Chapitre 35 - Dalvan

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Le capitaine s'avança dans le large couloir, faisant fi des portraits qui se trouvaient là, et représentant des personnes qui n'étaient, sûrement, plus de ce monde. Il avait brièvement salué ceux qui se trouvaient sur son chemin. Personne ne pouvait l'empêcher d'avancer jusqu'à sa cible. Il poussa lentement la porte de bois grinçante, mais ne put l'ouvrir complétement. Quelque chose la bloquait. Il força et entra enfin dans la pièce. C'était un capharnaüm sans nom. Des meubles en morceaux trainaient au sol, un miroir brisé reflétait la lumière de l'extérieur sur le plafond de la chambre. Une odeur d'alcool l'avait pris à la gorge. Feiyl, qui se trouvait dans un coin de la pièce, voleta jusqu'à lui.

— Capitaine paladin... C'est affreux... Jaelith... Elle n'est plus là. Et le roi...

— Feiyl, sors de cette pièce s'il te plait.

La voix froide avec laquelle Elrynd avait prononcé ses paroles fit frissonner le dragon qui obéit sans discuter. Le paladin ferma lentement la porte, s'approchant de sa cible. Freyki était allongé sur le lit, le regard vide, fixant le plafond. Il n'avait pas bougé d'un pouce lorsque le capitaine dégaina son épée et la posa doucement sur sa gorge.

— Je croyais que vous seriez capable de la protéger. J'avais tort.

L'homme à la cicatrice remua légèrement, mais ne répondit pas.

— Je pourrais vous tuer, là, tout de suite.

— Qu'est-ce qui vous retiens de le faire ?

La voix cassée du souverain résonna dans la pièce. Ce dernier continua :

— Elle n'est plus là. Je l'ai perdue pour toujours.

Elrynd secoua la tête et rengaina son arme. Comment cet homme aussi puissant avait-il pu être réduit à cet état de légume ? A chaque fois qu'il l'avait vu jusque ici, Freyki avait montré sa puissance à l'épée, sa colère inflexible, son courage dans les batailles. Le paladin se pencha et l'attrapa par le col, le forçant à se relever.

— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre vous exactement... Tout ce que je vois, c'est qu'elle n'est plus là, et que vous... Vous n'êtes plus que l'ombre de vous-même.

Le capitaine plaqua le roi loup contre le mur et le força à le regarder droit dans les yeux.

— Vous avez préféré rester les bras croisés à vous morfondre dans cette pièce plutôt que de lui courir après !

— Elle me déteste.

La voix de l'homme à la cicatrice n'était qu'un murmure triste. Elrynd hurla.

— Vous êtes tous les deux aussi aveugles l'un que l'autre ! Elle vous adore à un point que vous ne pouvez même pas imaginer !

Il se calma et baissa la tête avant de continuer.

— Cette idiote serait capable de mourir pour vous, comme je serais capable de mourir pour elle.

Le roi loup soupira, blasé, fatigué, brisé. Pourquoi en était-il arrivé jusque-là ?

— Reprenez-vous bon sang ! Ce n'est pas en restant cloitré ici à vous morfondre qu'elle reviendra !

Il avait raison, et Freyki le savait très bien. Lentement, il prit la direction de la porte, et sans se retourner, il demanda :

— De simples excuses ne suffiront pas pour la ramener près de moi, hein ?

— Non. Il faudra bien plus que ça.

Elrynd le suivit, faisant attention à ne pas se prendre les pieds dans ce qui restait des pauvres meubles de bois. Il se retourna une dernière fois pour observer l'état de la chambre et se demanda si sur les champs de batailles, le souverain laissait exploser sa rage de cette manière. Le paladin haussa les épaules avant de sortir.

***

Jaelith visitait ce qu'il restait de la cité naine. Cette dernière se trouvait à l'intérieur d'une montagne. La grande entrée principale avait disparue sous les éboulements de pierres, mais il était possible d'y pénétrer par plusieurs autres endroits. La jeune femme était par hasard tombée sur l'un de ces fameuses entrées et déchanta très rapidement. Elle donnait sur le vide, et à moins d'être un oiseau, ou un dragon, il n'y avait aucune échappatoire pour elle. Jaelith resta ainsi à contempler le paysage pendant plusieurs minutes et repensa à Freyki. Si elle pouvait remonter le temps à nouveau et revenir à cet instant où il lui avait demandé de partir, elle ne lui aurait pas obéit.

— Toi là ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle sursauta et se retourna vers la personne qui venait de prononcer ces paroles. Il s'agissait d'un homme qui ressemblait à Varen Draze. Il avait la même taille, les mêmes yeux dorés, les mêmes longs cheveux couleur d'ébène. Il semblait beaucoup plus fin que le terrible dragon.

