YAUR

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Sommeil... Dormir... Veux pas me lever...

Cherche couverture... Trouve pas... Sa mère ! Laisse tomber...

Trop froid... Cherche encore... Tombe.

Imbécile de lit !


Maintenant que je suis réveillé, j'essaye de trouver la porte mais il n'y a que du vent froid à la place. J'essaye encore, de l'autre côté cette fois... Toujours rien. Finalement, je vois un peu de lumière et me rapproche. 1 : 53 les chiffres rouges d'un réveil, évidemment. En attendant , je prends la lampe torche à côté du réveil mais la lâche aussitôt. Je me rends compte qu'il se passe quelque chose avec ma main droite. Elle s'est retirée si vite et soudainement qu'il a fallu encore un instant pour que je me rende compte que ça m'a fait mal. En plus, elle me dérange avec une désagréable sensation de chaud et froid.

Alors, je ramasse la lampe torche avec la main gauche et éclaire doucement la pièce. Il fait toujours aussi noir mais une faible lueur est tout de même visible. Elle dévoile une longue pièce séparée en deux au niveau de la porte. De mon côté, rien, mis à part le lit, le bureau et un siège. De l'autre côté, c'est un bazar sans nom où pleins de jouets se mêlent à d'autres affaires d'enfant.

Au fond de la pièce, des sortes de fenêtres sont barricadées. Hormis ce fait, je peux aussi dire que c'est vraisemblablement un sous-sol grâce aux fenêtres typiques.

Tu parles que ça m'a l'air n'importe quoi ! Je fouille dans ma tête pour trouver un sens à cette situation grotesque... Rien. Mes parents, mes amis, où j'habite... tout a disparu. Mais aussi vite ai-je retrouvé mon calme que les souvenirs reviennent à moi.

Hier... je suis rentré de l'école... j'ai révisé mes cours, j'ai mangé, puis je me suis couché tôt parce que j'étais épuisé... mais cet endroit... une longue pièce nue comme ça... C'est le vieux bâtiment abandonné à côté de l'autoroute. Rien de bien méchant !

« Tout va bien ? »

Une voix vient de me parler. Je suis sûr d'avoir entendu une voix. Et alors quoi, une voix ? Je réponds ? En être arrivé là... Parler au vide pour voir s'il y a quelqu'un !

Je n'ai rien dit au final. Mais j'ai clairement entendu la voix d'une petite fille. Ajouté au fait qu'aujourd'hui on est le vendredi 13 décembre. Tu parles qu'il va se passer quelque chose !

« Tu as besoin de quelque chose ? »

J'entends à nouveau la voix. Cette fois c'est sûr : ou bien je suis fou, ou bien il y a vraiment une petite fille devant moi. Elle est assise sur une chaise de plage, derrière une forteresse de jouets. Elle a une robe rouge, des cheveux blonds... C'est à peu près tout ce que je remarque à première vue.

« Tu sais ? Aujourd'hui c'est mon anniversaire ! J'ai sept ans aujourd'hui ! »

Je l'ignore complètement. Osef que c'est ton anniversaire ! Moi, je me barre d'ici ! Mais lorsque je m'apprête à ouvrir la porte, la petite fille me dit que la porte est fermée. « C'est une porte blindée. » En effet. Mais encore une fois, c'est à peu près tout ce que je remarque à première vue.


Cela fait désormais presque... non, je suis fatigué de compter. Il est 6 : 49 sur le réveil. Depuis tout ce temps je n'ai rien fait d'autre que de m'essayer à toutes les techniques de forçage de portes possibles, imaginables ou non. Je n'en peux plus. Il faut que je reprenne mon souffle. Il m'est difficile de trouver une bonne position pour me reposer sur le siège, mais au moins, je suis assis.

Lorsque je me reprends de cette pause, mon regard tombe sur le tiroir du bureau et je commence à l'ouvrir, poussé par la curiosité.

Sa mère !

Je l'ai ouvert avec la main droite, qui n'est toujours pas guérie de la blessure que quoi que ce soit a faite. Par contre, le contenu du tiroir est pire. En plus des quantités habituelles d'oxygène, dioxyde de carbone et azote qu'il y a généralement dans un tiroir, dans celui-ci, il y a un revolver.

Maintenant, la situation me semble encore moins censée qu'elle ne l'était il y tout juste un instant. J'ai vérifié : il est chargé, six coups. Tentant de l'oublier, je me concentre sur les feuilles, où sont écrits de nombreux messages et instructions.


1-Sabrina : teint pâle, cheveux blonds, yeux verts, inoffensive.

2-Salle 514ty terminé : fenêtres faiblement bloquées faible visibilité, revolver chargé 6 fois, otage, YAUR, bombe, sûre.

3-Famille : rançon 30000000 50 millions, demander, faire peur, exiger, agir, danger.

4-Police : recherche, négociation, observation, dangerosité inconnue. Libération ?

5-R.A.I.D. : armer, cacher, fuir, détruire, très dangereux.

