06 Dans les bois (1/3)

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 Lorsque Celtica s’éloigna, Cléon se laissa glisser par terre, à bout de souffle. La fièvre la terrassait, littéralement, et cette douleur ! Insoutenable. Elle tentait de faire bonne figure, elle ne voulait surtout pas qu’il sache. Sinon, à quoi bon être partie du port ? Personne d’autre ne devait savoir. Personne.

 Elle se recroquevilla en appuyant sur son bas-ventre, en espérant faire passer un peu la douleur. Elle maudissait cette fichue maladie qui accompagnait chaque mois les obligations de sa féminité. Il fallait que ça arrive maintenant… Si seulement elle pouvait s’allonger, juste quelques instants, elle irait peut-être mieux. Elle regrettait de n’être pas restée plus longtemps dans le ruisseau. L’eau fraîche lui avait fait du bien, son corps lui avait parut moins brûlant. Mais à présent…

 Ses potions ! Il fallait qu’elle en prenne une de son sac ! Cléon se releva péniblement, et s’accrocha à la selle de Rivalis. Continuer à marcher serait difficile, mais il fallait qu’elle tienne bon. Elle trouva une fiole, identique en tout point avec celle qu’elle avait donnée à Celtica. Mais elle ne serait peut-être pas aussi efficace sur elle. Ces petits remèdes agissaient de moins en moins, et elle souffrait toujours autant. Si Kwen ne faisait pas de progrès, elle pourrait très probablement en mourir.

 Elle déboucha d’une main tremblante la fiole et la vida d’un trait, en grimaçant. Puis elle lutta contre les spasmes de son estomac, violent au point de lui tirer des larmes. Elle en tremblait de tous ses membres, ses forces la quittaient sans aucun remord. Ses jambes risquaient de se dérober sous son poids, elle s’agrippa obstinément à la selle. Puis les nausées cessèrent, la laissant épuisée et vide de toute volonté.

 Cléon se rassit et chassa la sueur de son front. Elle était bien trop habituée à ces crises. C’était à cause de sa maladie qu’elle ne savait ni ne pouvait rien faire. Par peur qu’elle se blesse, son père lui interdisait tout. Parce qu’une blessure pourrait entraîner sa mort. Tout comme ce petit… désagrément féminin. Elle n’avait aucun avenir, pas de carrière à mener, pas de famille à fonder. Parce que dès qu’elle se blessait ou se cognait, tout simplement, la fièvre venait la mettre à genoux. Ses rêves n’avaient pas eut le temps de fleurir, et elle se faisait l’effet d’une coquille vide. Comme elle se détestait !

 Des pas foulaient les feuilles, elle s’étonna que Celtica revienne aussi vite. Elle ressentit aussitôt un vif soulagement, elle n’était plus seule. Elle puisa en elle ce qui lui restait de courage et se releva, se plaquant un sourire sur les lèvres, et se tourna. Son sourire disparut. Devant elle se dressaient deux hommes équipés comme des trappeurs.

 –Ils nous avaient pas mentis, dit l’un en arcan.

 L’autre acquiesça et s’avança d’un pas sûr dans la direction de la jeune fille. Cléon chercha à sa hanche son pistolet alchimique et le brandit immédiatement. Il était malheureusement vide de toute capsule, mais peut-être parviendrait-elle à s’octroyer un peu de temps en les menaçant. Mais l’autre resté en arrière la pointa de son arbalète. La vue du carreau la dissuada d’appeler à l’aide Celtica.

 D’une main ferme, l’homme qui fondait sur elle lui attrapa durement les poignets et la força à lâcher le pistolet. Elle ne résista pas, trop mal en point, et surtout trop peu désireuse de se blesser. Néanmoins, elle s’efforça à rester attentive, au cas où elle trouverait une opportunité.

 –Il est où, l’autre ? fit-il avec un fort accent.

 Cléon se contenta de le fixer droit dans les yeux. Plus préoccupée par sa fièvre, et incommodée par la douleur, elle n’eut même pas la présence d’esprit d’avoir peur. L’homme avait le regard de ceux qui ont beaucoup voyagé, et qui ne se laisserait plus surprendre ni attendrir par quoi que ce soit. Il ne reculerait devant rien. L’arbalétrier dit quelque chose en arcan qu’elle ne comprit pas, et frémit d’effrois lorsque l’autre prononça son nom. Ils savaient qui elle était ! Soit ils avaient été envoyés par son père, soit par des ennemis de son père.

 –L’autre ? s’impatienta-t-il. Il est où ?

 Par défi, Cléon haussa les épaules avec une certaine nonchalance. Elle préférait passer pour une fille stupide que de mettre en danger son nouvel ami !

