Chapitre 4 : Retrouvailles

11 minutes de lecture

Ce chapitre est un ajout de la réécriture. Dans la première version, on ne suivait qu'Erine, normalement en 3ème personne en point de vu interne, mais à force des années, ça avait dévié sur de l'omnicient... bref ! Du coup maintenant, je tente l'exercice de jongler entre les points de vue de deux personnages, Erine & Loan.

Bonne lecture

_______

Loan sent une paire d’yeux le fixer avec sévérité. Il n’ose pas tourner la tête, sachant qu’il va croiser le regard sombre d’Erine qui exprimera à la fois de la déception, une haute trahison et enfin, une foule de questionnements. 

Un sourire amusé se dessine sur ses lèvres alors qu’il imagine une caricature de la tête de son amie à cet instant. Il essaye de réprimer le rire qui s'ensuit alors qu’il écoute son parrain lui narrer quelques anecdotes de son dernier voyage. Le capitaine Malcombe, de retour sur Orfey depuis trois jours et Laorelon depuis la veille au soir, a déjà revêtu sa tenue de professeur. L’homme est nonchalamment appuyé contre le chambranle de sa salle de classe d’où sortent de jeunes élèves, tentant sûrement lui aussi de ne pas porter attention au regard accusateur d’Erine. 

Loan sait que bien qu’elle connaisse les liens qui l’unissent à Malcombe, Erine n’a jamais bien toléré de les voir ensemble. Aussi, le jeune homme a depuis longtemps pris l’habitude de visiter son parrain loin des couloirs de l’école. Mais une discussion après plus de six mois de séparation vaut bien de faire une entorse à cette règle. Proche de son père lors de la naissance de Loan, Malcombe a été désigné parrain du bébé et s’est toujours montré digne de ce titre. Du moins, c’est ce qu’estime Loan qui l’aime comme un père. 

Loan s’autorise à souffler quand enfin il ne perçoit plus les petits yeux marrons d’Erine. Sehan a sûrement réussi à l’attirer dans une autre direction. Mais après tout, même si elle avait marché jusqu’à leur niveau, qu’aurait-elle fait à part leur passer à côté en soufflant ? 

Quand finalement le dernier des élèves quitte la salle, Malcombe referme la porte et entraîne son filleul vers la sortie. Le soleil s'infiltre par une ouverture non loin, montrant le chemin vers un petit balcon. Une fois dehors, sur ce mince espace où on ne tient pas à plus de quatre ou cinq, Loan inspire grandement. L’air est vif et frais ce matin, revigorant. Le jeune homme s’assied sur la rambarde du balcon, le vide dans le dos et n’hésite pas à se balancer sous le regard soucieux du Capitaine. Ce dernier hoche la tête avec une mine hautement réprobatrice. Cependant, Loan sait qu’il ne se permettra aucune remarque, alors qu’il exécutait des tours tout aussi dangereux au même âge. Loan n’a jamais oublié la fois où il a raconté s’être jeté du haut de la verrière du hall un jour de grand vent alors qu’il était en dixième année. Une stupide idée de son colocataire qui désirait voir si leur contrôle de l’air leur permettait de voler. Le dit-ami, contrôleur absolu, s’était finalement posé sans trop mal aux pieds du bâtiment alors que Jahnathan Malcombe lui, s’en était tiré avec un bras et deux côtes cassées. 

Loan regarde en bas. Le balcon est au troisième étage et le jeune homme estime la hauteur pas si terrifiante que ça. En effet, celle du haut de la verrière est plus impressionnante. Evidemment, après avoir écouté cette histoire, Loan, accompagné d’Aven son meilleur ami, n’avait pas résisté à l’envie d’aller faire la même bêtise. Fort heureusement, personne ne les avait vu et étant tous les deux des absolus avec une maîtrise presque déjà parfaite de leurs dons à cette époque, ils ne s’étaient pas blessés. Seulement quelques bleus passés inaperçus. Loan ne s’est jamais vanté de cet exploit auprès de son parrain de peur qu’il ne le gronde comme un enfant. Peut-être le lui ressortira-t-il dans quelques années, après son diplôme et sa majorité. 

