Chapitre 3 - La voie de la lumière

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Jaelith était en train de dormir lorsqu'on frappa doucement à la porte. Une voix qu'elle connaissait était en train de l'apeller.

— Jaelith ? C'est Gareth ! Est-ce que je peux entrer ?

Sans attendre de réponse, le vieux paladin poussa la porte de bois et entra. La jeune fille se redressa et se leva immédiatement.

— Je suis désolée, je m'étais endormie...

— Il n'y a pas de mal... Après toutes les épreuves que vous avez traversé, je peux comprendre que vous ayez eu besoin de prendre du repos...

Il se racla la gorge, puis continua.

— Jaelith... Est ce qu'on vous a dit ce qui était arrivé à votre mère ?

La jeune femme secoua la tête avant de se rappeler que son interlocuteur ne pouvait pas la voir.

— Non... Un soldat est venu nous annoncer qu'elle était morte, mais il n'a pas donné plus de détails...

Gareth tendit la main pour attraper la chaise qui se trouvait dans la chambre. Il s'assit et invita la jeune femme à faire de même. Elle s'assit alors sur le lit, curieuse de savoir ce que le vieil homme allait lui raconter.

— Ce n'est pas une histoire très drôle, car vous savez comme moi comment elle va finir... Mais vous avez le droit de savoir pourquoi et pour qui votre mère a donné sa vie... A cette époque, jamais nous n'avions eu de véritables problèmes avec les dragons. Ils vivaient dans leurs coins, nous vivions dans le nôtre. Ça s'arrêtait là. Le roi pensait même qu'une alliance avec eux était possible. Ils étaient puissants et intelligents. Ils le sont toujours d'ailleurs... La matriarche des dragons noirs, Lieran, a fini par perdre la raison après la mort de son compagnon...

— Que lui était-il arrivé ?

— Il a eu la malchance de tomber sur des braconniers... Le cuir de dragon est une denrée rare et certains sont prêts à payer le prix fort pour en avoir. Feihan n'a pas eu de chance. Et sa compagne ne l'a pas supporté. Elle est devenue incontrôlable, sa colère et sa vengeance se sont étendus à ses petits... Elle a commencé a attaquer les villages, puis s'en est prise à la capitale... A Silverlake, nous avons envoyé tous ceux qui étaient prêt à se battre pour arrêter la dragonne. J'avais moi-même personnellement écrit une lettre à votre mère pour qu'elle nous rejoigne dans cette terrible bataille...

Gareth baissa alors la tête, confus. D'une voix tremblante, il continua.

— Si j'avais su ce qui lui arriverait, je l'aurais laissé vivre tranquillement sa vie. Mais la connaissant, elle m'en aurait voulu jusque dans la mort.

Il s'arrêta quelques instants, perdu dans ses pensées, avant de reprendre.

— Palia Librevent, votre mère, était la meilleure élève que je n'ai jamais eu. Sa foi en la lumière était inébranlable, et elle parvenait toujours à motiver les troupes. Elle n'a pas hésité un seul instant, et deux jour après le début des combats, elle était sur place, se battant de toutes ses forces. Lors du peu de pauses que nous avions, elle me parlait de ceux qu'elle avait laissés chez elle. Beaucoup n'avaient pas compris à l'époque pourquoi une femme forte comme elle s'était entichée d'un elfe, maigrelet et incapable de se battre de surcroit.

Jaelith allait répondre, mais Gareth ne lui en laissa pas le temps.

— Mais moi, je sais. Jaelen, du peu que je l'ai connu, était quelqu'un de doux et d'attentionné. Le seul capable d'apaiser le caractère de feu de Palia. Elle était la lame, lui son fourreau. Une lame sans fourreau ne sert à rien et perd de sa puissance. Elle s'émousse, s'abime avec le temps. Elle était heureuse avec lui, et Jaelen a été capable de faire ressortir le meilleur d'elle-même.

Le vieux paladin leva la tête vers le plafond, et soupira longuement.

— Le jour où Palia a perdu la vie, nous étions dans la grande salle du trône. Lieran était là. Elle s'était infiltré à l'intérieur du château par on ne sait quelle magie démoniaque. Et elle a fondu sur le roi par surprise. Palia, moi-même et d'autres hommes avons essayé de le sauver, en vain. Lieran, dans sa folie, a tenté d'attaquer le jeune prince qui se trouvait là lui aussi. Elle avait repoussé tous les guerriers qui la combattait d'un souffle et s'était jeté vers lui. Je m'étais relevé précipitamment, comme la plupart des autres, et à cet instant, c'est comme si le temps s'était arrêté. Devant Lieran se dressait une guerrière aux cheveux dorés. Elle faisait barrage de son corps pour protéger le prince. Palia a profité de cet instant d'égarement pour éborgner la dragonne d'un coup d'épée bien placé. Mais cette dernière l'avait projetée violemment contre le sol et l'écrasait de tout son poids d'une de ses énormes pattes. Nous nous sommes tous jeté sur Lieran, frappant de toutes nos forces sur ces écailles, cherchant une faille. C'est la guerrière qui l'a finalement anéantie.

