Chapitre 10 - Cauchemar

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Jaelith ouvrit les yeux. Quelque chose grattait à la porte en gémissant. Elle releva la tête et aperçut le petit dragon qui tentait de sortir, en vain.

— Laisse-moi le temps de me lever, de me laver et de me changer. Ensuite je m'occuperais de toi, tu veux bien ?

Comme si il avait compris la demande, le reptile cessa son tapage et attendit sagement devant la porte, lançant un regard suppliant à la jeune femme. Cette dernière se rendit à la salle d'eau ou elle prit une douche rapide qui lui permettrait de se réveiller totalement. Elle passa une tunique propre ainsi qu'un pantalon de cuir, enfila ses bottes, puis vint enfin répondre à la demande du petit animal. Elle ouvrit la porte, mais ce dernier, après y avoir passé rapidement la tête, partit se réfugier dans les jambes de Jaelith.

— Ne me dit pas que tu as peur d'aller dans le couloir quand même. Il n'y a personne qui te mangera tu sais !

Elle le prit alors dans ses bras puis se rendit directement au bureau de Gareth. Elle aurait pu prendre un petit déjeuné avant d'aller le voir, mais elle pensait que c'était bien plus urgent de régler cette histoire maintenant.

La jeune femme fut surprise de trouver la porte du bureau entre-ouverte. Elle pouvait entendre les voix d'Elrynd et de Gareth.

— ... Je sais que ce n'est pas une bonne idée, mais ce dragonnet s'est pris d'affection pour Jaelith, et vice et versa. Cette mission a été un lourd fardeau pour nous tous, et plus pour elle je pense.

— Je savais que c'était une mauvaise idée de l'emmener avec vous capitaine.

— Si elle n'avait pas été là, la plupart d'entre nous aurais été tués. La mort de Leart est la seule que nous ayons à déplorer.

— Qu'allez-vous annoncer à sa famille ?

— La vérité ! S'il n'avait pas foncé tête baissé sans réfléchir, il serait encore en vie à l'heure qu'il est !

— Certes... Et concernant ce petit dragon ? Est-ce que vous le considérer comme dangereux capitaine ?

Il y eu un petit silence. Puis Elrynd répondit finalement :

— Non seigneur Libram. Ce dragon est inoffensif. Je crois bien qu'il considère Jaelith comme sa mère. Il serait bien incapable de lui faire du mal.

— Peut être que la principale intéressée pourrait nous en dire un peu plus à ce sujet plutôt que d'écouter à la porte ?

Jaelith sursauta. Elrynd se retourna et vit la porte s'ouvrir doucement. La tête baissée, honteuse, la jeune fille entra en s'excusant.

— Pardonnez-moi seigneur Gareth, je ne voulais pas...

— Jaelith. Est-ce que vous connaissez l'histoire du dragon blessé ?

— Non...

— C'est l'histoire d'un pauvre paysan qui vivait seul. Il n'avait pas de famille et vivait de ses maigres récoltes. Pourtant, il suivait la voie du bien, persuadé que la bonté donné à autrui lui serait rendue. Un jour, en rentrant du marché, il découvrit un petit dragon blessé. Le paysan savait que les dragons étaient dangereux. Pourtant, il décida de venir en aide à celui-ci. Pendant plusieurs jours, il pensa ses plaies et lui donna à manger. Et lorsque le dragon fut guérit, sais-tu ce qui arriva ?

— Non.

— Le dragon vomit un torrent de flamme sur le paysan. Dans un dernier souffle, celui-ci demanda : pourquoi ? Et sais-tu ce que le dragon répondit ?

— Non.

— Il fallait t'y attendre, je suis un dragon.

Il y eu un long silence dans le bureau, seulement interrompu par les petit gémissements du dragonnet. Gareth se racla la gorge.

— Quelle leçon faut-il tirer de cette histoire Jaelith ?

— Il n'y a aucune leçon valable à en tirer seigneur Gareth. Quand je parcourais les routes avec mon père, nous avons plus d'une fois vu des dragons. Nous avons discutés ensemble, partagé nos repas et nos connaissances. Ils ne sont pas aussi mauvais que vous voulez me le faire croire.

Le vieux paladin était surpris par une telle réponse qu'il ne savait pas quoi répondre. Elrynd prit alors la parole.

