Scène 3 : Arlette

3 minutes de lecture

Bonjour, bonjour ! Alors moi je me présente, je m’appelle Arlette, et je suis la thanatopractrice à Beckwiller. Mais, vous allez me demander «Qu’est-ce que la thanatopraxie ? » Hé bien, c’est très simple ! Vous voyez à l’enterrement de mémé, lorsqu’elle rougit après que vous l’ayez complimentée sur la robe qu’elle porte dans le cercueil ? Hé bien ça, c’est mon œuvre ! Donc, basiquement, j’habille les morts, je leur refais une petite beauté avant les obsèques… Voilà quoi, c’est mon métier. Et ce jour, le jour du coup de feu, là, figurez-vous que moi, hé bin, j’étais entrain de me disputer avec madame Labiche, là… Enfin, son mari est décédé il y a peu. Moi j’avais bien dit que ce serait lui et pas elle en premier… Oui, c’est un petit jeu qu’on avait, avec les collègues de la morgue : on pariait sur lequel des deux allait clamser en premier. Moi j’avais bien dit que ce serait monsieur, mais les autres avaient plutôt misé sur la madame, étant donné qu’elle est presque sourde et à moitié aveugle… Bref ! Moi, j’ai empoché un beau petit billet de cent euros, et ça je m’en plains pas, c’est sûr ! Bon, mais c’est là que ça devient épicé… Vous voyez le mari, là, hé bin son épouse tenait absolument à ce qu’il porte pour les obsèques la chemise qu’il avait le jour de leur mariage… Moi je dis, pas de problème, sauf que… Sauf que, le mari, là, il y vingt-cinq ans, il était pas atteint d’obésité morbide ! Entre temps, il a quand même pris quatre-vingt kilos, ce gras du bide ! Non mais vous vous rendez compte ?! Quatre-vingt kilos ! Donc moi, forcément, j’essaye d’argumenter avec la Labiche, là, en lui disant que son chéri, il peut juste pas entrer dans la chemise ! Évidemment elle s’énerve : «Gnagnagna, mais on se l’était promis le jour de notre mariage, gnagnagna ! » Ah ouais, et vous vous étiez aussi promis de prendre quatre-vingt kilos entre temps ?! Donc bref, elle s’énerve, je m’énerve, et là BOUM ! J’entends un coup de feu ! Je me dis, bon, Arlette, on est près de la forêt après tout, y’a des chasseurs dans le coin, alors bon, un coup de feu, pour moi, hein… Mais tout de même, on me demande de venir voir, paraît qu’il y a eût comme un mort… Donc bon, je laisse la Labiche avec sa chemise et son mari obèse, ils auront qu’à se démerder, eux, et j’arrive donc sur...hé bien, les lieux du crime, si on peut dire ça comme ça. Il y a quand même pas mal de monde, je vois le p’tit Jean (je suppose que vous voyez qui c’est…), le Gérard, et une policière assez...assez...bon, bin, voilà, quoi ! Et là, au sol, qu’est-ce que je vois ? Un cadavre. Et oui : un cadavre. Alors oui, bien sûr, c’est triste, mais bon, vous savez… Les morts, à moi, c’est tout de même mon gagne-pain, alors… Bon, on m’autorise à m’approcher, je m’approche, et là, qu’est-ce que je vois… ! Qu’est-ce que je vois… ! Vous...vous n’allez pas me croire… ! Là je me dis : Arlette, ça y est. Le moment est venu. Tu y avais échappé jusque là, mais c’est fini… Tu vas… Tu vas devoir recoudre un trou de balle ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte, monsieur l’agent ! Un trou de balle ! Mais énorme, en plus, un comme ça ! Non mais je vous le dis, je ne suis pas assez payée pour faire ça… Ah, ah là là… Et d’ailleurs, il faut que j’y retourne… J’ai dit tout ce que je savais… Un trou de balle, un trou de balle…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire La Folia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0