Révélations

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01h47

Il lit la nouvelle pour la énième fois faisant les quatre pas dans sa chambre, me donnant à la fois nausée et droit à rire après des heures de travail. Il ne restait qu'envoyer le travail par email au prof et imprimer nos quelques feuilles.

_ T'as sommeil? demandai je, car personnellement, je n'allais pas dormir tout de suite.

Il hocha la tête négativement, m'incita à descendre vers le jardin.

La maison, toute seul faisait l'ensemble de la surface de notre maison et de notre jardin, alors que le jardin était presque trois fois le notre. Il s'allongea sur l'herbe, tandis que mois je plongeais mes pieds dans la piscine.

Ses parents, propriétaires d'une grande série d'entreprises, étaient absents tout ces derniers quinze jours. Il avait tout ce milieu immense rien que pour lui seul, puisque sa sœur était engagée dans une aventure autour du monde et ne reviendrai qu'après six mois.

Il ne faisait pas froid et une envie intarissable de nager me surmonta. Je me mis à enlever les vêtements et descendis dans l'eau. Comme instinctivement, il me rejoignit, et une bataille aquatique se déclencha.

L'eau, formant des ondes, à chacun de nos mouvements, un peu froide, illustrait un tableau chimérique. La lune se reflétait au dessus, et tel face à un miroir, les branches qui dépassaient les limites célestes embrassaient la surface de l'eau.

Les quelques minutes suivantes se passèrent comme une éternité. Je me sentais vivre, je riais pour de bon pour la première fois depuis longtemps. C'était toute une bataille dedans moi. Tout était sens dessus dessous. La peur. La nostalgie. L'espoir. La joie. Et ce sentiment bizarre qui précédait l'écroulement du monde.

Je m'étais surprise à contempler une beauté divine, impalpable. Non. Pas cette beauté éclatante qui vous saute aux yeux dès le premier regard. Une beauté qu'on apprend à connaitre et à découvrir en s'y habituant. Il était en parfaite harmonie avec ce paysage miragineux.

La masse d'eau que je reçus dans le visage me reversa dans la réalité. Il s'approchait de moi. Cheveux noirs corbeau, mouillés levés en haut par un simple geste de la main. quelques mèches rebelles qui tombent sur son front. Des yeux noirs qui laissent voir le feu qui s'épargnait de son âme. L'éclairage laissait paraître un sourire charmant se dessinant sur ses lèvres. Dans son regard, je trouvais libération de tout ce qui me chamboulait. Ce poids de plomb pesant sur mes épaules. Rien que quelques centimètres séparaient nos corps, car nos regards et nos esprits étaient déjà dans une violente collision.

Il osa finalement faire ce nous attendions depuis le début de cette soirée, et colla ses lèvres aux miens, ses mains posés sur ma taille, pendant que mes bras encerclaient son cou.

La glace qui protégeait ces quelques minutes de certitude fendit aussitôt, cédant sa place à une crainte incandescente.

La peur du future.

La peur de la perte... d'un ami avant tout.

La peur du passé.

La peur de ce moment éphémère.

La peur de retomber dans la noirceur toxique de ce qu'on appelle l'amour.

Je le repoussai en bafouillant tous les mots d'excuses que j'ai connu un jour.

_ Je m'excuse aussi... je me suis laissé emporté par... euh...je... je... pardon... je suis désolé, lâcha-t il en passant sa main dans ses cheveux mouillés pour la énième fois.

Il rentra et je décidai de faire la même chose. Je poussais la porte d'une des plusieurs chambres de l'étage et tombai sur des murs gris un lit double, un armoire trois guitares électriques accrochées sur le mur. Je dénichai une serviette et filai sous la douche.

******

Les rayons de soleil chatouillaient mon visage. Je venais juste de dormir.

Après la douche et les préparatifs habituels, je mis les habits que j'ai apporté avec moi, la veille, descendis vers le bas où je retrouvai mon ami entrain de préparer un gâteau italien pour le déjeuner. Ça sentait bon, mais cette odeur s'est bientôt transformée en odeur en odeur de cendres. Je participai à la préparation du repas, et après plusieurs minutes, je décidai de briser le silence gênant qui s'est installé dans la cuisine.

_ Tu as envoyé l'email?

Il affirma d'un hochement de la tête. Des doigts glacials se posèrent sur ma nuque. Il me fit tourner et passa son pouce sur le bas de menton.

_ D'où viennent ces cicatrices?

Mon corps fut parcouru par de violents frissons. comment a-t il pu voir tout ça alors que l'éclairage était faible hier. Je repassai tout le scénario de la veille devant mes yeux.

Putain.

Il aurait du voir celle sur ma nuque dans la chambre, j'avais les cheveux tenus en un chignon très haut. Et l'autre dans la piscine, probablement.

_ Une tentative de suicide, avouai je en serrant mes dents afin de contrôler la tempête de sentiments qui m'envahissait.

Il ne réagit pas.

_ L'homme peut vivre trois semaines sans manger, trois jours sans boire, trois minutes sans respirer, mais même pas trois secondes sans espoir. J'ai perdu espoir en la vie et en l'avenir. Je me suis retrouvée seule face à un monde sauvage, où le plus faible sera dévoré par le plus fort, et je t'assure, je n'étais pas des derniers, enchaînai je, je me cachais derrière le masque de la force alors que j'étais la plus fragile. C'était ma dernière fois.
_ Ça veut qu'il ya avait d'autres tentatives avant celle là?
J'ignorai sa remarque et continuais à réciter machinalement les idées qui me passaient par là tête. D'habitude, je ne parlais jamais de ça à personne, mais avec lui c'était différent, ça me soulageait , ça soulevait le poids de cette expérience infernale.
_ Perchée, j'ai réalisé dans les quelques secondes qui me restaient que tout ce qui m'arrivait était de Ma faute. J'étais en même temps le peintre et la toile. Le prêtre et le pêcheur. L'eau et le feu. Et finalement, j'ai tout transformé en cendre. Après cette tentative, je n'ai jamais essayé de me refaire mourir. J'avais compris que la vie n'allait pas me lâcher facilement après une intoxication au GHB, une over dose de drogue, et une potence. Personne ne connaissait ces jours mornes où la mort me traquait et m'invitait dans sa fête de squelettes pourries sauf notre jardinier qui m'a sauvé toutes ces fois. Je ne me suis jamais livrée à un psy, j'ai voulu me remettre sur les pieds toute seule. Et ces cicatrices là sont les marques de la résistance qu'a mené mon corps contre mon cerveau, finis je.

Notre contact visuel dura longtemps. Nos yeux parlant un langage de sourd transmettaient les pensées de l'un à l'autre, jusqu'au moment où une fumée noirâtre contamina l'air frais de ce beau matin de mai.
Je gardai, dans ma mémoire, son regard noir plongé dans le mien pour les heures suivantes. Un regard plein de tendresse et d'affection, trop loin de la pitié et du dégoût.

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