 Une gifle monumentale s’abattit sur sa joue.

 Sans pour autant s’évanouir, elle perdit aussitôt tout contact avec la réalité.

 Rivalis hennit. Les hommes échangèrent de vifs propos. L’un d’eux sembla lutter avec le cheval. Des éclats de voix. Des hennissements furieux. La fièvre. La chaleur. La douleur.

 La douleur !

 Le sabre à la main, Celtica se laissa guider par Rivalis qui semblait savoir parfaitement où il allait. Il n’avait jamais observé un tel comportement chez les chevaux, c’était comme s’il pistait la jeune fille grâce à son flair, exactement comme l’aurait fait un chien ! Il ignorait s’il s’agissait d’un comportement normal, et, franchement, il s’en fichait complètement à présent. S’il lui arrivait quelque chose, il ne se le pardonnerait jamais !

 Il lançait des regards en tous sens, tendit l’oreille. Mais aucun autre son que les piaillements des moineaux et les stridulations des insectes ne lui parvenaient. Des humains en pleine forêt ne pouvait pas passer inaperçus ! Ils étaient forcément quelque part !

 Étaient-ce les hommes qui les suivaient depuis leur première auberge ? Comment avaient-ils réussi à les retrouver à travers les bois ? Il était pourtant certain d’avoir réussi à les semer ! C’était insensé ! À moins d’être l’un des démons de l’Ordre Zodiacal, ou des expert en pistage, ce qu’ils ne semblaient pas être, il lui paraissait impossible qu’ils les aient suivis jusqu’ici ! Il pressa Rivalis, et évita de justesse une branche basse qui aurait pu l’assommer sans aucune forme de procès. Il jura, et se concentra sur le chemin.

 Il ignorait combien de temps s’était écoulé entre les hennissements qui l’avaient alerté et leur départ précipité, mais il avait la sérieuse impression qu’une éternité séparait les deux. Il chevauchait depuis un bon moment déjà, et il supposait qu’ils possédaient eux aussi des chevaux. Pour quelles raisons les avaient-ils pris en chasse, et surtout, pourquoi avaient-ils agressé Cléon seulement ? La réponse, tout aussi simple que glaçante, s’imposait peu à peu à son esprit. Des esclavagistes.

 Les Arcans raffolaient des esclaves. La princesse Annya d’Arcane en possédait une elle-même, bien qu’elle la fît passer pour sa dame de compagnie. Si cela se savait au Brasier, elle serait immédiatement bannie pour le restant de ses jours, l’esclavagisme y était férocement puni. Il y avait là de quoi annuler ces fiançailles sans queue ni tête… Mais Celtica n’y pensa pas. Pas une seule seconde. À présent, il lui paraissait tout à fait évident que son amie était une victime de ces esclavagistes. Avec ces cheveux argentés, ces yeux d’ambre, sans parler de son père… Elle devenait une cible de choix !

 Son état inquiétant rendait plus urgente encore cette course éplorée. Si elle avait été maltraitée, ne serait-ce qu’une seconde, il se jurait de le leur faire regretter. S’en prendre à une femme était déjà en-soi un acte abjecte, mais une femme dans un tel état de faiblesse ! Oh, comme il s’en voulait de s’être absenté !

 –Tiens bon, j’arrive ! dit-il tout bas, les dents serrer.

 Il éperonna à nouveau Rivalis, qui trouva la force d’accélérer encore.

 Cléon revint peu à peu à elle, comme si son esprit reprenait sa place dans son corps, las de se promener alentour. Installée sur une chaise dure, les bras solidement attachés dans le dos, elle devait supporter la proximité de l’homme qui l’avait frappée. Il était beaucoup trop près, et cette situation lui donnait la nausée. Elle ne voulait pas qu’il la touche ! Mais elle ne céda ni à la colère, ni à la panique. Si elle se débattait, elle tomberait et la situation empirerait.

 L’homme gardait ses bras contre elle, comme deux garde-fous qui l’empêchaient de tomber alors qu’ils chevauchaient à vive allure. Elle se rendit compte avec horreur que sa tête avait dû se poser sur sa poitrine alors qu’elle était dans un état second. Il n’y avait aucun espace qui séparait son corps du sien ! Dans son dos, elle sentait avec écœurement ses muscles accompagner les mouvements du cheval au galop. Et pour parfaire le tableau, il exhalait une odeur âcre de sueur, d’urine et d’alcool, qui exacerbait tout le dégoût qu’elle éprouvait envers lui.

