Chapitre 37 - L'assaut de la montagne noire

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Recroquevillée à même le sol, la jeune femme somnolait. Elle ne savait plus depuis combien de jours elle était ici. Le jour et la nuit n'avaient aucune signification dans cet endroit. Fiévreuse, en sueur, Jaelith avait l'impression de voir des ombres danser autour d'elle. Son cœur battait à tout rompre, et elle avait la désagréable impression qu'il allait bondir hors de son corps à n'importe quel moment.

Varen Draze ne lui avait pas adressé la parole depuis la dernière fois. Elle ne savait pas ce qu'il avait réellement en tête. Détruire les humains, se venger d'eux, certes... Mais que voulait-il faire d'elle exactement ?

C'est sur cette question qu'elle ferma les yeux et sombra de fatigue.

***

Elle ne savait pas où elle était. Ses pieds nus étaient mouillés au contact de l'herbe fraiche. Elle leva la tête mais le ciel était caché par la sombre forêt dans laquelle elle se trouvait.

Des voix l'appelaient, hurlaient son nom. Elle s'avança rapidement vers l'endroit d'où elles provenaient, et plus elle s'approchait, plus elle sentait une horrible chaleur.

Les flammes dévoraient tout sur leur passage. La forêt brûlait petit à petit. Et les voix se faisaient plus fortes, des cris de douleurs, des suppliques, des pleurs... Jaelith ferma les yeux et se boucha les oreilles. Elle pleurait, car elle avait l'impression que c'était une partie d'elle-même qui disparaissait dans les flammes. Elle les entendait toujours. Il fallait que quelqu'un les aide.

Une neige noire recouvrait tout petit à petit, cendres de ce qui fut la cité d'argent.

***

Jaelith se réveilla en sursaut. Les larmes aux yeux, elle n'avait qu'un mort en bouche. La cité d'argent.

— Hey, ça va ?

Elle tourna la tête vers Dalvan qui était agenouillé à ses côtés. Haletante, encore sous le coup du rêve qu'elle venait de faire, elle lui répondit sèchement.

— Je vais bien, oui.

La cité d'argent. La capitale des elfes, au sud. Est-ce qu'elle devait les prévenir de ce qui se passait ici ? Est-ce qu'elle devait leur demander de l'aide ? Était-ce ce qui menaçait de leur arrivé si jamais Varen Draze réussissait à détruire les humains ? Elle secoua la tête. Il fallait absolument qu'elle parte d'ici. La jeune femme se relava, sans faire attention à Dalvan qui ne comprenait pas ce qui se passait avec elle. Sans lui décrocher un regard, elle annonça :

— Je dois partir.

Le dragon noir resta silencieux pendant quelques secondes avant d'éclater de rire.

— Partir ? Tu as cru que tu pourrais sortir d'ici comme ça en claquant des doigts ?

Le paladin baissa la tête. Evidemment, sortir d'ici ne serait pas aussi simple qu'elle l'imaginait. Dalvan secoua la tête.

— Je te conseillerais de rester ici pour le moment. L'instant propice ou tu pourras partir d'ici n'est pas encore arrivé, mais il ne saurait tarder...

***


Les renforts que Freyki attendaient arrivèrent deux jours après le terrible combat contre celui qui fut le général Arhan Drake. Si seule une vingtaine de prêtres étaient venu compte tenu du nombre de ceux qui étaient déjà dans la cité de Goldrynn, ce fut prêt d'une cinquantaine de paladins qui étaient là pour leur prêter main forte. Le roi loup salua le vieux paladin qui venait devant lui.

— Gareth Libram, cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas revu.

— Je pourrais vous dire la même chose mon roi, mais ce ne serait pas approprié dans mon état.

Le paladin partit d'un grand éclat de rire qui détendit l'atmosphère.

— J'ai cru comprendre, mon roi, que vous aviez des soucis avec un dragon noir pas comme les autres, c'est ça ?

— Exactement. Et pour être franc, je doute qu'une armée de paladins et d'homme entrainés soient capable ne serait-ce que de blesser ce monstre.

L'homme à la cicatrice repensait à son seul face à face avec la terrifiante créature et frissonna. La voix du seigneur Libram le ramena sur terre.

— J'ai amené avec moi les paladins et les prêtres les plus expérimentés de l'académie. Nous sommes peu nombreux, mais vous pourrez compter sur notre foi en la lumière pour vous protéger.

Freyki le remercia, tandis qu'Elrynd et Feiyl, qui n'avait pas encore l'habitude de cette apparence, arrivèrent. Le capitaine salua son supérieur.

— Seigneur Libram, je suis content que vous soyez arrivé aussi rapidement.

— Capitaine, je n'ai pas encore eu l'occasion de revoir votre petite protégée. Est-elle en retard, comme à sa mauvaise habitude ?

Le visage d'Elrynd se referma, montrant à tous ceux qui étaient présent une tristesse sans nom.

— C'est beaucoup plus compliqué que ça. Elle a disparu.

C'est avec les larmes aux yeux que le capitaine Kervalen raconta brièvement ce qui s'était passé. Gareth l'écoutait sans l'interrompre, affichant un visage impassible. Et lorsqu'Elrynd termina son récit, il secoua la tête.

— J'espère très sincèrement qu'il ne lui est rien arrivé de mal.

— Je l'espère aussi, mais je me dis... Que c'est trop tard...

Attrapant le capitaine paladin par le col et le forçant à le regarder, Freyki hurlait presque.

— Elle n'est pas morte ! Et elle ne mourra pas avant que je la retrouve !