— Alors professeur, ce premier cours ? finit par demander Loan. 

— Facile ! n’hésite pas une seconde Malcombe. Une classe de petits, enfin petits, ils ont dix ans. Il est encore facile de les fasciner avec un rien, quelques récits héroïques et l’attention est captée. 

— Cours d’histoire ? veut se faire confirmer Loan. 

— Oui, confirme Malcombe. Les cours pratiques sont pour cet après-midi. Je reprends après le déjeuner pour un cours de concentration élémentaire. 

Il marque une pause et Loan le voit perdre son regard dans le parc de l’école. 

— Avec mes deux terreurs, reprend-il en soupirant. 

Par “mes deux terreurs”, il entend évidemment Elric et Erine. 

— Ils ont été sages durant mon absence ? demande Malcombe, reportant ses yeux sur son filleul. 

— Oui, plutôt, répond Loan, tranquillement. Je dois admettre ne pas avoir beaucoup croisé Elric, il vient en cours et rentre chez lui. Du moment qu’il reste loin d’Erine, je ne m’en occupe pas, fit-il plus tranchant. 

Loan adore son parrain mais n’apprécie pas particulièrement son fils. Elric a découvert vers ses dix ans les vrais liens l’unissant à Erine et dès lors, s’est mis à la détester. Très jeunes, à leur entrée à l’école, Loan se souvient les avoir vu partager une table, des crayons de couleurs ou leur goûter. Le jeune homme n'a jamais vraiment su comment Elric a appris le secret de son père, mais une chose est certaine, c’est qu’il ne l’a jamais accepté. Il l’a gardé pour lui, puisqu’à l’école, nombreux pensent que les deux élèves ne s’aiment tout simplement pas. Les rivalités, les conflits entre étudiants sont répandus à Laorelon, un de plus ou un de moins, ce n’est pas ce qui attire l’attention des autres. 

— Je sais qu’ils s’ignorent lorsqu’ils sont en cours, mais tu sais tout comme moi, que lorsque c’est pour se disputer l’attention de leur père, ils sont doués, précise tout de même Loan. Malgré l’âge et la maturité, j’ai peur que leur vieille rivalité refasse surface. 

Le capitaine acquiesce, l’air pensif. 

— Et toi, mon grand, nous avons passé un accord avant mon départ, tu devais avoir passé le certificat d’aptitude à l’accompagnement des agents terrain, lui rappelle son parrain. 

Un sourire malin se dessine sur le visage de Loan. Il sort de sa poche une petite carte légèrement opaque d’à peine deux millimètres. Il appuie sur l’écran où s'affiche le dit certificat.  Avec une fierté non dissimulée, Loan brandit l’objet de sa joie devant les yeux du Capitaine. Ce dernier s’en saisit sans un mot et feignant une immense concentration et une certaine méfiance, il parcourt le document sous le regard impatient de son filleul. 

— Il ne manque plus que la signature d’un garant, dit Loan, faisant glisser son doigt sur la carte jusqu’à l’emplacement où le futur tuteur devrait apposer sa signature. 

Malcombe dégage la main du jeune homme et reprend sa lecture du document. 

— Laisse-moi m’assurer que les notes sont à la hauteur de mon prestige, taquine Malcombe. Travailler à mes côtés, ça se mérite. 

Ne cachant pas son impatience, Loan roule des yeux en soufflant. La fine carte n’est autre que sa fiche d’identité comportant toutes les informations le concernant. Toute sa vie y est inscrite, de sa date de naissance à son diplôme le plus récent en passant par son groupe sanguin ou encore les coordonnées de ses proches. Chaque membre de l’organisation dispose de cet objet. 

