Chapitre 9 - Retour à l'Académie

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Elrynd fit un rapide constat de ce que la bataille avait apportée. La seule mort à déplorer était celle de Leart. Le capitaine s'était approché de ce qui en restait. Le dragon l'avait sectionné en deux au niveau du tronc. Il tourna son regard vers Jaelith, qui pansait les blessures de ses camarades inconscients, le dragonnet sur les talons. Le jeune homme murmura alors à Leart, qui ne pouvait désormais plus l'entendre :

— Si ce dragon ne t'avais pas tué, je m'en serais personnellement chargé...

Le paladin se releva et observa le ciel, bleu, vide de tous nuages. Le soleil allait arriver à son zénith. Elrynd pensa, en regardant dans quel état était ses hommes, qu'il avait eu beaucoup de chance. Si Jaelith n'avait pas été là...

Si elle n'avait pas été là, l'issue de la bataille aurait été fatale. Il en était sûr et certain. Il songea alors au dragon, mais ne parvenait pas à s'émouvoir sur son sort. Bien sûr qu'il trouvait son histoire très triste, mais n'arrivait pas à imaginer autre chose qu'un terrible monstre. Le capitaine se demanda s'il n'était pas devenu insensible à tous sentiments, mais un regard lancé à la jeune femme le rassura.

Elrynd sentit son cœur battre plus vite. Jamais encore elle ne s'était énervée comme ça contre lui. Est-ce qu'elle le détestait ?

— Capitaine... Je me suis occupée des premiers soins sur nos camarades. Aucun n'a de blessures graves. Il faut juste attendre qu'ils se décident à sortir des bras de la déesse du sommeil.

Il la regarda sans rien dire. Elle le détestait ?

— Jaelith, parvint-il finalement à articuler, je suis... Je tenais à m'excuser. Je n'aurais pas dû te parler aussi durement, mais tu sais aussi bien que moi que les dragons...

Il ne termina pas sa phrase, laissant le silence s'installer entre eux. Jaelith lui lança un regard plein de tristesse.

— Je suis désolée de m'être emportée, capitaine. Mais ma conscience m'interdit de laisser ce petit être, même si c'est un dragon, sans lui porter assistance.

— J'ai l'impression que tu vois les choses autrement. Que tu les voies avec ton cœur plus qu'avec tes yeux.

La jeune femme fit un léger sourire.

— La lumière brille dans mon cœur, et c'est elle qui m'indique quelle voie suivre. Vous devriez l'écouter plus souvent vous aussi.

Ecouter la lumière... Elrynd ne l'avait plus entendue depuis longtemps. Il l'utilisait toujours, mais n'entendait plus ses appels. Il s'était mis en tête que c'était tout à fait normal, qu'une fois que la lumière était maitrisée, il n'y avait plus rien à apprendre d'elle. Mais en voyant Jaelith, il pensait qu'il avait tort.

L'un des paladins ouvrit les yeux et se releva non sans mal. Le capitaine, laissant là la jeune femme, alla quérir de ses nouvelles. Jaelith se tourna alors vers le dragonnet.

— Tu es sans doute trop jeune pour parler... En tout cas, ne t'inquiète pas. Tu vas venir avec moi à Silverlake. Il y a beaucoup de paladins, et je pense que peu de personne te verrons d'un bon œil, mais...

Elle caressa le museau de l'animal.

— Mais tout ira bien.

Plus que lui, c'était elle qu'elle tentait de rassurer par ses paroles. Car elle savait pertinemment qu'Elrynd avait raison. Qui accepterait de voir déambuler un bébé dragon dans les couloirs de l'académie ? Qui accepterait même son existence, purement et simplement ? Lorsqu'ils seraient de retour à l'Académie, la première chose qu'elle se jura de faire était d'aller voir Gareth pour lui en toucher quelques mots. Il ne serait pas facile à convaincre, elle en était sûre et certaine. Mais ce qu'elle savait aussi, c'était que le vieux paladin avait un cœur d'or.

Derrière elle, le capitaine l'appela :

— Jaelith ! Viens nous aider !

Trois paladins étaient revenus à eux et transportaient ceux qui n'avaient pas eu cette chance. Ils reculèrent quand ils virent le dragonnet à la suite de la jeune femme. Elle tenta de calmer leurs frayeurs.

— Ce n'est qu'un petit. Il est inoffensif.

Et pendant qu'elle disait cela, le dragonnet se frotta à nouveau contre ses jambes, cherchant une caresse de la part de la jeune femme. Caresse qu'elle lui accorda bien volontiers.