Il relâcha le jeune homme qui déglutit avec beaucoup de mal. Le regard du souverain était noir de haine. Et il savait contre qui était dirigé cette haine. Lorsqu'il tomberait sur Varen Draze, il se doutait que la rage le dominerait et que le champ de bataille serait un véritable carnage. Elrynd recula, laissant entre lui et le roi une bonne distance.

Feiyl attrapa l'homme à la cicatrice par la tunique qui se retourna.

— Je veux pouvoir aider à la retrouver. Apprenez-moi à me battre !

Le souverain plongea son regard dans celui du dragonnet aux pupilles dorées. Il n'arrivait pas à se faire à la forme humaine que ce dernier avait emprunté, et même si il reconnaissait ses yeux et sa voix, il était impossible pour lui de s'y faire.

— Non.

La réponse était brève, tranchante. Les yeux de Feiyl s'agrandirent de surprise. Il suppliait presque :

— Mais je veux me battre moi aussi ! Je...

— Tu n'es qu'un gamin ! Ce n'est pas en trois jours que tu apprendras à te battre comme un paladin ou un chevalier aguerri. Il te faudrait quelques années, et nous n'avons pas ce temps devant nous. Et si jamais il t'arrivait quoi que ce soit, je doute fort qu'elle me le pardonne...

La déception se lisait comme dans un livre ouvert sur le visage du dragonnet tandis que Freyki s'éloignait. Une main se posa sur l'épaule de Feiyl. C'était celle du capitaine.

— Il a raison. Jaelith lui en voudrait si jamais il t'arrivait quelque chose... Mais je pense qu'elle nous en voudrait à tous si nous ne prenions pas le temps de t'apprendre au moins à te défendre sous cette forme...

Le dragonnet eut un léger sourire. Le capitaine paladin continua.

— D'ailleurs, le plus tôt sera le mieux. Je pense que le temps de réunir les troupes, de faire appel aux volontaires, d'organiser un plan de bataille... Tout cela devrait prendre quelques jours. Le temps de t'apprendre le minimum à savoir pour te défendre avec une épée.


***

Le jeune garçon, car c'est ainsi qu'Elrynd le voyait désormais, apprenait rapidement et avec une soif de savoir qu'il n'avait encore jamais vue dans les yeux de ceux qui avaient été ses élèves. Cinq jours seulement s'étaient écoulés depuis l'arrivée dans la cité des paladins, et Feiyl arrivait à tenir tête au capitaine sans aucun problème. Ce dernier se demandait ce qu'il deviendrait une fois adulte. Il pouvait être un allié de taille dans la bataille qui s'annonçait, car même sous cette forme, il conservait une partie de ses pouvoirs. Elrynd parvint finalement à désarmé son nouvel élève qui trépignait de rage.

— C'est injuste ! Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour réussir à vous battre ?

Le capitaine rangea son épée dans son fourreau, et avec un sourire, avait répondu :

— Apprendre la patience t'aiderai beaucoup. Concentre-toi sur les mouvements de ton adversaire, et surtout, ne le laisse pas s'approcher de toi.

Feiyl fit un signe de la tête pour signifier à son maitre qu'il avait compris. Il aurait pourtant voulut battre cet homme au moins une fois, pour se prouver qu'il avait réussi à assimiler toutes les techniques et les feintes qu'il avait pu apprendre ces derniers jours. Le lendemain matin, à la première heure du jour, ils partiraient tous pour la montagne noire. Ramassant l'épée que lui avait donnée Elrynd, Feiyl se demanda s'il était vraiment prêt à se battre.

Cela faisait plusieurs jours que Jaelith attendait. Dalvan faisait ce qu'il pouvait pour lui ramener de quoi manger et boire, mais la jeune femme n'y touchait pas. Elle réfléchissait. Le dragon noir lui avait dit d'attendre l'opportunité qui n'allait pas tarder à arriver. De quoi est ce qu'il parlait ?

— Quand est-ce qu'arrivera cette opportunité ?

— Tu penses toujours à partir ?

— Il le faut bien...

— Réfléchis bien... Comment pensent les humains ?

Jaelith ne comprenait pas vraiment ce qu'il cherchait comme réponse en posant cette question.

— Les humains ?

— Oui... Tu devrais savoir comme ils réfléchissent puisque tu en es une. A moitié, certes, mais bon...

— Les humains se réunissent dans les moments difficiles et se battent côte à côte...

— Tu ne penses pas qu'ils risquent de débarquer d'ici quelques jours ?

Elle laissa échapper un rire.

— Une armée ne va pas venir du jour au lendemain pour me sauver des griffes d'un dragon !

— C'est ce que tu penses ?

— Oui... Il ne ferait pas ça... Pas après ce qu'il m'a dit...

Ses pensées se tournèrent vers Freyki. Malgré toute la méchanceté et l'ignominie dont il avait fait preuve à son égard, elle se rendait compte, au fur et à mesure que les jours passaient, qu'il lui manquait. Dalvan haussa les épaules.

— Les histoires d'amour des humains sont si compliquées...

Varen Draze entra dans la salle où ils se trouvaient et toisa de haut la jeune femme qui lui rendit un regard noir. Il se tourna vers son frère.

— Les humains arrivent. Tu as besoin d'exercice Dalvan. Je m'occupe du plus gros des troupes, amuses toi avec ce qui restera...

Le jeune dragon allait répondre, mais Varen ne lui laissa pas le temps d'ouvrir la bouche.

— C'est un ordre. Dépêche-toi.

Le regard triste de Dalvan se posa sur celui de Jaelith avant de soupirer, et il suivit son frère dans les couloirs qui menaient aux sorties aériennes.

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