Chapitre 9

4 minutes de lecture

Jeudi 28 novembre 2019 - 23h45

Quelque part dans Paris (75)


La dernière bougie s’empara à son tour de la flamme au bout de l’allumette. Comme ses soeurs, elle la fit trôner au plus haut possible pour que sa lueur se propage dans la pièce. Il y avait assez de lumière à présent pour s’atteler à la rédaction de son message.

L’ombre se déplaça avec légèreté vers son bureau en chêne massif. Un modèle du début du dix-neuvième siècle taillé par des mains d’expert et utilisé par de grands noms de l’aristocratie. Elle adorait passer ses mains sur les motifs, ressentir la force supérieure que recelait ce meuble.

Installée dans un fauteuil tout aussi luxueux, elle recouvrit ses mains de gants en nitrile, et compléta son équipement avec un masque et des lunettes de protection. Une charlotte sur la tête et elle put enfin entrouvrir un tiroir incrusté dans le bureau pour en tirer une feuille de papier avec une pince neuve sortie de son emballage.

Aucun faux n’était permis, encore moins une trace d’acide désoxyribonucléique.

Le plus beau de ses papiers méritait la plus belle de ses encres et une plume qu’il chérissait par dessus tout. Son choix s’arrêta sur un bleu smalt et équipa sa plume d’une pointe en argent. Le liquide coula avec délicatesse dans l’encrier.

Le métal entra en contact avec le liquide pigmenté avant de glisser sur la feuille. Une application extrême dans chacun des mouvements. Tout était soigné, chaque mot choisit avec une attention particulière. Le premier message depuis plus de deux ans à l’attention de Jules. Un moment tant attendu.

Les lettres s’alignèrent à la perfection, un travail d’un précision sans égal. Il était après tout le « Maître du jeu », tout prévoir à l’avance et absolument tout contrôler était un art qu’il peaufinait à chaque nouvelle occasion.

L’homme s’accorda une courte pause. Il déposa sa plume sur deux petits socles de bois et ajusta le bout de la plume. L’encre en excédant tomberait dans le couvercle du pot et ainsi, il n’en gâcherait pas une seule goute. Il savourait l’instant.

Combien de fois avait-il rêvé de la mise à exécution de son plan ? Trop… bien trop.

Ses doigts glissèrent le long du corps en bois de la plume avant de la soulever avec délicatesse. Un peu d’encre sur la pointe et il reprit sa calligraphie. Il savait comment capter l’attention du juriste. Des heures entières à l’étudier, à sonder ses peurs et ses ténèbres. Il n’avait plus aucun secret à lui opposer.

Le gamin était un adversaire redoutable, il l’avait sélectionné pour cette bonne raison. Seul un esprit aussi structuré que le sien pourrait le comprendre et avancer dans le dédale de mystère qu’il lui réservait. Quel coup de génie que de lui remettre une ancienne compagne sur son chemin. Il espérait le fragiliser, assez pour que cette lettre réveille de vieilles blessures.

Son message apposé sur le papier, il décida de ne pas le signer immédiatement.

Il changea ses gants avant d’attraper une petite enveloppe sur l’étagère. Toutes les pièces de son puzzle se déversèrent sur le bureau. Il reconstitua le dessin pour s’assurer qu’il ne manquait aucun élément puis il les regroupa tous à l’intérieur.

Un petit indice qui prendrait tout son sens en temps voulu. Il était persuadé que Jules saurait s’en servir avec brio pour progresser dans cette enquête bien plus périlleuse que la dernière fois. Manipuler le jeune Laville et les enfants Balkivski avait été si simple… Cette fois-ci, il devrait se montrer plus efficace et ne pas traîner. Des vies étaient en jeu, bien plus qu’une simple famille dans une maison à Boissy-Saint-Léger.

Il avait tout ficelé, anticipé tous les scénarios. Le spectacle s’annonçait grandiose et il ne fallait pas qu’il soit déçu, sinon…

Le puzzle en place dans l’enveloppe, l’homme décida d’y ajouter une photo. Au dos, un lieu et une date. Il ne voulait pas simplement jouer avec Jules pour le plaisir, il escomptait bien pénétrer dans les profondeurs de son coeur et le faire souffrir. Ce cliché serait le point de départ.

Ses yeux de fermèrent, les images de la réaction de Jules défilant dans son esprit. Oui… il pouvait voir ses traits se déformer, sentir son incompréhension le saisir et la peur s’infiltrer dans sa tête. Et ce ne serait que le premier coup de poignard.

Il eut un long ricanement.

La photographie glissa dans l’enveloppe. Alors, il décida de conclure sa lettre en y apposant les quelques lettres composant son pseudonyme. Le courrier scellé, l’homme se dépêcha de revêtir sa veste. La poste du Louvre fermaient ses portes dans peu de temps. Il ne pouvait pas manquer la dernière levée.

Les rues défilèrent à grande vitesse. Le temps, ce bien si précieux, s’écoulait sans relâche, mais il serait à temps près du bureau de poste. Quand l’enveloppe tomba dans la boite, l’homme sentit en lui le doux poison de la vengeance lui caresser le coeur. Une sensation si plaisante qu’il y succombait à chaque fois.

La voiture s’éloigna dans cette sombre nuit.

Le Maître du jeu venait de lancer la partie et Jules n’aurait d’autre choix que de participer à ce jeu préparé depuis plusieurs années. Un jeu qui le mènerait tôt ou tard à sa propre mort.

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