063 Au soir d'un triomphe

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  Lorsque Simon Temton put enfin se retirer dans ses appartements, il était épuisé. La journée avait été longue, et s'était achevée par son triomphe total : il était élu Président de la République de Solera, avec soixante quatre pour cent des voix, un score jamais atteint jusque là.

Après, cela avait été la ruée des médias, les déclarations, les discours, les félicitations, etc... La vie d'un homme politique est parfois un véritable bagne, mais la possibilité de pouvoir appliquer ses idées, son programme, valait bien quelques sacrifices.

Lorsque la porte de sa maison se referma derrière lui, il poussa un long soupir de soulagement. Il entreprit d'ouvrir sa veste et de desserrer sa cravate, avant de foncer vers le bar, pour se servir un verre d'eau minérale : il avait bu trop d'alcool, et se sentait la bouche pâteuse. Une voix connu l'interpella.

   — Toutes mes félicitations, Monsieur le Président. Ce jour est un grand jour pour Solera.

Arthur Nitzer s'était installé pour l'attendre dans un fauteuil profond, ce qui l'avait masqué à sa vue jusque là. Il lui sourit. Le vieil homme s'avança et lui fit une accolade chaleureuse.

   — Merci Arthur. Mais ceci est aussi le résultat d'un travail d'équipe. Je ne suis que la partie émergée de l'iceberg.

   — Il en est toujours ainsi en politique. Ne boudons pas notre plaisir. Et puis, le coup de la récupération des mines, c'est ton œuvre.

  — Un peu de chance, un peu d'à-propos. Et de bons gestionnaires pour les rendre à nouveau rentables. Vous y avez aussi joué votre rôle. Un rôle que vous jouez d'ailleurs depuis le début de ma carrière, lorsque vous êtes venu à la rencontre d'un jeune conseiller municipal.

   — J'avais senti ton potentiel, et surtout ton charisme. Être intelligent, avoir de bonnes idées, tout cela ne suffit pas en politique. Il faut séduire, conquérir son auditoire, lui faire comprendre que l'on est « LE » candidat, avant même d'exposer son programme.

   — J'ai eu un bon maître !

   — Flatteur ! Maintenant, nous devons gérer la planète comme nous avons géré ce projet industriel. Pour la première fois, depuis le début de la colonisation, notre destin est entre nos mains. Exit les multinationales au pouvoir tentaculaire. Nous sommes enfin « chez nous » !

Simon Temton fit avec ses mains le geste d'incitation à la prudence.

   — Attention, la partie est loin d'être gagnée. Nous risquons de devenir une particularité politico-économique au sein de la galaxie, le vilain petit canard qu'il faut faire rentrer dans le rang, coûte que coûte !

   — Tu n'es pas au bout de ton destin Simon. Je te connais depuis ton plus jeune age. Ton père était mon meilleur ami. J'ai toujours su que tu ferais de grandes choses. Ton destin est en marche, et tu monteras encore plus haut.

   — Le conseil galactique...

Simon Temton devint rêveur.

   — Oui, parfaitement, le conseil galactique. Pour ne plus être le vilain petit canard, il faut que d'autres deviennent comme nous. Et plus ils seront nombreux, plus nos chances de survie seront grandes.

Arthur Nitzer se mit à arpenter la salle, trop excité pour rester assis. Il continua son discours en égrenant ses souvenirs :

   — Bon Dieu, tu ne peux pas savoir comme je l'aime cette foutue planète. Lorsque je suis arrivé sur Solera, la colonisation commençait seulement. Nous étions un trou paumé, au fin fond de l'univers. Je suis partit explorer les collines, et je suis tombé sur le site où j'ai construit mon restaurant. Là, j'ai sentis que j'avais trouvé mon point d'ancrage, que je passerai ma vie à défendre et développer ce coin de terre, aride mais si beau. Et puis, nous avons grandi, les structures économiques se sont mises en place, malheureusement avec l'argent des multinationales. Dès lors, notre sort était scellé, nous étions leurs esclaves. Pouvoir enfin leur dire non ! Excuse ma trivialité, mais « c'est le pied » !

Amusé par l'attitude de son maître, brusquement rajeuni d'au moins trente ans, il l'avait laissé s'exalter. Malheureusement, il fallait garder les pieds sur terre. Reprenant son sérieux, il entreprit de le faire redescendre de son petit nuage :

   — Moi aussi j'en ai rêvé, mais mon enthousiasme est tempéré par l'ampleur de la tâche. En attendant, il faut s'attaquer à la constitution du nouveau gouvernement. Tu ne veux toujours pas du poste de premier ministre ?

   — Non, je suis trop vieux. Par contre, le portefeuille de l'économie, je ne dis pas non.

   — C'est le domaine où tu es le plus compétent. Je serrais fou de te le refuser. Allez, mettons nous au travail. Je suis épuisé, mais il faut battre le fer pendant qu'il est encore chaud. Nous allons choisir le premier ministre...

   — Parce que ce n'est pas déjà fait ?

Arthur Nitzer avait son sourire ironique que Simon Temton connaissait si bien. Il voulait dire : "tout va bien, continuons !". Simon répondit à son sourire avant de se justifier :

   — Évidemment que si. Seule, ton acceptation du poste aurait pu changer la donne. Mais tout en le nommant, je compte bien lui « suggérer » certains choix pour l'avenir. Je sens que je vais être un président très impliqué ! Les visites protocolaires, les inaugurations d'écoles ou d'expositions, les cocktails et les grandes rencontres sportives, tout cela je ne pourrais pas y échapper. Mais, d'un autre coté, ce cher premier ministre va m'avoir tout le temps sur le dos. Autant qu'il s'y habitue tout de suite. Mes prédécesseurs à ce postes ont trop longtemps joué les potiches. Avec moi, c'est le président qui assumera toutes les grandes décisions, personne d'autre. L'adhésion des électeurs à mon programme me donne la légitimité pour cela. 

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