. Je ne suis pas vraiment consciente de ce que nous faisons, seule compte cette bouche contre la mienne, son souffle sur ma joue, ses mains plaquées sur mes oreilles au creux desquelles j’entends les battements désordonnés de mon cœur.

Il recule. À peine. Lentement. Je soupire. J’ai l’impression de sentir de nouveau l’air pénétrer dans mes poumons mais je suis à bout de souffle. Mes mains sont agrippées à ses avant-bras et je n’arrive pas à le lâcher. Encore. Je veux un autre baiser. Je n’ose pas demander. Nos regards s’accrochent : je lis dans le sien un fragment de la perdition qui doit envahir le mien. Je me suis égarée. Je suis à sa merci. En cet instant, je suis douloureusement consciente qu’aucun homme ne pourra jamais rivaliser avec ce simple baiser.

Il recule un peu plus et j’ai l’impression qu’on est en train de m’arracher une partie de moi. Il va partir. Me quitter. Ne jamais revenir. C’est la dernière fois que je le vois !

– C’est mieux ainsi, fait-il alors que ses mains lâchent mon visage.

Le vent siffle plus fort encore. Mes cheveux se plaquent sur mon visage. Je les repousse rapidement avec mes doigts et sursaute : il a disparu. Comme lorsque nous étions dans la cave. Le temps d’un battement de cœur, il n’est plus là. Il ne reste autour de moi qu’une tempête qui hurle sa rage comme un écho à mon cri de désespoir.

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