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Les semaines suivantes, j’ai passé la majeure partie de mon temps à observer Eva. A vivre et à ressentir ses émotions. J’étais triste quand elle l’était, joyeux quand elle riait. J’avais de plus en plus de mal à ne pas entrer en contact avec elle. En particulier quand elle me semblait en danger.

Un après-midi, alors qu’elle se promenait dans un parc, main dans la main avec celui qui partageait sa vie, j’ai eu la sensation d’être moi aussi observé. J’ai d’abord cru que c'était Bel, mais, s’il se trouvait bien sur la même planète, il était à des centaines de lieues de moi. J’ai sondé mon peuple, certains discutaient entre eux, d’autres vaquaient à leurs occupations, tous se trouvaient beaucoup trop loin pour que leur présence ne me perturbe.

Dans le parc, une dispute venait d’éclater entre le compagnon d’Eva et un passant qui les avait bousculés. Il venait tout simplement de leur voler quelque chose. L’envie d’intervenir et de protéger Eva se fait beaucoup plus forte que d’habitude.

« Il faut que l’on se rencontre, c’est urgent »

La voix que je venais d’entendre semblait venir de partout à la fois. Une voix lointaine, et qui paraissait pourtant étonnamment proche. Dans le parc, les premiers coups étaient échangés. J’oubliais la voix et me mis en route vers la bagarre.

« Ne fais pas ça. Ecoutes moi. »

J’arrivais sur les deux hommes, décidé à les séparer pour ne plus voir le regard effrayé d’Eva.

Je suis dans un immense pré dont l’herbe, qui me monte aux chevilles, ondule doucement sous un vent doux et chaud. A perte de vue, quelle que soit la direction dans laquelle je me tourne, il n’y a que de l’herbe. Je ne ressens plus les miens, comme si j’avais été coupé de tous contact avec eux. Et pourtant, je me sens bien, serein, calme.

Le ciel est uniformément bleu, mais aucun astre ne semble s’y trouver. Il fait chaud, mais pas trop. Je tourne sur moi-même pour chercher une présence, un élément qui viendrait couper cette étendue de vert et de bleu, rien.

Rien jusqu’à ce qu’une toute petite tache jaune n’apparaisse dans mon champ de vision, suivie d’une rouge, puis d’autres oranges, violettes, encore des rouges, des jaunes, et ce sont des milliers de taches multicolores qui commencent à couvrir le pré.

Je crois d’abord à des fleurs, mais celles-ci s’élèvent au-dessus de l’herbe, et des millions de papillons commencent à tourner autour de moi, au-dessus de moi, me cachant le bleu du ciel sans pour autant me couper la lumière.

« Je serais bientôt là. Attends, ne fais rien, n’interviens pas ».

La même voix que tout à l’heure dans le parc. La même voix qui vient de partout à la fois.

Les papillons s’éloignent en un énorme essaim chatoyant, et la lumière se met à baisser, jusqu’au noir complet.

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