6-


L'écriture est neutre. N'importe qui peut en être l'auteur. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que le plan à l'air bien au courant de ce qui va se passer. Ce qui ne me fait guère plaisir de savoir qu'il y a, en plus, une bombe quelque part dans cette pièce. Sans compter que quelqu'un va sûrement venir régler cette affaire... ce qui va chauffer pour moi ! Et puis YAUR... Qu'est-ce que ça veut dire, YAUR ?

Je suppose que la fille c'est Sabrina. Tu parles qu'elle est inoffensive ! Elle ne se rend pas compte de ce qui se passe ou quoi ? Elle devrait au moins avoir un minimum peur. Mais non. Elle continue de jouer dans sa petite forteresse colorée, sans la moindre inquiétude.

Je repense un instant au revolver et décide de le garder sur moi, au cas où. C'est à ce moment que je me rends compte qu'il y a quelque chose qui enroule ma main droite : un pansement. On ne le voit presque pas. Il a exactement la même couleur que ma main, comme s'il était fait exprès pour cacher ma blessure.

Je perds mon temps ! Il faut que je trouve cette bombe ou que je sorte de ce pétrin. Le choix est vite fait : je ne trouve rien qui puisse ressembler à une bombe. Le temps de jeter un coup d'œil à la barricade, de me rappeler qu'il n'y a aucune issue possible, je retourne défoncer la porte blindée de toutes mes forces.


Sa mère ! Elle ne veut toujours pas s'ouvrir cette maudite porte !

12 : 37

J'en viens à espérer que la bombe explose pour sortir de ce trou. Mais rien à faire, elle n'explose pas. Ce qui est tout de même mieux, au final.

La fillette ne se soucie pas le moins du monde de moi ou de cette situation. Elle a de quoi s'occuper avec la montagne de jouets qu'il y a. Lorsque un jouet ne l'amuse plus autant, elle en prend un autre, et si elle voit un autre jouet qui lui plait, elle oublie ceux qu'elle a et passe à cet autre, reprenant parfois un jouet qu'elle avait laissé de côté. Depuis le début, je ne l'ai pas vue faire autre chose.

Là, je la vois qui commence à défaire la pile de jouets, puis elle s'arrête. Il me semble qu'elle a trouvé ce qu'elle cherchait mais je ne vois pas ce que c'est. Tout à coup, de la lumière sort du tas, et celle-ci est si forte qu'elle éclaire la moitié de la pièce. Intrigué, je m'approche de l'intense source lumineuse.

Une télévision ! Je ne comprends pas très bien comment cela est possible mais décide de mettre le son. Le temps de faire le point, je peux regarder la fin d'un film. C'est à ce moment là que j'entends une sirène hurler.

Un enfant a été enlevé. Ceci est une Alerte Enlèvement du Ministère de la Justice.

Tout s'accélère. Je vois la photo de Sabrina. Et la mienne ensuite ! Je peine à comprendre tellement la panique m'envahit. Je ne respire plus. Je ne suis pas un criminel ! Ce n'est pas moi qui l'ai enlevée ! Mais qui pourrait bien me croire ? Il faut que j'en aie le cœur net : est-ce que c'est bien moi qu'ils prennent pour le ravisseur ?

Les minutes m'ont semblé interminables. Le journal de treize heures commence :

« Bonjour à tous et bienvenue dans cette édition du treize heures, voici les titres.

À la une aujourd'hui, l'enlèvement de la petite Sabrina, sept ans, hier soir, par un jeune étudiant en chimie, alors qu'elle était en compagnie de sa sœur. Le procureur de la république a immédiatement lancé le dispositif Alerte-Enlèvement, qui est en action depuis ce matin... » les choses se présentent mal.

« Le drame s'est produit hier soir dans le jardin même du domicile familial. Le ravisseur présumé serait, selon la police, Samuel Gangi, un jeune étudiant en chimie. Il est actuellement introuvable mais un important dispositif a été mis en place pour retrouver la petite Sabrina... » de pire en pire.

« Il est arrivé comme ça. Sans prévenir, sans rien. Il était incontrôlable, comme déchaîné. Je n'ai rien pu faire... » la sœur qui parle, je ne l'ai jamais vue.

« Il s'agit là, clairement, de l'œuvre d'un déséquilibré. L'enlèvement a été commis avec l'usage de la force, de nuit, et en plein milieu d'un quartier résidentiel. L'individu est perturbé, et doit, par conséquent, être considéré comme dangereux. Ayant réussi à ne pas se faire repérer depuis, nous pouvons en conclure qu'il s'agirait plutôt d'un acte mûrement réfléchi et préparé à l'avance. En outre, ses connaissances en chimie peuvent avoir été mises à contribution dans l'élaboration de son plan. Les premiers résultats de nos recherches suggèrent que le suspect ne devrait pas avoir quitté le département... » le procureur de la république.

Je ne peux pas en regarder davantage. La seule issue que je vois à cette situation est tristement désespérée : je me ferai tirer dessus par le R.A.I.D. sans aucune chance de m'en sortir ou de m'expliquer avant que l'instant fatal n'arrive. Une mort terrible.


Sa mère ! Sa mère ! Sa mère !

Je crois avoir entendu du bruit dehors.