Personne ne savait vraiment comment réagir. Elrynd raconta alors ce qui était arrivé pendant leur période d'inconscience. Il parla de la dragonne, insistant bien sur ce terme, de ses raisons qui la poussait à attaquer les humains, de Leart qui l'avait tué et qui avait payé de sa vie, ainsi que du dragonnet qui était tout ce qui restait de ce carnage.

— La bonne nouvelle, c'est que nous allons pouvoir annoncer aux habitants de Rainstram que la dragonne ne les ennuiera plus...

Elrynd regretta immédiatement d'avoir prononcé ces paroles, mais Jaelith ne lui lança qu'un regard désapprobateur et ne lui dit mot.

***


— Ce sont les paladins !

— Ils sont de retours !

— Les paladins sont là !

A peine avaient-ils posés le pied dans Rainstram qu'une dizaine de badauds les inondaient de questions. Lorsqu'ils virent Jaelith, qui s'était placé à la fin de la file, tenant le dragonnet dans ses bras, chacun la regarda étrangement.

La jeune femme préféra les ignorer et suivit le groupe jusque devant l'auberge où les attendais le chef. Elrynd descendit de monture, immédiatement imité par les autres paladins.

— Vous avez réussi ? Vous avez tué le dragon ?

Le capitaine acquiesça d'un signe de tête et vit le visage de l'homme s'orner d'un immense sourire.

— C'est formidable ! C'est merveilleux !

Les cris de joie fusaient de partout. Le chef du village tendit sa main vers celle d'Elrynd mais celui-ci la refusa.

— Désolé, mais je ne sers pas la main à des monstres comme vous et vos hommes.

— Qu'est-ce que vous racontez ?

Le paladin se mit à hurler.

— Combien d'entre vous ont participés au massacre des dragonnets ? Combien d'entre vous étaient au courant ?

Il y eu un silence de mort sur l'assemblée. Elrynd enfourcha sa monture et invita ses hommes à faire de même. Et c'est sans regret qu'ils quittèrent Rainstram.

***

Le groupe de paladin fut de retour à Silverlake vers minuit. Ils étaient tous épuisés. Les montures furent rapidement amenées aux écuries, et chacun prit le chemin des dortoirs.

— Jaelith, attends un instant s'il te plait.

Le capitaine la vit alors se retourner vers lui, le dragonnet dans les bras. Il s'était endormi. Le jeune homme posa ses yeux sur la créature, puis sur la jeune femme.

— Qu'est-ce qu'il se passe mon capitaine ?

— Je sais que tu es fatiguée, mais demain matin, je pense que nous devrions aller voir le seigneur Gareth pour parler de ce dragon.

— J'irai seule. Je n'ai pas besoin de votre pitié mon capitaine.

Elle avait insisté sur le mot pitié, puis s'était détourné du jeune homme sans dire un mot de plus, le laissant là. Il n'avait rien répondu, parce qu'il ne savait pas quoi répondre.

Jaelith ferma doucement la porte de sa chambre avec son coude, puis déposa doucement le dragonnet sur son lit. Il dormait paisiblement. Elle s'allongea à ses côté, sans même enlever ses vêtements sales du voyage. Elle se sentait très fatiguée. Elle ferma alors les yeux et la déesse du sommeil l'emporta presque immédiatement.

Et elle rêva.

***

Des images confuses, une sensation étrange.

Face à elle se trouvait une femme aux longs cheveux d'argent et aux yeux dorés. Son visage fin était très pâle. Ses lèvres s'ouvrirent lentement, et une douce voix annonça :

Les véritables monstres se réveilleront bientôt.

Elle leva son bras et pointa une énorme montagne. Au pic de celle-ci se trouvait un immense dragon noir. Ce dernier déploya ses ailes et lança un cri puissant. Alors une nuée de dragon apparurent, assombrissant le ciel couleur de sang.

La femme aux cheveux d'argent fit signe à Jaelith de regarder à l'opposé de la montagne. Là-bas, d'immenses forêts brulaient de milles flammes. Et elle entendait des milliers de cris de douleurs, des suppliques, des pleurs. La forêt pleurait.

Tu les entends ?

Jaelith ferma les yeux et se boucha les oreilles. Des larmes coulaient le long de ses joues, et la panique la gagnait peu à peu.

Tu les entends ? demanda-t-elle à nouveau de sa douce voix. La demie elfe acquiesça.

Personne d'autre ne les entend pleurer. Personne d'autre ne veut les aider, car ils se sont isolés de leur plein gré.

Jaelith releva la tête et observait le paysage en ruines qui s'offrait à elle. Elle l'avait déjà vu avant, mais quand ? Où ? Elle ne saurait le dire. Un drapeau déchiré flottait au vent. Elle y reconnu la forme d'un loup blanc. Des cendres voletaient dans le ciel, comme de la neige noire.

Prépare-toi à lutter petite humaine.

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