 Même si la situation lui paraissait désespérée, Cléon gardait son calme. Il y avait au moins un point positif, on ne l’avait pas bâillonnée. De toute manière, cela aurait été une perte de temps, elle n’avait pas l’intention d’appeler à l’aide. La seule personne qui aurait put voler à son secours était Celtica, et elle refusait catégoriquement de le mettre en danger.

 Ses liens étaient trop serrés, et elle ne sentait plus ses bras engourdis. Néanmoins, elle remua prudemment ses doigts, et rencontra sa sacoche attachée à sa ceinture, et qu’elle avait pour habitude de laisser au niveau de ses reins. Et cette sacoche contenait ses capsules alchimiques… Elle n’avait pas besoin de son pistolet pour qu’elles lui soient utiles. Il suffisait simplement d’une bonne occasion.

 Les deux hommes communiquaient peu, et toujours à voix basse. Et surtout, jamais en langue commune. Elle ne comprenait pas ce qu’ils se disaient, et elle ne parvenait pas à se concentrer sur les rares mots qu’elle reconnaissait pour recréer un sens. Ils devaient savoir qu’elle ne parlait pas l’arcan, car ils ne s’adressaient jamais à elle.

 Cléon souhaitait de tout son être que la course s’arrête. Qu’elle puisse descendre de cheval, et aller s’allonger quelque part, ne serait-ce qu’une petite heure ou deux. Ses forces ne reviendraient pas sans le repos nécessaire. La fièvre pourrait la faire délirer, et les choses empireraient. Ou pis, elle pourrait tomber de cheval, et elle n’aurait même pas besoin de se rompre le cou pour mourir… Il fallait qu’elle trouve un plan très rapidement.

 –S’il vous plaît, il faut que…

 –La ferme, gronda l’homme derrière elle.

 –C’est urgent, insista-t-elle.

 –Hé bien tu va t’retenir encore un peu, hein !

 Cléon prit une profonde respiration. Il fallait qu’elle se montre patiente et qu’elle garde son sang froid. Elle ne réussirait rien à s’entêter. L’autre cavalier s’approcha d’eux et lança un regard qui la dégoûtait. Il échangea un sourire avec son compagnon.

 –Moi, j’aimerai bien voir à quoi elle ressemble, en dessous, fit-il en langue commune, pour être certain qu’elle comprenne ses odieux sous-entendus. Elle a un visage intéressant, le reste doit être pareil.

 L’homme derrière elle fut secoué d’un rire silencieux. Elle pouvait le sentir rire. Elle en eut mal au cœur. Toutes les zones où leurs deux corps entraient en contact lui semblait à présent sales et brûlantes, et elle n’avait qu’une seule envie, plonger dans une rivière et se savonner à jusqu’à sang pour se débarrasser de cette sensation insupportable.

 Et soudain, elle sentit dans son cou une inspiration qui faillit la faire vomir.

 –Tu sais c’qu’on va faire de toi ? susurra l’homme.

 Honnêtement, c’était le cadet de ses soucis. Là, tout de suite, elle se serait bien jeter de cheval, quitte à perdre la vie pour lui échapper. Elle ferma les yeux pour se concentrer et contrôler les spasmes de son corps, qui manifestait son puissant écœurement.

 –On va t’vendre, continua l’autre. Au premier lupanar qu’on rencontrera. Tu seras la coqueluche des gars qui viendront de loin, rien que pour toi.

 Cléon respira lentement, réprima la bille qui montait dans sa gorge, maîtrisa ses réflexes. Elle devait endurer ces mots et cette situation jusqu’à ce qu’elle trouve une bonne occasion. Elle pensa à son père, et y puisa la force de feindre l’indifférence. Il était une montagne, et son sang coulait dans ses veines. Il lui donnerait le courage nécessaire pour tout supporter… et empêcher que le pire n’arrive.

 Les hommes se mirent à rire.

 –Combien elle va nous rapporter ?

 Sans crier gare, l’homme derrière elle glissa sa main sous sa chemise pour attraper son sein. Elle étouffa un hoquet de surprise et faillit perdre son calme dans un accès de fureur. Á présents, ils étaient tous les deux des hommes morts ! Il pétrit sa poitrine sans aucune douceur, lui tirant des larmes de douleur. Et l’autre la dévorait du regard ! Si elle avait eut ses mains libres, elle leur aurait arraché les yeux avec un plaisir évident. Son visage s’embrasait, mais certainement pas pour le traitement qu’il lui accordait !

 –Quarante ou cinquante pièce d’or ! lança-t-il avec une joie à peine voilée. Peut-être plus si elle est vierge.

 Il retira enfin sa main, Cléon put respirer plus librement. Elle entrevoyait le sort qu’ils lui réservaient, et n’avait aucune envie de vérifier si ses craintes étaient fondées ou non. Il fallait trouver une solution. Rapidement et sans engager sa vie.

