075 Le jour d'après

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   En milieu de matinée, Christa et Hugues ressentirent une petite faim. Il faut dire que, la veille au soir, ils n'avaient pas eu le loisir de dîner, et que ce matin ils n'étaient guère réveillés au moment du petit déjeuner. Ils auraient bien fait la grasse matinée, mais Christa possédait maintenant le plus impitoyable des réveils matin ! Elle entreprit d'installer sa fille, maintenant somnolente, dans une poche kangourou. Le bébé était tout contre elle, posant sa petite tête contre ses seins. Elle resta figée quelques secondes, respirant l'odeur de SA fille. Son regard croisa celui du parrain.

   — Tu ne peux pas savoir ce que ressent une mère, lorsqu'elles sent son bébé contre elle. Aucun homme ne le peux, même pas toi, malgré ta sensibilité heu... particulière.

Hugues sourit en la menaçant de l'index.

   — Attention, pas de blague homophobe avec moi !

Christa regarda Christina endormie, sa petite frimousse encore toute « froissée ».

   — Tu sais que, sur certaines planètes, l'adoption est possible pour des couples gays ? Le mariage aussi d'ailleurs.

   — Je sais, mais, contrairement à toi, je n'ai pas encore rencontré l'homme de ma vie !

Ils rirent tous les deux. Christa repensa au président de la société intergalactique des mines, mais se tut, ne voulant pas faire de peine inutile à son ami, en cette journée de joie.

Ils descendirent à la cuisine, installée au sous-sol. Elle était laissée à la disposition des patientes, en complément des repas servis aux heures traditionnelles. Un congélateur contenait des plats préparés à faire réchauffer au micro-ondes. Mais ce qui les intéressa d'abord, ce fut la bonne odeur du café en train de passer. Deux mamans étaient là, l'une avec son bébé, et l'autre visiblement très proche du terme. La première, petite, brune, la peau mate, se présenta :

   — Je m'appelle Ida Latres. Et voici mon fils, Leone. Il est né hier matin.

La poignée de main était franche et énergique.

   — Vous nous avez battu au sprint, ma petite Christina est née cette nuit. Je m'appelle Christa Kalemberg. Et voici un ami, Hugues Milton.

La deuxième femme s'avança. Elle était très élégante malgré son embonpoint, grande, les cheveux blonds platine.

   — Isabelle Manet. Je suis de passage pour rencontrer la sage-femme qui me suit, mais comme elle n'est pas encore arrivée, je suis venue voir s'il y avait des mamans ici.

Ses paroles étaient chaleureuses, mais Hugues fut agacé par son attitude générale, assez infatuée d'elle même. Elle était, sans aucun doute possible, ce qu'on appelle une belle femme. Cela se voyait malgré sa maternité, et elle avait certainement l'habitude d'être entourée et choyée en conséquence. A voir la qualité de ses vêtements, elle faisait partie de la haute bourgeoisie. Elle devait avoir l'habitude de commander les domestiques plutôt que de travailler elle-même. Elle ne resta pas dans la cuisine, préférant partir à la recherche d'une de ses amies, qui devait être dans une chambre du premier étage.

Mme Latres et Christa commencèrent à parler de leurs expériences respectives et des premières heures passées avec leurs bébés. Hugues s'éloigna vers le fond de la pièce, pour les laisser discuter tranquillement et boire son café dans un coin. Cathy fit son apparition à ce moment là. Elle s'enquit de l'état de santé des deux mamans, et leur promit d'aller les voir dans leurs chambres un peu plus tard. Elle confirma aussi à Christa qu'elle pouvait rester deux nuits de plus dans la maison du bébé, plusieurs chambres restant libres. Cela lui permettrait d'attendre le retour de Steve pour rentrer à la maison. Puis elle s'approcha de Hugues.

   — Alors Monsieur l'assistant, avez-vous récupéré de vos émotions ?

   — De mes émotions oui. Par contre, la nuit a été courte. Je ne me sens pas en pleine forme. Je suis vraiment étonné de la vitesse à laquelle ces mamans récupèrent.

   — Effectivement, c'est extraordinaire. Mais dites-moi, vous m'avez confié avoir déjà assisté à un accouchement ?

Hugues eut un petit sourire désabusé.

   — Pas assisté, participé.

   — Vous pouvez m'en dire plus ? Je sais que ma démarche peut paraître indiscrète, mais voyez-y un souci d'améliorer mes connaissances professionnelles. Un ANA je n'en entend pas parler tous les jours.

Hugues hocha de la tête.

   — OK, je vais vous en dire plus. Voulez-vous une tasse de café ?

   — Volontiers. J'avoue que, moi aussi, j'ai eu du mal à me lever ce matin.

Ils s'installèrent à une table et, tout en buvant, Hugues raconta à nouveau l'accouchement de Pearl. Christa le surveillait de loin, et devina sans mal le sujet de leur conversation, à l"expression du visage et aux gestes de son ami. Elle était très contente d'avoir pour alibi son entretien avec Mme Latres, car elle ne se sentait vraiment pas d'écouter à nouveau cette histoire. Elle préférait rester dans sa bulle de bonheur et s'occuper de sa petite fille. Elle espérait que la nouvelle Christina ferait un peu oublier à Hugues l'ancienne. Il en avait assez bavé comme ça. Elle comptait lui permettre d'avoir un semblant de vie de famille, en l'invitant le plus souvent possible à la maison.

Hugues acheva son récit par la mort de sa sœur et sa séparation d'avec sa nièce. Cathy, impressionnée, murmura :

   — C'est pour cela que le bébé de Christa s'appelle Christina. Je pensais que cela voulait seulement dire « petite Christa »...

   — Oui. Une boucle est bouclée. Je repars sur des bases neuves, et je compte bien apporter à cet enfant tout l'amour que j'aurais eu pour ma nièce. Je sais que Christa l'a compris, et qu'elle me permettra de m'en occuper aussi, après son papa bien sûr. D'ailleurs, elle m'a demandé d'être son parrain.

   — Je suis contente pour vous. Je suis sûre que vous serez un excellent parrain.

   — Je l'espère. Mais rien ne fermera jamais la plaie que j'ai au plus profond de moi. Quinze ans après, je fais encore des cauchemars, où je revois l'accouchement de Pearl, ou que j'imagine son accident. Le pire, c'est celui ou Christina m'échappe des mains, pour tomber dans un puits sans fond. Je me réveille alors en sursaut, et je suis incapable de me rendormir, oppressé et désespéré comme aux premiers jours.

Il se leva et retourna vers Christa qui avait finit de parler avec l'autre maman. Cathy l'observa de loin, impressionnée par cet homme complexe, torturé, mais si attachant.

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