Le certificat d’aptitude à l’accompagnement des agents terrain peut être passé par les élèves de dernière année de l’école ou leur aînés entrant à l’université de la Ligue. Ce document permet aux jeunes désireux de l’obtenir, de prendre part à des missions courtes durées auprès des équipes terrains de la Ligue, aussi bien les agents au sol surveillant Orfey que les spationautes. Ces missions ne peuvent avoir lieu pendant les périodes de cours, sauf dérogation exceptionnelle, et se tiennent souvent sur les jours de repos hebdomadaires ou les vacances. Bien que brillant et intelligent, Loan ne fait pas partie de ceux qui aspirent à rester assis sagement sur les bancs de l’école. Depuis tout petit, il manifeste son envie de voyager aux quatre coins de l’espace. Il a travaillé dur pour y arriver et avoir un parrain comme Malcombe a évidemment favorisé son appétence pour l’exploration spatiale. 

— Reçu à l’examen avec une note de quatre-vingt-onze points sur cent, c’est pas si mal, commente le capitaine sur un ton neutre. 

Loan souffle une nouvelle fois. Il sait que son parrain joue avec sa patience, une qualité qu’il n’a pas à tout épreuve et qui lui sera pourtant indispensable dans ses futures missions au sein de la Ligue. Le jeune homme croise les bras et fixe Malcombe, agacé. 

Finalement, son parrain fait défiler le certificat jusqu’en bas et appose son doigt sur le carré contenant la mention : approbation du garant. L’écran s'éteint et l’homme releve enfin la tête. Une expression satisfaite s’y lit. 

— Je suis très fier de toi ! 

Il s’approche alors de son filleul soulagé de voir enfin ce document signé et officiel. Plus personne ne pourra le lui enlever. Cette certification lui est acquise et lui ouvre la première porte vers son rêve. Loan saute de la rambarde du balcon et étreint son aîné. 

— Merci, merci beaucoup ! 

Précautionneusement, le jeune contrôleur range la carte dans la poche interne de la veste de son uniforme. 

— Il faudra aussi valider l’attestation d’Aven, informe Loan. 

Très attaché à son meilleur ami sans qui il ne compte pas sillonner l’espace plus tard, Loan l’a également poussé à passer cette formation. 

— Il l’a eu à combien de points ? s’enquiert le Capitaine, reprenant son air supérieur. 

Loan souffle une nouvelle fois, lâchant un petit rire nerveux. Il sait que son parrain n’en a que faire de la note du moment que le certificat est acquis.

— Alors ? s’impatiente Malcombe. 

— Quatre-vingt-douze points, marmonne Loan. 

Ce n’est qu’un point, mais Loan est plutôt fier et l’idée que son meilleur ami ait eu une meilleure note que lui le fait rager. Sans l’initiative de Loan, Aven n’aurait pas passé la certification. Du moins, pas cette année. 

— Bien, envoie-le-moi à mon bureau après les cours ce soir, je signerai sa carte. 

La capitaine n’a pas l’air de vouloir provoquer son filleul sur ce sujet. 

— Je te préviens, je ne sais pas encore quelles ingrates besognes je vous confierai. Je dois reconnaitre ne pas savoir de quoi les prochains jours seront faits. 

Loan voit les traits du Capitaine s’assombrir. Il n’a pas besoin d’en dire davantage pour que le jeune homme comprenne à quoi il fait référence. Bien qu’il n’en ait rien laissé paraître la veille au soir, la réunion avec le directeur l’a laissé perplexe. Il a ressassé certaines phrases pendant une partie de la nuit, sachant que la certification obtenue récemment le place en première ligne en cas de besoin. Le cas d’Anaiel n’est pas isolé. Il y en a eu d’autres ces dernières semaines et il y en aura d’autres, de plus en plus. Craignant d’être débordée et surtout, peu écoutée, la direction de l’école a réquisitionné les plus grands pour veiller sur leurs cadets. À Laorelon, les libertés individuelles sont plus respectées, alors l’évocation des mots “couvre-feu”, “confinement” ou encore “limitation des pouvoirs”, inquiétent Loan et ses amis. La réunion s’en est tenue aux actualités au sein même de l’académie, mais Loan sait que les dangers se multiplient chaque jour en dehors de l’Enceinte. Il fait mine de ne pas voir les informations chaque jour, de ne pas lire les rapports de missions transmis par les équipes réparties dans les différentes zones de la galaxie, mais en réalité, une partie de son attention se focalise là-dessus. 