— Comment a-t-elle fait ?

— Elle s'est glissée sous la gorge de la dragonne qui ne savait pas où donner de la tête et l'a purement et simplement égorgée. Lieran ne pourrait plus jamais faire mal à quiconque, mais elle avait emportée dans sa folie tellement de vies...

— Et cette femme... Qu'est-ce qu'elle est devenue ?

— Elle a disparu peu après la bataille.

Un lourd silence s'était installé entre Jaelith et le vieux paladin. Ce dernier se releva et s'étira, et la jeune femme fit de même. Elle murmura.

— Je me doutais qu'elle était morte en combattant. Mais je ne pensais pas qu'elle s'était retrouvée face à un dragon. Je sais que rien ne pourra me la ramener, et pourtant... Je lui en veux toujours d'être partie là-bas et de ne pas être resté à nos côtés, à mon père et à moi...

— Je suis sincèrement désolé.

— Ce n'est pas de votre faute seigneur Gareth. Comme vous l'avez dit, si elle n'avait pas été mise au courant de cette bataille, elle vous en aurait voulu.

Jaelith soupira. Quelqu'un frappa à la porte, et une voix se fit entendre.

— Jaelith ? Puis-je entrer ?

C'était celle du capitaine Kervalen. C'est Gareth qui répondit.

— Vous pouvez entrer capitaine. Je suppose que vous êtes aller chercher des affaires pour votre protégée ?

Alors qu'il pénétra dans la chambre, les bras chargés des vêtements propres et d'une armure en cuir, Elrynd se mit à rougir.

— Non... Enfin oui....

Gareth étouffa un rire. Il se tourna alors vers Jaelith.

— Préparez-vous. Avec le capitaine ici présent, nous vous attendrons à la terrasse d'entrainement.

— Très bien. Merci.

La voix de la jeune fille tremblait. Les deux hommes sortirent de la chambre, la laissant seule. Et tandis qu'elle se préparait, elle repensait à sa mère. Elle était devenue une héroïne, mais ce statut lui avait couté la vie. Et elle Jaelith, serait-elle à la hauteur des espérances que tous ceux qui avaient connus sa mère avaient pour elle ?

L'armure de cuir lui allait parfaitement. Coquette, la jeune femme ajusta ses cheveux devant le miroir avant de sortir rejoindre Gareth et Elrynd.

***

Jaelith n'eut pas de mal à se rendre à la terrasse. Là-bas, quelques paladins s'entrainaient sur des mannequins en bois. La jeune femme avait ralenti l'allure pour les observer un peu, puis aperçut Gareth et Elrynd qui venaient vers elle.

— Jaelith, nous allons voir vos affinités avec la lumière. Annonça de but en blanc le vieux paladin.

Incrédule, elle s'entendit répondre :

— Mes affinités avec la lumière ? Mais je ne sais même pas si...

— La lumière est en chacun de nous, et chacun peut faire appel à elle. Concentrez-vous. Ne pensez qu'à la lumière.

C'était plus facile à dire qu'à faire. Jaelith ferma les yeux et chercha la lumière au plus profond d'elle-même. Tout était sombre. Au bout de quelques minutes, elle l'aperçut, petit point lumineux dans la nuit. Gareth semblait ravit.

— Comme votre mère avant vous Jaelith, la lumière n'attendait qu'une seule chose : que vous fassiez appel à elle.

— Et maintenant, que dois-je faire ?

— Vous voyez le mannequin là-bas ?

Il pointa du doigt des mannequins inutilisés et ajouta avec un grand sourire :

— Gardez à l'esprit que l'un de ces mannequins est votre ennemi et que vous devez le mettre hors d'état de nuire. Que ressentez-vous très exactement ?

Jaelith se concentra à nouveau, et d'une voix tremblante, répondit :

— De la colère. Une colère qui me brûle jusqu'au plus profond de moi-même. Quelque chose, que j'ai du mal à contrôler.

— Cessez de garder le contrôle de cette colère, et utilisez-la afin de vaincre votre adversaire.