— Hey ! Je viens de te poser une question !

La jeune femme fut surprise par le ton détendu de son interlocuteur.

— On m'a dit que j'avais le droit de visiter cet endroit si je ne m'échappais pas.

— Oh, alors c'est toi la fille que mon frère garde en otage.

— Frère ?

Alors, celui qu'elle avait en face d'elle était aussi un dragon noir. Ce dernier haussa les épaules.

— Oui, mon frère. Je ne comprendrais jamais les idées de cet idiot. Je dois être le seul du clan à avoir les yeux en face des trous on dirait.

— Qui êtes-vous ?

— Dalvan. Et toi l'humaine ? T'es qui ?

— Jaelith.

L'homme la regarda avec des grands yeux.

— La fameuse fille qui traine avec un dragon ? C'est ça hein ?

— Un dragon ? Vous... Tu veux parler de Feiyl ?

— Je ne sais pas comment il s'appelle ton dragon. Alors, c'est toi qui as tenu tête à mon frère ? C'est vraiment génial !

Il la détailla et son ravissement disparut tout aussi rapidement.

— Mais tu n'as pas l'air forte.

— Tu ne t'es pas battu contre moi pour dire ça.

— J'ai juste dis que tu n'avais pas l'air d'être forte. C'est tout.

Elle soupira. Dalvan avait l'air d'être un idiot, mais quelque chose lui avait dit qu'il était moins bête que sa manière de parler ne laisser penser.

— Dalvan, c'est ça ?

— Ouais.

— Dis-moi, pourquoi est-ce que tu dis que tu es le seul à avoir les yeux en face des trous ?

Elle n'avait pas saisit ce que signifiait cette drôle d'expression. Un large sourire aux lèvres, le dragon noir se hâta de lui répondre :

— Oh ! Je dis ça parce que je suis le seul à avoir refusé l'aide de cette personne bizarre. Les autres ont acceptés, et mes frères peuvent maintenant utiliser la puissance ténébreuse.

— La puissance ténébreuse ? Qu'est-ce que c'est ?

— Les paladins utilisent la lumière. Je ne sais pas exactement comment ça fonctionne, mais c'est basé sur le même principe.

— Alors, les dragons noirs puissent l'énergie ténébreuse dans les sentiments négatifs qui sont au fond d'eux ?

— Je crois que ça marche comme ça oui.

Ce dragon était vraiment très étrange, pensa la jeune femme à cet instant. Il parlait simplement avec elle, comme si elle était une amie. Il n'hésitait même pas à donner des détails sur les pouvoirs des membres de son clan, sans se soucier si elle ne les utiliserait pas contre eux. Jaelith demanda.

— Tu réponds facilement à mes questions. Tu n'as pas peur que tout cela se retourne contre toi ?

— Pas vraiment. Mon frère a dit qu'il te tuera si tu mettais un pied dehors non ?

— C'est vrai...

— Et puis, entre nous, je me fiche bien de ces idiots.

Le regard doré du jeune homme avait changé. Il s'était tinté d'une haine farouche pendant quelques instants.

— Varen, Forhan, Arhan et Trivian sont des imbéciles. Notre mère, lorsqu'elle a déclaré la guerre aux humains, n'en est pas sorti vivante. Elle a emporté dans sa mort la plupart des membres du clan. Varen a toujours entretenu la haine des humains parmi eux. Il ne comprenait pas que je m'en fichais totalement. Et il y a eu cette fille bizarre qui est arrivée en leur proposant l'accès aux ténèbres. Ils ont tous acceptés. Forhan et Trivian sont restés dans le nord. Le clan s'est reformé grâce à leurs progénitures. Moi, je suis resté avec Varen. Il avait peur que je m'en aille, que je parte rejoindre un autre clan de dragon et que je l'abandonne... Arhan est partit chez les humains...

Jaelith venait de tiquer sur le nom que Dalvan venait de prononcer.

— Arhan ? Arhan Drake est un dragon ?

— Oui. Varen m'a dit qu'il avait réussi à duper beaucoup de monde, et qu'il était même devenu général.

Tout s'expliquait à présent. C'est pour cela que cet homme n'avait pas bouger d'un pouce lorsqu'elle était tombée à terre dans le cimetière. C'est lui qui avait fait en sorte qu'elle se retrouve ici, entre les griffes de Varen Draze. Comment avait-elle pu tomber dans un piège aussi grossier ? Jaelith serra les poings, se sentant idiote. Dalvan, voyant une expression de colère sur son visage, demanda :

— Il a commencé ?

— Commencé ?

— Oui... Il a commencé à jouer avec le roi loup, c'est ça ?

— Je crois.

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