Il a menti à Erine la veille, lorsque se moquant d’elle, il lui a dit de ne pas s’inquiéter et que sa trop grande imagination lui jouait des tours. Cependant, il sait qu’il ne pourra plus les préserver, elle et ses amis, longtemps. 

— Tu as reçu des consignes ? vues des choses avant de rentrer ? s’enquiert Loan auprès de son parrain. 

 Il ne peut se résoudre à se contenter de ce que la direction de Laorelon veut bien lui dire. 

— Très peu, répond Malcombe. Une fois le travail effectué en zone neuf, le ministère m’a demandé de rentrer. Un trajet retour de deux mois sans aucun arrêt. Tout ce que je sais de ce qu’il se passe dans l’univers, c’est tout comme toi, ce que j’ai lu ici et là. 

— Tu redoutes de graves ennuis ? 

Malcombe inspire, puis expire calmement, fixant l’horizon et le parc de l’école qui se dévoile en contrebas. 

— Je n’en ai aucune idée, lâche-t-il. L'enchaînement d’événements tragiques tel qu’il se déroule depuis quelques semaines est inédit, du moins dans notre histoire moderne. Il n’est évidemment pas sans m’inquiéter. 

Malcombe crée dans la paume de sa main une petite flamme. Elle brille quelques instants, vacille, danse sous l’effet d’une douce brise de vent que Loan ressent également. Le Capitaine agite ses doigts et une vague anéantit l’élément chaud. 

— J’ai une réunion avec le président et le conseil demain, j’espère en apprendre plus à ce moment-là, conclut Malcombe. 

Loan comprend alors que la conversation est terminée. Son parrain l’invite à regagner l’intérieur. Avant de rentrer, Loan attarde son regard sur les montagnes blanches au loin. Plus près, à la bordure du parc de l’académie, des élèves suivent un cours de maniement de l’eau. Ils paraissent petits d’ici, mais les cris qu’ils poussent en entrant dans l’eau remontent jusqu’à Loan, témoignant ainsi de la froideur du bassin. Seuls ceux maîtrisant le feu arrivent encore à tolérer les basses températures. Une injustice que les autres étudiants frigorifiés ne manquent pas de faire remarquer avec véhémence. Loan ricane, imaginant le mal-être de l’enseignant devant supporter ces plaintes.  

Parcourant le couloir jusqu’à la salle de son prochain cours, Loan échange quelques banalités avec son parrain. Il lui donne des nouvelles de sa famille et plus spécifiquement de sa mère qu’il connaît depuis des années. 

De retour dans le hall, ils sont enveloppés par les conversations des étudiants qui profitent des canapés et espaces communs qu’offre le lieu. Une rouquine, dont les cheveux sont aussi brillants que la flamme dans l’une de ses mains, salue le Capitaine. 

— De retour parmi nous ? peut alors lire Loan sur ses lèvres. 

Malcombe acquiesce en lui rendant son petit signe de la main. Elle fait s’élever la boule de feu dans sa main et la projette dans la direction de Loan qui l’attrape au vol. Il la jete en l’air et la rattrape plusieurs fois avant de l’éteindre d’une simple pensée. Visiblement vexée qu’il ne lui ait pas renvoyé la balle, la rouquine détourne le regard pour se replonger dans les conversations de ses amies. Reprenant son chemin vers la sortie de la bâtisse, Loan sent un regard appuyé de son parrain peser sur lui. Il ricane en secouant la tête sans prendre la peine de se retourner. Après les conversations sérieuses, le temps est venu pour des échanges plus volages.  

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Maristochats ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0