La jeune femme leva les mains vers le mannequin. Elrynd fut alors aveuglé par une vive lumière et ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, la cible avait littéralement explosée. Jaelith, quand elle, était à genoux sur le sol, tentant de récupérer son souffle. Elle se tourna vers Gareth et demanda, paniquée :

— Que s'est-il passé ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

Le vieux paladin ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase.

— Je pense qu'il va nous falloir beaucoup de courage à tous les deux pour pouvoir vous permettre de contrôler correctement la lumière, Jaelith. Je n'avais pas ressentis cela depuis très longtemps... Depuis l'arrivée de votre mère dans cette académie pour être précis.

— Est ce que c'est normal que je me sente aussi fatiguée ?

Elrynd l'aida à se relever, tandis que Gareth lui expliqua d'une voix claire :

— Vous avez utilisé une grande partie de la lumière qui sommeillait en vous Jaelith. Il est normal que vous soyez aussi fatiguée. C'est pour cela qu'il va falloir vous entrainer à contrôler cette lumière. Sa puissance, d'une part, mais aussi son intensité. Une faible lumière n'est pas inutile, l'inverse non plus. Mais si vous utiliser la totalité de ce que vous possédez, il ne vous restera plus rien du tout. Quelques heures de repos vous permettront de récupérer votre énergie jeune fille. Mais en combat, qui peut dire si vous aurez le temps de vous reposer ?

Il avait raison.

— Capitaine Kervalen, conduisez là à l'infirmerie. Dame Alma devrait pouvoir s'occuper d'elle.

— A vos ordres.

Et tandis que le vieux paladin s'éloignait doucement, Elrynd souleva délicatement la jeune femme qui n'arrivait plus à tenir debout, prenant alors le chemin de l'infirmerie. Gêné par le silence qu'il trouvait pesant, le jeune capitaine interrogea Jaelith.

— Vous n'aviez jamais utilisé la lumière auparavant ?

Elle secoua la tête.

— Jamais. Tout du moins, pas à ma connaissance en tout cas. Pourtant... Ce n'est pas la première fois que je ressens ce genre de sensations.

— C'est à dire ?

— Cette impression de brûlure intérieure... C'est très désagréable.

— Ne vous inquiétez pas Jaelith. Tout se passera bien. Cette brûlure disparaitra quand vous saurez contrôler la lumière.

Jaelith ferma les yeux et se laissa aller à penser. Elle ressentait la lumière, tout au fond d'elle-même. Elle voyait toujours ce petit point lumineux. Et elle avait peur qu'il grandisse. Si ce peu de lumière avait provoqué cette énorme explosion, alors qu'en serait-il si elle utilisait sa totalité ?

— Quelque chose ne va pas ?

Jaelith ouvrit à nouveau les yeux.

— Ça va, je suis juste... Très fatiguée...

— C'est tout à fait normal. Je vais vous laisser aux bons soins de Dame Alma, notre prêtresse spécialisée dans les soins.

— Parce qu'il y a plusieurs spécialités de prêtres ?

— Exactement, tout comme pour les paladins. La lumière se manifeste de manière différente selon les gens.

— Et vous capitaine ? Comment la lumière se manifeste-t-elle à travers vous ? Vous pouvez faire exploser des mannequins en bois comme je l'ai fait tout à l'heure ?

— Pas du tout. La lumière ne me permet ni de soigner, ni même d'attaquer. Elle me sert à protéger.

Ils arrivaient à l'infirmerie et Alma en sortit pour venir à leur rencontre.

— A peine arrivée mademoiselle que vous vous faites déjà remarquer. Capitaine, si vous voulez bien la déposer sur ce lit, je vais l'ausculter.

Alma montra un lit vide aux draps blancs et propres et Elrynd y déposa la jeune femme.

— Je suppose qu'ils vous ont demandé d'utiliser la lumière et que c'est à cause de cela que vous êtes dans cet état ?

Jaelith acquiesça, et Elrynd détourna la tête, sentant le regard mauvais de la prêtresse posé sur lui.

— Eh bien, on peut dire que vous n'y avez pas été de main morte. Mis à part du repos, je ne vois pas ce que je peux vous proposer d'autre Jaelith...

— Comment savez...

Alma ne la laissa pas finir sa question.

— Tout le monde ne parle que de vous depuis ce matin. La fille de Palia est entre nos murs, je n'aurais jamais cru cela possible un jour...

Jaelith n'écoutait déjà plus. Elle avait fermé les yeux et s'était laissée envahir par le sommeil.

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