 –Il n’y a qu’un seul moyen de le savoir…

 –Et après tout, les filles comme elles sont plus innocentes depuis longtemps…

 –Quarante pièces d’or, c’est déjà pas mal.

 –Ouais, c’est déjà pas mal.

 Le pouls de Cléon s’accéléra, son esprit tournait à toute vitesse. Si elle n’agissait pas, ne réagissait pas très vite, ils la condamneraient à coup sûr !

 Et comble de l’horreur, ils échangèrent à nouveau quelques mots, regardèrent autour d’eux et ralentirent leur course, jusqu’à s’arrêter complètement. Après un moment, l’homme descendit de cheval et tira la jeune fille de son perchoir, sans aucun ménagement.

 –Dépêche-toi, ordonna-t-il, d’une voix étrange qui sonnait à ses oreilles comme une mise à mort.

 –Mais mon compagnon…

 C’était stupide de parler de Celtica. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui, et si elle n’arrivait pas à se sortir de cette situation, et qu’il les retrouvait pendant qu’ils la… Non, elle ne voulait pas qu’il la voit ainsi ! Il ne devait pas avoir cette image d’elle ! Ces bêtes assoiffées de luxure ne reculeraient devant rien pour obtenir ce qu’ils désiraient, et surtout pas devant un jeune prince esseulé.

 –Quoi, c’est qu’il puisse voir la dépravée que t’es en vérité ? T’inquiète pas, ma poule, j’suis pas un gars jaloux, il pourra en profiter aussi.

 Brusquement, l’homme la saisit par l’épaule et l’entraîna un peu plus loin. Horrifiée, Cléon crut que le sol s’ouvrait sous ses pieds Elle se mordit la lèvre inférieure, au bord de l’hystérie, lorsqu’il qu’il s’accroupissait devant elle. Il tendait ses mains, devenues gourdes par son intolérable empressement, au foulard dont elle se servait comme d’une ceinture pour tenir son pantalon, à la mode de Port Lumis. Cléon serra les dents et plongea difficilement ses doigts dans sa sacoche. Son ultime chance.

 Tout à coup, elle décocha à l’homme un formidable coup de genou dans son menton, avec tout le dégoût, toute la haine que pouvait lui inspirer cet homme libidineux, elle entendit même ses dents claquer brutalement. Sonné, il tomba en arrière, et avec un cri de rage viscéral et libérateur, elle le frappa à nouveau dans la poitrine, l’envoyant à terre. Sans réfléchir davantage, elle se mit à tituber entre les arbres, bien incapable de maintenir sa trajectoire. Elle lâchait derrière elle une à une les capsules alchimiques qu’elle réussissait à atteindre et à extraire de leur cosse de cuir. En marchant dessus, ses poursuivants libèreraient leur extraordinaire puissance sans possibilité de leur échapper. Encore faudrait-il qu’ils les foulent…

 Malgré la fièvre, Cléon s’obligea à continuer. Il s’agissait de sa seule échappatoire, de son unique chance de survie. Elle ignorait qui étaient ces gens, et elle ne tenait pas à le savoir. Les capsules semblaient à présent se cacher au fond de la sacoche, comme si elles avaient peur de sortir au grand air pour accomplir leur mission salutaire. Cléon enrageait. Elle n’avait rien d’autre pour se protéger !

 Elle cessa brusquement sa course et s’appuya contre un arbre, haletante. Elle n’en pouvait plus. La fièvre l’emportait, et le reste de ses potions était resté dans la clairière. Sans elles, elle était déjà condamnée.

 Cléon eut un petit rire résignée. Elle dansait depuis si longtemps avec la mort qu’elle ne s’étonnerait même pas si Mérénos surgissait de derrière les pins pour venir lui réclamer une dernière valse… Elle se laissa doucement glisser contre le tronc, de façon à s’asseoir. Non, à s’allonger. Elle serait bien mieux allongée. Elle se recroquevilla, en essayant de ne pas trop penser à sa douleur.

 Elle avait été folle. Partir, comme ça, sur un coup de tête, dans l’espoir de… Dans l’espoir de quoi, d’ailleurs ? Elle ne pouvait rien prouver. Elle avait lamentablement échoué, et elle le paierait très durement aujourd’hui. Au moins, Celtica serait hors de danger pour le moment. Grâce à elle, en quelque sorte. Finalement, c’était en soi une petite victoire.

 Cléon ferma les yeux. Elle n’avait plus la force de les garder ouverts. Pleine de regrets et de remords, elle se laissa porter par les ombres grandissantes de son inconscience.

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