— Seigneur Libram, mit à part hier, je n'avais jamais eu l'occasion d'entendre une conversation avec un dragon. Je ne peux qu'appuyer ce que dit Jaelith.

Le vieil homme poussa un long soupir puis se leva lentement avant de se diriger vers la jeune femme. Cette dernière tenait toujours le petit dragon dans ses bras, et ce dernier blottit sa tête dans le cou de Jaelith, tremblant. Gareth posa sa main sur le dos du dragon.

— Mais il tremble ! Il est malade ?

— Je pense que vous lui faites peur seigneur Gareth.

— Un dragon qui a peur d'un vieux croulant comme moi ? Eh bien, j'aurais tout vu, ou plutôt, tout entendu.

Il tapota doucement le dos du dragonnet, puis continua :

— Et quel nom lui as-tu donné, Jaelith ?

— Un nom ?

Elle n'y avait pas pensé.

— Tu devrais y réfléchir. Il peut rester ici, puisque vous avez l'air tous les deux du même avis. Mais si jamais il se passe quoi que ce soit, si jamais il y a un problème quelconque à cause de ce dragon... Je n'hésiterai pas un seul instant. La vie de mes hommes passe avant tout.

Gareth s'installa face à la fenêtre qui laissait passer les premiers rayons du soleil.

— Vous pouvez disposer tous les deux.

Jaelith et Elrynd sortirent du bureau. Voyant que la jeune fille au dragon prenait déjà le chemin de sa chambre, le capitaine l'arrêta.

— Jae'. Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu agisses ainsi avec moi ?

Elle se tourna vers lui.

— Vous passez votre temps à me protéger comme si j'étais une poupée de porcelaine, et c'est une chose que je ne supporte plus. Je ne suis peut-être pas douée à l'épée, je ne sais peut être pas correctement utiliser la lumière, mais je sais me débrouiller. Je ne veux pas de traitement de faveur sous prétexte que je suis une femme, est-ce si difficile à comprendre ?

— Je n'ai jamais pensé que tu étais incapable de te débrouiller seule ! Je voulais juste...

— Me protéger ? Mais quels sont vos excuses pour me protéger alors ?

— Je n'ai pas d'excuses, je fais juste ce que mon... Devoir me dicte de faire.

Le mot devoir n'était pas ce qu'il voulait dire. Il le savait. Il aurait peut-être dû prononcer le mot « cœur ». Elle aurait alors comprit. Mais elle l'aurait alors détesté.

— Votre devoir ? Et pourquoi ne pas...

Une douleur sans nom la frappa soudainement, et la jeune femme se retint au mur du couloir pour ne pas se laisser tomber. La voix de son rêve se faisait plus forte. Elrynd accourut à ses côtés et lui souleva doucement la tête. Le petit dragon semblait inquiet et gémissait tout en donnant des petits coups de tête dans l'épaule de la jeune femme qui était à terre

— Est-ce que ça va Jae' ?

— Ce maudit cauchemar me rattrape jusque dans la réalité.

— Un cauchemar ?

— Les paroles de la dragonne... Je l'ai vue dans mon rêve. J'ai vu des dragons noirs, des forêts en flammes, et un drapeau qui brûlait.

— Un drapeau ?

— Un drapeau avec un loup blanc... Capitaine ? Cela vous dit quelque chose ?

— C'est... Le drapeau de la capitale.

La jeune femme était allongée à l'infirmerie. Elle ne dormait pas et caressait le petit dragon qui ne demandait que ça. A ses côtés se trouvaient Elrynd, qui l'avait amené jusqu'ici, et Alma. Jaelith soupira :

— Si c'est un simple cauchemar, je ne vois pas ce qu'il y a de si grave. Mais en même temps, c'était si précis...

Le capitaine des paladins faisait les cents pas. Enervé, il demanda à la prêtresse :

— Il est possible que ce soit un rêve prémonitoire ?

Alma secoua la tête.

— Je ne sais pas. C'est tout à fait possible, mais le cas ne s'est jamais présenté.

Le capitaine eut un mauvais pressentiment. Fallait-il qu'il en parle au seigneur Libram ? A peine Elrynd fut-il sortir de la salle qu'il regarda ses mains : il tremblait comme une feuille à l'idée que ce cauchemar puisse devenir réalité.

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