Est-ce que c'est eux ? Est-ce qu'ils vont venir ? Est-ce que c'est la fin ?

J'imagine déjà les voitures de police encercler tout le bâtiment, le R.A.I.D. prêt à faire feu et tout le déploiement de force qui va avec. Si seulement il pouvait y avoir le négociateur. Si seulement il pouvait m'entendre et m'écouter. Si seulement il pouvait me croire et expliquer la situation a tout le monde. Fort malheureusement, j'en doute. Le négociateur est aussi un policier. Par conséquent, il fera tout pour me raisonner ou me neutraliser s'il en a l'occasion. Et s'il n'en a pas l'occasion immédiatement, les autres prendront le relai avec une violente entrée en force pour finalement se débarrasser de moi.

Plusieurs minutes passent. Je ne sais pas quoi faire. Je compte les battements de mon cœur qui me font mal tellement ils sont forts. 18 en 6 secondes, 180 par minute. Je suis au bord de la crise cardiaque. Mais je retrouve bien vite mon calme, le désespoir, sans doute. Le sentiment qui m'anime n'est plus la peur mais plutôt la déception. La déception de ce qui va m'arriver à peine le R.A.I.D. aura donné l'assaut.

La voix amplifiée du négociateur arrive finalement mais elle est à peine audible : « Gangi, rendez-vous ! Vous ne pouvez plus vous échapper. Libérez la fille et sortez de là. Personne ne mérite d'être blessé. On peut encore éviter le pire. Je peux venir discuter si vous voulez, et on sortira tous les trois sains et saufs. Je vous en fait la promesse. »

La voix n'arrive plus aussi bien à moi et je ne peux pas répondre : ils ne m'entendent pas.

Je me résigne à regarder la télévision pour voir ce spectacle dont je ne veux pas.

« Il est 20 heures, bonsoir à tous, voici les titres de l'actualité de ce vendredi.

À la une ce soir, une situation tendue dans un ancien immeuble d'habitation où se trouveraient la petite Sabrina, enlevée hier soir, et son ravisseur Samuel Gangi, un jeune étudiant en chimie. Les forces de l'ordre sont actuellement sur place et d'importants moyens ont été déployés pour cette opération... » les images montrent le bâtiment, beaucoup de véhicules de police, énormément de policiers suréquipés, et la nuit.

« La tension est palpable. Comme vous pouvez le voir, la présence policière est impressionnante. Ici, chacun sait à quel point la situation est critique. Le suspect peut à tout moment engager des actions hostiles contre les forces de l'ordre présentes et, bien sûr, contre la petite Sabrina. Dans ce genre de situations, la priorité est toujours la sécurité de l'otage. Un négociateur du R.A.I.D. tente actuellement de créer un contact avec le ravisseur. Tous ici, espèrent mettre un terme à cette histoire... » l'envoyé spécial sur place.

Que faire ? 18 ans à peine, un avenir prometteur... je ne peux pas avoir vécu une vie bien remplie avec tout ce qui me reste, je ne veux pas. Je ne veux pas !


Pleurer. Il ne me reste que des larmes que je ne suis même pas capable de faire tomber. Elles restent à mes yeux, comme pour me rappeler qu'elles sont là. Comme pour troubler ma vue avant qu'elle ne s'éteigne. J'ai une dernière idée qui ne marchera jamais : faire le mort.

Une explosion !

Une autre !

Je comprends que le R.A.I.D. a donné l'assaut. Mon ineffable histoire s'efface petit à petit au rythme de la lente mais furieuse avancée des policiers.

Je délire complètement : j'entends la musique vive d'un orchestre.

« La musique ! »

Sabrina entends aussi la musique ?

Elle s'est approchée d'où semble provenir la musique.

Effectivement, la musique semble provenir... d'en dessous ?

Je regarde... il n'y a rien, mais l'orchestre continue de jouer sa musique.

Puis, la porte des Enfers s'ouvre : un passage s'est formé juste sous le lit.

Un chuchotement me dit : « Viens ! » et j'obéis. Sabrina passe la première et la porte se referme derrière moi. La musique s'est arrêtée. J'entends maintenant les pas du R.A.I.D.. Il sont tout près. Il viennent de faire sauter la porte de la pièce, j'entends leurs cris sourds.

Sauvé !

« Viens ! » me dit encore le chuchotement. Je ne vois personne d'autre que Sabrina qui emprunte une sorte de tunnel qui continue au loin.

Ce sont plusieurs centaines de mètres de marche qui viennent de s'écouler et la sortie du tunnel est juste devant, de la lumière en sort. Au pied de la sortie, une inscription : YAUR. Je me retrouve dans un rez-de-chaussée où je vois la pluie frapper la fenêtre et le vent pousser les arbres.

« Bon sang, Gangi ! Tu as eu la frayeur de ta vie, il semblerait. » La voix provient de l'autre pièce, où j'aperçois un siège. C'est cette voix qui m'a appelé, tout à l'heure, dans les souterrains. « Viens ! Tu n'as plus rien à craindre ici. Prends juste ta lettre sur la table. » J'ose prendre la lettre, la retourne : YAUR.


À suivre...

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